Pollen
L'affiche du film
Titre original :
Wings of Life
Production :
Disneynature
Date de sortie France :
Le 16 mars 2011
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Louie Schwartzberg
Musique :
Bliss
Durée :
77 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Symboles de la beauté de la Nature, délicates et gracieuses, les fleurs semblent devoir à jamais faire partie du quotidien des hommes. Leur disparition est ainsi une idée tellement folle que rares sont ceux, en effet, à simplement l'imaginer. Et pourtant, la situation des "pollinisateurs" est aujourd'hui si dégradée par l'action humaine qu'un monde sans fleurs ne relève plus du domaine de la science-fiction. Une chose est sure : l'équilibre de la planète repose bien sur l'intimité des rapports entre le monde végétal et animal...

La critique

rédigée par

Pollen est assurément le film Disneynature le plus détonnant du catalogue. Il est, en effet, le plus audacieux dans ses images, le plus original dans son thème et le plus militant dans son propos. D'une beauté extraordinaire, il révèle comme jamais la "Nature du quotidien" et les conséquences désastreuses de l'action des hommes sur elle...

En 2008, la compagnie de Walt Disney renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques soixante ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met, ainsi, en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire, L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950), La Terre, Cette Inconnue (1951), Le Seigneur de la Forêt (1952), Les Oiseaux Aquatiques (1952), Au Pays des Ours (1953), Everglades, Monde Mystérieux (1953), avant de s'ouvrir, en 1953, avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier constitue, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne, au final, six œuvres dont La  Grande Prairie (1954), Lions d'Afrique (1955), Les Secrets de la Vie (1956), Le Grand Désert Blanc (1958), Le Jaguar, Seigneur de l'Amazone (1960). Au total, en comptant les courts et longs-métrages, la série aura gagné en tout pas moins de huit Oscars !

Cocorico ! La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a, en effet, en 2005, la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran, à destination du grand public, un long-métrage, documentaire animalier, sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparait, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur, en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant, pour une fois, la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparait vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner, elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle, son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela, une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié d'une petite fille et d'une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le remuant patron de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Walt Disney Pictures, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux Etats-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008, Pollen le 16 mars 2011 en France tandis que les USA accueillent Félins à sa place le 22 avril 2011 (les français devant attendre le 1er février 2012 pour le découvrir). Chimpanzés, est, quant à lui, proposé le 20 avril 2012 (le 20 février 2013 pour la France). Enfin, Grizzly est attendu pour 2014. Un Jour sur Terre s'intercale dans ce calendrier déjà dense et débarque sur les écrans aux États-Unis, sous label Disneynature, à partir du 22 avril 2009, soit un an et demi après le reste du monde et notamment l'hexagone, où il est sorti en premier, le 10 octobre 2007. Dans la même veine, et toujours en attendant la réalisation de productions "maison", Disneynature se charge de labéliser aux USA un autre long-métrage français - distribué dans son pays d'origine par Pathé. Le public tricolore découvre ainsi Océans dès le 27 janvier 2010 tandis que les spectateurs outre-Atlantique patientent eux jusqu'au 22 avril 2010...

Le réalisateur de Pollen, Louie Schwartzberg, est un amoureux de la Nature et de la photographie. Sa passion remonte ainsi aux années 50. Enfant, il découvre, en effet, littéralement ébahi, une séquence du Mickey Mouse Club, restituant de manière accélérée la croissance des fleurs. Il se prend alors d'admiration pour la série des True-Life Adventures. Devenu cinéaste, il passe ainsi aléatoirement du poste de directeur de la photographie à celui de producteur ou de réalisateur. Le documentaire America's Heart & Soul est le premier long-métrage qu'il signe chez Walt Disney Pictures. Si ses images sont enthousiasmantes, son propos - tout comme sa raison d'être d'ailleurs - sont bien moins glorieux. Strictement réservé au marché américain, ce film est, il est vrai, la réponse manichéenne des dirigeants de Disney de l'époque (Michael Eisner en tête) au pamphlet anti-Bush du subversif Michael Moore, Fahrenheit 9/11, (Palme d'Or à Cannes en 2004) que Miramax, l'ex-filiale du groupe (remarquablement dirigée par les frères Bob et Harvey Weinstein) s'était vue interdite de distribuer sur le marché US. Louie Schwartzberg travaille ensuite pour la télévision avant de proposer à Disneynature l'idée de son deuxième film.

