Titre original : Loki Production : Marvel Studios Date de mise en ligne USA : 09 juin 2021 - 14 juillet 2021 (Disney+) Genre : Fantastique |
Création : Michael Waldron Musique : Natalie Holt Durée : 287 minutes |
Loki - Autre(s) saison(s) : Saison 01 |
Liste et résumés des épisodes
1. Glorious Purpose
Un Destin Exceptionnel
Genre : Épisode
Série : Loki
Saison 1 Épisode 1 Date de diffusion USA : Le 9 juin 2021Réalisé par : Kate Herron Durée : 51 minutes Loki est appréhendé par le TVA... |
2. The Variant
Le Variant
Genre : Épisode
Série : Loki
Saison 1 Épisode 2 Date de diffusion USA : Le 16 juin 2021Réalisé par : Kate Herron Durée : 53 minutes Loki et Mobius partent à la poursuite d'un dangereux Variant... |
3. Lamentis
Lamentis
Genre : Épisode
Série : Loki
Saison 1 Épisode 3 Date de diffusion USA : Le 23 juin 2021Réalisé par : Kate Herron Durée : 42 minutes Loki et Sylvie se retrouvent coincés en pleine apocalypse... |
4. The Nexus Event
Le Nexus
Genre : Épisode
Série : Loki
Saison 1 Épisode 4 Date de diffusion USA : Le 30 juin 2021Réalisé par : Kate Herron Durée : 48 minutes Loki et Sylvie s'apprêtent à être jugés par le TVA... |
5. Journey into Mystery
Voyage Vers le Mystère
Genre : Épisode
Série : Loki
Saison 1 Épisode 5 Date de diffusion USA : Le 7 juillet 2021Réalisé par : Kate Herron Durée : 48 minutes Plongés au cœur du Néant, Loki et Sylvie partent à la recherche de la vérité... |
6. For All Time. Always.
Pour Toujours. À Jamais.
Genre : Épisode
Série : Loki
Saison 1 Épisode 6 Date de diffusion USA : Le 14 juillet 2021Réalisé par : Kate Herron Durée : 45 minutes Loki et Sylvie doivent faire un choix qui aura des conséquences sur le Multivers... |
La critique
Les Asgardiens le pensent disparu dans l'espace à la fin de Thor (2011), mais c'était sans compter sur sa fourberie. Le Dieu du Tonnerre pleure sa mort dans Thor : Le Monde des Ténèbres (2013) mais, là encore, il est revenu triomphalement. C'est finalement sans tricheries ni artifices que Loki, le Dieu de la Malice, trouve la mort, la vraie, aux mains de Thanos dans Avengers : Infinity War (2018) et, cette fois, pas de retour possible... Enfin pas tout à fait. Les magiciens de Marvel Studios ont toujours deux coups d'avance : pas question de se séparer tout de suite d'un personnage qui est devenu l'un des plus grands – si ce n'est LE plus grand – chouchous du public avec les années. Dans Loki, Tom Hiddleston rempile donc pour une septième apparition dans le Marvel Cinematic Universe ; aux manettes de sa propre série télévisée, le Dieu de la Malice va questionner son libre arbitre, rencontrer d'autres versions de lui-même, deviser sur la philosophie temporelle avec un gratte-papier fan de jet-ski et décider du sort du Multivers, rien que ça ! Les lectrices et les lecteurs qui n'ont pas vu la série doivent toutefois prendre garde, car les inflexibles Gardiens du Temps n'ont aucune emprise sur les lignes qui vont suivre. Cette critique va donc se permettre, une fois n'est pas coutume, de divulgâcher les grands éléments de l'intrigue pour parler de manière plus efficace des conséquences directes de la première saison de Loki sur le Multivers et la suite du MCU.
