Indiana Jones
Et le Cadran de la Destinée
Titre original : Indiana Jones and the Dial of Destiny Production : Lucasfilm Ltd. Disney Paramount Pictures Date de sortie USA : Le 30 juin 2023 Genre : Aventure |
Réalisation : James Mangold Musique : John Williams Durée : 154 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
La critique
« Ce n’est pas une aventure, Sallah… Ces jours-là sont derrière nous ».
Indiana Jones à son ami Sallah, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée
À la fin d’Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, le public avait laissé Indy au sommet de sa gloire. Après avoir affronté les Nazis ainsi que les forces occultes de Pankot, l’aventurier était cette fois parvenu à contrecarrer les sombres desseins des Soviétiques en ruinant leurs chances d’utiliser les forces occultes pour gagner la guerre froide. Il avait au passage retrouvé Marion Ravenwood, l’un de ses amours de jeunesse qu’il épousait finalement en présence d’une partie de ses amis. Il s’était même découvert un fils, Mutt Williams, jeune homme rebelle aussi épris d’aventure que lui. Cerise sur le gâteau, le héros était promu doyen associé du Marshall College, l’établissement universitaire dans lequel il enseignait depuis tant d’années. Happy End!
En découvrant cet épilogue pour le moins grandiose, le public était alors libre de penser que le célèbre archéologue avait vécu ses plus belles années et qu’il était maintenant temps pour lui de tourner la page en profitant de cette apogée pour tirer définitivement sa référence. Mais il est bien connu que les héros ne meurent jamais réellement. Et à peine le générique d’Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal s’achevait-il que déjà, ses créateurs réfléchissaient en coulisse à la meilleure manière de poursuivre l’expérience avec de possibles suites.
L’idée d’offrir un cinquième film à Indiana Jones remonte en réalité à l’origine même de la saga. En 1981, Les Aventuriers de l’Arche Perdue écrase en effet la concurrence en devenant le film le plus rentable de l’année. Pulvérisant le box-office avec quelques 250 millions de dollars de recettes en Amérique du nord, le premier film de la série entre instantanément dans la légende en devenant un classique du genre. Forts de ce succès, le réalisateur Steven Spielberg et le producteur George Lucas ne perdent dès lors pas une seconde pour ouvrir les négociations avec les dirigeants de Paramount Pictures. Un accord est rapidement signé pour quatre films supplémentaires. Dès 1984, les spectateurs découvrent ainsi Indiana Jones et le Temple Maudit, un préquel dont l’action se situe un an avant celle du film original. Cinq ans plus tard, en 1989, la famille Jones s’agrandit avec l’introduction du père, Henry Jones, Sr., magistralement incarné par Sean Connery dans Indiana Jones et la Dernière Croisade. Après avoir délaissé durant près de vingt ans leur aventurier fétiche pour se consacrer à d’autres projets, Spielberg et Lucas refont finalement équipe et livrent en 2008 Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal. En conférence de presse, Harrison Ford exprime alors déjà son envie de rempiler. Son retour est cependant soumis à deux conditions : que Steven Spielberg soit toujours aux commandes et qu’il ne se passe pas encore vingt ans avant que ce futur film ne soit mis en chantier.
Dès 2008, George Lucas se met par conséquent en quête d’une nouvelle idée pour cette cinquième aventure d’Indiana Jones. Comme lors de l’écriture des films précédents, le créateur de Star Wars s’isole pour trouver l’idée parfaite. Pendant de long mois, il liste tout un tas de sujets et d’artefacts mythologiques grâce auxquels il pourra insuffler à son script une bonne dose de magie et de surnaturel sur fond de vérité historique. En novembre 2010, Lucas est toujours à l’ouvrage lorsque Harrison Ford annonce à la presse avoir lu un premier jet « aussi fou que génial ».
Pourtant, en 2012, la quatrième suite prévue dans l’accord signé avec Paramount n’a toujours rien de concret lorsque The Walt Disney Company rachète pour plus de 4 milliards de dollars la compagnie Lucasfilm Ldt. dont la direction est confiée par Lucas à son amie et partenaire en affaires Kathleen Kennedy. Les droits d’Indiana Jones tombent de fait entre les mains de la firme aux grandes oreilles qui, comme pour Star Wars, entend bien relancer au plus tôt la franchise. Pour ce faire, les droits de distribution des prochaines œuvres sont rachetés à Paramount Pictures dès décembre 2013. Deux ans plus tard, Kennedy confirme qu’une suite est en gestation. Frank Marshall et elle officieront en tant que producteurs. Steven Spielberg explique quant à lui être toujours dans la course pour réaliser ce cinquième épisode avec Harrison Ford en tête d’affiche et son ami George Lucas comme producteur exécutif. Le scénariste d’Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, David Koepp, est mis dans la boucle. Lors de ses vœux le 1er janvier 2016, Bob Iger, le PDG de The Walt Disney Company, annonce que la production de cette fameuse suite est imminente, ce que confirme Frank Marshall en avril. Une date de sortie est même proposée… Le 19 juillet 2019.
