Jake Shafer
Date de création : Le 16 mars 1961 Nom Original : Jake Shafer Créateur(s) : Ernest Nordli (Conception) Julius Svendsen (Animation) Art Stevens (Animation) |
Apparition : Cinéma Télévision Voix Originale(s) : Dallas McKennon |
Le portrait
En 1961, les studios Disney sortent en salle Le Chariot à Voile, l’un des derniers courts-métrages produits du vivant de Walt. Inspiré d’une vieille légende de l’Ouest, le dessin animé met en scène Windwagon Smith, capitaine exubérant qui s’est mis en tête de traverser les États-Unis à bord d’un étonnant conestoga équipé d’une voile de bateau, une entreprise aussi périlleuse que lucrative selon les dires du comptable Jake Shafer.
Jake Shafer fait partie des quelques habitants de Westport, la petite bourgade du Missouri servant de point de départ à la Santa Fe Trail et à l’Oregon Trail, deux des routes empruntées par les pionniers désireux de partir vers l’Ouest sauvage. Gestionnaire avisé présenté comme le « meilleur comptable du comté », c’est à lui que le maire, Monsieur Homer, fait appel lorsqu’il s’agit de vérifier les dires de Windwagon Smith. Le fringant capitaine prétend en effet que son chariot à voile est capable de transporter des marchandises à travers la prairie en quatorze jours, alors même qu’il faut deux mois à un véhicule tracté par des bœufs pour y parvenir.
Se saisissant de son crayon et de son carnet, Jake Shafer se livre donc à un calcul rapide. « Il est quatre fois plus rapide », s’exclame-t-il alors, « Bingo ! ». Continuant de griffonner sur sa feuille, le comptable cherche à préciser la rentabilité de l’engin. « Ça fait multiplier la mise par quatre ! », annonce-t-il, les yeux pétillants. D’une simplicité pourtant enfantine, les calculs de Jake Shafer ne tardent pas à galvaniser le maire qui s’imagine déjà faire fortune en affrétant toute une flotte de chariots à voile. Ni une, ni deux, toute la ville se met par conséquent en quatre pour bâtir un chariot gigantesque. Acceptant de donner toutes leurs économies au comptable, les habitants consacrent ainsi les jours suivants à la construction du bâtiment. Et après quelques jours de travaux, le véhicule est enfin prêt pour son voyage inaugural. Monsieur Homer, Jake Shafer et les autres hommes de la ville embarquent donc à bord pour cette première traversée fort prometteuse.
Poussé par les vents, le chariot se met en route à travers les herbes hautes. Si Windwagon Smith resplendit de bonheur, dans l’entrepont, les passagers ne font quant à eux pas les malins. « Selon mes calculs, nous filons à 60 à l’heure », explique Shafer dont les genoux tremblent au moins aussi fort que ceux des autres passagers. Au fur et à mesure que le chariot prend de la vitesse, les hommes de Westport se dégonflent. Bientôt, tous demandent à rentrer instamment à Westport. « Stop ! Vous avez un grain ou quoi ?!!! », hurle Jake Shafer qui, éjecté en dehors de la cale, tente de convaincre Smith de faire demi-tour…
Mais le chariot à voile est à présent incontrôlable... Le gouvernail est bloqué... Et le vent souffle si fort qu’il est impossible de s’arrêter. Pour sauver leur peau, les passagers sautent par-dessus bord. Tous réchappent alors à cette tornade qui emporte le vaisseau dans les airs. Windwagon Smith et la délicieuse Molly, la fille du maire qui s’est embarquée clandestinement, sont à présent perdus... Avec les années, l’histoire de Windwagon Smith a laissé place à la légende. Comme les autres témoins de l’événement, Jake Shafer est devenu un vieillard. La mine triste, il lui arrive encore de regarder le ciel avec le maire et les autres habitants qui, comme lui, ont vécu cette piteuse expérience. Et parfois, certains aperçoivent encore dans les nuages le vaisseau du capitaine voguer pour l’éternité dans l’étendue du ciel...
Mis en production à la fin des années 1950 afin d’occuper certains artistes entre deux projets d’envergure, La Belle au Bois Dormant et Les 101 Dalmatiens, Le Chariot à Voile s’inspire d’une vieille légende du folklore américain notamment mise par écrit en 1947 par l’écrivain Wilbur Lang Schramm dans son ouvrage Windwagon Smith and Other Yarns. Remontant au XIXe siècle, elle raconte les mésaventures du capitaine Smith, marin au long cours qui décida de traverser les étendues sauvages en direction de l’Ouest à bord d’un chariot non pas tiré par des bœufs, mais par une voile de navire. Partie de Westport, dans le Missouri, l’expédition se serait néanmoins mal passée. Selon les uns, tous les passagers, victimes du mal de mer, sautèrent par-dessus bord. Selon les autres, un accident réduisit le véhicule en miettes...
Au moment d’écrire le scénario du (Le) Chariot à Voile, le réalisateur Charles A. Nichols et Lance Nolley décident de reprendre les principaux éléments de la légende : le capitaine excentrique, le gigantesque chariot tracté par une voile, les notables de la ville obligés d’abandonner le vaisseau en marche... Ils font cependant le choix de densifier davantage l’histoire en ajoutant des protagonistes. Parmi eux, ils créent notamment les personnages du maire, Monsieur Homer, et du comptable, Jake Shafer.
