Howard Ashman
Date de naissance : Le 03 mai 1950 Lieu de Naissance : Baltimore, dans le Maryland, aux États-Unis Date de Décès : Le 14 mars 1991 Lieu de Décès : New York, dans l'état de New York, aux États-Unis |
Nationalité : Américaine Profession : Parolier Auteur Metteur en Scène |
La biographie
Le 3 mai 1950, Shirley Ashman donne naissance à un petit garçon qu’elle nomme Howard. « Ce sera un bon nom de scène » disait-elle. Elle imagine déjà probablement que son fils embrasserait une carrière d’artiste, suivant les pas de sa mère. Elle ne sait pas, alors, qu’il sera bien plus que cela. Quelques années plus tôt, un philosophe français écrivait : « L'homme existe moins par les actes qu'il exécute pendant sa vie que par le sillage qu'il laissera derrière lui, comme une étoile filante. » Sans le savoir, il venait de décrire en quelques mots le destin unique de cet enfant qui deviendra un véritable génie trop vite soufflé.
Howard Elliott Ashman est né à Baltimore dans le Maryland. Maman est chanteuse. Papa est fabriquant de cornets de glace. Il y vit une enfance heureuse entouré de ses parents et de sa sœur Sarah. Howard est un enfant passionné et créatif. Sarah se rappelle comment il pouvait créer un monde féérique rien que pour elle :
« C’était dans sa chambre. Il avait utilisé des figurines en plastique de gens et d’animaux et avait décoré la pièce avec du coton et toutes sortes de choses qu’il avait dénichées. Je ne me rappelle pas comment c’était fait car j’étais trop petite, mais je me rappelle que c’était vraiment magique. Il a ensuite enveloppé sa tête dans une serviette pour faire un turban, presque comme un génie ! Il m’a conduite dans ce monde merveilleux qu’il avait créé… »
Très tôt, Howard fait montre d’une réelle passion pour le théâtre. Et cette passion, il ne peut faire autrement que de la partager. Dès 9 ans, il fait partie d’une troupe d’enfants, la Children’s Theater Association avec laquelle il joue dans plusieurs pièces et comédies musicales lors de représentations scolaires. Mais ce n’est pas suffisant. Howard réalise également des productions maisons, dirigeant des comédies musicales dans son sous-sol. Sarah raconte :
« Il faisait payer leur place à nos parents et à nos voisins, organisait des auditions, mettait en scène et créait les décors. »
Puis Howard grandit. Il quitte Baltimore et part étudier le théâtre à l’Université de Boston. Il y reste un an avant d’être transféré au Goddard College où il est finalement diplômé en 1971. Durant cette période, il se tourne peu à peu vers l’écriture et la mise en scène. Il décide alors de poursuivre ses études à l’Université d’Indiana et intègre l’Indiana Theater Company. Pour sa thèse de maîtrise, qu’il obtient en 1974, il écrit le livret et les paroles d’une comédie musicale pour enfants inspirée d’un conte de Hans Christian Andersen, La Reine des Neiges. Fort de cette expérience, il décide de prendre son envol.
Howard à 24 ans quand il arrive à New York. Son profil d’artiste-touche-à-tout lui permet de décrocher une place chez Grosset & Dunlap, célèbre maison d’édition spécialisée dans les ouvrages pour la jeunesse. Le hasard du destin le fait travailler sur The Mickey Mouse Club Scrapbook de Keith Keller. Il poursuit néanmoins son rêve et écrit deux courtes pièces, Cause Maggie's Afraid Of the Dark et Mud Season. Bien que jouées le temps d’un week-end, elles ne sont finalement pas produites. Howard décide alors de prendre le large. Il s’inscrit comme volontaire pour The Peace Corps et part en mission au Burkina Faso. Il y reste deux ans.
A son retour, Ashman reprend sa vie là où il l’a laissée : il écrit le livret de Dreamstuff (musique de Marsha Malamet, paroles de Dennis Green) pour le compte du WPA Theater et obtient de la Circle Repertory Company qu’elle produise The Confirmation, pièce autobiographique écrite durant ses années fac. L’année suivante, en 1977, la pièce est reprise au MacCarter Theater de Princeton, avec Herschel Bernadi en tête d’affiche.
