Titre original :
Tigers
Production :
Disneynature
Date de mise en ligne USA :
Le 22 avril 2024 (Disney+)
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Alastair Fothergill
Vanessa Berlowitz
Rob Sullivan
Musique :
Nitin Sawhney
Durée :
89 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Dans les légendaires forêts indiennes, la jeune tigresse Ambar élève ses quatre petits. Curieux, débordants d'énergie et parfois maladroits, les tigreaux ont beaucoup à apprendre des talents de leur mère, laquelle fera tout ce qui est en son pouvoir pour les protéger des pythons, des ours et des tigres mâles qui maraudent...

La critique

rédigée par
Publiée le 30 juin 2024

Tigres est un nouveau film Disneynature aux images, encore une fois, sublimes. Il présente une mère tigre qui élève ses quatre petits. Le film va alors les suivre sur plusieurs mois, de tigreaux à peine nés jusqu'à l'âge adulte lorsqu'ils quittent leur mère.

En 2008, The Walt Disney Company renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques 60 ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met, ainsi, en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950) ou La Terre, Cette Inconnue (1951) avant de s'ouvrir, en 1953 avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier devient, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne au final six œuvres dont La Grande Prairie (1954) ou Le Grand Désert Blanc (1958). Au total, en comptant les courts et longs-métrages, la série aura gagné en tout pas moins de huit Oscars !

La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a en effet en 2005 la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran et à destination du grand public un long-métrage documentaire animalier sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparaît, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant pour une fois la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparaît vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner Bros., elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite à l’époque le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié entre une petite fille et une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le patron alors remuant de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Disney, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux États-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008 suivi par Pollen et Félins en 2011, Chimpanzés en 2012, Grizzly en 2014, Au Royaume des Singes en 2015, Nés en Chine en 2016, L'Empereur en 2017, Blue en 2018 et Penguins en 2019. Par ailleurs, le film britannique Un Jour sur Terre est distribué aux États-Unis en 2009 sous label Disneynature, ainsi que le film français Océans en 2010. Enfin, en 2016, il propose son premier film directement en sortie digitale, Grandir, suivi un an plus tard par La Reine de la Montagne et Nés en Chine : Histoires d'un Tournage.

Malgré la qualité de ses films, Disneynature voit irrémédiablement les résultats au box-office diminuer de sortie en sortie ; le tout dernier, Penguins, atteignant à peine sept millions de dollars. Son échec financier semblait ainsi entériner un avenir bien sombre pour le label Disneynature né en France. Déjà, le public s'était visiblement lassé des documentaires animaliers au cinéma. Ensuite, le rachat d'une partie de 21st Century Fox par The Walt Disney Company, acté en mars 2019, faisait entrer dans le giron de Disney la très forte et iconique marque National Geographic. Il paraissait alors évident que Disney n'avait aucun intérêt à garder deux labels de documentaires, surtout quand l'un des deux est largement moins connu que l'autre. Le départ de The Walt Disney Company de Jean-François Camilleri, créateur du label à l'iceberg, en mars 2019 semblait d'ailleurs valider ce constat. La mort de Disneynature ne serait sans doute jamais officielle mais le label aurait pu s'éteindre en catimini comme d'autres anciens à l'image de Touchstone ou Hollywood Pictures ; ses sorties au cinéma n'étant désormais plus rentables malgré ses faibles coûts de production. Coup de théâtre, le salut vient en 2020 après l'ouverture de la plateforme Disney+ !