Pendant près de dix ans, la filiale Marvel Television a proposé aux spectateurs du monde entier des séries dont l'ambition affirmée était d'intégrer pleinement le MCU. Il suffit de voir les efforts déployés par Les Agents du S.H.I.E.L.D. (2013-2020, ABC) pour s'en convaincre, tant les arcs narratifs de ses premières saisons sont conçus pour embrasser les aventures des héros du grand écran. De leur côté, les films sortis au cinéma font peu de cas des productions télévisées, sans pour autant désavouer explicitement le lien qui est supposé les unir. En 2019, Kevin Feige, déjà Président de Marvel Studios, devient Chief Creative Officer au sein de la Maison des Idées, ce qui signifie qu’il contrôle désormais toute la création chez Marvel Entertainment. Marvel Television perd dès lors son autonomie et se voit absorbée par Marvel Studios, en même temps que tous les futurs projets de la filiale sont annulés, comme la série Ghost Rider, qui devait être liée à Helstrom (2020, Hulu) dans le cycle horrifique titré Adventure into Fear. Désormais, la cohérence est le mot d'ordre aussi bien au cinéma qu'à la télévision, ou plutôt sur Disney+, puisque la plateforme est appelée à devenir le second bastion du MCU avec les années. Les séries créées autrefois par Marvel Television pour les plateformes Netflix et Hulu ont elles aussi été conviées à s'installer sur Disney+, de quoi grandement faciliter le retour de certains personnages emblématiques pour les intégrer complètement à l'univers, maintenant que Kevin Feige a la mainmise sur l'ensemble de la production...
Un an plus tôt, en septembre 2018, les fans rongent leur frein en attendant Avengers : Endgame (2019) quand Variety rapporte que Marvel est en pleine préparation de la Phase 4 du MCU et que plusieurs séries super-héroïques viendront garnir l'offre de la future plateforme Disney+. La disparition de Marvel Television, ou du moins son absorption au sein de la machine Marvel Studios, n'est pas encore actée, mais une chose est d'ores et déjà certaine : les futures séries produites sous la houlette de Kevin Feige seront complètement liées au MCU, avec des personnages voyageant entre le petit et le grand écran. Wanda Maximoff et Loki, deux personnages adorés du grand public, sont alors les premiers pressentis pour apparaître dans leur propre série. Le 8 novembre 2018, Bob Iger officialise la nouvelle. L'ancien CEO profite en effet de la présentation de Disney+ pour annoncer, entre autres, le grand retour dans le MCU du dieu un rien chaotique.
À la barre de cette nouvelle aventure du Prince des Mensonges se trouve Michael Waldron, chargé de la création de la série. Né le 23 avril 1987 à New Orange dans le New Jersey, Michael Waldron est déjà un interne dans l'équipe de la série Rick et Morty (sur Adult Swim depuis 2013) lorsqu'il intègre le master en Beaux-Arts de la Pepperdine University, spécialisé en écriture scénaristique. Dan Harmon, le co-créateur de Rick et Morty, est impressionné par le talent de son jeune poulain, au point qu'il engage en 2014 Waldron pour travailler comme assistant scénariste et assistant de production sur sa seconde série, Community (2009-2015, NBC et Yahoo! Screen). En 2019, Waldron réintègre l'équipe de Rick et Morty, cette fois en qualité de producteur, en même temps qu'il est approché par Marvel pour créer la série Loki. L'année suivante, c'est le scénario du futur Doctor Strange in the Multiverse of Madness (2022) que la Maison des Idées lui confie. À travers ses diverses expériences, le scénariste a donc fait des voyages dans le temps et autres excursions extra-dimensionnelles l'une de ses spécialités.
Née à la fin des années 80 dans le sud-est de Londres, Kate Herron se voit quant à elle confier la réalisation des six épisodes de Loki. D'abord attachée à la conception de nombreux courts-métrages parmi lesquels Frank (2010), Kill List : The Musical (2012) ou encore Fan Girl (2016), la réalisatrice entame ensuite une carrière sur le petit écran en travaillant sur cinq épisodes de l'émission The Idris Takeover (2017, BBC Three). Ce projet, porté par Idris Elba, vise alors à mettre en avant le talent de jeunes créatrices et créateurs britanniques. En 2019, Kate Herron réalise quatre épisodes de la populaire série Sex Education (depuis 2019 sur Netflix), avant d'être engagée pour réaliser Loki. Consciente de son manque d'expérience, la jeune femme a néanmoins su convaincre les représentants de Marvel Studios de lui faire confiance grâce à une présentation de soixante pages, dans laquelle elle expliquait tout l'amour qu'elle porte au personnage.
