Le Dragon Récalcitrant
Date de création : Le 20 juin 1941 Nom Original : The Reluctant Dragon Créateur(s) : Albert Hurter Kay Nielsen Ward Kimball |
Apparition : Cinéma Télévision Parcs Livres BD Voix Originale(s) : Barnett Parker (Le Dragon Récalcitrant) Jeff Bennet (Disney's Tous en Boîte) Voix Française(s) : Jacques Ferrière |
Le portrait
Le Dragon Récalcitrant est le personnage principal qui donne son nom à la séquence finale ainsi qu'au long-métrage dans son intégralité Le Dragon Récalcitrant, sorti au cinéma le 20 juin 1941. De par sa superbe animation et sa personnalité maniérée et extravagante, le Dragon Récalcitrant peut surement être considéré comme le tout premier personnage gay officieux des studios Disney. Même si son film est resté longtemps dans l'oubli, le Dragon Récalcitrant est tout de même réapparu sur un support ou un autre au fil des décennies, preuve de l'impact du personnage chez les artistes Disney. Désormais, avec la disponibilité du film de 1941 sur Disney+, le public a la possibilité de s'approprier davantage ce truculent poète à écailles.
Le dragon apparaît la première fois alors qu'il est en train de se doucher joyeusement en chantonnant sous une petite cascade. Un garçon, alerté par son père qui a vu un horrible dragon, a décidé de se rendre compte du danger de ses propres yeux. D'abord méfiant, le dragon se sent tout de suite à l'aise quand le garçon lui dit qu'il est venu en ami. Pudique, la bête lui demande de se tourner le temps qu'il sorte du bain et se sèche avec sa queue en guise de serviette. Le plus amusant est de le voir se cacher derrière une pierre alors qu'une fois sec, il sera aussi peu habillé que quand il était mouillé. Le garçon en profite pour le questionner afin de savoir s'il a participé à de grandes batailles ou s'il a dévoré et terrorisé des habitants. Choqué, le dragon avoue qu'il ne fait pas ce genre de choses. La plus désespérée qu'il ait jamais pratiquée est en effet la composition de poésie. Il en profite d'ailleurs pour lui réciter son dernier poème, « Un Simple Vagabond ». Le garçon est interloqué tant la personnalité du dragon ne ressemble pas du tout à celle qui est présentée habituellement dans les livres. Il le prévient tout de même qu'il court un danger. Son père est, en effet, parti prévenir le village pour que le dragon soit exterminé, pensant que la bête est un ennemi de la race humaine. Le dragon balaye alors d'un revers de la main la mise en garde du garçon et retourne batifoler en congédiant ce corbeau de mauvais augure.
Quand le garçon apprend qu'un tueur de dragon a été embauché par les habitants de son village, il revient prévenir le Dragon Récalcitrant. Il le retrouve alors en train de donner un cours de chant à des oiseaux. Il apprécie d'ailleurs moyennement l'interruption et refuse d'entendre parler de combat. Après tout, il n'a jamais combattu de sa vie et ne compte pas commencer aujourd'hui. Il renvoie donc à nouveau le garçon et reprend sa leçon. Le bambin ramène alors Sir Giles, le tueur de dragon, pour l'aider à convaincre la bête de participer au combat. Ils la trouvent alors fredonnant la chanson à sa gloire, Le Dragon Récalcitrant, tout occupé à se faire un pique-nique. Les voyant arriver, le dragon invite le garçon et son invité à s'asseoir sur son ventre géant. Mais quand le garçon présente Sir Giles en tant que tueur de dragon, la bête se vexe et range tout son paquetage, leur prenant les sandwiches de confiture de la bouche. Néanmoins, il se radoucit quand Sir Giles lui annonce qu'il voulait le rencontrer afin qu'il lui récite l'un de ses poèmes. Le Dragon Récalcitrant déclame alors « Le Gâteau Renversé » dont la prestation est saluée par Sir Giles qui va ensuite également lui réciter une poésie.
