Lon

En 1995, les studios Disney remontent le temps jusqu’au début du XVII^e siècle dans Pocahontas, une Légende Indienne, leur trente-troisième grand classique animé. Dès le début du film, les spectateurs sont alors invités à voyager en direction du Nouveau Monde en embarquant à bord du Susan Constant aux côtés des dizaines de colons anglais au nombre desquels le brave Lon.

Des milliers de Londoniens se sont rassemblés sur les quais en ce jour de l’année 1607 afin d’assister au départ tant attendu du Susan Constant, l’un des navires de la Virginia Company. À bord, les premiers marins sont déjà prêts à partir. Accoudé au bastingage avec son ami Ben, Lon aperçoit bientôt le capitaine John Smith. Le sourire jusqu’aux oreilles, il est alors ravi d’apprendre qu’il va entreprendre cette épopée avec ce marin chevronné dont la réputation n’est plus à faire.

Le départ est festif mais la traversée de l’océan Atlantique ne tarde pas à devenir un véritable enfer. La tempête fait rage. Les bourrasques sont terribles. Les vagues sont hautes comme des immeubles. Comme les autres, Lon est mis à contribution pour épargner au maximum le navire qui tangue dans tous les sens. Avec Lon et un autre compagnon de galère, il tente de plier les voiles avant qu’elles ne se déchirent. Il en faut du courage pour combattre les vagues qui déferlent sur le pont ! Lorsque Thomas est projeté par-dessus bord, le désespoir se mêle à la peur. Mais c’est sans compter sur John Smith qui se refuse de laisser périr le petit et saute pour aller le chercher. Lon et les autres interviennent alors in extremis pour rattraper la corde tenant Smith et sortir leurs deux compagnons de l’eau.

Se saisissant d’une toile gisant sur le pont, Lon enveloppe Thomas, trempé jusqu’aux os. D’un naturel optimiste, il ne peut se retenir de sourire en repensant à l’acte héroïque de leur comparse et surtout à la chance qu’ils ont eue de s’en tirer. « Tu es le meilleur, Smith ! », s’exclame-t-il avant d’éclater de rire lorsque John Smith affirme qu’ils auraient tous fait de même pour lui. Le gouverneur Ratcliffe arrive bientôt pour remotiver ses troupes en leur promettant des jours meilleurs et la fortune en Amérique. Galvanisés, chacun rêve déjà à l’avenir. Lon se demande toutefois si les Indiens vont leur causer des ennuis. Mais avec Smith à leurs côtés, tous comprennent qu’ils ne risquent pas grand-chose.

Après plusieurs semaines de navigation, les rivages du Nouveau Monde sont enfin à l’horizon. En apercevant l’épaisse forêt, Lon est bouche-bée. « Oh, c’est pas croyable ! », s’étonne-t-il. Heureux de fouler le sol de ce nouveau pays, Lon débarque avec Ben, Thomas et Smith afin d’approcher le Susan Constant au plus près de la rive et l’amarrer solidement.

Comme les autres, Lon assiste ensuite à la descente du gouverneur Ratcliffe qui, sans tarder, proclame que cette nouvelle terre est à présent la propriété du roi Jacques 1^er. Il n’est cependant pas encore l’heure de se reposer. John Ratcliffe ordonne que le navire soit déchargé sur le champ. Il faut aussi construire au plus vite un fortin. Quant aux bras qui resteraient inoccupés, qu’ils s’emparent de pelles et de pioches et qu’ils commencent à creuser. Après tout, l’or ne va pas sortir tout seul. Désabusés, Lon et Ben obéissent aux ordres et se mettent au travail sous le regard de Ratcliffe qui sait comment motiver ses troupes en leur promettant monts et merveilles.

Mais les promesses sont rapidement réduites à néant. En lieu et place de pépites, les hommes ne trouvent que de la terre et des pierres. La désillusion est totale. « Est-ce qu’on va continuer à piocher encore longtemps, monsieur ? », demande Lon à Ratcliffe qui, avec mépris, rappelle à chacun ses devoirs envers la couronne.

