Spider-Man
Titre original : Spider-Man Production : Marvel Columbia Pictures Date de sortie USA : Le 3 mai 2002 Genre : Fantastique |
Réalisation : Sam Raimi Musique : Danny Elfman Durée : 121 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Peter Parker est un jeune lycéen introverti vivant chez son oncle Ben et sa tante May. Mais sa vie se voit chamboulée par la piqure d'une araignée génétiquement modifiée... |
La critique
Spider-Man et le cinéma, c'est une concrétisation difficile. Avant les films de Sam Raimi chez Columbia Pictures, l'arrivée des aventures de l'araignée au cinéma était une arlésienne désespérante.
Retour sur une genèse.
Cannon Films acquiert les droits cinématographiques de Spider-Man auprès de Marvel en 1985. La production est mise immédiatement sur les rails car le contrat prévoit une sortie du film avant 1990 sous peine de perdre l'autorisation d'exploitation du personnage.
Et c'est déjà le début des ennuis ! Les patrons de Cannon (Menahem Golan et son cousin Yoram Globus) n'avaient, en effet, à l'origine pas complètement perçu le concept de Spider-Man tel qu'il est dans les comics : ils retiennent ainsi une histoire écrite par Leslie Stevens où le jeune photographe Peter Parker est exposé à un bombardement radioactif et se transforme en un monstre poilu arachnide à
huit bras ! Avec de telles idées, trouver un réalisateur est chose aisée et le studio jette
alors son dévolu sur la personne de Tobe Hooper connu pour Massacre à la Tronçonneuse. Mais voilà, le film envisagé est plus proche d'une histoire de loup-garou que de super-héros et ne plaît pas vraiment à Stan Lee qui demande une révision du scénario.
Ted Newsom et John Brancato s'attèlent donc à un nouveau script confié cette fois-ci au réalisateur Joseph Zito (Portés Disparus avec Chuck Norris) où, à la manière d'un Chapter One de Byrne dans les comics, Peter Parker prend pour mentor le Docteur Octopus au lycée. Ce dernier, obsédé par la recherche de la cinquième force, se livre à des expériences assez dangereuses et ouvre un cycle infernal qui aboutit à doter Peter Parker et le Docteur Octopus de pouvoirs plus ou moins enthousiasmants. Le récit est ensuite affiné par Barney Cohen qui a déjà collaboré avec le réalisateur sur Vendredi 13 :
Chapitre Final : Doctor Octopus n'est plus à la recherche de la cinquième force mais de l'anti-gravité (différence subtile !) et lance des “Okey-dokey” à tout va.
Un dernier effort pour les finitions mené par les producteurs de la Cannon afin de promettre un bon blockbuster et le casting peut commencer pour un projet qui tourne autour des 20 millions de dollars ! La presse parle alors de Scott Leva (qui a déjà endossé le costume de Spider-Man pour
Marvel) ou de Tom Cruise pour Peter Parker, Bob Hoskins pour Doctor Octopus, Lauren Bacall ou Katharine Hepburn pour tante May et Stan Lee lui-même pour J. Jonah Jameson. Mais les galères continuent : Superman IV
sort et ne rencontre pas l'énorme succès escompté. Les finances de Cannon sont au plus mal et la production vise maintenant un film Spider-Man autour des 10 millions de dollars. C'est extrêmement peu : sans compter l'inflation, c'est plus ou moins le coût de l'épisode-pilote de la série Lost, Les Disparus en 2004 sur ABC.
Le réalisateur Joseph Zito quitte alors le projet. Albert Pyun arrive : c'est un réalisateur-maison habitué aux petits budgets et qui
signe en 1990 le film Captain America. Avec lui, débarque également une multitude de scénaristes qui retouchent le scénario pour mieux le coller à un film aux ambitions revues à la baisse. La qualité générale s'en ressent énormément selon Scott Leva qui est toujours en vue pour le rôle-titre. Patatras
! Début 1989, Cannon est repris par Pathé alors que Golan Menahem s'en va, avec les droits pour Spider-Man dans la poche, créer la société 21st Century. Il conserve ainsi la possibilité de
produire un film jusqu'en 1992 à la suite d'un avenant au contrat signé originellement avec
Marvel.