Le garçon essaye de ramener le chevalier et le dragon à se concentrer sur le problème du combat. Mais le Dragon Récalcitrant refuse d'entendre un mot de plus car il est hors de question qu'il se batte. Le garçon et Sir Giles essayent alors de lui faire entendre raison car il est bien écrit dans les livres que les dragons sont de féroces guerriers et qu'il ne peut, en plus, décevoir tout un village. Le Dragon Récalcitrant reste fermé aux arguments et se retire dans ses appartements, en réalité une grotte. Les deux humains décident donc de le prendre par les sentiments quand ils lui promettent que ce sera un spectacle grandiose où de nombreux spectateurs seront là pour l'acclamer. Le stratagème fonctionne presque jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il sera attaqué à coup de lances, le faisant se rétracter à nouveau. Sir Giles lui propose alors de faire semblant à l'image d'un acteur de théâtre et la bête finit par accepter.
Le lendemain matin, tandis que la foule et Sir Giles attendent la sortie du Dragon Récalcitrant, ce dernier reste cloîtré dans sa caverne. Il faut dire qu'il a un problème de taille : il ne sait pas cracher du feu. Pour ce faire, il lui faut il est vrai être en colère, sauf qu'il ne l'est jamais ! Le garçon essaye tout de même de l'encourager mais le dragon arrive juste à recracher un cercle de fumée. Déçu, le garçonnet insulte la bête en le traitant de poète raté. Ce qualificatif rend furieux le Dragon Récalcitrant, lui permettant par miracle de cracher le précieux feu. Il est donc en mesure de livrer sa représentation face à Sir Giles. Le combat commence avec d'un côté le chevalier avec sa lance et sa monture et de l'autre le dragon qui utilise sa queue comme une arme et la fumée qu'il dégage comme un moyen de se dissimuler. Les deux guerriers se rendent alors dans la grotte et simulent une attaque sanglante en faisant des bruits atroces en tapant juste sur des bassines en métal et en criant à l'aide. Pendant ce temps, ils sont en réalité en train de prendre le thé bien tranquillement.
Sir Giles et le Dragon Récalcitrant décident alors de jouer le dernier acte à leur tartuferie. Ils sortent de la grotte et s'affrontent : Sir Giles s'élançant avec sa lance ; le Dragon pointant sa queue de pique. Le choc crée ainsi un énorme nuage de poussière. Ils simulent de nouveau un combat alors qu'ils sont en train de danser à l'abri des regards. Mais il est temps d'apporter la conclusion au spectacle avec la fausse mort du dragon, une lance le transperçant de part en part (en réalité, juste coincée sous son bras). Plus tard, en soirée, le Dragon Récalcitrant est à la table des villageois, invité d'honneur d'un banquet. Il promet en levant son verre de ne plus grogner, ni gronder ou de terroriser les villageois ; promesse qu'il lui sera facile de tenir.
Le personnage qui donne le nom à l'histoire vient de la nouvelle Le Dragon Récalcitrant écrite par Kenneth Grahame. Ce dernier est né à Edimbourg, en Écosse, en 1859. Il travaille alors pour la Banque d'Angleterre dont il devient le secrétaire général en 1898. Il écrit parallèlement pour The Yellow Book (anthologie de littérature anglaise de l'époque) et publie par son biais, dans Pagan Papers en 1893, plusieurs nouvelles. Six d'entre elles décrivent la vie de famille de cinq orphelins. De ces histoires, deux recueils sont extraits : The Golden Age (1895) et Dream Days (1898) ; ce dernier comprenant la fameuse histoire du (Le) Dragon Récalcitrant ! Après elles, Kenneth Grahame écrit Le Vent dans les Saules, une suite de lettres et d'histoires racontées à son fils Alistair à l'heure du coucher, qu'il n'a pas véritablement la volonté de voir publiée. Finalement proposé en Angleterre en 1908, Le Vent dans les Saules connaît d'abord un succès mitigé avant de devenir un classique de la littérature anglaise. En plus du (Le) Dragon Récalcitrant, Disney adaptera également Le Vent dans les Saules sous le titre de La Mare aux Grenouilles en l'incorporant au film d'anthologie de 1949, Le Crapaud et le Maître d'École.