Avec Loki, l'équipe de production a donc la lourde tâche d'ouvrir en grand les portes du Multivers. Si cet élément important des comics est destiné à avoir un rôle prépondérant après la troisième Phase du MCU, les graines de ce concept pas toujours simple à comprendre ont en réalité été plantées il y a bien des années de cela. Dans Thor : Le Monde des Ténèbres dès 2013, le Docteur Selvig, très affecté mentalement par les récentes manipulations de Loki, donne un cours à ses compagnons d'infortune dans un institut psychiatrique. Les spectateurs les plus attentifs découvrent alors que l'astrophysicien a inscrit une note bien étrange sur son tableau : « 616 Universe ». Dans les comics, la Terre-616 ou l'Univers-616 désigne la continuité principale dans laquelle évoluent la plupart du temps les héros ; une infinité d'univers coexistent au sein du vaste Multivers Marvel et la Terre-616 n'est qu'une de ces innombrables réalités, aux côtés de la Terre-1610 par exemple, d'où provient Miles Morales alias Spider-Man. Certes, la mention sur le tableau de Selvig tient davantage du clin d'œil, d'autant que la Terre des héros du MCU porte, elle aussi, une dénomination officielle depuis 2008 : la Terre-199999. Mais voilà, plus le temps passe, et plus les productions de Marvel Studios, ainsi que Kevin Feige en personne, martèlent que la Terre du MCU porte elle aussi le numéro 616. Dans son premier épisode, Loki glisse une nouvelle référence qui va dans ce sens : le numéro est inscrit à la fin des bandes sur lesquelles le Dieu de la Malice regarde défiler sa vie – ou plutôt, la vie qu'il aurait dû mener. Sans doute faut-il y voir ici une volonté de la part de la Maison des Idées de placer le MCU dans son propre Multivers, en marge de celui des comics...
En 2016, le mot « Multivers » est pour la première fois prononcé au cinéma dans le film Doctor Strange, pour désigner les différentes dimensions et autres royaumes qui coexistent et dont le commun des mortels ignore l'existence. Après avoir trouvé Kamar-Taj, Strange rencontre L'Ancien qui, face à l'arrogance du bon Docteur, ouvre les yeux de son futur disciple : « Cet univers n'est qu'un parmi une infinie multitude. […] Qui êtes-vous au sein de ce vaste Multivers, Monsieur Strange ? ». Un peu plus tard dans le film, le Baron Mordo va mettre en garde Stephen Strange, cette fois face aux dangers de jouer avec le temps : « Il est interdit de modifier les probabilités temporelles. […] Les manipulations temporelles peuvent créer des brèches dans le temps et l'espace. Une instabilité multi-dimensionnelle. Des anomalies spatiales. Des boucles temporelles ! » À partir de cet instant, le MCU va étroitement lier les concepts de Multivers et de voyages à travers le temps, deux éléments que les spectateurs retrouvent trois ans plus tard au cœur du scénario d'Avengers : Endgame. Pour tenter de faire revenir la moitié de la population annihilée par Thanos, les Avengers survivants se lancent dans le fameux Casse Temporel, qui consiste à retourner dans le passé pour emprunter les Pierres d'Infinité et ainsi contrer la décimation orchestrée par le Titan Fou.
Avant le grand saut, Hulk devise avec les Avengers sur les règles des voyages temporels, en expliquant que personne ne peut modifier le futur en influant sur le passé. Au travers de cette règle inébranlable, le MCU s'inspire des commandements qui régissent les voyages temporels dans les comics Marvel. En 1983, en réaction à une histoire présentée dans Marvel Two-in-One #100, le légendaire Jim Shooter publie une note interne au sujet des sauts temporels dans les comics Marvel. Shooter, alors éditeur en chef de la Maison des Idées, explique que deux idées s'affrontent, et qu'elles sont, au moment où il rédige ses lignes, toutes les deux légitimes. La première théorie revient alors à dire que le voyage temporel n'est rien d'autre qu'un saut de côté, un voyage d'une réalité vers une autre identique, ou en tout cas très similaire, qui existe déjà. La seconde, plus ambitieuse, stipule que le voyageur temporel peut effectivement remonter le cours du temps, mais que le moindre changement effectué dans le passé créera une ligne temporelle divergente. En d'autres termes, c'est un tout autre futur qui s'écrira dans la réalité divergente récemment créée. En 1992, Mark Gruenwald, le Monsieur Continuité de Marvel qui a d'ailleurs inspiré le personnage de Mobius, présente à ses lecteurs la seconde théorie davantage étoffée dans le magazine Marvel Age #117. En stipulant qu'il s'agit là des règles internes officielles de la Maison des Idées, Mark Gruenwald note qu'une réalité divergente apparaît dès l'instant où le voyageur temporel pose le pied dans le passé. Bien sûr, les années passant, les auteurs qui se succèdent dans les pages des comics Marvel suivent plus ou moins scrupuleusement ces commandements qu'ils trouvent parfois trop rigides.
