Le Loup

Pierre et le Loup

Dans la culture populaire et les contes pour enfants, le loup a souvent occupé une place de choix. Le Petit Chaperon Rouge, Les Trois Petits Cochons, Le Loup et les Sept Chevreaux, Tom Pouce et Les Fables de La Fontaine sont ainsi autant d’exemples d’œuvres dans lesquelles l’animal joue le rôle du méchant parfait. Trouvant l’inspiration dans cette littérature séculaire, les artistes de Disney ont dès lors eux aussi mis en scène ces prédateurs dans leurs différentes productions à l’image de Pierre et le Loup, l’adaptation animée du célèbre contre musical de Sergueï Prokofiev composée en 1936 et incluse dans le long-métrage La Boîte à Musique sorti sur les écrans dix ans plus tard.

Le Loup fait son entrée dès les premières secondes de Pierre et le Loup. Alors que le narrateur s’arrête rapidement sur les différents instruments symbolisant les protagonistes de l’histoire, une séquence entière est consacrée au méchant. La neige est épaisse. Le vent soulève des centaines de flocons. La visibilité est mince. Des empreintes ne laissent aucun doute sur la présence du prédateur qui se glisse derrière les arbres à patte de velours avant de surgir, face caméra, dans un grognement terrifiant !

L’animal est de retour quelques minutes plus tard. Entre-temps, le petit Pierre, le héros de l’histoire, s’est aventuré dans la forêt, désobéissant de fait à son grand-père qui, pourtant, le lui avait interdit. Accompagné par ses compagnons, l’oiseau Sacha, la cane Sonia et le chat Ivan, le garçon s’est armé de son fusil à bouchon afin de chasser le Loup.

Peu ordinaire, la fine équipe s’enfonce dans les bois en regardant tout autour d’elle afin de s’assurer que le monstre n’est pas dans les parages. Marchant à reculons, Ivan ne se rend alors pas compte que le Loup est justement derrière lui. Les yeux enragés, la bête salive déjà à l’idée de se mettre tous ces intrus sous la dent. Étourdie, Sonia manque d’être dévorée. En lui tirant dans le nez avec son fusil factice, Pierre ne fait qu’attiser la colère du prédateur qui se lèche les babines.

Voyant ses proies se carapater, le Loup se met à courir à travers les bois. Il plonge bientôt sa tête dans le creux d’un arbre où Sonia avait trouvé refuge. Les plumes qui tombent au sol laissent présager le pire pour la pauvre cane... En pleurs, Pierre, Sacha et Ivan ont eu le temps de monter sur une branche haute. Ils sont tous sains et saufs. Mais pour combien de temps ? Au pied de l’arbre, le Loup tourne en effet en rond en attendant que l’un ou l’autre soit obligé de redescendre. Sacha tente de le faire déguerpir et manque de se faire avaler tour cru. L’oiseau est sauvé in extremis par Pierre et Ivan qui retiennent le Loup grâce à une corde attachée à sa queue. Mais lorsque le prédateur parvient à se hisser sur la branche, l’enfant et le chat sont à leur tour à sa merci...

La messe semble dite quand trois chasseurs passant par là arrivent à la rescousse. Ils n’ont cependant pas le temps de tirer le moindre coup de feu. Au sommet de l’arbre, Pierre et Ivan sont miraculeusement parvenus à ficeler le Loup. Le petit garçon et le chat ont ainsi réussi à capturer le monstre ramené en ville sous les acclamations de la foule réunie pour saluer l’exploit de Pierre.

Initialement conçue pour figurer au sein d’une suite de Fantasia, le concert animé produit par Walt Disney en 1940, la séquence de Pierre et le Loup s’inspire de l’œuvre éponyme composée en 1936 par Sergueï Prokofiev. Le concept imaginé par l’auteur est alors simple. Il s’agit de créer un conte symphonique et pédagogique pour initier les enfants à la musique classique et leur faire découvrir les principaux instruments d’un orchestre symphonique. Prokofiev imagine ainsi une variante au traditionnel Petit Chaperon Rouge en inventant le personnage de Pierre, un jeune soviétique vivant dans les plaines enneigées de Russie et qui rêve de chasser le loup.