C'est en réalité à la fin des années 30 que Walt Disney fait l'acquisition d'une édition du livre de Kenneth Grahame contenant des illustrations de E.H. Shepard, connue pour avoir fait également celles de Winnie l'Ourson pour Alan Alexander Milne. L'artiste Albert Hurter propose alors de nombreux concept arts, aidé également par Kay Nielsen et Martin Provensen. Mais l'apparence finale et la merveilleuse animation du personnage sont en réalité dues à Ward Kimball, animateur historique des studios Disney et membre de la célèbre équipe des « Neuf Vieux Messieurs », qui s’est chargé quasiment à lui seul de l'animation du personnage du Dragon Récalcitrant. Artiste à la personnalité excentrique, Ward Kimball affiche à son actif d’illustres personnages Disney parmi lesquels Jiminy Cricket dans Pinocchio (1940), les Corbeaux dans Dumbo (1941), les Souris et le chat Lucifer dans Cendrillon (1950), Tweedle Dee et Tweedel Dum, le Chafouin, le Morse et le Charpentier dans Alice au Pays des Merveilles (1951), ainsi que la célèbre scène de danse réunissant Donald, Panchito Pistoles et José Carioca dans Les Trois Caballeros (1945). Mais il peut être aussi cité son animation des personnages de Donald Dingue (1961) ou encore de Toby Dick (1968) sans parler naturellement de ses superbes réalisations pour l'émission d'anthologie comme À la Conquête de l'Espace (1955) ou Mars et Au-Delà (1957).
La séquence du (Le) Dragon Récalcitrant vaut essentiellement pour son personnage principal, le dragon. Précieux, plus efféminé que dandy, il n'a, en effet, aucune envie de se battre ou de se comporter en dragon traditionnel. Il ne pense ainsi qu'à batifoler, faire de la poésie et boire du thé. La couleur choisie, son apparence et sa démarche en font un personnage vraiment attachant. L'animation de Ward Kimball est tout simplement fabuleuse à tel point que le visionnage du court-métrage est indispensable rien que pour profiter de la gestuelle et des mimiques du personnage du Dragon Récalcitrant. Son opposant Sir Giles (une sorte de Don Quichotte moyenâgeux) n'est pas en reste : tout aussi folklorique, il partage avec le dragon la passion de littérature. C'est finalement le petit garçon qui sert de lien et de fil directeur à l'histoire en ramenant (comme il peut) les deux protagonistes et à la bienséance, et à l'ordre établi. Il est vraiment amusant de voir l'enfant représenter la pensée conformiste tandis que les adultes (homme et dragon) sont, eux, des hurluberlus qui ne rêvent que de faire ce qu'ils aiment en contournant les règles sociales. Finalement, ils devront tout de même s'en accommoder mais en trompant leur monde et faisant semblant selon l'adage : pour vivre heureux, vivons cachés... Faut-il voir dans ces personnage et cette histoire, une parabole sur la condition homosexuelle de l'époque, la question mérite d'être posée... Ward Kimball, qui a adoré animer ce personnage, avoue en tout cas en riant lors d'une interview que certains conservateurs au sein des studios trouvaient que le dragon faisait très "gay". De là à penser qu'il s'agit du premier personnage homosexuel officieux de Disney, il n'y a qu'un pas qu'il est facile de franchir.