Mais retour au MCU où, dans Avengers : Endgame, les conséquences des voyages temporels ne sont pas interprétées de la même façon par les membres de l'équipe créative du film ! Lorsque Captain America retourne dans le passé pour passer le reste de sa vie avec Peggy Carter, il aurait logiquement dû atterrir dans une autre réalité, selon les règles établies par le film : c'est d'ailleurs la thèse que défendent les frères Russo, les réalisateurs d'Avengers : Endgame. Du côté du co-scénariste Christopher Markus, en revanche, l'explication est toute autre. L'auteur réfute la théorie selon laquelle Steve a altéré le passé en rejoignant l'Agent Carter. Pour lui, il y a donc deux Captain America dans la ligne temporelle principale du MCU : l'un est secrètement marié à Peggy pendant que l'autre, après avoir été délivré de la glace, est parti sauver le monde au sein des Avengers.
Que retenir au final de ce grand détour à travers les couloirs du temps ? Déjà que la question est complexe, au point que l'équipe créative d'Avengers : Endgame n'arrive pas à se mettre d'accord ! Mais aussi et surtout que le concept du Multivers est présent en germe au sein des productions audiovisuelles Marvel depuis longtemps : la question a même été explorée en profondeur dans les séries Les Agents du S.H.I.E.L.D. et Runaways (Hulu, 2017-2019), sans même parler des mensonges de Mystério dans Spider-Man : Far From Home (2019). Il est évident que le MCU n'a pas choisi la facilité pour plonger ses spectateurs dans la folie du Multivers à travers des histoires de voyage dans le temps et de lignes temporelles multiples. Loki se doit donc de mettre un peu d'ordre dans tout ça grâce à son créateur Michael Waldron, l'un des grands architectes du Multivers au sein du MCU. Dans la série, les fans suivent ainsi les aventures d'un Loki qui, après s'être enfui avec le Tesseract en 2012 lors du Casse Temporel des Avengers, se fait bien vite rattraper par le Tribunal des Variations Anachroniques, ou TVA pour les intimes. Cette organisation, apparue dans les numéros 371 et 372 de Thor (Vol. 1) sous la plume de Walter Simonson en 1986, se vante de surveiller un nombre incalculable d'univers, d'analyser et de consigner tous les futurs possibles et d'arrêter les contrevenants temporels. Avec Loki, Kevin Feige trouve enfin l'occasion d'introduire le TVA dans le MCU, le chef d'orchestre de Marvel ayant confié au lancement de la série avoir eu longtemps l'envie de présenter l'organisation à ses spectateurs.
Dans Loki, la mission du TVA est quelque peu différente de celle des comics, comme l'explique Miss Minutes dès le premier épisode de la série. C'est Tara Strong, la comédienne bien connue des fans de super-héros pour avoir donné vie à Batgirl, Raven, Harley Quinn ou encore Mary Jane Watson dans quantité de séries animées et autres jeux vidéo, qui donne sa voix au personnage. Avec son air jovial et un accent chaleureux du sud des États-Unis à couper au couteau, la mascotte du TVA explique donc dans une vidéo à la limite de la propagande que, suite à la grande guerre multiverselle, les Gardiens du Temps ont réorganisé le Multivers en un Éternel Flux Temporel. Les employés du TVA sont ainsi chargés de veiller à ce que le temps se déroule sans accroc, mais la mission est délicate, puisque de nombreuses décisions et évènements dans une réalité peuvent causer un Nexus, c'est-à-dire la bifurcation d'une ligne temporelle qui, si elle n'est pas rapidement maîtrisée, pourrait mener vers une nouvelle guerre multiverselle. Selon quantité de comics Marvel, tous les résultats possibles et imaginables d'un évènement ou d'un choix sont explorés à travers diverses réalités. Dans Thanos : La Fin de l'Infini (2016) par exemple, Jim Starlin, le créateur du Titan Fou, fait se rencontrer Thanos et Celui-Au-Dessus-De-Tous-les-Autres, l'entité cosmique suprême du Multivers. Là, Thanos demande si la simple décision de toucher ou non son propre nez suffit à créer une nouvelle réalité ; son interlocuteur répond par l'affirmative. Michael Waldron, de son côté, voit le temps comme une collection infinie d'instances temporelles qui suivent un chemin identique mais qui présentent quelques menues différences entre elles ; parfois, en revanche, l'une des ces instances s'écarte du reste à la suite d'une différence significative, à la manière des Nexus de la série. Souvent, les petites différences entre les différentes lignes temporelles n'ont pas de quoi inquiéter le TVA. En revanche, quand un Nexus menace de dérégler l'horlogerie bien huilée de la police du temps, les agents interviennent pour réinitialiser la ligne temporelle et faire disparaître les bandits.