Joué pour la première fois le 2 mai 1936 au Théâtre central pour enfants de Moscou, Pierre et le Loup est entièrement basée sur la musique associée à une narration. Aucun des personnages, en effet, ne parle. L’histoire est racontée par un narrateur. Chaque protagoniste, pour sa part, est symbolisé par un instrument de musique. Pierre est ainsi représenté par le quatuor à cordes, l’oiseau par une flûte traversière, la cane par un hautbois, le chat par une clarinette, le grand-père par un bassin et les chasseurs par des timbales et une grosse caisse. Dans la partition, le loup est enfin associé à trois cors utilisés pour inspirer le danger et le caractère lugubre du personnage.

Alors en pleine production de Pinocchio et de Fantasia, les studios Disney reçoivent eux-mêmes la visite de Sergueï Prokofiev le 28 février 1938. Le compositeur russe est alors invité à faire le tour des locaux afin d’observer les projets en cours. Se voyant expliquer les différentes étapes du processus de création d’un dessin animé, il prend bientôt place derrière un piano et présente sa dernière création, Pierre et le Loup, qu’il espère voir un jour adaptée à son tour par les équipes de Disney. Walt est séduit. Il achète les droits sur l’œuvre et lance la production. Quelques changements sont néanmoins opérés. Les animaux sont en particulier nommés à l’exception notable du Loup, qui reste anonyme afin d’accentuer son côté sauvage. Le personnage de Sonia, la cane, est par ailleurs sauf à la fin du film, contrairement à l’histoire originale.

Bien que très populaire dans les contes pour enfants, le Loup n’avait jusqu’à présent pas été utilisé outre mesure par les artistes de Disney. Seul le Grand Méchant Loup apparu en 1933 dans Les Trois Petits Cochons avait pour l’heure laissé son empreinte dans la filmographie des studios. Pour concevoir le Loup de Pierre et le Loup, les scénaristes et les dessinateurs décident cependant de ne pas reproduire la même recette qu’avec le Grand Méchant Loup. Pour les besoins de l’histoire, ce dernier avait en effet été anthropomorphisé. Vêtu d’un pantalon rouge, d’une paire de bretelles vertes et d’un haut de forme écrasé, il pouvait par ailleurs s’exprimer, le comédien Billy Bletcher se chargeant de lui prêter sa voix.

Concept-arts pour le personnage du Loup

Le Loup de Pierre et le Loup est lui très différent. Bien que caricatural, l’animal conserve son apparence naturelle et sauvage. Il est dépourvu de parole. Il marche à quatre pattes. Sa fourrure, grise, est rehaussée de poils hirsutes noirs. Sa mâchoire, énorme, est acérée et dégoulinante de bave. Ses yeux, en amande, sont jaunes avec des iris rouge écarlate.

Dessin d'animation

L’animation du Loup est confiée à deux des artistes les plus chevronnés des studios Disney, John Lounsbery et Ollie Johnston.
John Lounsbery naît le 9 mars 1911 à Cincinnati. Au début de sa longue carrière chez Disney entamée en 1935, il devient l'un des spécialistes de Pluto qu'il a animé dans de nombreux courts-métrages. Il a en outre donné vie à des dizaines de personnages remarquables tels que la Reine Grimhilde changée en sorcière, Grand Coquin et Gédéon, Ben Ali Gator, Chicken Little, Willie le géant, la rose chef d'orchestre et le chat de Cheshire dans Alice au Pays des Merveilles, Monsieur Darling, le duo Tony et Joe dans La Belle et le Clochard, les rois de La Belle au Bois Dormant, le colonel Hathi, Tigrou ainsi qu'à deux autres loups notables, celui de Merlin l’Enchanteur et le Shérif de Nottingham, l’un des grands méchants de Robin des Bois. Nommé coréalisateur des (Les) Aventures de Winnie l'Ourson et des (Les) Aventures de Bernard et Bianca, John Lounsbery décède le 13 février 1976 avant que les deux longs-métrages ne soient achevés. Un Disney Legends Award couronne sa carrière.