Si les critiques restent mitigées à propos de ses premières œuvres, The Confirmation plait. De même, WPA Theater est satisfait de son travail sur Dreamstuff et lui confie ainsi la direction du théâtre avec trois anciens compagnons d’université, Stuart White, Kyle Renick et Steve Wells. Ashman occupe alors le poste de directeur artistique. Ces premiers travaux lui valent d’être rapidement repéré par la profession. Il rencontre notamment Lehman Engel, le fondateur du Broadcast Music, Inc. (BMI) Musical Theatre Workshop, un atelier qui réunit auteurs, compositeurs et librettistes de comédies musicales. Ashman lui parle de son amour pour les œuvres de Kurt Vonnegut et l’envie de créer un musical basé sur l’un de ses romans, God Bless You Mr. Rosewater. Lehman est un homme influent qui connaît bien le milieu. Il lui conseille de rencontrer Alan Menken, jeune compositeur qui fait ses débuts Off-Broadway et qui travaille pour l’atelier depuis plusieurs années.
La connexion est immédiate. Menken se charge de la musique alors qu’Ashman s’occupe des paroles, du livret et de la mise en scène. La pièce ouvre en mai 1979. Les critiques sont excellentes, mais elle peine à trouver son public. Après une première présentation au WPA Theater, le show est déplacé au Entermedia Theater où il reste six semaines seulement.
Ashman et Menken comprennent que cette première expérience est trop ambitieuse pour être jouée Off-Broadway. Ils se lancent donc dans un nouveau projet, Little Shop of Horrors (La Petite Boutique des Horreurs) avec lequel ils espèrent bien ne pas reproduire les mêmes erreurs. Ashman souhaite que ce musical soit une œuvre modeste et intimiste : il réunit donc un casting de neufs acteurs seulement, marionnettiste compris. Le musical est inspiré du film éponyme réalisé en 1960 par Roger Corman, comédie noire dans laquelle l’employé d'un minable fleuriste devient l’esclave d’une plante qui se nourrit uniquement de sang humain. Cette fois encore, la première a lieu au WPA Theater, avant que le musical ne déménage à l'Orpheum Theater dans East Village.
Le succès est au rendez-vous : la pièce reste ainsi à l’affiche cinq ans et devient l’un des shows les plus rentables Off-Broadway. Il est tel que les théâtres du monde entier se l’arrachent ! Très impliqué, Ashman est sur tous les fronts, participant autant que possible aux différentes adaptations : il dirige les productions de Los Angeles et de Londres, ainsi que la première tournée nationale en 1984. Il travaille également à l’adaptation française qui est jouée au Théâtre de la Porte-Saint-Martin en décembre 1986. Au même moment, Frank Oz sort l’adaptation cinématographique, pour laquelle Ahsman et Menken écrivent deux nouvelles chansons, Some Fun Now et Mean Green Mother From Outer Space qui est nommée à l’Oscar de la meilleure chanson originale.
Cela fait deux ans qu’Howard partage sa vie avec William Lauch, qu’il a rencontré en février 1984, dans un bar d’East Village, près de l’Orpheum Theater où se joue Little Shop of Horrors. Comme souvent, Howard sortait d’une représentation au cours de laquelle il a pris des notes et vérifié que la production se portait bien. William, quant à lui, terminait une journée de travail dans un bureau d’architecte qui se trouve à Midtown. La rencontre est touchante mais banale. Ils ont parlé de leurs familles, de leurs villes natales et de leur travail. Depuis ce jour, ils ne se quitteront plus.
Pour son projet suivant, Ashman choisit d’adapter Smile, un film de Michael Ritchi qui raconte le destin tragi-comique des organisateurs d’un concours de beauté. Toujours à la mise en scène, au livret et aux paroles, il s’associe cette fois à Marvin Hamlisch, compositeur. La première est jouée à Baltimore, dans la ville natale d’Howard. Le show est ensuite transféré au célèbre Lunt-Fontanne Theater sur Broadway, en novembre 1986. Le show n’est joué que quelques mois, injustement boudé par les critiques et le public. Howard est frustré de ne pas avoir pu monter le spectacle qu’il souhaitait, à cause des nombreux compromis qu’il a dû faire. Mais les opportunités ne manquent pas et l’artiste pense sérieusement à élargir le champ des possibles.