Et cette fois-ci, c'est du solide : l'opus est annoncé à Cannes en mai de la même année pour un tournage censé débuter dès septembre. Dans la foulée, les droits de diffusion télévisée sont vendus à Viacom et les droits vidéos à Columbia Pictures histoire de faire grossir un peu la trésorerie du projet, qui intègre donc deux opérateurs ayant par contrat un droit de regard sur le film. Le réalisateur Stephen Herek (Les 101 Dalmatiens) est lui aussi désormais attaché au
projet. Mais une fois de plus, le script ne convient pas, et c'est Columbia qui souhaite,
la première, de nombreuses retouches au scénario. La major voyant l'importance que pourrait avoir cette franchise dans son catalogue vidéo est assez intrusive, au point que fin 1990, Stan Lee fasse remarquer qu'il semble que le film Spider-Man appartient plus à la Columbia qu'à 21st Century.
Toujours rien à l'horizon dans
les salles de cinéma : et cela ne va pas s'arranger avec l'arrivée de Carolco Pictures dans la danse et
de James “Titanic” Cameron. Ce dernier propose un script qui voit sa paternité partagée avec un certain Joseph Goldmari (qui n'est autre que le mélange du nom de Joseph Calimari - un exécutif de
Marvel - et de Joseph Golman, le nom de “scène” de Golan Menahem). Et c'est encore à Cannes en 1990 qu'a lieu le deal entre Carolco Pictures et 21st Century pour un projet de film
Spider-Man à hauteur de 50 millions de dollars. Carolco Pictures obtient le feu vert de Golan pour la somme de 5
millions de dollars ; ce dernier se voyant soulagé d'être enfin à l'abri d'énièmes tourments budgétaires.
Les choses bougent : fin 1991, James Cameron, pour 3 millions de dollars accepte de s'occuper de l'écriture et de la réalisation du film. Le script est alors identique à celui que la 21st Century avait transmis à la Columbia avec Arnold Schwarzenegger vu pour le rôle de Doctor Octopus. Rien ne semble plus
devoir évoluer concrètement et il faut qu'un tout nouveau script de James Cameron sorte enfin de chez Carolco Pictures pour relancer la machine qui s'enlisait sur le script “Doctor Octopus” retouché maintes et maintes fois depuis plusieurs années. Le scénario “James Cameron”,
par ailleurs facilement trouvable sur internet, est pour le moins spécial.
Avec lui, l'histoire de Spider-Man au cinéma aurait été alors bien différente de celle connue de tous puisque, si l'idée de lances-toiles organiques était en déjà dans l'air, le film mettait en place des origines farfelues pour Elektro et Sandman. Son ton était résolument plus adulte, sombre, voyant Peter répéter de nombreuses fois “motherfucker” et révélant sa double identité à Mary-Jane lors d'une scène de sexe au sommet du Brooklyn Bridge. Quelques éléments sont également repris des précédents scripts de Cannon comme l'idée d'une race mutante supérieure et belliqueuse qui cherche à convaincre Spidey de passer du mauvais côté de la barrière. Contre toute attente, la vision de Cameron est adoubée : il doit ainsi faire le film chez Carolco Pictures avec 21st Century qui a les droits de
Marvel maintenant jusqu'en 1996 ! Et peu importent les tensions entre Cameron et Golan ; le premier ne souhaitant pas voir le second intégré dans les crédits de son film. Tout est au vert... Sauf que Carolco Pictures arrête la production de films en avril 1992 !
Le projet tourne au pugilat. Une histoire de procès, contre-procès, d'égos, de gros sous : une bataille pour savoir qui a les droits pour réaliser Spider-Man, qui peut revendiquer un film de James Cameron mais aussi, qui a encore assez de fonds pour survivre après les diverses banqueroutes du projet ; sans parler d'un Marvel qui commence à souffrir alors que sa tombe se creuse et que personne ne veut le soutenir financièrement par un projet cinématographique d'envergure.
Pire, de son coté, DC Comics et la Warner après avoir enchaîné les films Superman pour le meilleur et pour le pire, signent les films Batman
également pour le meilleur et pour le pire ! Quelle frustration ! La
bataille engage beaucoup de monde à Hollywood : Columbia qui a les droits de la 21st Century pour les VHS et autres lasers-disc ; la MGM qui se voit comme le destinataire naturel des droits de Spider-Man puisque étant à l'époque une filiale de Pathé ayant repris Cannon et enfin, la 20th Century Fox qui a bien du mal à voir son réalisateur vedette s'éloigner de la maison alors qu'un autre projet d'envergure l'attend chez elle : Titanic.
