Captain America
First Avenger
Le synopsis
Téméraire bien que frêle et timide, Steve Rogers ne recule jamais devant l’adversité même s’il n’a pas vraiment les moyens physiques d’assumer son courage. Intégrant l’armée, il se porte vite volontaire pour participer à un programme expérimental dont l’objectif est la création d’un Super Soldat connu sous le nom de code de Captain America... |
La critique
Produit par Marvel Studios, une filiale appartenant à 100% à la Walt Disney Company, Captain America - First Avenger est un film distribué par Paramount Pictures. La simple évocation d'une adaptation cinématographique du super-héro considéré comme le plus kitch de l'univers marvelien (du moins de ce coté de l'Atlantique) avait de quoi faire craindre le pire. Il faut dire que ce patriote en costume de petit de rat de l'opéra aux pouvoirs bien moins impressionnants que ses confrères surhumains peut aisément, pris au premier degré, déclencher l'hilarité. Et pourtant : c'est ici tout le contraire qui se produit ! Captain America - First Avenger sert, en effet, un personnage attachant plongé dans une histoire palpitante. Grâce à un savant mélange d'univers rétros, de teneurs fantastiques et d'immersion dans un univers Marvel étendu, imbriqué et plus crédible que jamais, le film est une agréable surprise, totalement divertissante et jouissive...
Captain America est donc un super-héros de comics, au costume inspiré du drapeau américain. Le personnage nait en décembre 1940 du pinceau de Jack Kirby et de l'imagination de Joe Simon, respectivement dessinateur et scénariste pour la Timely Comics. Il apparaît ainsi, pour la première fois, dans Captain America Comics #1 en mars 1941. Sa naissance s'inscrit en réalité dans un effet de mode. Souhaitant, comme tous les dessinateurs de l'époque, profiter du phénomène « Superman », de nombreux éditeurs américains de bandes dessinées se lancent, en effet, sur le marché des supers-héros charismatiques. Captain America en est donc l'archétype complet. Combattant les nazis et les japonais, il est même consciemment installé comme une figure de propagande nationaliste, quelques mois avant l'entrée en guerre des Etats-Unis. Ce marquage « à la culotte » le pénalise assez vite. Le temps de l'armistice venu, l'intérêt pour sa personne diminue, il est vrai, considérablement. Le public se détourne en fait des années terribles et, préfère oublier les moments difficiles en optant pour des comics plus légers. Il faut donc attendre novembre 1963 pour voir Jack Kirby ressusciter Captain America dans Avengers #4 ; Timely Comics ayant, entre-temps, mué en Marvel. Dans son univers, Captain America est retrouvé en état d'hibernation par les Vengeurs. Il intègre alors l'équipe jusqu'à sa dissolution, pour former ensuite les Nouveaux Vengeurs. Le succès du personnage ne se démentant plus, plus de quarante ans après avoir été décongelé des glaces du pôle, Captain America continue toujours sa carrière de patriote...
La première tentative de mise sur pellicule de l'univers de Captain America
remonte à 1944, avec Captain America, un sérial (une série de 15
courts-métrages ayant un fil rouge d'épisode en épisode) produit par Republic
Pictures. Bien qu'il soit considéré aujourd'hui comme la première œuvre
Marvel à avoir été adaptée au cinéma, il n'a en réalité que très peu à voir avec
le comics dont il se revendique. Son scénario avait été, en effet, imaginé pour
un autre personnage ; pour preuve, le Captain America voit son identité secrète
changer et passer de Steve Rogers à Grant Gardner. De Captain America, il ne
reprend que le costume, histoire de surfer sur sa popularité...
Il faut ensuite attendre 1990 pour voir Marvel tenter de remettre le capitaine
de l'Amérique à l'affiche. Le long-métrage produit est alors tellement mauvais
qu'il est décidé de ne pas le distribuer au cinéma mais de le proposer
directement en vidéo...
Dans le genre des longs-métrages d'animation, Captain America n'apparait en
revanche jamais en solo : il est ainsi au casting des (Les) Vengeurs Ultimate,
Les Vengeurs Ultimate 2 et Next Avengers : Heroes of Tomorrow.
En parallèle du cinéma, le personnage fait de très nombreuses apparitions à la
télévision notamment dans l'animation. Il est ainsi en caméo dans les séries
animées marveliennes des années 60 (The Marvel Super Heroes) ; des années
80 (Spider-Man et Spider-Man and His Amazing Friends) ; des années
90 (Spider-Man, X-Men et The Avengers : United They Stand)
; des années 2000 (X-Men : Evolution et The Super Hero Squad Show)
; et enfin, des années 2010 (The Avengers : Earth's Mightiest Heroes). Le
petit écran lui réussissant décidément mieux que le grand, il accède également à
deux téléfilms « live » en 1979 : Captain America et Captain America
II : Death Too Soon.