Cette vision à long terme est néanmoins rapidement mise à mal. Pendant plusieurs mois, aucune annonce ne confirme qu’un scénario est bel et bien prêt à être filmé. Plusieurs auteurs, comme Scott Beck et Bryan Woods, sont invités par les dirigeants de Lucasfilm Ldt. à proposer leurs idées. Après avoir planché sur le sujet pendant quelque temps, David Koepp laisse finalement sa place à Jonathan Kasdan, l’auteur de Solo : A Star Wars Story dont le père, Lawrence Kasdan, avait écrit Les Aventuriers de l’Arche Perdue près de quarante ans plus tôt. La date de sortie initialement mentionnée, jugée intenable, est décalée à 2020. En attendant qu’un scénario soit enfin validé, Steven Spielberg se concentre sur Pentagon Papers (2017) et Ready Player One (2018). Le travail de Kasdan n’aboutit cependant à rien. Dès septembre 2019, Koepp revient finalement dans la partie. En août de la même année, Spielberg annonce même pouvoir débuter son tournage au plus tôt au printemps 2020. Mais la sortie de ce cinquième volet est envisagée en 2021 avant d’être, une fois encore, repoussée sine die lorsque le réalisateur explique être pour l’heure concentré sur d’autres sujets, notamment une nouvelle version de West Side Story, la célèbre comédie musicale de Leonard Bernstein, Stephen Sondheim et Arthur Laurentz que Robert Wise et Jerome Robbins avaient déjà portée à l’écran en 1961. En février 2020, Spielberg confirme qu’il préfère désormais abandonner à un autre son fauteuil de metteur en scène, ne conservant dès lors pour ce film qu’un rôle de producteur. Le réalisateur parti, David Koepp jette l’éponge à son tour…
La production du cinquième numéro d’Indiana Jones a immanquablement du plomb dans l’aile lorsque James Mangold hérite du projet en mai 2020. Originaire de New York où il voit le jour le 16 décembre 1963, le réalisateur débute comme scénariste à la fin des années 1980. Auteur d'Oliver & Compagnie (1988) et Rock (1996), il passe bientôt derrière la caméra et réalise entre autres Heavy (1995), Copland (1997), Kate et Leopold (2001), Walk the Line (2005), Night and Day (2010) puis Wolverine, le Combat de l’Immortel (2013) et Logan (2017). En 2019, Mangold remporte un beau succès critique et public avec Le Mans 66, une reconstitution du duel entre Ford et Ferrari sur le célèbre circuit sarthois.
Tel un serpent de mer impossible à capturer, la production du film continue pourtant encore et toujours de se dérober lorsque survient la pandémie de COVID-19. La sortie prévue en 2021 est repoussée, encore... Qu’importe, James Mangold profite de l’occasion pour peaufiner davantage son scénario. De nombreux changements sont opérés. Si certains éléments de la trame générale de David Koepp sont conservés, en particulier l’introduction du film, une large partie de l’histoire est réécrite en partenariat avec Jeremy (Jez) et John Henry Butterworth, les auteurs du (Le) Mans 66. La partie de l’intrigue prévue pour se dérouler en Inde est notamment relocalisée au Maroc. Le personnage de Teddy Kumar est alors créé dans le même esprit que Demi-Lune, le compagnon d’Indy interprété par Ke Huy Quan dans Indiana Jones et le Temple Maudit. Surtout, l’âge avancé du héros, et de son interprète, devient pour Mangold le thème principal du film. Jusqu’ici limitée à de simples blagues et autres bons mots disséminés ici ou là, la question du temps qui passe et le déclin sont dès lors placés au cœur du sujet.
Comme pour les opus précédents, les scénaristes sont immédiatement confrontés à un défi de taille, à savoir trouver un MacGuffin digne de ce nom pour guider l’aventure tout en suscitant l’intérêt du public. En 1939, Alfred Hitchcock expliquait l’importance de ce qu’il décrivait à l’époque comme « l’élément moteur d’un scénario », souvent un objet destiné à faire démarrer l’intrigue puis à animer la quête des personnages principaux et, pourquoi pas, provoquer la perte des antagonistes. Dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue, Indiana Jones, René Belloq et les Nazis couraient ainsi après la mythologique Arche d’Alliance. Dans Indiana Jones et le Temple Maudit, l’explorateur tâchait de remettre la main sur les fameuses pierres de Sankara dérobées à des villageois par la terrifiante secte des Thugs. Dans Indiana Jones et la Dernière Croisade, Indy et son vieux père se lançaient dans la quête du non moins légendaire Saint Graal, toujours avec les Nazis à leurs trousses. Dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, un crâne extraterrestre devenait cette fois l’enjeu de la rivalité entre le héros et les Soviétiques.
Tout en s’inspirant du travail de recherche entrepris par David Koepp qui avait un temps imaginé utiliser des artefacts assez semblables à ceux déjà entrevus dans les opus précédents, James Mangold et les frères Butterworth décident, pour cette cinquième aventure d’Indiana Jones, de jeter leur dévolu sur la mythique machine d’Anticythère, ou Antikythera. Constitué de dizaines de roues dentées et d’engrenages en bronze, l’objet est décrit comme le premier calculateur analogique créé durant l’Antiquité pour identifier des positions astronomiques. Pour l’heure, un seul exemplaire de cette machine a été retrouvé en 1901 dans l’épave d’une galère romaine ayant sombré au 1er siècle av. J.-C. près de l’île grecque d’Anticythère, au large de la Crète. Les différents fragments de la machine sont à présent conservés au Musée national d’archéologie d’Athènes.
Peut-être inventé autour de la fin du IIIe siècle av. J.-C., le mécanisme est parfois attribué à l’ingénieur, physicien et astronome du IIIe siècle av. J.-C. Archimède de Syracuse ou, le cas échéant, à l’un de ses disciples. Certains historiens pensent pour leur part que l’inventeur serait plutôt l’astronome, mathématicien et géographe Hipparque de Nicée qui, au IIe siècle av. J.-C., a posé les bases de la trigonométrie tout en développant des modèles précis des mouvements de la Lune et du Soleil permettant de prévoir les éclipses. D’autres experts évoquent de leur côté le géographe Posidonios de Rhodes. Né vers 135 av. J.-C. à Apamée et mort à Rome vers 51 av. J.-C., celui-ci consacra notamment une partie de ses recherches à calculer la distance entre la Terre et la Lune. Il étudia également minutieusement la rotation des astres grâce à une machine de sa création, un disque permettant de reproduire les mouvements conjoints des planètes du système solaire connues en son temps. La machine d’Anticythère retrouvée dans l’épave romaine est peut-être un exemplaire de cette invention. Divers témoignages laissent entendre qu’Archimède avait lui-même assemblé deux autres mécanismes de bronze assez semblables.