Rapidement, les spectateurs comme Loki sentent que ce discours sonne faux et que les véritables motivations du TVA demeurent nimbées de mystère. Il faudra toutefois remettre les réflexions à plus tard, puisque Loki s'apprête à être jugé dans un procès bien peu équitable. Catalogué de Variant, un criminel temporel qui a causé un Nexus au lieu de suivre le chemin approuvé par les Gardiens du Temps, le Dieu de la Malice manque de se faire brouiller – c'est-à-dire effacer de l'existence –, mais l'analyste Mobius est convaincu que Loki pourrait lui être utile. Dans les recoins du temps rôde un brigand plus dangereux encore, un être qui menace de semer le chaos dans l'Éternel Flux Temporel... Et cet insaisissable ennemi n'est autre qu'un Variant de Loki ! Son identité, révélée à la fin du second épisode, a de quoi ravir les lecteurs de comics tout en intriguant les plus néophytes.
Subtil mélange de « Lady Loki » et de Sylvie Lushton, une simple mortelle investie de pouvoirs magiques par le Dieu de la Malice dans les comics, Sylvie est un des personnages les plus réussis de la nouvelle Phase du MCU. Après avoir été enlevée par le TVA alors qu'elle n'était qu'une enfant, Sylvie est parvenue à s'enfuir, échappant de justesse à un destin atroce. Pendant des siècles, la jeune Déesse de la Malice s'est réfugiée entre les réalités, fomentant sa vengeance contre l'organisation qui lui a arraché sa vie. L'un des plus grands mystères de la saison réside alors dans la nature du Nexus qui a entraîné son arrestation par le TVA. Puisque l'organisation a laissé Sylvie en paix pendant de nombreuses années, il y a fort à parier que ce n'est pas son genre qui a posé problème. Un premier indice réside peut-être dans le flash-back au début du quatrième épisode : la scène montre la petite Sylvie recréer avec ses jouets une scène de bataille durant laquelle une Valkyrie a sauvé Asgard des griffes d'un dragon. Prenant manifestement un grand plaisir à évoquer cette victoire d'une héroïne de son royaume, Sylvie pourrait très bien avoir provoqué un Nexus en refusant, à cet instant, de devenir la méchante de sa propre histoire. Il faut dire que la destinée joue un rôle prépondérant dans les comics de Loki comme dans la mythologie nordique... Seuls le temps – et la seconde saison de la série – seront en mesure d'apporter une réponse définitive à cette question, mais ce qui est certain, c'est que le personnage a quelque chose de magnifiquement tragique. Interprétée de façon très convaincante par Sophia Di Martino (Casualty, diffusée depuis 1986 sur BBC One), Sylvie va se battre pour prouver que son existence est légitime tout en venant nourrir à travers la série des réflexions philosophiques sur le destin et le libre arbitre.
Dès le premier épisode, Mobius, campé par un Owen Wilson (Flash McQueen dans Cars - Quatre Roues et ses suites depuis 2006, Marley & Moi, 2008) qui crève l'écran avec sa petite moustache, montre à Loki le chemin qu'il aurait dû suivre. Au sein de l'Éternel Flux Temporel, le Loki de la série ainsi que tous les Variants rencontrés dans les épisodes suivants étaient condamnés à être les éternels antagonistes de leurs univers respectifs, ceci afin de ne jamais déroger à une histoire qui s'écrit sans eux. Il a suffi d'un pas de côté, d'une simple incartade pour que le TVA intervienne et remette le temps sur les rails, quitte à sacrifier des vies. En cela, la série oppose dans un duel éthique passionnant les questions de libre arbitre et de fatalisme. Selon Mobius, Loki était destiné à provoquer le rassemblement des Avengers et la mort de sa mère, avant de mourir des mains de Thanos. Le Loki « principal » du MCU, à travers six films, a bien fait tous ses choix en son âme et conscience, mais y avait-il seulement une alternative ? C'est ici que la série lie élégamment les notions de destinée et de liberté, puisqu'en privilégiant une séquence d'évènements précise tout en empêchant une infinité d'autres réalités de dévier, des lignes temporelles dans lesquelles Loki aurait pu faire des choix bien différents, le TVA est devenu en quelque sorte le co-auteur de la destinée du Dieu de la Malice.