En 2011, pour la réalisation de Captain America - First Avenger,
Marvel a l'excellente idée de faire appel à Joe Johnston. Ce réalisateur, bien
connu des fans des productions Disney, débute véritablement sa carrière, en
1977, en qualité de collaborateur sur les effets spéciaux de La Guerre des
Étoiles. Ce baptême du feu prestigieux lui alors ouvre la voie royale
puisqu'il devient, à sa suite, responsable dans la même registre sur les deux
autres volets de la saga de science-fiction, L'Empire Contre-Attaque et
Le Retour du Jedi. Il enchaine alors sur les effets spéciaux des (Les)
Aventuriers de l'Arche Perdue, pour lesquels il remporte un Oscar. Proche
collaborateur de George Lucas et de Steven Spielberg, Joe Johnston officie
ensuite en qualité de directeur artistique sur Indiana Jones et le Temple
Maudit et de superviseur des séquences aériennes sur Always. Après
avoir assuré, en 1987, le poste de réalisateur de la seconde équipe sur
Miracle sur la 8ème Rue puis, l'année suivante, produit le film fantastique
Willow, il se lance, en 1989, dans la mise en scène avec
Chérie, J'ai Rétréci les Gosses pour
Walt Disney Pictures. Il connait ainsi un large
succès public et confirme, par la même, son goût prononcé pour la fantaisie,
l'aventure et les prouesses techniques les plus osées. Joe Johnston signe, deux
ans plus tard et toujours chez Disney, le film d'action
Rocketeer. Il revient dans le giron de
Mickey en 2004 avec Hidalgo - Les Aventuriers du Désert qui sort, cette
fois-ci, chez Touchstone Pictures.
Enfin, parmi ses réalisations les plus remarquables, se doivent d'être
soulignées Jumanji en 1995, Jurassic Park III en 2001 et
Wolfman en 2010.
En s'attaquant à Captain America - First Avenger, un film de super-héros
issu de l'univers Marvel, le cinéaste confirme donc son statut de réalisateur
hollywoodien touche-à-tout. Il y met en pratique le premier de ses talents :
celui de toujours réussir à insuffler l'énergie suffisante aux scènes d'actions
tout en magnifiant les séquences plus intimistes. Il excelle d'ailleurs d'autant
plus dans la manœuvre qu'il prend visiblement du plaisir à l'opérer dans un
monde fantasmé d'une autre époque. Car, même si l'action se déroule durant la
Seconde Guerre Mondiale, le rendu de l'opus lorgne plus du coté d'un univers
imaginaire rétro que du réalisme pur et dur, offrant une apparence nostalgique
au film tout en lui conservant un récit contemporain. Ainsi, quand Joe Johnson
s'occupe d'un Marvel, le divertissement transparait à chaque plan, et c'est
juste là, le secret d'un bon comics !
Réalisé de main de maître, Captain America - First Avenger accumule
par ailleurs les qualités.
La construction du film est notamment imparable puisqu'elle a bien compris
qu'au-delà du super-héros, c'est avant tout l'homme qui compte. Le long-métrage
sait ainsi non seulement faire aimer son personnage principal, mais également
rendre attachants ses rôles secondaires. Evoluant dans le bien comme dans le
mal, tous sont parfaitement définis et développent un capital-sympathie
impressionnant.
Le timing du récit fait aussi son effet ! Avoir fixé l'action durant la Seconde
Guerre Mondiale est à l'évidence une excellente idée. Elle rend, il est vrai,
l'existence et la raison d'être de ce super-héros aux couleurs de l'Amérique
aussi évidentes que naturelles et pose donc les bases de sa légitimité. Ridicule
-ou risible- transposée brutalement à l'époque contemporaine, sa création prend
là, au contraire, une toute autre et belle signification. Rassuré par la
démarche, le spectateur prend alors un vrai plaisir à se laisser absorber par
l'ambiance nostalgique du film et le dépaysement offerts par certaines
séquences. Les décors sont à ce titre remarquablement construits tout comme les
effets spéciaux dont les rendus valent à eux-seuls le détour. D'ailleurs, chose
désormais rare au cinéma, le recours à la 3D (pourtant ici post-produite)
s'avère légitime ! Le public peut, de la sorte, tout naturellement savourer
l'entreprise qui consiste à voir Marvel assumer le côté kitch et quelquefois
totalement dépassé de son personnage au travers de scènes truculentes. La
démarche est d'autant plus intelligente qu'elle est parfaitement respectueuse :
brocardant gentiment son super-héros, le studio n'oublie pas de souligner que
c'est par lui que tout a commencé, rendant alors hommage, plus largement, au
genre des comics, et à l'univers que le label met patiemment en place, film
après film. Car, Captain America - First Avenger se doit absolument
d'être envisagé dans l'ensemble formé par tous les derniers longs-métrages
Marvel. Chacun de ses opus est, en effet, une brique à l'édifice qui vise à
construire un univers cohérent où chaque super-héros a sa place ! Ainsi, des
éléments d'Iron Man et de Thor s'invitent
naturellement auprès de Captain America - First Avenger et servent à
préparer le grand évènement à venir : The Avengers. Par conséquent, et
comme toujours chez Marvel, il est vivement conseillé aux spectateurs de ne pas
quitter la salle sans attendre la fin complète du générique...