Plus connu de la part du grand public que les deux autres savants de l’Antiquité, c’est à Archimède que la machine évoquée dans cette cinquième aventure d’Indy est attribuée. C’est elle, par voie de fait, qui donne son titre au film, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Pour l’occasion, l’invention se voit conférer des pouvoirs surnaturels permettant de voyager dans le temps. Le vieil Indiana Jones, mais aussi les autres protagonistes, se retrouvent dès lors confronté à une question existentielle de taille que beaucoup se sont déjà posée : Que ferions-nous si nous avions la possibilité de changer le cours du temps et, de fait, de notre destin et de celui des autres ?... Cette interrogation, métaphysique, permet à Mangold de creuser encore davantage le thème de l’âge avancé du héros dont la lassitude et surtout les regrets, nombreux, pourraient dès lors être totalement effacés grâce au cadran magique.
Cette utopie du voyage dans le temps est l’un des thèmes de prédilection du cinéma qui l’a maintes fois porté à l’écran, en particulier au cours de la dernière décennie. Depuis que le cinéma existe, de très nombreux artistes se sont en effet évertués à faire évoluer leurs personnages dans des périodes qui ne sont pas les leurs. En 1949, par exemple, Bing Crosby est malgré lui plongé au cœur du Moyen Âge dans Un Yankee à la Cour du Roi Arthur, le classique de Tay Garnett inspiré de l’œuvre de Mark Twain dont les studios Disney livrent à leur tour deux nouvelles versions en 1979 puis en 1995. En 1960, La Machine à Explorer le Temps de George Pal est la première, mais non la dernière, transposition du roman d’H.G. Wells. Avec sa fin incroyable, La Planète des Singes offre au public non pas un voyage dans le passé, mais un bond aussi surprenant que pessimiste dans le futur (1968). Nimitz, Retour vers l’Enfer de Don Taylor fait pour sa part le chemin inverse en ramenant un porte-avion nucléaire en 1941, en pleine Guerre du Pacifique (1980). Parmi les incontournables du genre, Retour Vers le Futur et ses suites transportent les spectateurs tantôt dans un avenir de science-fiction, tantôt au cœur du vieux Far-West (1985-1990). Chez Marvel, X-Men : Days of Future Past (2014) brouille lui aussi la courbe du temps tout comme Avengers : Endgame (2019) ou la série Loki (2021).
Comme dans les autres longs-métrages de la saga, James Mangold et les frères Butterworth font par ailleurs le choix d’utiliser un second objet de légende afin de construire une introduction rythmée destinée à emporter le spectateur dans l’intrigue. Depuis Les Aventuriers de l’Arche Perdue, l’habitude a en effet été prise de consacrer les premières minutes du film à une scène d’action incroyable centrée sur un artefact totalement déconnecté du reste de l’intrigue. Dans le premier épisode, Indy manque de se faire écraser par un énorme rocher après avoir subtilisé une idole sacrée chachapoya qui, au final, lui échappe. Dans Indiana Jones et le Temple Maudit, un diamant inestimable est au centre du duel entre le héros et le gangster Lao Che. Dans Indiana Jones et la Dernière Croisade, un jeune Indy s’emploie à retirer des mains d’une bande de pillards la légendaire Croix de Coronado dont la place est, selon lui, « dans un musée ». Un alien retrouvé dans la Zone 51 fait diversion au début d’Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal. Dans Indiana Jones et le Cadran de la Destinée, une énième relique de la Bible, la lance de Longin, ou Sainte Lance, devient à son tour un nouveau sujet de convoitise pour les Nazis.
Leurs objets mythologiques enfin validés, James Mangold et les Butterworth doivent tisser un scénario possédant un arrière-plan historiquement parfaitement avéré. Afin de respecter les codes mis en place par George Lucas dans les films précédents, le surnaturel doit en effet se mêler à la grande et vraie histoire. Après la montée du nazisme dans le premier et le troisième volet de la saga, l’impérialisme britannique en Asie du sud dans le deuxième, puis la guerre froide dans le quatrième, les auteurs placent cette fois l’intrigue en août 1969 et utilisent comme toile de fond la course à l’espace et l’exploit accompli par l’équipage d’Apollo 11 qui, le lundi 21 juillet 1969, offrait à l’humanité de faire ses premiers pas sur la Lune. À présent blasé et vieillissant, Indiana Jones se retrouve donc malgré lui en face d’une société tournée vers l’avenir et non plus vers ce passé autrefois fantasmé auquel il a pourtant consacré sa vie entière. Totalement déconnecté de cette jeune génération qui rêve d’évasion, la morosité du héros tranche alors radicalement avec la liesse populaire qui, le 13 août 1969, accompagne les héros de la mission lunaire, Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins, lors de leur défilé dans les rues bondées de New York.
En plus d’une allusion funeste à la guerre du Vietnam, les scénaristes n’en délaissent pas pour autant la Seconde Guerre mondiale et les Nazis qui, lorsqu’il s’agit d’Indiana Jones, ne sont jamais très loin. Les vingt premières minutes du film plongent en particulier le spectateur dans le bain en évoquant la débâcle de l’Allemagne d’Hitler et la Libération de la France en 1944. La course-poursuite engagée entre le héros et les Nazis est alors un véritable sommet en matière d’action. Cette introduction est d’ailleurs plus haletante que jamais dès lors que les Nazis semblent désormais n’avoir plus rien à perdre.