Pourtant, Cameron est toujours très attaché sentimentalement au projet et, alors que les droits de la licence semblent désormais dans la nature, pousse la Fox
à les acquérir. Cette dernière reste frileuse et, pesant le pour et le
contre de cette adaptation décidément maudite au cinéma, préfère se retirer au
grand regret du réalisateur d'Avatar
qui voit s'envoler l'opportunité pour quelques milliers de dollars
d'investissements en justice, d'obtenir une licence qui pèsera plus de 2
milliards de dollars au cinéma par la suite...
En 1995, une cour reconnaît enfin les droits de la franchise au cinéma comme appartenant à la MGM qui, bien que recevant tout le matériel de 21st
Century, a cependant les mains liées pour produire un film dont les droits de diffusion et de distribution vidéo appartiennent toujours à Viacom et Columbia peu enclines à l'aider.
En 1996, Marvel connaît la banqueroute et ne voit sa sortie de crise principalement que par l'action d'Avi Arad qui, malgré la fusion du géant de l'édition avec Toy Biz, protège l'activité papier et œuvre à la diffusion des licences
Marvel au cinéma. En 1999, c'est enfin officiel : Spider-Man est licencié chez Columbia Pictures (filiale de Sony) même si une dernière menace se profile avec MGM qui souhaite retenir la licence dans ses filets alors que Sony a pour projet de réaliser une série de films 007, concurrente à la sienne. Tout est bien qui finit bien quand, en mars 1999, un accord à l'amiable est signé entre les deux sociétés : Sony ne gênera pas MGM en renonçant à une série 007 tandis que MGM ne s'opposera plus à la réalisation de films Spider-Man. L'obstination de Columbia Pictures a donc payé, elle qui depuis 1990, s'était fortement engagée aux cotés de 21st Century à faire de Spider-Man une licence forte au cinéma !
Ce n'est toutefois pas une première pour L'Homme Araignée qui a eu droit de très nombreuses apparitions sur le petit et grand écran. Il apparait ainsi la toute première fois à la télévision dans la série animée
L'Araignée en 1967. Il a droit ensuite à de nombreuses autres séries d'animation : Spider-Man (1981), Spider-Man and His Amazing Friends (1981), Spider-Man, l'Homme-Araignée (1994), Les Nouvelles Aventures de Spider-Man (1999). Puis, avec la renommée des films de Sam Raimi : Spider-Man : Les Nouvelles Aventures (2003), Spectacular Spider-Man (2008) et Ultimate Spider-Man (2012).
Côté « live », il s'invite d'abord dans de courtes séquences en 1974 dans Spidey Super Stories puis dans une série japonaise Spider-Man/Tokusatsu en 1978. Ces prestations sont en réalité des galops d'essai tant sa véritable incartade « live » se fait dans la série L'Homme-Araignée en 1977 qui donne, elle-même, naissance à trois films délocalisés, L'Homme-Araignée (1978), La Riposte de l'Homme-Araignée (1979), Spider-Man : The Dragon's Challenge (1981) ; autant de longs-métrages constitués de montages d'épisodes de la série.
Une chose est sure : Spider-Man se mérite. Columbia Pictures n'est donc pas encore au bout de ses peines. Le film dirigé par Sam Raimi est pourtant sur les rails avec la concrétisation de son casting : Tobey Maguire
(créant les rires de l'assistance lorsque lors d'une conférence de presse en
présence de l'intéressé, le réalisateur décrivant le rôle de Peter Parker comme nécessitant un acteur pas vraiment beau pour le rôle), Kirsten Dunst (et sa perruque), Willem Dafoe et James Franco seront les personnages principaux.
Lors de l'été 2001, sa bande-annonce est
enfin diffusée dans les salles françaises avant une distribution
Sony, Final Fantasy : Les Créatures de l'Esprit : elle provoque alors des battements de cœurs à tous ceux qui désespéraient de voir le tisseur à l'écran. Le héros masqué y vole de toile en toile à toute vitesse entre les buildings de New-York restituant l'agilité et l'aisance de Spider-Man comme jamais auparavant dans aucune production, live ou animée. Vive le XXIème siècle et la technologie numérique. La bande-annonce contient également un passage avec l'hélicoptère d'un gang de voleurs, prisonnier d'une toile entre les deux tours du World Trade Center ; lieu qui devait être au centre d'une scène d'action dans le film. Les attentats du 11 septembre 2001 ont donc pour dommage collatéral, parmi d'autres bien plus dramatiques, de contraindre la production à revoir sa copie.