Son premier contact avec le cinéma d’animation, il le doit à sa grand-mère qui l’amenait enfant découvrir les films des Studios Disney au cinéma. Depuis, Howard est resté passionné par cette forme d’art dont le pouvoir créatif lui semble sans limite. Bien que sollicité par plusieurs studios, il répond à la demande de Jeffrey Katzenberg qui lui propose d’écrire Once Upon A Time In New York City (Il Était Une Fois à New York City) pour Oliver & Compagnie. Ashman, qui souhaite alors toucher un public plus large, profite de l’occasion pour faire ses premières armes chez Disney. Mais, la chose n’est pas simple. Jusqu’ici, il écrit et dirige ses propres pièces. Arrivé aux studios, il n’est plus qu’auteur et doit confronter ses idées aux autres artistes. Ashman est fort heureusement un passionné qui est sûr de ses idées et qui sait les défendre. Très vite, Katzenberg comprend à qui il a affaire et lui laisse le champ libre.
Parmi les projets qui lui sont proposés, son choix s’arrête sur celui de John Musker et Ron Clements, La Petite Sirène, un autre conte d’Andersen. Il demande alors à Alan Menken de le rejoindre. L’arrivée d’Howard Ashman chez Disney est une bouffée d’air frais qui relance l’énergie créatrice des studios. Loin de se contenter de la simple écriture des textes pour les numéros musicaux, il intervient en effet dans le processus d’écriture dans son ensemble. Grâce à lui, l’histoire et les personnages gagnent en profondeur. Howard possède une grande culture artistique et musicale dont il se sert pour étoffer et nourrir ses personnages. Ainsi, il apporte à Ursula toute l’extravagance de Divine, acteur et chanteur travesti fétiche de John Waters, également natif de Baltimore. De même, il demande à Alan Menken de créer un morceau de calypso pour Sébastien, sachant combien cela irait au personnage. William Lauch raconte :
« Cette diversité de style dans La Petite Sirène me semble s’apparenter davantage au théâtre musical que de la musique populaire car le jeu sur les styles est quelque chose de naturel en comédie musicale, et Howard et Alan savaient parfaitement jouer là-dessus. »
Les deux artistes sont complémentaires et s’encouragent mutuellement à dépasser leurs propres limites, créant un équilibre doux-amer efficace. Howard, d’un naturel plus cynique, apporte le mordant qui manque à la musique d’Alan, alors que ce dernier adoucit les propos d’Ashman, les rendant plus acceptables. William poursuit :
« C’est le cas par exemple de Pauvres Âmes en Perdition. Ce style musical très pesant a été choisi délibérément pour dire des choses très sombres à propos d’Ursula, et dans le même temps, les paroles et les moindres détails de l’intonation – travaillé très précisément par Howard avec Pat Carroll, la voix originale d’Ursula – ont été choisis pour apporter un complément à la fois humoristique et effrayant qui offre un intéressant contrepoint à la musique. »
Howard possède une vision très précise des personnages et des émotions qu’ils doivent transmettre à l’écran, et cela exige des acteurs qui les interprètent de répondre exactement à ses attentes. Pour cela, il tisse un lien émotionnel étroit avec chacun d’eux, les poussant à donner le meilleur d’eux-mêmes. Jodi Benson, avec qui il a travaillé sur Smile, et qui prête sa voix à Ariel, se souvient :
« Il venait avec moi dans la cabine d’enregistrement alors que tous les autres étaient dans la salle de contrôle, de l’autre côté de la vitre. Il venait à côté de moi et restait près de moi, et me dirigeait sur chaque scène, chaque ligne que je jouais. »
Comme cela arrive chez de nombreux artistes, la personnalité d’Howard transparaît au travers de ses personnages. Ainsi, Audrey (La Petite Boutique des Horreurs), Ariel (La Petite Sirène) et Belle (La Belle et la Bête) partagent avec lui le même esprit de découverte et une envie d’ailleurs qui font écho à la perfection qu’il met dans son travail et sa volonté d’aller toujours au-delà de lui-même. Son principal enjeu est d’amuser et de divertir le public. C’est un homme follement drôle, à la personnalité exubérante qui a besoin de partager ses émotions avec les spectateurs. Qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, il leur manifeste le même respect et s’adresse à eux avec sincérité. Et ça, le public le ressent.
Au début de l’année 1988, La Petite Sirène est en post-production. Howard travaille déjà sur deux autres projets. Il propose tout d’abord une ébauche de scénario et quelques chansons inspirées de l’histoire d’Aladin, extrait des (Les) Contes des 1001 Nuits. Il est malheureusement contraint de mettre le projet de côté pour travailler sur le développement d’une autre comédie musicale animée : La Belle et la Bête. Le studio travaille depuis six mois sur ce projet sans donner de résultats probants. Howard repense donc l’histoire, développe le versant sombre de la Bête et imagine des numéros musicaux aussi audacieux qu’émouvants.