Pollen est d'abord un documentaire audacieux dans ses images. Si filmer des fleurs ou des insectes peut paraitre à la portée du premier cinéaste amateur venu, la restitution des matériels acquis s'avère, en réalité, fort délicate. Rendre vivant à l'écran le mouvement imperceptible des fleurs n'est, il est vrai, pas une mince affaire. Le réalisateur doit, pour cela, trouver le bon rythme pour accélérer les images sans dénaturer l'action. Il doit parvenir à faire défiler en quelques secondes un événement qui a pu durer toute une journée. Inversement, pour certains insectes, la technique du ralenti est appelée à la rescousse, histoire de tenir en haleine le spectateur qui prend alors conscience de la réalité qui se joue quotidiennement sous ses yeux... Pollen s'inscrit, en ce sens, dans la lignée de ses illustres prédécesseurs La Terre, Cette Inconnue (1951) ou Les Secrets de la Vie (1956). Il bénéficie, en revanche, de la révolution technologique opérée depuis et offre des opportunités nouvelles d'immersion dans un univers somme tout mystérieux. Les images mettent ainsi en exergue la beauté plurielle de la Nature ; des plantes, des insectes, des oiseaux et des mammifères. La photographie est véritablement exemplaire notamment dans ce qu'elle permet aux spectateurs d'appréhender réellement de tout prés des éléments de leur quotidien qu'ils pensaient pourtant bien connaitre. Le monde du petit se révèle alors merveilleux à souhait entre les ballets d'abeilles virtuoses, les pistils de fleurs multicolores ou le vol harmonieux des papillons. Si le public pensait de prime abord maitriser le sujet, il découvre bien vite du spectaculaire là où il n'en soupçonnait pas. Il est, dès lors, comblé comme il l'aurait pu l'être d'un reportage sur les félins ou les baleines...

Pollen est ensuite original dans son thème et son traitement. A la différence de nombreux documentaires qui restent plutôt contemplatifs (La Marche de l'Empereur, Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants, Un Jour sur Terre, ou Océans), il prend, en effet, le parti d'être pédagogique. Abordant un thème qui peut, sur le papier, apparaitre ennuyeux (un long-métrage de cinéma sur les fleurs et les pollinisateurs est à l'évidence un pari risqué dès lors qu'il prétend séduire le grand public), il soigne son rythme et son propos pour se rendre parfaitement digeste. Finalement passionnant, Pollen a cela de différent par rapport aux autres Disneynature, qu'il n'est pas avare en informations. Il enseigne ainsi à son auditoire sans jamais l'ennuyer ; son propos s'appuyant pour cela sur une narration efficace (Mélanie Laurent en français et Meryl Streep en anglais) et une musique cinématographique, (composée par Bliss) littéralement envoutante. Non content d'en prendre plein les yeux, le spectateur acquiert alors une connaissance qui se veut précise tout en restant accessible.

Pollen est enfin, et comme beaucoup de documentaires contemporains, véritablement militant. Traitant du problème du syndrome d'effondrement des colonies, bien moins exposé médiatiquement que le réchauffement climatique, il pousse un cri d'alarme en évitant soigneusement de donner dans le catastrophisme. Et pourtant, il met le doigt sur la plus grave crise environnementale que l'homme n'ait jamais connue dans une indifférence aussi générale qu'effrayante. Peu ont, jusqu'ici, conscience de la lente agonie des abeilles dont la population mondiale ne cesse de diminuer dans des proportions dramatiques. La survie de l'espèce est en jeu ; avec, à la clé, la disparition des fleurs et des plantes vivant des pollinisateurs ! Cette situation est catastrophique pour l'Homme qui perdrait au passage un tiers de son alimentation, en particulier tous les fruits et les légumes ! Pollen prend alors une démarche volontariste et démontre les nombreuses opportunités de résistance au problème. Pragmatique, il construit son argumentation sur l'impérieuse nécessité d'intégrer cette question environnementale primordiale dans la vie quotidienne, qu'elle se passe à la campagne ou en ville. Partageant le même producteur exécutif, Jake Eberts, Pollen reprend ici la démarche de Planète Secrète, un documentaire IMAX sorti chez Walt Disney Pictures en 2004. Les hommes ne sont ainsi pas occultés, ni dans leurs responsabilités collectives, ni dans leurs initiatives personnelles. Le film insiste donc sur l'interaction de l'Homme avec cette nature "du quotidien", certes belle et délicate mais surtout fragile. La vie humaine sur Terre dépend, en effet, de cette histoire d'amour étonnante entre les fleurs et une faune composée d'abeilles, de papillons, d'oiseaux et de chauves-souris. Par leurs jeux amoureux, ils permettent à toutes les espèces de se reproduire. Délicates et gracieuses, les fleurs ne se contentent pas ainsi d'être le symbole ultime de la beauté. Bien au contraire, leurs couleurs éclatantes, leurs parfums exotiques sont autant de merveilles qui, attirant et enivrant de désir les pollinisateurs, contribuent au cycle de la vie terrestre. De cette danse de séduction éternelle et complexe, dépendent un tiers des récoltes humaines ! Sans elle, l'homme ne pourra continuer à vivre sereinement...

D'une beauté à couper le souffle, Pollen prend, pour sujet, un thème à la fois proche des gens mais mal connu. Il révèle, en effet, sur pellicule, la formidable histoire d'amour du monde animal et végétal, à l'origine de l'équilibre salvateur de tous les êtres vivants de la planète. Il démontre une fois encore, et depuis la nuit des temps, qu'une histoire d'amour commence toujours avec une fleur...

Pollen est assurément le plus beau et le plus informatif des films Disneynature.

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