Membre, comme Lounsbery, du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, Ollie Johnston naît le 31 octobre 1912 à Palo Alto. Après avoir suivi les cours de l’Institut Chouinard, il entre chez Disney en 1935. Débutant comme intervalliste sur plusieurs courts-métrages avec Mickey, il monte en grade et devient animateur puis superviseur. Au générique de presque tous les longs-métrages d’animation Disney, de Blanche Neige et les Sept Nains à Rox et Rouky, il a notamment donné vie à Pinocchio, Pan-Pan, Javotte et Anastasie, Alice, Monsieur Mouche, Jock, les trois fées de La Belle au Bois Dormant, Nanny, Archimède, Mowgli et Baloo, le Prince Jean, Winnie et Porcinet ainsi que Rox et Rouky. Grand passionné de trains anciens, lui aussi élevé au rang de Disney Legend en 1989, Ollie Johnston est mort le 14 avril 2008 à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.

En version originale comme dans toutes les autres versions de Pierre et le Loup, les grognements du Loup sont enregistrés par l’ingénieur du son James (Jimmy) MacDonald.

Né à Dundee, en Écosse, le 19 mai 1906, MacDonald débute chez Disney en 1934. Travaillant au département chargé des effets sonores, il œuvre alors sur des dizaines de cartoons, inventant pour l’occasion pléthore d’instruments et de machines parfois bricolés avec les moyens du bord. Imitant les hoquets de Timide dans Blanche Neige et les Sept Nains, il est chargé dès 1946 par Walt Disney de lui succéder en tant que voix originale de Mickey Mouse, un rôle que MacDonald tiendra jusqu’à sa retraite en 1983, année durant laquelle il passe le flambeau à Wayne Allwine. Voix, entre autres, de Choupette, l’héroïne d’Un Amour de Coccinelle, et d’Evinrude, la libellule des (Les) Aventures de Bernard et Bianca, James MacDonald disparaît le 1^er février 1991 à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Un Disney Legends Award salue sa carrière.

Le Loup est de retour sur les écrans dès 1955 au moment de la sortie indépendante de Pierre et le Loup. Il apparaît ensuite deux ans plus tard dans l’émission de télévision The Fourth Anniversary Show. Diffusé le 11 septembre 1957 sur les ondes d’ABC, l’épisode de Disneyland offre en effet aux téléspectateurs de découvrir ou redécouvrir le cartoon montré après une reconstitution de la rencontre entre Walt Disney et Sergueï Prokofiev.
Le 11 mars 1960, le Loup fait partie des personnages réunis autour de Donald dans l’épisode Donald, Vedette de Télévision. Le prédateur apparaît alors ficelé à un morceau de bois porté sur leurs épaules par les chasseurs.

L’animal est de retour le 11 mars 2002 dans le quinzième épisode de la première saison de Once Upon A Time - Il Était une Fois. Intitulé Le Grand Méchant Loup, l’opus met en scène Scarlett (le Petit Chaperon Rouge), Pierre et les chasseurs. Lorsque ces derniers sont retrouvés morts, Pierre se lance à la recherche du Loup. Le héros est alors lui-même tué par le monstre qui s’avère être en réalité sa fiancée, Scarlett, transformée en Loup sous l’effet de la pleine Lune.

Lambert, le Lion Bêlant

À noter qu’en 1952, un autre loup très semblable à celui de Pierre et le Loup fait une apparition remarquée dans le court-métrage Lambert, le Lion Bêlant. Étant donné que l’action semble se dérouler dans un lieu totalement différent, il est peu probable qu’il s’agisse du même personnage. Néanmoins, pour animer ce nouveau loup, les artistes de Disney ont réutilisé certaines plans de Pierre et le Loup, notamment le passage où l’animal regarde les spectateurs face caméra. Si le Loup du court-métrage de 1946 était une brute épaisse, le Loup de Lambert, le Lion Bêlant est pour sa part davantage tourné en ridicule.

Le Loup apparaissait jadis à Disneyland Paris dans l’attraction Le Pays des Contes de Fées.

Le Pays des Contes de Fées

Au cours de la petite croisière, les visiteurs pouvaient en effet observer sur la berge le diorama consacré à Pierre et le Loup. Dans ce décor enneigé, le Loup se cachait derrière un sapin. En 2024, la scène a cependant été supprimée pour être remplacée par une nouvelle inspirée du Grand Classique La Reine des Neiges.

Personnage incontournable dans l’univers des contes de fées, le Loup est l’un des plus beaux méchants de Disney.