La réussite du personnage tient aussi à sa voix anglaise tout simplement fabuleuse tenue par Barnett Parker. Parmi les acteurs britanniques expatriés à Hollywood durant les années 1930, Barnett Parker était sûrement l'un des plus stéréotypés. Né le 11 septembre 1886 à Batley dans le Yorkshire au Royaume-Uni puis éduqué au Harrowgate College, son allure toujours droite, au front dégarni, avec une prestance aristocratique lui a fait caricaturer une multitude de majordomes polis et de serviteurs onctueux et raides. Pourtant, dans chacune de ses prestations se cachait le petit grain de folie où ses personnages, quand ils étaient poussés à la frustration, pouvaient tenir des propos incohérents et avoir des gestes désordonnés. Ses films les plus marquant sont sûrement L'Extravagant Mr. Deeds (1936), Valet de Cœur (1937), La Vie, l'Art et l'Amour (1937) ou Le Règne de la Joie (1937). Le Dragon Récalcitrant sera l'un des ses dernier rôles puisqu'il meurt d'une crise cardiaque à l'age de 54 ans le 5 août 1941, soit quelques semaines après la sortie du film.
Le long-métrage Le Dragon Récalcitrant de 1941 n'a jamais été doublé dans son intégralité en France. Par contre, le court-métrage a eu droit, lui, à un doublage dans les années 80 ; Jacques Ferrière se chargeant de la voix du dragon. Jean-Claude Fradin, dit Jacques Ferrière, est un acteur et parolier français, né le 6 décembre 1932 à Paris. S'il a tourné dans quelques films, notamment aux côtés de Louis de Funès et Bourvil dans Le Corniaud (1964), il est surtout connu pour sa voix dans des dessins animés. Pour Disney, il a notamment fait la Cigogne dans le second doublage de Dumbo, Dijon et Arsène dans La Bande à Picsou - Le Film : Le Trésor de la Lampe Perdue, M. Patate dans le premier Toy Story et Napa dans la série à prises de vues réelles Zorro et Fils.
Le long-métrage Le Dragon Récalcitrant sort sur les écrans américains le 20 juin 1941 et n'aura droit à aucune ressortie. Le court-métrage Le Dragon Récalcitrant est, lui, proposé seul, en 16mm, en octobre 1975. Il ressortira ensuite en VHS dans des compilations ou dans la collection des Mini Classiques. La diffusion en France du film est encore plus réduite qu'aux États-Unis. Il a, en effet, eu droit à une exploitation au cinéma avec une sortie en salle le 18 juillet 1947 sous le titre Les Secrets de Walt Disney. Puis il tombe dans l'oubli dans l'hexagone, même si le cartoon Le Dragon Récalcitrant est proposé dans différentes compilations et que le film a même droit à une sortie en VHS en 1999 avant son arrivée sur la plateforme Disney+ en 2020.
Au-delà de son film et de son cartoon d'origine, le personnage du Dragon Récalcitrant sera assez charismatique pour signer d'autres apparitions en animation. La première a lieu à la télévision le 2 février 1955 quand sa séquence animée est rediffusée dans l'épisode Wind in the Willows de l'émission de la chaîne américaine ABC Disneyland compilé avec le moyen-métrage La Mare aux Grenouilles ; Walt Disney en profitant pour rendre hommage à l'auteur anglais Kenneth Grahame. Il apparaît ensuite, mais cette fois-ci avec de l'animation inédite, le 11 mars 1960 dans l'épisode Donald, Vedette de Télévision diffusé dans le cadre de l'émission Walt Disney Presents toujours sur ABC. L'opus, qui rend hommage à la carrière audiovisuelle de Donald Duck en rediffusant d'anciens cartoons du canard, voit alors de nombreux personnages Disney réunis pour l'occasion. À la fin, le dragon est vu sautillant dans le salon du canard, étant l'un des derniers personnages dans la séquence.
Il réapparaît en 1988 dans le court-métrage éducatif What Can You See by Looking ? de la collection Language Arts Through Imagination. Cette série, centrée sur le personnage de Figment, le fameux dragon de l'attraction Journey Into Imagination d'Epcot à Walt Disney World Resort, propose plusieurs courts-métrages mélangeant animation et prises de vues réelles autour de thématiques d'éveil et d'apprentissage à destination des enfants. Dans le deuxième opus de la série, Figment révèle qu'il est le neveu d'un dragon qui ressemble beaucoup au Dragon Récalcitrant mis à part qu'il est de couleur violette et non verte. Toujours la même année, le Dragon Récalcitrant est revu dans le film Qui Veut la Peau de Roger Rabbit où il apparaît trois fois. La première quand Eddie Valiant rentre dans Toonville, le personnage est remarqué à travers la fenêtre de la voiture en train d'envoyer des baisers au conducteur. Un peu plus loin, quand Eddie a un accident dans Toonville, le dragon est vu en train de courir au carrefour, fuyant Sir Giles qui le poursuit. Enfin, à la fin du long-métrage, quand Roger Rabbit retrouve le testament de Marvin Acme, il fait partie des toons entourant les héros et peut être aperçu de dos.