Sans même le savoir, Loki suit donc un chemin approuvé par une organisation enracinée dans une idéologie fasciste. Les agents du TVA suivent aveuglément les préceptes dispensés par les prétendus Gardiens du Temps pour exercer une dictature temporelle, en s'octroyant le droit de vie et de mort sur les bandits multiversels. La manière dont les agents déshumanisent les Variants qui viennent bouleverser l'ordre établi, en leur octroyant un numéro avant de les humilier en les déshabillant puis en leur faisant enfiler un uniforme, est un miroir tendu aux heures les plus sombres de l'Histoire. Ces agents, qui sont eux-mêmes des Variants dont la mémoire a été trafiquée, sont d'ailleurs tout autant dépourvu de libre arbitre que les criminels qu'ils entendent pourchasser. Mains armées de ce système totalitaire qui prend même des airs de culte religieux, les chasseuses B-15 (Wunmi Mosaku) et surtout C-20 (Sasha Lane) vont être les premières à découvrir la vérité, ce qui va entraîner une véritable crise de foi chez elles. La juge Ravonna Renslayer, incarnée par la brillante Gugu Mbatha-Raw (La Belle et la Bête, 2017), va elle aussi voir son monde s'écrouler mais, à l'inverse de C-20 qui va tout faire pour dynamiter le système de l'intérieur, Ravonna va tenter de trouver un sens aux manipulations du TVA. Tout cela ne peut pas avoir été en vain. À travers sa galerie de personnages très divers, Loki présente donc des protagonistes qui sont tous sans exception les proies d'un destin dans lequel leur simple existence est synonyme de crime capital. L'écriture de ces personnages, des contradictions qui les dévorent et de la boussole morale qui les guide à travers les méandres de la bureaucratie temporelle est à mettre au crédit des scénaristes, tant Loki possède certaines des meilleures scènes de dialogues de tout le MCU.
Mais évidemment, au milieu de tous ces excellents personnages, la star, c'est Loki ! Tom Hiddleston reprend donc le rôle qu'il a façonné minutieusement durant les dix dernières années, ou plutôt il opère un retour au Loki de 2012, celui qui avait été défait dans Marvel's Avengers par les plus grands héros de la Terre. La série consacre donc son premier épisode non seulement à la présentation du TVA, mais également à l'évolution de Loki, qui va vite retrouver une étiquette d'anti-héros, en lieu et place de celle du vilain des origines. Le développement est certes un peu rapide, mais il permet au moins aux spectateurs de ne pas avoir le sentiment de régresser dans le temps – ce qui aurait été ironique –, tout en développement là encore la question du libre arbitre.
En chemin, Loki va former un improbable duo avec Mobius. Entre les deux hommes, c'est une véritable bromance qui va naître, une relation qui s'enracine tant dans le genre du buddy movie que dans celui du drame procédural. L'alchimie entre le dieu chaotique et l'analyste est absolument parfaite, grâce à un Tom Hiddleston impérial qui donne la réplique à un Owen Wilson tout aussi excellent dans son rôle de fonctionnaire blasé et taquin. Sans se départir de son côté malicieux, Loki va ensuite continuer d'évoluer aux côtés de Sylvie, la seule qui puisse réellement le comprendre et l'accepter tout entier quand lui-même en est incapable. Outre le personnage d'Hiddleston, et puisque la série se permet toutes les excentricités, de nombreux Variants du Dieu de la Malice s'invitent le temps d'un épisode, comme le Loki Enfant (Jack Veal), le Loki Classique (Richard E. Grant) ou encore un Loki Alligator devenu la coqueluche des internautes. Surnommé Croki par bien des fans, le personnage est si populaire qu'il obtient sa propre série de comics en 2022 !