Si la réalisation de Captain America - First Avenger ne souffre
d'aucunes critiques, son casting fait lui aussi un sans fautes.
Le rôle titre est ainsi tenu à merveille par un extraordinaire Chris Evans. Déjà
vu en personnage Marvel (la Torche Humaine), dans Les Quatre Fantastiques
(2005) et Les Quatre Fantastiques et le Surfer d'Argent (2007), l'acteur
confirme ici sa belle capacité à endosser un rôle de super-héros. Le passage du
gringalet à la masse de muscles vaut d'ailleurs le coup d'œil tant les effets
techniques pour rendre le sculptural acteur en maigrichon sont saisissants. Mais
au-delà de son physique exceptionnel, le comédien sait surtout jouer ! Il
parvient ainsi à rendre son personnage profondément attachant, évitant les
affres du patriote forcené sans cervelle au profit d'un citoyen juste et
sensible, motivé par la seule volonté d'aider son pays dans la lutte contre le
mal. Son long parcours pour accéder au rang de super-héros en fait alors un être
touchant. Son humilité sonne juste : bien qu'il soit devenu fort, il reste, il
est vrai, dans sa tête le petit gars frêle maltraité dans sa jeunesse. Il
connait ainsi la valeur de la force ; ce qui le rend plus juste et plus sage.
A ses cotés, le personnage féminin n'est pas en reste. Loin de la potiche
habituelle en pareilles circonstances, Peggy Carter, endossée avec conviction
par Hayley Atwell, rayonne comme rarement. La jeune fille sait se battre, a du
caractère et fait avancer aussi bien l'action que l'histoire. Apportant une
touche de fraicheur et de féminité dans un monde de brutes épaisses, le
personnage fait assurément mouche dans chacune de ses interventions...
Sebastian Stan est, quant à lui, Bucky, le meilleur ami de Steve Rogers (Captain
America). De protecteur et tombeur de filles, le personnage connait, au cours du
film, une vraie rétrogradation : devenant peu à peu transparent, il assume alors
un statut somme toute difficile, bien qu'il s'attache à préserver l'amitié qu'il
éprouve envers Steve, celui-là même qu'il soutenait, adolescent gringalet.
Enfin, Tommy Lee Jones se doit d'être souligné pour son rôle du Général Chester
Phillips, responsable du S.S.R., l'organisation scientifique gouvernementale qui
deviendra le S.H.I.E.L.D. ; clé de voute marvelienne !
Si l'équipe des « gentils » brille par sa qualité, les « méchants » sont
également particulièrement bien définis. Le premier d'entre eux, le Crâne Rouge,
est, à ce titre, époustouflant. Interprété avec brio par un Hugo Weaving qui
décidément ne s'en laisse pas conter, le personnage apparait véritablement
antipathique et répugnant. Il faut dire que le réalisateur a eu la bonne idée de
repousser au maximum la révélation de son apparence évitant ainsi les affres de
la ringardise ou du pathétique. Le spectateur dispose, en effet, dans l'opus, du
temps nécessaire pour la détester suffisamment et ne plus avoir, une fois
révélée, l'envie de la moquer. Le malaise face à sa vilenie atteint d'ailleurs
son paroxysme quand il s'agit de voir le Crâne Rouge se rebeller contre les
Nazis : comme si la haine, pourtant grande qu'inspire le personnage, ne faisait
pas le poids contre celle éprouvée contre les féroces soldats d'Hitler... Le
choc des monstruosités fait alors son œuvre et bouscule comme il se doit un
public décidément happé par ce qui se trame sous ses yeux...
A une réalisation remarquable et une galerie de personnages efficace à souhait, Captain America - First Avenger rajoute une bande-son inspirée. Composée par Alan Silvestri, la superbe musique soutient, en effet, avec justesse et envie, aussi bien les scènes d'actions que les séquences intimistes. Elle se trouve d'ailleurs agrémentée d'une belle surprise via l'amusante chanson signée d'Alan Menken et du parolier David Zippel (un duo déjà formé pour Hercule). Avec Star Spangled Man, les deux artistes rendent, il est vrai, un hommage appuyé aux comédies musicales des années 40, raillant avec malice le côté pathétique de Captain America dans son excès de patriotisme primaire.
Evitant le piège du kitch, Captain America - First Avenger est une très bonne surprise. Le film sert des personnages enthousiasmants mis au service d'une aventure grisante : la recette magique du parfait blockbuster ! Envisagé dans le contexte de l'univers Marvel qui lie toutes ses œuvres entre elles, il devient, en outre, une expérience cinématographique bluffante qui développe l'impatience à découvrir The Avengers... Assurément du bel ouvrage !