Les fouilles sont soudain interrompues lorsque des Indiens sont aperçus dans les fourrés. Troquant sa pelle contre un fusil, Lon, comme les autres, participe à l’escarmouche. Lorsque les Indiens prennent la fuite avec leurs blessés, les colons explosent de joie. Mais Ratcliffe ramène chacun à la raison. Il faut finir de construire un fort, et il faut le faire immédiatement !

Sous la pluie et dans la boue, l’édification des fortifications est une vraie gageure. Couper tous ces arbres et dresser la palissade est exténuant. Mais Lon garde son éternelle bonne humeur intacte. Moquant John Smith qui n’a pas assisté au premier combat contre les Indiens, il se met à chanter. « Nous avons tué un Indien ! Peut-être même dix ou vingt ! ». Lon se fait toutefois sévèrement botter le train par Ben qui lui demande de cesser de hurler à la lune. Ne comprenant pas la colère de son ami, le colon tente de relativiser. Mais la faim, la pluie et l’absence d’or ont déjà largement consumé la bonne humeur de ses compagnons.

S’autorisant une maigre pause, Ben et Lon sont bientôt surpris par le gouverneur Ratcliffe qui leur ordonne de retrouver Smith qui a une fois encore disparu. S’aventurant dans la sombre forêt, les deux bougres n’en mènent pas large. Sur le point de retrouver le capitaine, ils sont soudain coupés dans leur élan par Grand-Mère Feuillage qui, avec l’une de ses racines, les fait tomber par terre. Ben accuse Lon de laisser traîner ses pieds. Ce dernier explique que ce n’est pas de sa faute mais celle de cet arbre. Totalement paniqué en voyant la racine de Grand-Mère Feuillage reprendre sa place dans le sol, Lon et Ben prennent leurs jambes à leur cou !

De retour au camp, John Smith est immédiatement assailli par ses compagnons et par Ratcliffe à qui il explique avoir rencontré les Indiens. Si Ben et le gouverneur sont sur la défensive, Lon semble plus ouvert d’esprit. Il s’interroge en particulier sur cette mystérieuse plante, le maïs. Mais le gouverneur met bientôt fin à la discussion. Refusant de croire qu’il n’y a pas d’or, il accuse les Indiens de chercher à tuer tout le monde. Dans la tête des colons, le doute s’insinue encore un peu plus.

Lorsque la situation dégénère davantage, Lon fait partie de ceux qui prennent les armes. Accusé d’avoir tué Kocoum, John Smith vient d’être fait prisonnier. Pour John Ratcliffe, c’est l’occasion idéale de déclarer la guerre. Au petit matin, Lon et ses compagnons d’armes sont donc prêts à se battre. Leur surprise est alors totale lorsque Pocahontas s’interpose pour sauver Smith. Aussi étonnés qu’émus, les colons baissent leurs fusils. Lon, Ben et Thomas sont les premiers à désobéir à Ratcliffe qui se saisit lui-même d’une arme. Visant le chef Powathan, le gouverneur atteint John Smith qui s’effondre. Pour les Anglais, c’en est trop. « On n’aurait jamais dû vous écouter », se lamente Lon au moment où Ratcliffe est neutralisé par ses propres hommes.

Grièvement blessé, John Smith doit être au plus vite rapatrié à Londres. Ils font donc préparer d’urgence l’appareillage du Susan Constant. « Espérons que le vent sera avec nous », se lamente Lon. Assistant aux adieux déchirants entre Pocahontas et Smith, Ben et Lon se chargent eux-mêmes de déplacer le brancard vers un autre esquif. Il est bientôt temps de partir. « Bon chance, mon gars », lance Lon qui, avec Thomas, fait le choix de rester en Amérique pour aider à installer le camp de Jamestown...

