Howard
Titre original : Howard Production : Stone Circle Pictures Date de mise en ligne USA : Le 7 août 2020 (Disney+) Distribution : Disney+ Genre : Documentaire Date de sortie cinéma USA : Le 22 avril 2018 (Tribeca Film Festival) Le 18 décembre 2018 (Sortie limitée) |
Réalisation : Don Hahn Musique : Alan Menken Durée : 94 minutes |
Le synopsis
L'histoire méconnue mais pourtant fabuleuse d'Howard Ashman, le parolier brillant des classiques Disney comme Aladdin, La Belle et la Bête ou La Petite Sirène, est conté... |
La critique
À notre ami, Howard,
Qui donna sa voix à une sirène,
Et à une bête son âme.
Nous te serons toujours reconnaissants.
Howard Ashman.
1950 - 1991
Le film d'animation La Belle et la Bête, sorti en 1991, possède cet encart à la fin du générique. Pour beaucoup de spectateurs, ce nom est totalement inconnu, et mis à part chez les fans Disney et certains critiques presse de cinéma ou de Broadway, peu savent qui est cet immense artiste. Le film documentaire Howard revient donc sur la carrière de ce parolier hors-norme. Même si quelques détails sont omis, le long-métrage retrace la vie, personnelle et professionnelle, d'Howard Ashman sans fard mais toujours avec beaucoup de respect et d'émotion. Surtout, il permet d'apporter un éclairage nouveau à certaines des paroles de ces chansons, les ancrant dans leur époque mais aussi les rendant incroyablement intemporelles.
Howard est réalisé par Don Hahn. Né le 26 novembre 1955 à Chicago, il commence sa carrière chez Disney à la fin des années 70 où il assiste, à la réalisation de Rox et Rouky, Wolfgang Reitherman, le dernier des Neuf Vieux Messieurs encore présent au sein des studios. Il fait ensuite ses débuts en tant que assistant producteur sur les moyens-métrages Le Petit Âne de Bethléem et Le Noël de Mickey puis continue au même poste sur des longs-métrages comme Taram et le Chaudron Magique ou Qui Veut la Peau de Roger Rabbit. Il est alors promu au poste de producteur sur le court-métrage Bobo Bidon puis sur le long-métrage La Belle et la Bête. Par la suite, il produira certains des plus grands films Disney dont Le Roi Lion, Le Bossu de Notre-Dame, Kuzco, l'Empereur Mégalo ou Atlantide, l'Empire Perdu qui sera son dernier pour les Walt Disney Animation Studios. Après ça, il produit des courts-métrages comme Lorenzo, des documentaires Disneynature comme Chimpanzés, d'autres films d'animation comme Frankenweenie ou encore des films à prises de vues réelles comme Maléfique. Il devient également réalisateur pour les séquences à prises de vues réelles de Fantasia 2000 puis se tourne vers la réalisation de documentaires dont le fabuleux Waking Sleeping Beauty.
Howard raconte et rend hommage au grand parolier Howard Ashman, parti bien trop vite. Forcément, en 94 minutes, il est impossible de rentrer dans les détails et Don Hahn choisit donc de se focaliser sur l'homme, sa vie aussi bien personnelle que professionnelle. Son œuvre est également abordée mais elle est presque un prétexte pour raconter ce que ressent l'artiste. Le documentaire ne se veut ainsi pas comme un making-of des musicals ou des films où le parolier a travaillé. Il s'attache plutôt à rentrer dans les pensées et les sentiments de l'homme aussi bien à travers les gens qu'il a aimés mais aussi ceux avec lesquels il a travaillé. D'un point de vue technique, le long-métrage propose des interviews en voix off de personnes l'ayant côtoyé, des photos d'archive ou alors quelques images de films tournés sur lui. Il est à noter que parmi les interviews, certaines ont été menées pour ce film tandis que d'autres sont des archives audios, ce procédé permettant de ne pas hiérarchiser les intervenants pour se recentrer uniquement sur l'artiste. Howard illustre aussi le génie d'Howard Ashman en diffusant les paroles des chansons à l'écran insistant encore plus sur ses talents de parolier.