Enfin, Celui Qui Demeure, introduit dans le dernier épisode de cette première saison, est peut-être le personnage le plus excitant de la série, puisqu'à travers lui se dessine le futur du MCU. Le 14 septembre 2020, Loki est encore en tournage lorsque Deadline annonce en exclusivité que Jonathan Majors (When We Rise, sur ABC en 2017) a rejoint le casting d'Ant-Man et La Guêpe : Quantumania (2023). Le nom de son personnage demeure auréolé de mystère, mais déjà quelques sources en interne ne peuvent tenir leur langue : Majors sera Kang le Conquérant dans le MCU, une information rapidement officialisée par Marvel Studios.
Savant mélange entre le personnage de Celui-Qui-Reste, le créateur des Gardiens du Temps dans les comics et d'Immortus, l'une des nombreuses versions de Kang, ce personnage règne donc en coulisses sur le TVA. Grand vainqueur de la guerre multiverselle, Celui Qui Demeure a choisi d'isoler son flux temporel du reste du multivers et s'attarde depuis ce jour à tirer les ficelles dans l'ombre, en se débarrassant de n'importe quelle réalité ne suivant pas un script précis, et ceci afin d'empêcher l'émergence d'un nouveau Variant de Kang. Jonathan Majors excelle dans le rôle de cette espèce de Magicien d'Oz en soulevant un dilemme machiavélien qui ne manque pas de faire cogiter les téléspectateurs, mais aussi Loki et Sylvie qui sont en profond désaccord quant au bien-fondé de la mission de Celui Qui Demeure. Le sacrifice des Variants n'est-il pas un moindre mal face à une nouvelle menace multiverselle menée par le maître du temps ? Avec Celui Qui Demeure, Marvel Studios rassure dans tous les cas son public : c'est un vilain digne de Thanos qui s'apprête à ébranler le Multivers du MCU dans les prochaines années !
Le Multivers, justement, se retrouve sans son garde-fou à la fin de cette première saison de Loki. Exit donc les histoires de lignes temporelles très semblables les unes aux autres et qui devaient suivre un script imposé par le TVA, et bonjour à une myriade de réalités où la liberté règne enfin en maître, pour le meilleur ou pour le pire ; la liberté totale et le chaos sont parfois de dangereux jumeaux...
Kate Herron et Michael Waldron ont tenté de clarifier le nouveau statu quo du Multivers après la série, au gré d'entrevues accordées aux grands médias de la pop culture. Selon eux, il faut imaginer qu'il a toujours existé au sein du Multivers une infinité de flux temporels distincts qu'il faut se représenter comme des arbres : toutes les branches qui les composent sont alors autant de lignes temporelles ou d'univers distincts. Par exemple, la Terre sur laquelle se déroulent les aventures des héros du MCU appartient à un flux temporel éloigné de celui qui régit la Terre-96283, celle de la trilogie Spider-Man de Sam Raimi (2002-2007) qui est dépourvue d'Avengers. Michael Waldron et Kate Herron poursuivent en expliquant que toutes les branches d'un flux temporel précis suivent une séquence d'évènements similaire jusqu'à ce qu'une divergence ne les fasse prendre une toute autre direction. Ce sont ici les prémices de la série animée What If...? (2021) ; s'il était difficile d'imaginer au sein de l'Éternel Flux Temporel un univers dans lequel Peggy Carter prendrait la place de Steve Rogers, l'expansion du Multivers rend désormais possible l'émergence de réalités aux possibilités infinies. À la fin de Loki, le spectateur assiste donc à une « renaissance » du Multivers, en même temps que les réalités autrefois cloisonnées dans l'Éternel Flux Temporel sont libres d'entrer en contact avec des univers jusqu'ici hors de portée. C'est ainsi qu'il est possible de voir de nombreux personnages des précédentes sagas Spider-Man venir faire un tour dans la réalité du MCU, face au Monte-en-l'Air de Tom Holland dans Spider-Man : No Way Home (2021).