Qui Veut la Peau de Roger Rabbit (1988)
Il faut ensuite patienter jusqu'en 2001 pour que le personnage du Dragon Récalcitrant refasse son apparition à la télévision dans la série Disney's Tous en Boîte. Le personnage est présent dès le générique où le téléspectateur le voit rentrer en courant dans le club de Mickey puis un peu plus loin assis parmi l'assistance. Il est aussi vu dans de nombreux épisodes. Parmi les plus marquants, il peut être cité Mickey et Minnie Partent en Vacances où il est présent avec de nombreux dragons Disney après que Donald les a réunis, La Soirée de la Musique où il ne supporte par le son du nouveau groupe de rock ou encore Pluto se Repose où un boulet de canon rebondit sur son ventre alors qu'il est en train de prendre une tasse de thé.
En 2023, les Walt Disney Animation Studios célèbrent dignement leur centième anniversaire avec Il Était une Fois un Studio, un court-métrage spécial dans lequel sont exceptionnellement rassemblés des centaines de personnages Disney d'hier et d'aujourd’hui. Le Dragon Récalcitrant y est naturellement présent. Il est notamment visible un court instant, lorsque la Marraine Fée de Cendrillon utilise sa magie pour aider le maladroit Dingo à remonter sur son échelle. Il apparaît ensuite sur la grande photo de famille prise sur l'esplanade du Roy E. Disney Animation Building.
Il Était une Fois un Studio (2023)
Le Dragon Récalitrant sort lors d'une période houleuse pour Walt Disney. Le 29 mai 1941, un mois avant la sortie du film, les animateurs des studios entament, il est vrai, un conflit qui reste le plus long de l'histoire des studios et qui y changera, à jamais et profondément, l'ambiance de travail. Cette grève a des répercussions sur l'exploitation de l'opus. Certains artistes vont notamment planter leur piquet de grève devant les cinémas qui passent le dernier long-métrage. Forcément, le personnage du Dragon Récalcitrant étant l'élément central du film, il est alors détourné par les animateurs Disney pour faire passer leurs messages syndicaux. Une immense pancarte formée de plusieurs panneaux portés par huit grévistes voit un immense dragon avec la tête de Walt Disney. À son cou, un collier où est marqué « The Reluctant Disney » tandis que sur son corps sont notés les lettres « U.N.F.A.I.R. » (I.N.J.U.S.T.E.). Une autre pancarte plus petite existait aussi, cette fois-ci avec la vraie tête du personnage mais en ayant écrit les même revendications. La seule chose notable est l'expression du dragon particulièrement en colère et agressif, chose qu'il n'est quasiment jamais dans le film.