Afin de conserver les Nazis comme antagonistes principaux, le film se base ensuite sur l’Opération Paperclip qui consista, au moment de la chute du IIIe Reich, à exfiltrer les meilleurs scientifiques allemands afin que ces derniers servent l’effort de guerre américain. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont en effet persuadés qu’une guerre totale s’engagera contre l’URSS d’ici dix ans. Pour faire face et se donner les meilleures chances de la remporter, le gouvernement recrute donc les savants allemands les plus renommés qui, durant des décennies, œuvreront pour son compte dans le domaine de l’armement, de l’industrie, de la santé, de l’agroalimentaire ou bien encore de la chimie. La conquête spatiale s’est également développée côté américain grâce à l’expertise d’Allemands illustres tels que Kurt H. Debus, qui deviendra directeur de la NASA, ou bien encore Wernher Von Braun à qui Walt Disney fera lui-même appel au moment de concevoir ses émissions sur l’espace.
Dès la mise en projet du cinquième volet d’Indiana Jones, une certitude règne, à savoir que le film ne se fera pas sans Harrison Ford. Né à Chicago le 13 juillet 1942, le comédien débute sa carrière modestement au milieu des années 1960 avant de percer durant la décennie 1970 grâce à ses apparitions dans American Graffiti (1973) et Star Wars : Un Nouvel Espoir (1977), tous deux réalisés par George Lucas. En 1981, Les Aventuriers de l’Arche Perdue confirme cette consécration. Bien que sa filmographie se soit allongée au fil des années avec des productions telles que Blade Runner (1982), Witness (1985), Jeux de Guerre (1992), Le Fugitif (1993), Air Force One (1997), Cowboys et Envahisseurs (2011) et L’Appel de la Forêt (2020), son nom demeure dès lors indissociable du célèbre archéologue. Et si l’idée de passer le flambeau à Shia LaBeouf, l’interprète de Mutt Williams dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, a fait son petit bonhomme de chemin au début des années 2010, celle-ci est finalement balayée d’un revers de main par Lucas lui-même.
Indiana Jones et le Cadran de la Destinée se fera avec Harrison Ford ou ne se fera pas. « Indiana Jones, c’est moi », déclare l’acteur lors d’un entretien consacré à la revue TIME en 2019, « Quand je disparaîtrai, il disparaîtra. Ce n’est pas plus compliqué que ça ». James Mangold est d’ores et déjà ravi de collaborer avec Ford à qui il avait proposé un rôle dans Le Mans 66. Les deux hommes avaient en outre déjà travaillé ensemble sur L’Appel de la Forêt, l’un en tant qu’acteur et l’autre en tant que producteur. La participation d’Harrison Ford étant incontournable, les créateurs du film doivent donc immanquablement conjuguer avec l’âge du comédien qui approche des quatre-vingts ans au moment du tournage. Déjà utilisée jadis pour Patrick Stewart et Ian McKellen dans X-Men : L’Affrontement Final (2006), Brad Pitt dans L’Étrange Histoire de Benjamin Button (2008), Jeff Bridges dans Tron : L’Héritage (2010), Michael Douglas dans Ant-Man (2015) ou bien encore Kurt Russell dans Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2 (2017), Johnny Depp dans Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar (2017), Samuel L. Jackson dans Captain Marvel (2019) et Robert de Niro, Al Pacino et Joe Pesci dans The Irishman (2019), la technologie du de-aging permet alors de rajeunir Harrison Ford numériquement pour la séquence d’introduction montrant Indy affrontant les Nazis à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale.
Pour le reste de l’histoire, l’âge avancé du comédien devient partie prenante du scénario. Indiana Jones est par conséquent dépeint lui-même comme un homme âgé. Si Harrison Ford est connu et reconnu par ses pairs pour sa gentillesse, sa bonhomie et son humour, Indy est pour sa part devenu un homme acariâtre, une espèce de Scrooge asocial qui ne désire désormais que la paix loin de ce monde devenu selon fade, inintéressant et bruyant. Les raisons de sa rancœur sont légion. En seulement une décennie, son existence idyllique s’est évanouie. Les aléas de la vie lui ont fait quitter le calme de son Connecticut natal pour l’effervescence de New York. Sa vie de famille n’existe plus. Ses étudiants ne lui accordent plus aucun crédit. Tout le monde se contrefiche de ce vieillard qui, pourtant, a jadis sauvé la vie de l’humanité entière ! Et le voilà, comme d’habitude, embarqué malgré lui dans une énième tourmente « historico-surnaturelle » dont il se serait pourtant bien gardé. Un autre code de la franchise est par là même respecté. Comme dans les opus précédents, ce n’est pas Indy qui cherche l’aventure… C’est bien l’aventure qui s’impose à lui, à ses dépens et contre son gré, par l’intermédiaire d’un tiers.
L’élément déclencheur réside dans le personnage d’Helena Shaw, la fille d’un ancien collègue d’Oxford qui est également la filleule d’Indy. Pour la première fois, le premier personnage féminin n’est plus un faire-valoir mais bel et bien l’un des moteurs de l’intrigue imaginée par James Mangold qui s’inspira notamment de la prestation de Barbara Stanwyck dans Un Cœur pris au Piège, le classique de Preston Sturgess sorti en 1941. Fougueuse et téméraire, Helena Shaw est interprétée par la comédienne britannique Phoebe Waller-Bridge pour qui le rôle a été spécialement écrit. Née à Londres le 14 juillet 1985, elle sort diplômée de la Royal Academy of Dramatic Art avant de fonder sa propre compagnie théâtrale, DryWrite, en 2007. Apparaissant sur scène, elle écrit elle-même quelques pièces ainsi que le one woman show Fleabag qu’elle adapte en feuilleton télévisé pour BBC Three (2016). Elle crée ensuite la série Killing Eve (2018) et participe à l’écriture de Mourir Peut Attendre, l’ultime apparition de Daniel Craig dans le rôle de James Bond (2021). Multirécompensée lors des Emmy Awards et des Golden Globes, Phoebe Waller-Bridge complète sa filmographie avec La Dame de Fer (2011), Albert Nobbs (2011), Goodbye Christopher Robin (2017), Solo : A Star Wars Story (2018) et IF (2024).