Forte d'un scénario aussi complexe que passionnant, cette première saison de Loki vaut aussi le détour pour son esthétique léchée seulement handicapée par une photographie parfois trop sombre, dans la mouvance de quantité d'autres programmes récents. La réalisation de Kate Herron, certes classique, est en tout cas maîtrisée avec des compositions de plans très réussies, et il n'y a guère que le troisième épisode sur Lamentis-1 qui détonne, la faute à une surutilisation d'effets spéciaux. Pour créer le TVA et ses dédales bureaucratiques, l'équipe artistique a puisé son inspiration dans des œuvres aussi diverses que Metropolis (1927), Blade Runner (1982), Brazil (1985) ou encore la série Mad Men (AMC, 2007-2015). Il en ressort une infrastructure à la fois futuriste et ancrée dans les années 70, où des machines volantes côtoient des appareils analogiques. À travers les six épisodes de cette première saison, Kate Herron a également beaucoup travaillé sur le motif du cercle, comme un rappel que le temps n'est pas linéaire mais qu'il est en mouvement permanent sans début ni fin, tout en étant peuplé de personnages qui n'ont jamais le droit de dévier de leur chemin. Le cinquième épisode, Voyage Vers le Mystère, est également l'occasion pour l'équipe de la série de s'en donner à cœur joie, avec une ribambelle de clins d'œil réservés aux fans de comics. L'hélicoptère de Thanos, Throg, une version batracienne de Thor ou encore une statue du Tribunal Vivant apparaissent tour à tour à l'écran : ce cimetière du multivers s'intègre à merveille à l'ambiance loufoque et inquiétante de la série qui se démarque sans peine des productions précédentes. Il peut même être aperçu un tank Chrysler TV-8 dans ce même épisode, une arme de destruction massive qui a été planifiée mais jamais produite... En tout cas pas dans la réalité des téléspectateurs ! La musique, enfin, accompagne de façon subtile les personnages dans les labyrinthes temporels, grâce aux partitions de Natalie Holt. La compositrice glisse dans sa musique des notes de thérémine, de synthétiseur analogique, d'instruments scandinaves et de bruits de pendules, pour installer un sentiment envoûtant d'étrangeté et d'urgence qui rythme le voyage de ces deux Loki.
Fidèle à sa réputation de dieu chaotique, l'arrivée du personnage dans sa propre aventure a causé du remue-ménage sur Disney+. Un temps annoncé pour une diffusion en mai 2021 avant de se voir reporter au mois suivant, le premier épisode semblait avoir trouvé sa date de sortie officielle le vendredi 11 juin 2021, le vendredi étant réservé aux mises à jour hebdomadaires de la plateforme. Pourtant, à quelques semaines de la diffusion, Tom Hiddleston décrète dans une vidéo promotionnelle que « les mecredis sont les nouveaux vendredis » ! C'est donc le 9 juin 2021 que les téléspectateurs peuvent découvrir le premier épisode de Loki, et le succès est au rendez-vous. Bien que les grandes plateformes ne communiquent que très rarement les chiffres de visionnage d'un programme, Bob Chapek, le CEO de The Walt Disney Company, annonce que le premier épisode de Loki a été plus visionné durant sa semaine de sortie que ceux de WandaVision, Falcon et le Soldat de l'Hiver ou encore Star Wars : The Mandalorian. Rien d'étonnant après tout, compte tenu du nombre d'abonnés sans cesse grandissant de Disney+ et du déploiement de la plateforme à l'étranger, sans même parler de l'amour du public à l'égard du Dieu de la Malice. Plus impressionnant en revanche, Kevin Feige a de son côté glissé au média Deadline que Loki était, en mai 2022, la série Marvel la plus visionnée. Ravi semble-t-il des performances de Loki sur le créneau du mercredi, Disney+ considère le test réussi et ne tarde pas à chambouler son mode de diffusion ; depuis le début du mois de juillet 2021, les séries sortent désormais le mercredi, les films conservant, eux, la case du vendredi.
Cette première saison de Loki est une complète réussite. Sans sacrifier l'évolution suivie par le Dieu de la Malice à travers les dix dernières années dans le MCU, elle propose à ses téléspectateurs de suivre une version 2.0 du personnage, plus attachant que jamais. Au cœur de ce thriller temporel, les mystères s'entrecroisent en même temps que les destins de Loki et de Sylvie se mêlent l'un à l'autre, le tout sous l'égide d'une équipe artistique inspirée. Moins portée sur l'action effrénée et privilégiant le développement de ses personnages principaux à travers de nombreuses scènes de dialogues bien écrites, Loki est à savourer encore et encore pour en apprécier toutes les subtilités. Les portes du Multivers sont désormais grandes ouvertes, et cela a de quoi faire saliver les fans quant à la suite du MCU, qui s'annonce sous les meilleurs auspices. Que la valse des Variants commence !