Alors qu’il est au sommet de son art, Howard développe une infection inhabituelle. Dans les années 80, cela n’a rien de rassurant, surtout pour un membre de la communauté gay. Après plusieurs analyses, le couperet tombe : Howard apprend qu’il est séropositif. Au même moment, La Petite Sirène sort sur les écrans et remporte un succès immédiat. Il annonce la nouvelle à Alan Menken quelques mois plus tard, lors de la cérémonie des Oscars, où ils remportent celui de la meilleure chanson originale pour Under The Sea (Sous l’Océan). Alan l’assure de tout son soutien. Il en est de même pour ses proches ainsi que pour les équipes des studios Disney. Son travail sur La Belle et la Bête l’oblige alors à faire de nombreux allers-retours sur la côte ouest, ce qui inquiète William. Ces déplacements ne sont jamais très longs, mais ils sont une source d’angoisse grandissante pour son compagnon. Pour Howard, le compte à rebours est lancé. Le Sida dans les années 80 est bien plus véloce dans sa férocité que le VIH contemporain. Cette infection est une lente agonie, rythmée par la succession de maladies opportunistes qui gangrènent aussi bien le corps que l’âme. Howard en a pleinement conscience, ayant vu plusieurs de ses amis passer sur l’autre rive.
Il sait qu’il ne lui reste que peu de temps. Il travaille la peur au ventre, mettant tout en œuvre pour mener à terme les projets qu’il a engagés. Comme toujours, il est sur tous les fronts. Il accompagne Alan dans la composition et l’écriture des chansons, participe au développement du scénario, dirige les acteurs lors des séances d’enregistrement… Cette urgence le rend facilement irritable, au point que les plus jeunes ont peur de lui. Mais son état de santé décline. Howard ne peut plus faire les trajets pour Burbank et l’équipe du film est obligée de déménager sur la côte est. Ils s’installent alors au Résidence Inn, un hôtel au nord de New York, à quelques kilomètres de chez Howard.
Au début de l’année 1991, les studios, qui sont à la recherche d’investisseurs, organisent un évènement presse au cours duquel ils présentent quelques extraits et quelques chansons. La réaction du public est plus qu’enthousiaste, mais Howard n’est pas là pour en prendre la mesure. L’équipe du film, pressée de partager ce moment avec lui, le rejoint à l’hôpital Saint Vincent, dans le centre de Manhattan. Don Hahn, producteur du film, raconte :
« Après cette présentation triomphale, après l’euphorie, le choc face à Howard mourant. Sa mère nous montra son sweat de La Belle et la Bête. Il faisait trente-trois kilos, avait perdu la vue, et chuchotait à peine. On lui a raconté à quel point c’était incroyable, à quel point il avait été présent. Le moment venu, nous avons dit au revoir. Je lui ai chuchoté que le film serait un grand succès, en ajoutant : « Qui l’eût cru ? ». Il s’illumina et chuchota : « moi ». »
Howard meurt quelques peu après, le 14 mars 1991, sans avoir la possibilité de voir le film terminé. A la fin du générique, les spectateurs peuvent lire la dédicace qui lui est faite :
« To our friend, Howard, Who gave a mermaid her voice, and a beast his soul. We will be forever grateful. Howard Ashman. 1950-1991 »
« A notre Ami Howard, qui donna sa voix à une sirène et son âme à la Bête. Notre reconnaissance éternelle. »
En 1992, il remporte un deuxième oscar, attribué à titre posthume, pour Beauty and the Beast (Histoire Eternelle). Le trophée est offert à William. Au total, Howard aura reçu deux Grammy Awards, deux Golden Globes et deux Oscars. Bien qu’absent, son ombre plane quelques années encore sur les studios Disney qui reprennent le projet d’Aladdin et utilisent quelques-unes de ses chansons. Certaines d’entre elles, mises de côté lors de la réalisation des films, seront réutilisées plusieurs années après, dans les adaptations scéniques portées par The Walt Disney Theatrical Productions. Ainsi, Human Again (Humain à Nouveau) pour La Belle et la Bête, ou bien encore Proud of Your Boy, magnifique ode à sa mère, pour Aladdin devront attendre d’arriver à Broadway pour que le public les découvre. Finalement, Howard n’aura jamais quitté les planches.
En 2001, il reçoit le titre honorifique de Disney Legend. Après Waking Sleeping Beauty, Howard Ashman devrait être le sujet du prochain film documentaire réalisé par Don Hahn.