Dans le rôle de l’antagoniste principal, Jürgen Voller, un physicien nazi engagé dans le programme spatial par le gouvernement américain dans le cadre de l’Opération Paperclip, James Mangold engage le comédien danois Mads Mikkelsen. Né à Copenhague le 22 novembre 1965, il se fait connaître dans son pays d’origine grâce à sa participation aux films Pusher (1996) et Pusher 2 (2004). Hollywood lui tend alors les bras. Via leur filiale Touchstone Pictures, les studios Disney lui offrent notamment le rôle de Tristan dans Le Roi Arthur (2004). Mais c’est son interprétation du Chiffre dans Casino Royale qui lui permet d’obtenir une renommée internationale (2006). Mikkelsen apparaît ensuite dans Le Choc des Titans (2010), Doctor Strange (2016), Rogue One : A Star Wars Story (2016), Drunk (2020), Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore (2022) et la série Hannibal dans laquelle il interprète le rôle-titre (2013-2015).
Dans son entreprise malveillante, Jürgen Voller est épaulé par un trio formé de Klaber, Hauke et Mason. Le premier est incarné par Boyd Holbrook. Originaire de Prestonburg, dans le Kentucky, où il voit le jour le 1er septembre 1981, le comédien avait déjà joué sous la direction de James Mangold dans Logan (2017). Sa filmographie compte également des rôles dans Harvey Milk (2008), Very Good Girls (2013), Gone Girl (2014) et The Predator (2018). Le colossal Hauke est pour sa part campé par Olivier Richters vu dans Gangs of London (2020), Black Widow (2021) et The King’s Man : Première Mission (2021). Shaunette Renée Wilson interprète l’agent Mason après être apparue dans Black Panther (2018) et la série The Resident (2018).
Dans le club très fermé des vieux amis d’Indy, John Rhys-Davies (Victor Victoria, 1982 ; Sliders, les Mondes Parallèles, 1995-2000 ; Le Seigneur des Anneaux, 2001-2003) reprend son rôle de Sallah qu’il tenait déjà dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue et Indiana Jones et la Dernière Croisade. Toby Jones (Neverland, 2004 ; Captain America : First Avenger, 2011 ; Jean-Christophe et Winnie, 2018) prête ses traits à Basil Shaw, le père d’Helena qui passa une partie de son existence à comprendre le fonctionnement de l’Antikythera. Antonio Banderas (Philadelphia, 1993 ; Evita, 1996 ; Le Masque de Zorro, 1998 ; Uncharted, 2022) est l'un des derniers à rejoindre le casting en juillet 2021 dans le rôle du marin espagnol Renaldo.
La distribution est complétée avec Thomas Kretschmann qui incarne le colonel Weber. Né à Dessau le 8 septembre 1962, l’acteur allemand joue un énième officier nazi après Stalingrad (1992), U-571 (2000), Le Pianiste (2002), La Chute (2005), Eichmann (2007) et Walkyrie (2009). Sa filmographie compte aussi des films comme La Reine Margot (1994), King Kong (2005), Avengers : L'Ère d'Ultron (2015) et Gran Turismo (2023). Teddy Kumar est enfin incarné par le jeune lycéen orléanais Ethann Isidore qui fait pour l’occasion ses débuts au cinéma.
Son casting complet, James Mangold débute (enfin !) le tournage en juin 2021. Disposant d’un budget conséquent de 295 millions de dollars – un record pour la franchise – il refuse toutefois d’utiliser des décors entièrement numériques produits grâce à la technologie StageCraft développée par Industrial Light & Magic pour la série Star Wars : The Mandalorian. Souhaitant tourner au maximum dans de vrais décors, Mangold et son directeur de la photographie Phedon Papamichael investissent dès le 4 juin 2021 les studios Pinewood, dans la banlieue de Londres, où les équipes d’Adam Stockhausen ont recréé certains intérieurs, en particulier ceux du métro new-yorkais assemblés sur le plateau 007, et ceux du train utilisé au début du film par le colonel Weber et les Nazis pour traverser les Alpes et quitter précipitamment la France en 1944. Plusieurs autres plans servant pour l’introduction sont également mis en boîte au château de Bamburgh, sur la côte nord-est de l’Angleterre, et sur l’ancienne ligne de chemin de fer du North Yorkshire Moors Railway, près de Grosmont. La course-poursuite mêlant voitures et motos est filmée près du village écossais de Glencoe. À la mi-juin, le climax de l’introduction est réalisé près du viaduc de Leaderfoot, dans le sud de l’Écosse.
Après un bref passage à Hackney, dans le nord-est de Londres, où une rue matérialise l’adresse de Basil Shaw, le tournage reprend à Pinewood. Harrison Ford se blesse alors à l’épaule, obligeant James Mangold à modifier son planning. En juillet, celui-ci s’installe à Glasgow pour deux semaines. St. Vincent Street est en particulier maquillée en avenue new-yorkaise pour accueillir la grande parade des spationautes d’Apollon 11 à laquelle se mêle une manifestation contre la guerre du Vietnam. Le cascadeur Mike Massa remplace alors Ford le temps de sa convalescence, le visage de l’acteur étant ensuite ajouté sur les images en post-production. Ce dernier est de retour en septembre 2021 pour tourner quelques plans à Londres, dans Hatton Garden, également utilisé comme doublure de la Grosse Pomme.
En octobre 2021, James Mangold et son équipe s’envolent pour la Sicile pour capter les scènes censées se dérouler en Grèce. La partie italienne de l’intrigue est également filmée dans la ville antique de Syracuse, en particulier au château Maniace, mais aussi dans le Parc archéologique de Néapolis où se trouvent la Grotte Dei Cordari et la mythique Oreille de Denys (ou Oreille de Dionysos). Quelques plans sont par ailleurs capturés dans le nord de l’île, dans la ville de Cefalù, à Trapani, à Castellammare del Golfo, à Marsala et près du Temple de Ségeste. Le 17 octobre 2021, les prises de vues se poursuivent à Fez, au Maroc, où est filmée la course-poursuite en touk-touks.