Au-delà de cette représentation dans l'histoire Disney, le Dragon Récalcitrant jouera aussi un petit rôle dans l'Histoire avec un grand « H » : la Seconde Guerre mondiale. Tout d'abord, il peut être vu, avec tous les autres personnages Disney, dans un album intitulé The Victory March. Le département américain The Treasury Departement va en effet pendant la guerre éditer des timbres de collection pour financer la défense du pays. L'album illustré avec les personnages Disney permet ainsi de collectionner les timbres et une fois complet, d'aller dans une banque et de le convertir en bons du trésor. Le dragon sert aussi de mascotte pour au moins un insigne de guerre pour l'armée américaine. Un jour de 1942, le Lieutenant E. S. Caldwell écrit, en effet, à Walt Disney à Hollywood afin de lui demander un emblème pour ses nouveaux bateaux « moustiques » à torpilles. Quelques jours plus tard, par retour de courrier, vient le fameux insigne. Il s’agit d’un moustique qui tient une torpille dans ses nombreuses pattes et qui la dirige hors de l’eau. L’insigne devient si populaire que chaque flotte de ce fameux bateau l’arborera fièrement. Le bouche-à-oreille fait le reste et l'info se diffuse comme une traînée de poudre à la fois dans l’Army ou la Navy. Les bureaux de Disney plient alors sous les demandes d’insignes pour les avions, les tanks et autres matériels militaires. Pour y répondre, Walt Disney met en place une équipe de cinq personnes dédiées à leur seule production sous la responsabilité d'Hank Porter. Pas moins de 1 200 insignes seront ainsi dessinées par les studios Disney dont une avec le dragon pour effigie !
À la sortie du film en 1941, un certain nombre d'ouvrages papier sont proposés afin de promouvoir le long-métrage. Parmi eux, il y a d'abord un superbe livre illustré qui reprend l'histoire de Kenneth Grahame extraite de son ouvrage Dream Days avec des dessins inspirés du film d'animation. Ensuite, le 15 juillet 1941, est proposé un comics chez Western Publishing, Four Color Comics #13, qui reprend les histoires des trois courts-métrages animés du long-métrage de 1941 ainsi que l'adaptation du cartoon Donald Fermier qui sortira au cinéma deux mois plus tard. Il comprend également des pages de textes reprenant l'histoire de L'Apprentie Sorcier de Fantasia. Dans cet ouvrage, l'adaptation de la séquence Le Dragon Récalcitrant s'étale sur 31 pages illustrées par le dessinateur Irving Tripp. La séquence sera à nouveau adaptée par Harvey Eisenberg dans une histoire de 25 pages publiée chez Dell le 20 décembre 1956 au sein du magazine Silly Symphonies #7.
Au-delà de l'adaptation de la séquence du film, le personnage va apparaître dans huit histoires américaines dessinées par des grands auteurs comme Tony Strobl, Al Hubbard, Jack Bradbury ou Paul Murry et dont voici certaines des plus emblématiques :
Sus au Dragon
Four Color Comics #286 - 20 juin 1950 - Tony Strobl
Mickey rêve qu'il est chevalier au Moyen Âge. Il se doit de capturer un dragon afin de conquérir le cœur de Minnie. Mais Pat Hibulaire kidnappe la jeune princesse et le dragon va l'aider à la secourir... |
Tic et Tac et le Dragon Courageux
Four Color Comics #581 - 13 juillet 1954 - Harvey Eisenberg
Tic & Tac arrivent sur le territoire d'un dragon qui veut les manger. Ils vont devoir ruser afin de s'en sortir... |
Good Deed Day
Four Color Comics #984 - 16 février 1959 - Al Hubbard
Pimprenelle, Flora et Pâquerette jouent avec le Dragon Récalcitrant qui se sent bien seul. Les fées vont tenter de lui trouver un camarade de jeu... |
Le Dragon Poète
Walt Disney's Summer Fun #2 - 30 juin 1959 - Jack Bradbury
Dingo et son neveu Gilbert remontent dans le temps pour rencontrer le Dragon Récalcitrant de la légende... |
Le Retour du Dragon Millénaire
Walt Disney's Comics and Stories #392, #393 & #394 - Mai 1973 - Paul Murry
Dans une histoire où le personnage est le plus éloigné de son apparence et de sa personnalité habituelles, Mickey et ses amis doivent rendre un jeune dragon à sa mère... |
Charmant Dragon
Walt Disney's Comics and Stories #423 - Décembre 1975 - Auteur inconnu
Tic & Tac aident le Dragon Récalcitrant à retrouver sa flûte magique qui lui a été volée... |
En plus de cela, le Dragon Récalcitrant sera aussi présent dans quelques histoires britanniques et italiennes des années 1940 aux années 1970.