L'ouverture historique le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est en effet un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a alors deux objectifs. D'une part, elle remplacera à terme les sorties en vidéo des films cinéma sur support physique dont le grand public s'est détourné, préférant en majorité l'achat en digitalisé. D'autre part, elle permettra à Disney de revenir sur des genres de films qu'il avait désertés en salles faute de succès ou d'appétit suffisant des spectateurs. Les films à petit budget, qui étaient proposés il y a encore quelques années sur grand écran, sont donc désormais réorientés pour une sortie directement sur la plateforme. Le choix est compréhensible car le public préfère malheureusement se déplacer en salles de plus en plus pour des franchises qu'il connaît bien. Les studios Disney se contentent alors de lancer uniquement au cinéma des films à gros budgets, certes aux risques plus importants mais aux retours sur investissement conséquents. Disney+ est donc l'écrin idéal pour accueillir les films Disneynature, ce qui paradoxalement leur donnera plus de visibilité ; les familles hésitant à dépenser le prix d'une place de cinéma pour un « simple » documentaire. Ainsi, le 3 avril 2020, ce sont pas moins de quatre films originaux du label qui se voient proposés sur la plateforme ; Éléphants et les documentaires making-of comme le fut La Reine de la Montagne : Plongée dans le Monde des Dauphins, Les Manchots : Une Vie à Risque, Sur la Route des Éléphants. Sont également ajoutés Penguins qui n'avait pas eu droit à une édition vidéo ainsi que Blue qui était sorti au cinéma uniquement en France (et qui donc doit patienter pour intégrer le catalogue de Disney+ dans l'hexagone compte tenu de l'effet de l'anachronique règle de la chronologie des médias). Le label continue ensuite son petit bonhomme de chemin comme le prouvent les sorties en 2022 d'Ours Polaire et de son secret de tournage, Ours Polaire : Le Making-Of puis en 2024 avec Tigres et Tigres : Le Making-Of.

Tigres est réalisé une nouvelle fois par Alastair Fothergill, aidé ici par Vanessa Berlowitz et Rob Sullivan.
Alastair Fothergill débute à la télévision anglaise sur des documentaires animaliers. Il investit ensuite vite le grand écran, sur le même créneau et toujours avec succès. Ce scénariste et réalisateur britannique est ainsi à l’origine du long-métrage La Planète Bleue, de la série télévisée Planète Terre ainsi que de son film dérivé, Un Jour sur Terre (celui-là même distribué par Disneynature aux États-Unis). L’homme et le label commencent alors une jolie collaboration qui aboutit aux réalisations de Félins, ChimpanzésGrizzly, Au Royaume des Singes, Blue, Penguins, Les Manchots : Une Vie à Risque, Éléphants, Ours PolaireOurs Polaire : Le Making-Of et Tigres.
Sur Tigres précisément, Alastair Fothergill est secondé par Vanessa Berlowitz qui réalise ici son troisième long-métrage pour le label après Éléphants et Sur la Route des Éléphants. Rob Sullivan se cantonnait lui jusqu'alors à la seule production de documentaires animaliers pour la télévision avant de réaliser les deux longs-métrages Disneynature Tigres et Tigres : Le Making-Of.

Ce n'est pas la première fois que Disneynature se penche sur les félins. En 2011, ils avaient déjà ébloui les spectateurs avec les lions et les guépards sur le continent africain. Cette fois-ci, le label à l'iceberg fait visiter les forêts de l'Inde pour découvrir les tigres. Facilement reconnaissable à sa fourrure rousse rayée de noir, le tigre est le plus grand félin sauvage et l'un des plus grands carnivores terrestres, dépassé seulement par les plus grandes espèces d'ours. Superprédateur, il chasse principalement les cerfs et les sangliers, bien qu'il puisse s'attaquer à des proies de taille plus importante comme les buffles. Comme la plupart des félins, c'est un animal généralement solitaire ; le mâle possède un territoire qui englobe les domaines de plusieurs femelles et participe rarement à l'éducation des petits. Espèce menacée, une ombre d'espoir est néanmoins apparue. Après un long déclin, le nombre d'individus a en effet doublé en quinze ans grâce à un gros effort de protection sachant que 70% des tigres sauvages vivent en Inde.