That’s a Wrap! Épaulé par Steven Spielberg qui, en sa qualité de producteur, visite les plateaux et regarde les rushes régulièrement durant la production, James Mangold achève son tournage le 26 février 2022 après avoir filmé les scènes de l’Hôtel Atlantique dont une partie des intérieurs a été reconstituée aux studios Pinewood. Il dispose alors de kilomètres de bobines confiées aux monteurs Andrew Buckland, Michael McCusker et Dirk Westervelt chargés de concevoir un découpage rythmé. Ils suivent en cela les conseils de Mangold à qui Spielberg suggère de penser son film comme « une bande-annonce de 2h30 sans aucun temps mort ». Les artisans d’ILM prennent ensuite le relais pour ajouter les multiples effets spéciaux visant à compléter les décors, renforcer le caractère sensationnel des scènes d’action, et à rajeunir Harrison Ford en s’inspirant notamment d’anciens plans de l’acteur réalisés lors de la création des (Les) Aventuriers de l’Arche Perdue et de Star Wars : Un Nouvel Espoir.
Couplé à des effets spéciaux en pagailles, ce montage serré est indéniablement l'un des points forts d’Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. À peine le titre du film est-il inscrit sur l’écran que le spectateur se retrouve en effet embarqué dans une aventure dantesque n’offrant aucun répit. L’introduction d’une vingtaine de minutes est en ce sens une vraie leçon de cinéma. D’autres scènes incroyables ponctuent ensuite le film qui emporte le public sur terre, sur mer, sous les mers et dans les airs. À cheval, en side-car, en touk-touk ou bien en avion, les courses-poursuites s’enchaînent aux quatre coins du monde, des Alpes françaises au métro de New York, en passant par les rues de Tanger, le ciel de Sicile et les plages de Syracuse où le grand final en étonnera plus d’un !
Pour porter le film, le casting est également un ravissement. Harrison Ford fait en particulier merveille dans le rôle du vieil explorateur renfrogné rattrapé par le poids de son âge. Le fait que l’acteur ait réalisé lui-même une partie de ses cascades ne fait que donner encore plus de panache à sa prestation, certainement l’une des meilleures de sa carrière. En incarnant un héros sur le déclin, Ford apporte par ailleurs une bonne dose d’émotion en interrogeant sur la famille, les malheurs de l’existence et, d’une certaine manière, la déchéance liée aux aléas de la vie. C’est d’ailleurs un thème que James Mangold avait déjà développé dans Logan en montrant la décrépitude de Wolverine, autre héros vieillissant incapable de trouver sa place dans le monde d’après.
Lorsqu’Indy/Harrison Ford ne parvient plus à suivre le rythme, Phoebe Waller-Bridge prend à son tour le relai en interprétant une femme d’action capable, elle aussi, de mener de front une vie d’aventure. Souriant et enjoué, le jeune Ethann Isidore incarne l’une des cautions comiques du film. Mads Mikkelsen livre de son côté une performance tout en retenue, à l’exact opposé de l’image caricaturale du Nazi fou furieux à l’accent prononcé tant de fois montrée au cinéma. À la place, il joue avec brio ce physicien incompris par ses supérieurs au moment même où l’Allemagne d’Hitler s’effondre et qui, sous couvert de l’Opération Paperclip, n’a de cesse de chercher à rectifier toutes les erreurs ayant provoqué jadis la chute d’un Reich supposément millénaire. Enfin, même si leurs apparitions sont parfois réduites à la portion congrue, les différents seconds rôles, au premier rang desquels John Rhys-Davies dans le rôle de Sallah, offrent eux aussi beaucoup de charme au film.
Happés par l’histoire, les spectateurs seront ravis de retrouver un à un tous les codes de la franchise. La carte montrant les déplacements d’Indy et de ses acolytes, le retour de certains vieux amis, la phobie de certains animaux ou bien certaines répliques empruntées aux opus précédents feront forcément sourire les amateurs de la saga. Certaines scènes semblent même être tout droit inspirées des films précédents, comme la course-poursuite en moto et la chevauchée du héros qui rappelleront certains temps forts d’Indiana Jones et la Dernière Croisade, ou bien encore la poursuite en touk-touk, sorte d’écho lointain à la scène d’ouverture d’Indiana Jones et le Temple Maudit. Malgré tout, le fan-service n’est pas poussé à outrance. Les clins d’œil sont discrets et un spectateur qui n'aurait pas vu les premiers opus ne boudera pas son plaisir devant cette aventure tumultueuse et effrénée d’Indy.
La cerise sur le gâteau est enfin incontestablement la musique de John Williams qui signe là son ultime partition pour le cinéma. Né à New York le 8 février 1932, il a consacré une large partie de sa vie au Septième Art. Auteur dès l’adolescence de ses premières œuvres musicales, il commence sa carrière dès les années 1950 en travaillant sur des séries comme Checkmate (1960), Perdus dans l’Espace (1965) et des téléfilms comme Heidi (1968) et Jane Eyre (1970). En 1958, il signe sa première bande originale pour le film Daddy-O de Lou Pace. Si ce premier long-métrage n’a pas laissé une marque indélébile dans l’histoire du cinéma, d’autres films sont pour leur part devenus des classiques comme L’Aventure du Poséidon (1972), La Tour Infernale (1974), Superman (1978), Né un 4 Juillet (1989), Maman, J’ai Raté l’Avion ! (1990), Harry Potter à l’École des Sorciers (2001) et Mémoires d'une Geisha (2005). Ami de George Lucas ayant composé la musique des trois trilogies Star Wars, John Williams a travaillé sur presque la totalité des longs-métrages de Steven Spielberg. Également auteur de quelques partitions classiques, il détient le record du nombre de nominations aux Oscars juste derrière un certain… Walt Disney. Lui-même est récompensé par la précieuse statuette à cinq reprises pour Un Violon sur le Toit (1971), Les Dents de la Mer (1975), Star Wars : Un Nouvel Espoir (1977), E.T. l’Extra-terrestre (1975) et La Liste de Schindler (1993).
