La Marche de l'Empereur

La Marche de l'Empereur est un documentaire français de Luc Jacquet. Véritable chef d'œuvre, le film accumule les qualités et semble parfois touché par la grâce. Il permet, ainsi, comme jamais avant lui, de prendre conscience de l'effort de toute une espèce pour assurer sa survie dans des conditions extrêmes. Servant des images somptueuses, le film assoit son récit sur un scénario d'une rare complexité pour le genre et prend ainsi une autre dimension.. Au delà de la beauté des paysages ici révélés, le spectateur découvre en effet des sentiments insoupçonnés, pour ne pas dire insoupçonnables, chez une espèce remarquable de bonté et de fraternité. Les manchots empereurs, dans leur course effrénée à protéger leur progéniture et congénères, donne assurément une belle leçon d'humanité.

La Marche de l'Empereur a rencontré un succès planétaire à la hauteur de son exceptionnelle qualité. Il est d'ailleurs devenu le film français le plus vu aux Etats-Unis, avant même Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet ou Le Cinquième Élément de Luc Besson. Produit par Buena Vista International (France), il a néanmoins été remanié pour le marché américain où la solution de la voix-off a été préférée à la technique des animaux "parlants".

Son parcours de production mérite attention tant il est à l'origine de la renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney, car La Marche de l'Empereur est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a, en effet, en 2005, la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran, à destination du grand public, un long-métrage, documentaire animalier, sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparait, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur, en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant, pour une fois, la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparait vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison-mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner, elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle, son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures ; un processus qui a aboutira à la création du label Disneynature...

La Marche de l'Empereur collectionne très justement les récompenses : du timide César 2006 du meilleur son à la triomphante Victoire de la musique 2006 de la meilleure bande originale de film, sans oublier bien sûr le somptueux Oscar 2006 du meilleur documentaire.

Digne héritier des True-Life Adventures créés par Walt Disney, incontournable et en passe de devenir culte, La Marche de l'Empereur se doit d'être vu.