C'est le 3 mai 2002 que Spider-Man tisse enfin sa toile dans les cinémas
américains (les jeux de mots autour de l'homme-araignée ayant été une source d'inspiration inépuisable pour les publicitaires) pour un budget effleurant les 140 millions de dollars. Le casting présenté par Sam Raimi est intégré au film : enfin les personnages de l'univers de Spider-Man prennent vie dans une production hollywoodienne à la hauteur de son aura ! Bien sûr, il ne s'agit pas là tout à fait des personnages des comics : leurs comportements diffèrent, quand ce n'est pas complètement leur attribut. Ainsi, les lances-toiles organiques peuvent laisser songeurs (James Cameron a d'ailleurs regretté de ne pas être cité pour cet apport au scénario dans les films de Raimi) puisque, s'ils existent par soucis de réalisme afin de ne pas faire de Peter Parker un surdoué scientifique en créant une toile de synthèse, il est possible de se mettre d'accord sur le fait que très peu d'araignées tissent une toile du bout de leur pattes !
Tobey Maguire incarne donc un Peter Parker gaffeur, mal dans sa peau à l'extrême quitte à se tourner complètement en ridicule tandis que Kirsten Dunst n'est, elle, pas la Mary-Jane mannequin extravagante et fêtarde telle son homologue de bande-dessinée. A côté d'eux, d'autres acteurs incarnent leur homologue de papier avec plus de traits communs comme James Franco en Harry Osborn brillant fils-à-papa ou l'incroyable prestation de J.K. Simmons qui crée un J.J. Jameson (rédacteur en chef du Daily Bugle) parfaitement saisissant. L'acteur fait littéralement de chacune de ses apparitions un moment de bravoure, au point que pour le reboot The Amazing Spider-Man de 2012 et 2014, le réalisateur Marc Webb s'est avoué impuissant à lui trouver un remplaçant !
Spider-Man par Sam Raimi, c'est un peu le projet de tous les fantasmes.
Le réalisateur, en plus de s'avouer fan du personnage depuis son enfance, vient, en effet, du cinéma de genre. A croire que la franchise attire ce genre de réalisateurs alors que Tobe Hooper était un temps prédestiné au projet et que les deux hommes ont un amour immodéré pour la tronçonneuse même si le rapprochement reste peut-être un brin tiré par les cheveux. Sam Raimi est cependant surtout connu pour sa trilogie horrifique folle furieuse Evil Dead avec son acteur fétiche Bruce Campbell qui ne manque pas de faire un caméo dans chaque film Spider-Man. Une trilogie à ne pas mettre entre toutes les mains pour sa violence graphique mais qui reste incomparable pour son ton mêlant humour et horreur avec son rythme haletant. Ce qui reste en tête, c'est surtout la débrouille de Sam Raimi avec zéro budget et mettant en scène tantôt une danse macabre et envoûtante de zombies, tantôt un plan allant à toute berzingue à travers une forêt décharnée et à rase-motte du sol pour représenter un mauvais sort ou tantôt un combat acharné cartoon gore d'un homme contre sa propre main.
Par la bougeotte de sa caméra, par la grandiloquence de sa réalisation, Sam Raimi, c'est la folie cinématographiée :
le mot est lâché !
Mais à la place de la folie d'un Evil Dead, Sam Raimi est plus posé dans sa manière de filmer Spider-Man ; et cela, malgré des plans CGI magnifiques de l'Homme-Araignée voyageant entre les grattes-ciels de New York où la caméra tourne autour du héros et suit le moindre de ses sauts comme pour mieux projeter le spectateur au même rythme. Finalement, la première scène où Peter Parker utilise ses pouvoirs comme un justicier, grimpant un mur et sautant de mat en mat avant de s'élancer au bout de sa toile est l'une des séquences rappelant le mieux la virtuosité du réalisateur même si la paternité du passage est aussi à mettre au crédit de Sony Imageworks. Les cabrioles de l'homme-araignée sont, en effet, saisissantes et assez bien intégrées pour ne jamais casser l'illusion avec les plans où tantôt un cascadeur, tantôt Tobey Maguire se glisse dans le costume.