Parmi les plus grands compositeurs d’Hollywood, toutes générations confondues, John Williams tire ainsi sa révérence avec Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Après avoir considérablement ralenti ses activités depuis une quinzaine d’années, n’acceptant de sortir de sa retraite que pour collaborer avec Steven Spielberg et quelques rares cinéastes chanceux, le vieux maestro démontre néanmoins une fois encore toute l’étendue de son talent. Hormis The Raiders March, le traditionnel thème popularisé à l’époque de la sortie des (Les) Aventuriers de l’Arche Perdue, Williams offre une musique pleine de panache pour accompagner avec brio les scènes d’actions. D’autres morceaux plus intimistes illustrent quant à eux les séquences plus émouvantes, notamment à la fin du film. Joué pour la première fois en public lors d’une représentation organisée au Hollywood Bowl le 2 septembre 2022, Helena’s Theme, un morceau écrit spécialement pour le personnage joué par Phoebe Waller-Bridge, est une autre merveille qui rappelle, par certains aspects, la bande originale de Casablanca signée par Max Steiner en 1942.
Parmi les films les plus chers du cinéma, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est dévoilé pour la première fois grâce à une simple photographie montrée lors de la Star Wars Celebration en mai 2022. Un extrait est ensuite projeté lors de la D23 Expo de septembre 2022. Le titre du film et le premier trailer sont enfin mis en ligne le 1er décembre 2022, complétés par un spot diffusé lors du Super Bowl LVII le 12 février 2023. La Star Wars Celebration du 7 avril 2023 offre au public une nouvelle bande-annonce et l’affiche du film.
Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est présenté hors compétition le jeudi 18 mai 2023 lors du 76e Festival de Cannes. Indy est ainsi de retour sur la Croisette quinze ans après la présentation d'Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal. Pour l’occasion, une partie de l’équipe du film a fait le déplacement, en particulier Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Boyd Holbrook, Ethann Isidore, Shaunette Renée Wilson, Mads Mikkelsen, le réalisateur James Mangold, les producteurs Frank Marshall et Kathleen Kennedy et Bob Iger, le PDG de The Walt Disney Company. Pour la première fois précédé du logo des productions Disney, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée reçoit alors une standing ovation de cinq minutes. À la surprise générale, Harrison Ford est convié par le directeur du festival, Thierry Frémaux, à monter sur scène pour recevoir des mains de la présidente du festival, Iris Knobloch, une Palme d’or d’honneur. « Il paraît que lorsque vous êtes sur le point de mourir », déclare le comédien, très ému, « vous voyez votre vie défiler devant vos yeux. Je viens de voir ma vie défiler devant mes yeux – Une grande part de ma vie mais pas ma vie entière. Vous avez donné un but et un sens à ma vie et je vous en suis très reconnaissant ».
Moins d’un mois plus tard, le 14 juin 2023, Hollywood accueille à son tour Indiana Jones et le Cadran de la Destinée lors d’une exceptionnelle avant-première organisée au Dolby Theatre. Harrison Ford est évidemment de la partie aux côtés de son épouse, l’actrice Calista Flockhart. Le reste du casting est également présent, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, Ethann Isidore, Boyd Holbrook, Shaunette Renée Wilson, Toby Jones, Thomas Khretschmann et John Rhys-Davies, tout comme le metteur en scène James Mangold et les producteurs Kathleen Kennedy, Frank Marshall et Simon Emanuel. Bob Iger et Steven Spielberg font aussi le déplacement, tout comme George Lucas, si rare dans ce genre d'événement. Certains comédiens des films précédents foulent également le tapis rouge, Karen Allen, Raj Singh (le jeune Maharajah dans Indiana Jones et le Temple Maudit) et Ke Huy Quan. Le clou de la soirée reste indéniablement l’arrivée sur scène du maestro John Williams venu diriger The Raiders March avec son orchestre. « J’avais toujours eu envie de faire un film sur Indiana Jones au crépuscule de sa vie », déclare Harrison Ford au micro des journalistes, « Et Jim Mangold est arrivé avec ce script grâce auquel j’ai vraiment passé un super moment. C’était vraiment amusant à faire ».
Si l’accueil réservé à Cannes et à Hollywood est chaleureux et teinté d’émotion, la critique, pour sa part, ne tarde pas à se montrer plus mitigée. « Indiana Jones et le Cadran de la Destinée n’est pas en soi un film ennuyeux, mais il n’est pas non plus très divertissant », note Brian Tallerico du site rogerebert.com, « L’intérêt de son intrigue demeure modeste. C’est une succession de choix contestables, de promesses menées tambour battant et d’actes de bonne volonté de la part d’un acteur de légende. Mais le film aurait pu être meilleur. Il aurait bien sûr aussi pu être pire. Difficile de détester Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Mais il est tout autant difficile de l’adorer. Les fans de la trilogie originelle seront sûrement déçus ». « Vous devez prendre le temps de voir le film de Mangold », écrit pour sa part Anthony Lane dans The New Yorker, « Après, si vous devez partir au bout d’une heure parce que vous avez laissé quelque chose dans le four, cela n’aura que peu d’importance. Mais si vous voulez voyager dans le temps, oubliez l’Antikythera, oubliez la légende, oubliez Archimède. Allez simplement au cinéma ». « Plus de quatre décennies après que Les Aventuriers de l’Arche Perdue a pulvérisé le box-office et établit les codes du blockbuster à Hollywood, y a-t-il encore de la place dans un paysage rempli de super-héros pour un beau charmeur coiffé d’un feutre ? », questionne Justin Chang dans les colonnes du Los Angeles Times, « Indiana Jones et le Cadran de la Destinée veut clairement nous faire croire qu’il y en a, même si les preuves amassées durant deux heures et demi s’avèrent au mieux peu concluantes, au pire peu convaincantes. Le charisme de Ford est la seule flamme que ce film n’est pas en mesure d’éteindre. Pour le reste, il s’enlise dans des chasses au trésor fastidieuses tout en parvenant, malgré tout, à progressivement trouver sa place dans la dernière ligne droite et le dernier sprint vers un climax particulièrement audacieux ».