Au-delà de l'animation et des comics, le Dragon Récalcitrant dispose d'une aura suffisante pour avoir droit à quelques produits dérivés. Trois disques sont notamment centrés sur lui. Tout d'abord, un single avec la chanson du film, Le Dragon Récalcitrant, interprétée par The King's Men, sort au moment de la sortie du film. Ensuite, en 1954, arrive dans les bacs The Reluctant Dragon, une histoire racontée chez Golden Records et enregistrée par Anne Lloyd, Michael Stewart, Gil Mack et Mitch Miller and Orchestra. Enfin, le seul album Disney sur le personnage sort chez Disneyland Records en 1966. All About the Dragons est ainsi un disque fait de chansons et d'histoires narrées par Thurl Ravenscroft autour des dragons dont le Dragon Récalcitrant mais aussi Puff, the Magic Dragon et, plus surprenant encore, Madame Mim.
Le personnage a droit aussi à un produit dérivé de qualité, devenu depuis un objet de collection. Parmi les nombreuses collections de figurines commercialisées sur le marché par The Walt Disney Company, l'une d’entre elles occupe une place à part pour les passionnés les plus endurcis du studio de Mickey : la Walt Disney Classics Collection (ou WDCC pour les initiés), collection de figurines en porcelaine dont la qualité et l’attention apportée aux détails demeurent aujourd’hui inégalées. Lancée en 1992, la collection a officiellement perduré jusqu’en 2013, année où a été annoncée la fin de la production de nouvelles figurines. Le Dragon Récalcitrant a eu ainsi droit à une statuette portant le nom de The More the Merrier, produite en 1995 en édition limitée de 7 500 pièces et sculptée par l'artiste Kent Melton. La statuette est estimée désormais à 500 dollars même si les prix oscillent sur le marché d'occasion entre 100 dollars et 1 000 dollars.
The More the Merrier (WDCC, 1995)
Étonnamment, le Dragon Récalcitrant est peu apparu dans les Parcs alors que son design aurait été parfait pour un décor dans une boutique, un restaurant ou une attraction. Sa seule apparition se fait ainsi au Disneyland Park à Disneyland Resort à Anaheim en Californie dans la Fantasy on Parade. Cette parade de Noël, très populaire auprès des visiteurs, a été proposée de 1965 à 1976 puis de 1980 à 1986. Elle a d'ailleurs beaucoup évolué au cours des années, ajoutant régulièrement des éléments, notamment par rapport à l'actualité des studios. Le personnage du dragon semble lui avoir été inclus dès 1965. Il avait la particularité de souffler de la fumée par le nez tandis qu'il était manipulé par trois cast members. La parade de 1965 a été filmée et est proposée dans l'épisode Disneyland Autour des Saisons de l'émission d'anthologie Walt Disney's Wonderful World of Color diffusé le 18 décembre 1966. Le Dragon Récalcitrant apparait ainsi dans l'émission, étant expressément nommé, même si le téléspectateur remarquera qu'il ressemblait au final assez peu à sa version animée.
La popularité de la parade fait qu'un livre d'histoires Disney porte son nom. Un coffret de quatre livre intitulé The Walt Disney Parade sort ainsi en 1970. Parmi eux se retrouve le volume Fantasy on Parade qui regroupe de nombreux récits illustrés dont Le Dragon Récalcitrant. Le personnage du dragon est d'ailleurs présent sur la couverture comme il l'est lors de la réédition du coffret en 1977.
Le Dragon Récalcitrant est un personnage somme toute atypique. Même si le film comme le court-métrage sont des oeuvres Disney assez peu connues, son design tout en subtilités fait qu'il a réussi à briller au-delà de sa première apparition. Les fans des studios aux grandes oreilles l'ont en effet forcément vu une fois ou l'autre même s'ils sont sans doute incapables de dire où. Et puis... même si officieux et forcément stéréotypé pour l'époque, le Dragon Récalcitrant peut être aussi considéré comme le tout premier personnage gay de Disney !