Howard aborde la vie de l'artiste en commençant par son enfance à Baltimore jusqu'à ce qu'il parte pour ses études. Ses jeunes années sont ainsi racontés par sa sœur, Sarah, qui se rappelle les jeux incroyables qu'il inventait pour elle. Le documentaire s'est d'ailleurs attaché à reproduire, selon les souvenirs dictés, l'incroyable royaume que le petit garçon d'alors avait créé avec ses jouets pour égayer sa petite sœur. Elle aborde également les relations avec ses parents, le père Ray Ashman un marchand de glace et sa mère Shirley Ashman une chanteuse semi-professionnelle. L'attrait d'Howard Ashman pour le show-biz lui vient de sa maman qui très tôt l'a emmené assister à des spectacles, joués par des enfants puis plus tard par des professionnels. Il part ensuite étudier d'abord à l'Université de Boston, puis au Goddard College et décroche finalement son master à l'Université d'Indiana en 1974. C'est d'ailleurs durant ses études qu'il fait la rencontre de son premier amour, Stuart White.
Le long-métrage s'attache ensuite à décrire ses débuts de carrière à New York, ville où il s'installe après ses études. Au début, il tente sa chance dans l'édition (où il sort d'ailleurs un album du Mickey Mouse Club) mais très vite se tourne vers le théâtre et les comédies musicales dans le circuit plus modeste du Off-Broadway. En 1977, il décide ainsi de reprendre une salle de spectacle miteuse, le WPA Theater, avec Kyle Renick en tant que manager et Stuart et lui en tant que directeurs artistiques. Si très vite, la relation d'Howard et Stuart se détériore et s'arrête, une rencontre professionnelle va changer la vie du parolier, celle avec le composteur Alan Menken. Ils travaillent en effet ensemble sur leur première comédie musicale God Bless You, Mr. Rosewater en 1979. En 1982, Howard Ashman quitte WPA pour travailler sur une nouvelle comédie musicale Little Shop of Horrors (La Petite Boutique des Horreurs) toujours avec Alan Menken à la musique. En 1986, il essaye de monter la comédie musicale Smile sur une musique de Marvin Hamlisch cette fois-ci mais l'entente avec les deux hommes fonctionne moins bien et le show est finalement rapidement stoppé par les producteurs.
Howard aborde également la vie personnelle du parolier, sans éluder des sujets difficiles, mais toujours avec respect et dignité. L'homosexualité d'Howard Ashman est ainsi longuement évoquée, d'abord avec sa longue relation avec Stuart White, un homme au caractère totalement opposé à son amant. Alors que le parolier rêve plutôt de la chaleur d'un foyer, Stuart White, lui, était plutôt auto-destructeur cherchant l'ivresse sur toutes ses formes. Leur objectif de vie dissonant finit par mettre fin à leur relation. Puis, en 1984, Howard Ashman rencontre son grand amour, Bill Lauch, un architecte avec qu'il trouve l'équilibre qu'il cherchait. En parallèle de ses partenaires, le film parle également des années SIDA, maladie appelée à l'époque le « cancer gay » et qui a vu nombre de personnes partir bien trop tôt. Ces années-là ont aussi amené leur lot de propos homophobes et apocalyptiques suite à la méconnaissance du virus. Mais il ne s'agit pas pour le documentaire de proposer une lecture précise sur ces années mais au contraire d'aborder le sujet selon le point de vue de l'artiste, d'abord via la peine qu'il a de voir ses amis puis son premier partenaire mourir de ce fléau. Jusqu'à ce qu'il soit diagnostiqué lui-même séropositif en 1988, en plein milieu de la production de La Petite Sirène.