« Malgré les efforts de quatre scénaristes », écrit Peter Travers d’ABC News, « Indy 5 ne parvient pas vraiment à tenir le spectateur en haleine. Mangold est certainement un réalisateur solide, mais il lui manque néanmoins le génie de Spielberg. L’atout majeur d’Indiana Jones et le Cadran de la Destinée réside totalement en la présence de Ford dont l’humour et l’humanité parviennent à passer outre des effets numériques bien trop grimaçants pour une épopée disposant d’un budget de 295 millions de dollars. Le film n’est peut-être pas l’adieu sincère qu’attendaient les fans. Mais Ford a malgré tout fait le nécessaire pour qu’Indy quitte la scène avec les honneurs ». « L’ultime rendez-vous d’Indy avec son destin s’achève sur un final qui ne manquera pas de diviser le public », admet John Nugent dans la revue Empire, « Mais si vous acceptez de vous joindre à lui pour accomplir ce chemin, cela passera pour un adieu tout à fait approprié pour l’ouvreur de tombes préféré du cinéma ». « Indiana Jones et le Cadran de la Destinée dispose d’un humour et d’une ingéniosité narrative que l’opus précédent ne possédait pas vraiment », note Peter Bradshaw du (The) Guardian.
« Le film est une série de balivernes pleines de nostalgie mais finalement peu joyeuses », commente Owen Gleiberman dans Variety, « Cinquième volet de la franchise possédant son quota d’actions incontournables, il parvient difficilement à égaler la bravoure cinématographique des (Les) Aventuriers de l’Arche Perdue ». « Ce n’est jamais bon signe lorsque la partie la plus vibrante d’un film est son générique de fin », ajoute Johnny Oleksinski qui étrille le film dans le New York Post, « C’est pourtant bien ce qui se passe avec ce totalement inutile Indiana Jones et le Cadran de la Destinée qui se fait voler la vedette par The Raiders March de John Williams. Le cinquième film de la franchise est malgré tout bien meilleur qu’Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal dans lequel Indy survivait à une explosion nucléaire en se cachant dans un frigo avant de finir son aventure avec une rencontre extraterrestre très spielberguienne. Bien sûr, tout le monde sera content de voir Harrison Ford avec son iconique fédora, même s’il est maintenant âgé de quatre-vingts ans. Phoebe Waller-Bridge apporte elle-même une bonne dose de sel à l’intrigue. Mais une question demeure malgré tout : ‘Pourquoi ?’. Tout le monde sait que la série des Indy aurait dû s’achever en 1989 avec Indiana Jones et la Dernière Croisade. Au lieu de cela, nous nous retrouvons maintenant sans plaisir face à la dernière des dernières des dernières croisades… ».
En France, la presse adopte elle aussi un jugement en demi-teinte. « On se régale d’un bout à l’autre », juge ainsi Le Parisien. « Le bon vieil Indiana Jones est toujours aussi distrayant », surenchérit Gilles Kerdreux dans Ouest France. « Le réalisateur a su mêler action, humour et émotions autour d’une passionnante quête archéologique conçue pour satisfaire fans et néophytes », pense Caroline Vié dans les pages de 20 Minutes. « Rythme de dingue, courses-poursuites à n’en plus finir en voiture, en tuk-tuk ou à pied, seconds rôles plus parfaits les uns que les autres, destinations plus exotiques les unes que les autres », explique Xavier Bonnet de Rolling Stone, « ce cinquième volet remplit toutes les cases du cahier des charges ». « Obsédé par le temps, les regrets et la déliquescence, le film tient son fil rouge jusqu'à un troisième acte fichtrement casse-gueule sur le papier, mais qui fonctionne miraculeusement », commente François Léger dans Première, « Un vrai moment d'émerveillement, quasi enfantin, comme la franchise n'en avait jamais connu jusqu'ici ». « Même si la fantaisie et l'humour - les 'fondamentaux' de la franchise - sont exploités avec bonheur », tempère Olivier de Bruyn dans Les Échos, « le film traîne en longueur et Harrison Ford semble parfois un rien las de devoir enchaîner les scènes d'action sur un rythme aussi répétitif ». « À peine sorti d’un prologue (potable), on bascule dans le présent pour s’enliser dans des prouesses davantage à la portée d’un vieux monsieur », regrette enfin Yal Sadat dans Les Cahiers du Cinéma.
Tantôt acclamé, tantôt boudé, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée est proposé dans les salles américaines le 30 juin 2023, deux jours après sa sortie dans certains pays du monde dont la France. Merveilleux jeu de piste entre les États-Unis, le Maroc, la Grèce et la Sicile, avec un petit détour par les Alpes lors d’un prologue aussi incroyable qu’haletant, le film est orchestré de main de maître par un James Mangold avisé et un casting qui, à l’évidence, s’est beaucoup amusé. Mélange d’action et d’émotion se concluant par une scène finale fantasmagorique qui en laissera sûrement plus d’un perplexe, il offre une très belle porte de sortie pour l’une des plus grandes gloires du cinéma américain qui, de fait, tire brillamment sa révérence. À moins que…