A côté de cela, la réalisation reste dans les clous sans manquer de virer malheureusement parfois au ridicule pour certains combats dignes d'un sentai japonais qui ne sont certes pas aidés par une armure du Bouffon Vert à l'allure très jouet, le tout placé dans un environnement sonore assez fantaisiste, presque cartoonesque (le bruit des coups est édifiant !).
Ce dernier point sera malheureusement une séquelle plus ou moins présente sur la totalité des films
Spider-Man de Sony. Le seul combat qui rend à l'écran l'agilité de l'araignée dure une poignée de secondes face à quelques gangsters dans une scène présentant ses premiers faits d'armes. Les phases en costume laissent aussi songeurs lors des moments plus calmes comme pour un dialogue entre le
Bouffon Vert et Spider-Man sur un toit de New York, à l'allure très cosplay à la sortie d'une convention. Les dialogues sont eux-mêmes dans ces situations d'une pauvreté affolante comme pour rappeler le désintérêt du réalisateur envers l'intrigue de super-héros. La réalisation en général dans le film semble maîtrisée mais ne résistera cependant pas à l'examen approfondi d'un œil attentif : une multitude de faux raccords ou d'erreurs
empoisonnent irrémédiablement l'opus. C'est presque un record tant chaque scène est le théâtre de bourdes entres les différents plans !
Que dire, alors que Spidey vole à travers New York portant Mary-Jane dans ses bras dans une scène douce,
quand les cheveux de cette dernière volent contre le vent ?
Consternant. Bien sûr, cela ne vient pas gâcher l'expérience générale d'un film, mais une fois pris en compte, cela éloigne un peu de l'action.
L'intrigue essaye de joindre par un jeu de miroir les transformations de Peter Parker et Norman Osborn tout en prenant comme menace ce dernier : elle pioche ainsi dans divers éléments du comics, en réécrit d'autres (surtout la présence de Mary-Jane à la place de Gwen Stacy) et joue avec le lecteur des comics sur l'iconographie propre à Spider-Man. Mais évidemment, deux heures de film c'est un peu court pour reprendre plusieurs années de comics qui exposent les situations et évolutions de chaque personnage. L'opus n'a toutefois pas à rougir sur l'écriture de ses protagonistes. Le problème vient en réalité plus des différents évènements mal construits, de sa trame générale trop basique. Toute l'intrigue super-héroine ne semble être qu'une simple excuse pour faire évoluer les personnages, tout en ne proposant jamais d'enjeux importants. Rien de bien honteux mais toujours cette sensation persistante que les scènes en costumes sont trop en retrait dans la trame du film et que Sam Raimi poursuit son souhait de ne pas tant parler de Spider-Man que de Peter Parker.
Sam Raimi n'est pas un réalisateur transparent, loin de là. Si son
long-métrage peut être méticuleusement dépiauté pour faire apparaître une multitude de faiblesses, l'homme l'emporte haut la main avec ses deux heures d'histoire !
Parce que Sam Raimi sait maîtriser le ton de son film
: ainsi, et bien que prenant de grandes libertés avec le comics, son Peter Parker, sa Mary-Jane, sa Tante May et ses Osborn sont engagés dans la grandiloquence de sa réalisation. Ce n'est d'ailleurs pas une grandiloquence esthétique comme celle de Tim Burton ; non, celle de Sam Raimi se distingue dans chaque facette technique du film au point que les phases d'actions en costumes ne sont pas celles qui retiennent le plus l'attention.
Sam Raimi a toujours été franc sur ce point : c'est l'histoire de Peter Parker qui l'intéresse et non celle de Spider-Man. Contrairement au héros du comics, Spider-Man costumé est ici peu bavard et ne s'exprime principalement que pour crier sa colère, sa joie ou dire quelques banalités de super-héros : il reste assez désincarné avec peu de personnalité. Peter Parker est totalement effacé par le port du costume : la représentation du personnage se situant là à l'opposé de la version d'Andrew Garfield où Peter Parker ne semble être jamais aussi extravagant
qu'après avoir mis le masque. Ici, aucun jeu d'esprit !