Après sa désillusion suite à l'échec de Smile, Howard Ashman décide de de s'éloigner de New York et de Broadway et accepte la proposition de Jeffrey Katzenberg, alors responsable des studios Disney, de venir travailler à Burbank en Californie. Après quelques travaux, il est chargé des chansons de La Petite Sirène. Il amène sur le projet son compositeur fétiche, Alan Menken, et les deux artistes vont tout simplement être l'étincelle qui va relancer l'animation Disney et ouvrir un nouvel âge d'or. Ils apportent ainsi des idées neuves venant directement des musicals dont la fameuse chanson « I Want » qui permet d'expliquer les désirs de l'héroïne. Howard ne fait ici qu'effleurer la production des films car ce n'est pas son sujet principal. Pour connaître la genèse des classiques Disney, d'autres documentaires y compris Waking Sleeping Beauty du même réalisateur, sont bien plus complets. Là, le documentaire essaye juste de montrer cette période selon ce qu'a vécu le parolier dans son processus de création, dans la façon dont il était vu de ses collègues et dans ses inspirations. En choisissant cette approche, le fan de Disney apprend des choses inédites sur la période. Les séances d'enregistrement des chansons de Jodi Benson, d'Angela Lansbury ou de Jerry Orbach sont, par exemple, incroyables.
Howard est un film particulièrement émouvant. La scène où Howard Ashman tombe en larmes devant la parade de La Petite Sirène au Magic Kindgom lors de la journée presse pour la sortie du film est incroyablement touchante. L'artiste, se sachant condamné, court contre la montre pour avoir le temps de laisser une marque indélébile dans l'histoire artistique. Quand il entend l'une de ses chansons dans le Parc Disney, il comprend que son oeuvre lui survivra. Ses dernières années, lors de la production du film La Belle et la Bête, sont aussi poignantes. Seules quelques personnes, à l'époque, sont au courant de sa maladie. Le parolier ne veut en effet pas que cela se sache afin de ne pas donner une mauvaise image à Disney et lui permettre de travailler le plus sereinement possible. Malheureusement, il ne peut plus se déplacer si bien que les responsables de Disney sont obligés de le faire passer pour une diva afin d'expliquer pourquoi toute une équipe se déplace aux alentours de New York au lieu d'une seule personne pour Los Angeles. Le documentaire permet également de mettre en lumière certaines paroles de chansons qui prennent ici un tout autre sens quand elles sont éclairées par ce que ressentait le parolier. Par exemple, Tuons la Bête peut être vue comme une chanson dénonçant les paroles homophobes et obscurantistes dont les homosexuels étaient l'objet et qui attristait Howard Ashman. Enfin, sa mort est tout aussi déchirante, fauchant un génie beaucoup trop vite à l'âge de 40 ans. Il devient alors le premier artiste, mort du SIDA, à être récompensé par un Oscar à titre posthume, prix qui sera récupéré par son compagnon, Bill Lauch.
Howard est ainsi un extraordinaire documentaire qui rend parfaitement hommage au génie et à la vie Howard Ashman. Par contre, vu sa durée, certains détails sont forcément mis de côté comme par exemple son séjour de deux ans au Burkina Faso. Plus dommageable encore, le long-métrage ne parle pas de la première chanson que le parolier a écrite pour Disney, Il Était Une Fois à New York City pour le film Oliver & Compagnie. Il est aussi regrettable que les chansons d'Aladdin, qui seront par la suite abandonnée comme Proud of Your Boy, ne soient pas mentionnées.
Si Disney+ s'est fait une spécialité de proposer des documentaires passionnants sur tous les pans de l'univers Disney, que ce soit en long-métrage ou sous forme d'émissions en plusieurs épisodes, Howard est un peu différent car, lui, est passé par la case cinéma avant d'arriver le 7 août 2020 en tant que Disney+ Original. Il a, en effet, été proposé en avant-première au Festival du Film de Tribeca le 22 avril 2018 avant d'avoir une sortie limitée le 18 décembre 2018 dans les salles américaines en tant que film indépendant produit par Stone Circle Pictures. Pour son arrivée sur Disney+, il possède bien le logo Disney sur son affiche ainsi que la notion de Disney+ Original, par contre le label Walt Disney Pictures n'a pas été rajouté en début de film.
Malgré quelques omissions pardonnables, Howard est un vibrant hommage au parolier Howard Ashman, un superbe long-métrage documentaire très émouvant, qui raconte la vie d'un génie fauché dans la force de l'âge.