Comme souvent chez Disneynature, Tigres est un film sur la famille et la transmission avec une forte identification apportée par la personnification des animaux en donnant des noms à certains. L'anthropomorphisation est, en plus, renforcée par une narration qui humanise beaucoup leurs réactions, ce qui hérisse les cheveux des puristes des documentaires animaliers trouvant que le procédé « disneyise » le comportement naturel des animaux. Pour autant, il permet d'intensifier les émotions et au public, en particulier jeune, de s'attacher instantanément aux animaux qu'il voit à l'écran. Le public découvre ainsi Ambar, une jeune mère de trois ans, qui vient de donner naissance à une portée impressionnante de quatre tigreaux. La première d'entre eux est Ivy, une petite femelle qui adore grimper où elle peut. Son frère Ravi est lui l'aventureux de la fratrie. La plus petite et la plus craintive est Charm, qui se tient souvent à l'écart des autres. Enfin, le dernier est Golu, le pataud et le maladroit des quatre petits tigres. Cette jolie famille vit sur le territoire d'un mâle particulièrement massif, Shankar, qui est devenu le nouveau chef en bannissant le père des petits d'Ambar. Il est donc une menace pour les tigreaux car il les tuera s'il les trouve, étant capable de sentir tout de suite qu'ils ne sont pas les siens.

Tigres n'innove pas beaucoup dans la structure du récit par rapport à la plupart des autres opus du label. Il montre ainsi comment la mère va élever ses petits et leur apprendre les différentes techniques de chasse pour être en mesure de se débrouiller une fois adultes. Il offre quelques moments de légèreté avec les facéties des tigreaux, notamment lors de la scène du bain, mais sait aussi se rendre stressant quand le danger guette voire même poignant quand le drame arrive. Le film permet aussi de visiter le territoire de la tigresse : des forêts luxuriantes au lac infesté de crocodiles des marais. Certaines scènes sont impressionnantes comme lorsqu'un boa menace les petits ou encore quand le lion mâle attaque un ours lippu. Pour autant, les séquences les plus intéressantes sont peut-être celles où Ambar protège ses tigreaux de Shankar. Par deux fois, il risque de tomber dessus. La première, elle s'en débarrasse en lui laissant une proie qu'elle vient de chasser. La seconde, plus étonnante, elle lui fait croire qu'elle est disposée à s'accoupler. Or, comme elle vient d'avoir des petits, elle n'est pas encore fertile mais le mâle n'est pas au courant de ce détail. En s'offrant à lui, elle permet de le détourner de sa progéniture. Malheureusement, la troisième fois, il rencontre finalement les tigreaux qui ont quasiment atteint l'âge adulte. La mère comprend aussitôt qu'il est temps de les laisser partir et donc de leur interdire de manger sa nourriture pour les forcer à partir seuls chacun de leur côté.

Comme tous ces prédécesseurs, les images de Tigres sont tout simplement époustouflantes. Certains plans sont d'une beauté incroyable, mettant en valeur aussi bien la flore que la faune. Notamment, les chutes d'eau qui se forment lors de la mousson sont particulièrement belles. De plus, comme il s'agit de mammifères, et encore plus de félins, il est impossible pour les spectateurs de ne pas craquer devant les petits tigreaux, surtout lorsqu'ils dorment en boule les pattes en l'air. Les réalisateurs de Tigres ont aussi voulu faire participer des talents locaux pour rendre hommage au pays où vivent ces animaux. Ainsi, la narration est confiée à l'actrice indienne Priyanka Chopra Jonas qui avait déjà participé à d'autres films Disney en étant en 2016 la voix de Kaa dans le remake de Jon Favreau du classique d'animation de 1967, Le Livre de la Jungle, ou étant la voix d'Ishani dans le film DisneyToon Studios Planes, en 2013. La musique, quant à elle, est composée par Nitin Sawhney qui amène de-ci de-là quelques touches instrumentales de l'Inde même s'il se lâche principalement dans le générique de fin.

Peu innovant dans sa structure, Tigres n'en reste pas moins un joli film comme sait très bien les faire Disneynature avec des images définitivement superbes, le tigre étant une espèce particulièrement cinégénique.

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