Un peu comme ces punks de la vie personnelle qui sont transfigurés lorsqu'ils enfilent leur costume de comptable pour aller travailler en journée, où seuls les résultats en pied de ligne peuvent leur faire exprimer joie et douleur. Le costume de Spider-Man n'est
dans l'opus nullement un moyen de s'assumer pour Peter Parker (ce que confirmeront les épisodes suivants), il représente juste des responsabilités. Spider-Man n'est pas une évolution de Peter Parker mais juste une autre de ses personnalités. Que cela soit une volonté consciente ou non, Spider-Man semble assez ennuyeux - transparent - presque inintéressant : seul compte Peter Parker, cet adolescent extrêmement maladroit et mal dans sa peau. Et Sam Raimi lui crie son affection tout le long du film.
La grandiloquence du Spider-Man Version Sam Raimi a lieu dans l'humour lorsque Peter Parker expérimente ses pouvoirs et dans cette métaphore des changements physiques de l'adolescence (maintes fois commentés et sur-commentés) de Peter Parker qui découvre son nouveau corps et ses lances-toiles organiques dans sa chambre risquant de se faire surprendre par sa Tante May. La grandiloquence, c'est aussi le jeu d'acteur totalement exagéré de Willem Dafoe qui comme un miroir à Peter Parker doit gérer son dédoublement de personnalités qui le dévore. De la musique de Danny Elfman à un baiser d'une Mary-Jane très sexy sous la pluie (une récurrence à travers les films de Sam Raimi) à Spider-Man la tête en bas, en passant par les cris constant de tous les protagonistes durant les scènes d'actions : il y a là une exagération constante. Tous les personnages en font des caisses avec une mention spéciale à J.J. Jameson. L'emphase est aussi dans la tendresse qui transpire des duos de l'opus où l'un représente toujours un but pour l'autre : Peter et Mary-Jane c'est déjà dit, mais aussi Peter et sa tante May, Peter et son oncle Ben, Peter et Harry ou encore Harry et son père Norman. Sam Raimi se refuse ainsi de raconter,
de façon banale, les moments les plus banals d'un jeune homme.
Le résultat ? Des scènes emblématiques qui sont restées inscrites dans l'histoire du cinéma bien au-delà de celles d'une transposition de comics réussie :
et ce, que cela soit pour le meilleur ou pour le pire des parodies disponibles sur Youtube. Sam Raimi ne réalise pas une bonne adaptation des comics, il les trahit tendrement afin de réaliser
"son" film de super-héros, avec "sa" patte, "son" aura qui marquera Spider-Man durablement jusqu'au sein du reboot de Marc Webb.
Spider-Man est le premier film aux Etats Unis à dépasser les 100 000 dollars en un week-end d'exploitation, un succès tonitruant qui jusqu'à la sortie de Spider-Man 3 en 2007 reste le plus gros succès super-héroïque au cinéma ! Si Blade et le premier X-Men ont redonné,
sur grand écran, souffle à Marvel tout entier, Spider-Man a été le premier sommet d'un succès inespéré. Jamais tant de monde n'a fait connaissance avec Peter Parker en si peu de temps poussant
Marvel à essayer de capitaliser dessus en comics.
Il y eut évidemment l'adaptation du film en BD, relativement médiocre, mais surtout, dans ce même laps de temps, le début de la série Ultimate Spider-Man en 2001. Bendis et Bagley y remettaient à jour avec brio les origines de Peter Parker après un essai oubliable mené lui par Byrne sur Chapter One. Parallèlement, l'arrivée de J.M. Straczynski (Babylon 5) sur la série historique Amazing Spider-Man aboutissait à la création du vilain Morlun et d'Ezekiel dans des histoires appelées à devenir cultes. Enfin, Jenkins écrivait lui aussi des merveilles sur des séries annexes consacrées au tisseur et magnifiées par l'arrivée d'un dessinateur qui marquera durablement l'esthétique du tisseur : Humberto Ramos ! Le monde entier assiste dès lors à un véritable âge d'or pour les fans de l'homme-araignée !
Grand film mêlant bons sentiments, drame et humour, Spider-Man est aussi un tour de force pour l'époque dans son choix de concentrer tout son intérêt sur l'empathie que génère Peter Parker quitte à délaisser son alter ego arachnide. Réalisant cela, Sam Raimi rend hommage à la volonté de Marvel d'humaniser ses héros.