Ultime réalisation de Charles A. Nichols, Le Chariot à Voile est l’un des derniers courts-métrages produits par les studios Disney. Il se distingue alors de la majorité des œuvres précédentes par son style typique de l’époque. Au cours des années 1950 et 1960, la mode est en effet au minimalisme, un choix largement impulsé par les studios UPA avec des productions comme Gerald McBoing Boing et Mr. Magoo. Appréciée du public et surtout beaucoup moins onéreuse, cette animation limitée a dès lors pris le pas sur les animations complexes et les décors fourmillant de détails à présent jugés d’un autre temps. Bien qu’il déteste ce style, Walt Disney n’a lui-même pas eu d’autre choix que de prendre ce virage. Bien avant la fin de la réalisation de La Belle au Bois Dormant, dernier long-métrage produit avec la technique ancienne, il l’utilise ainsi pour créer des cartoons comme Adventures in Music : Melody. Il s’en sert aussi à la télévision. Le style minimaliste est également utilisé lors de la conception des (Les) 101 Dalmatiens.
Reprenant ce style plus simple, les personnages du (Le) Chariot à Voile sont conçus par Ernest Nordli. Né à Salt Lake City le 15 juin 1912, l’artiste étudie à la Santa Barbara School of the Arts avant d’être engagé par Disney en 1936. Il sert alors comme directeur artistique et artiste de layout sur des films comme Fantasia et Dumbo. Travaillant également sur plusieurs cartoons avec Donald, il quitte un temps les studios au milieu des années 1950 et débute une collaboration avec Chuck Jones. Nordli signe cependant rapidement son retour chez Disney. Il œuvre ainsi sur La Belle au Bois Dormant et Les 101 Dalmatiens, participant à définir le style si particulier de ce dernier film. Dans les années 1960, Ernest Nordli passe chez Hanna-Barbera et planche sur The Alvin Show, Yogi l’Ours ou bien encore The Man From Button Willow. Il décède le 22 avril 1968 à l’âge de cinquante-cinq ans.
Ernest Nordli
Sous la mine d’Ernest Nordli, Jake Shafer apparaît sous les traits d’un homme grand et longiligne, à l’exact opposé de la petite taille et de la rondeur du maire. Le crâne dégarni, son visage est marqué par un long nez pointu supportant une paire de lorgnons, une petite moustache et un menton fuyant. Comme tout bon comptable qui se respecte, Jake Shafer porte la traditionnelle visière utilisée par les personnels de bureau pour se protéger de la lumière intense de leur lampe. Le personnage possède également les élastiques et les protections servant à tenir les manches de sa chemise et éviter qu’elles ne soient tachées par l’encre fraiche.
Les crédits du court-métrage indiquent que l’animation est assurée par Julius Svendsen et Art Stevens. Originaire de Norvège où il voit le jour en 1919, le premier entre chez Disney en 1940. Engagé dans l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale, il participe alors à la création de plusieurs courts-métrages : Adventures in Music : Melody, Les Instruments de Musique, Donald Visite le Grand Canyon. Associé à la production des émissions Man and the Moon, Mars et Au-Delà et À la Conquête de l'Espace réalisées par Ward Kimball, il travaille aussi sur quelques longs-métrages, Les 101 Dalmatiens, Les Aristochats, L’Apprentie Sorcière ainsi que Robin des Bois et Les Aventures de Winnie l’Ourson pour lesquels il sert comme scénariste. Également auteur de bandes dessinées, Julius Svendsen disparaît en août 1971.
Art Stevens naît quant à lui le 1er mai 1915 à Roy, dans le Montana. Commençant chez Disney en 1939 en tant qu'intervalliste sur Fantasia, il participe à la plupart des longs-métrages des studios, en particulier Peter Pan pour lequel il est promu animateur du personnage principal. En 1977, il coréalise Les Aventures de Bernard et Bianca aux côtés de Wolfgang Reitherman et John Lounsbery. Animateur d'Evinrude, il supervise ensuite Rox et Rouky et Taram et le Chaudron Magique. Il quitte les studios Disney en 1983, avant la fin de production de ce dernier film. Il décède le 22 mai 2007.
En version originale, Jake Shafer est interprété par Dallas McKennon. Né le 19 juillet 1919 à La Grande, dans l’Oregon, le comédien débute dès les années 1940 avec des apparitions nombreuses à la télévision et au cinéma dans des productions comme Badge 714, Terre de Violence, Q.T. Hush, Après Lui, le Déluge, Les Oiseaux, The Misadventures of Merlin Jones, Les Pas du Tigre, La Grande Caravane, Daniel Boone, Le Chat qui Vient de l’Espace et Tête Brûlée et Pied Tendre. Souvent cantonné à des seconds rôles parfois non crédités, McKennon est surtout connu pour être l’une des voix les plus populaires aux États-Unis. Au cours de sa carrière longue de près de cinquante ans, il a ainsi doublé des dizaines de personnages parmi lesquels Buzz Buzzard dans les cartoons de Woody Woodpecker, Toughy, le Visiteur du Zoo, la Hyène et Pedro dans La Belle et le Clochard, Vernon le hibou et le corbeau Diablo dans La Belle au Bois Dormant, certains chiens des (Les) 101 Dalmatiens, le renard dans Mary Poppins, les abeilles de Winnie l’Ourson et l’Arbre à Miel ou bien encore l’Ours pêcheur dans L’Apprentie Sorcière... Également entendu dans les attractions Big Thunder Mountain Railroad, it’s a small world, The Hall of Presidents, The Haunted Mansion et The American Adventure dans laquelle il incarne Benjamin Franklin, Dallas McKennon disparaît le 14 juillet 2009 à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
L’interprète de Jake Shafer en version française n’est pas connu...
Caricature de ces bureaucrates obnubilés par les chiffres et la rentabilité, Jake Shafer fait partie de ces personnages typiques des cartoons produits à Hollywood dans les années 1960.