Contrairement à Pocahontas, au chef Powhatan, à John Smith ou bien à John Ratcliffe, Lon n’est pas directement inspiré d’un personnage réel ayant participé à la colonisation de l’Amérique par les Anglais. Aucun membre de l’équipage embarqué à bord du Susan Constant ne porte en effet ce prénom, peut-être le diminutif d’un patronyme plus long.

Mise sur pied à la fin de l’année 1606, la première expédition anglaise en direction de l’Amérique comptait à l’origine cent-quarante-quatre marins et colons placés sous les ordres du capitaine Christopher Newport. Répartis à bord de trois navires, le Susan Constant, le Discovery et le Godspeed, tous traversent l’océan Atlantique au cours d’un voyage long de près de quatre mois. Ils parviennent jusqu’aux plages le Virginie le 26 avril 1607. Nommé Cap Henry, l’endroit est cependant dangereux, difficile à défendre et exposé aux intempéries. Sous la direction du capitaine Edward Maria Wingfield, une partie des hommes explore alors la région, en particulier la Baie de Chesapeake. Remontant le fleuve Powhatan qu’ils rebaptisent au passage James River en hommage au roi Jacques 1^er d’Angleterre, ils trouvent un site plus sûr à une soixantaine de kilomètres des côtes. La colonie de Jamestown est alors établie sur la rive gauche du fleuve le 14 mai 1607. Sur les cent-quarante-quatre participants, cent-cinq s’installent sur place pendant que Newport et trente-huit autres marins rentrent en Angleterre. Confrontés à la famine, les deux tiers des colons meurent finalement avant le retour de leurs compatriotes en 1608...

Lon incarne ces premiers colons qui, après le départ de leurs camarades rentrés à Londres, ont établi dans la douleur et l’adversité la première colonie de Jamestown. Toujours flanqué de son meilleur ami Ben, le personnage semble être un baroudeur aguerri ayant déjà écumé les mers. C’est d’ailleurs certainement au cours d’une de ses expéditions qu’il a fait la connaissance de John Smith dont il continue d’entretenir la fougueuse réputation.

Lon est un Anglais au cœur particulièrement tendre. Exact opposé de Ben connu pour son caractère bourru et sa mauvaise humeur, le colon refuse en effet de se laisser guider par la tristesse et la colère. Toujours souriant, il n’est jamais avare d’une bonne blague ou d’une bonne chanson destinée à détendre un peu l’atmosphère quand tout va mal. Face à l’adversité et à la déception, le bonhomme tente de voir le verre à moitié plein. Ce n’est pas pour autant qu’il accepte son sort sans sourciller. Lon fait en effet parti de ceux qui, dès les premiers jours, questionnent les ordres du gouverneur Ratcliffe et le bien-fondé de ses décisions. Il le fait toutefois avec douceur et diplomatie, contrebalançant ainsi les excès de rage de Ben.

Boute-en-train plutôt amusant malgré les circonstances, Lon apparaît sous les traits d’un homme d’âge mûr. Roux aux cheveux hirsutes et portant une épaisse barbe, son costume est semblable à celui des autres membres de l’équipage, tous vêtus d’une simple chemise, d’un gilet, d’une culotte et d’une paire de souliers.

Largement inspirée du comédien Joe Baker qui prête sa voix au personnage, l’animation de Ben est supervisée par T. Daniel Hofstedt. Diplômé du California Institute of the Arts, l’artiste débute sa carrière au sein des studios Hanna-Barbera où il travaille sur la série Les Schtroumpfs. Il rejoint ensuite les rangs des Sullivan/Bluth Studios où il collabore à la production de Fievel et le Nouveau Monde, du (Le) Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles et de Charlie, Mon Héros. En 1991, il passe chez Disney et anime Gazeem et le prince Achmed dans Aladdin. Amateur de poésie et de musique et grand fan de baseball, Hofstedt donne ensuite vie à Simba jeune, à Ben et Lon, aux gardes et aux gitans dans Le Bossu de Notre-Dame ainsi qu’aux Muses dans Hercule et à l’Empereur dans Mulan. Il enchaîne après avec le capitaine et les marins de Tarzan puis Monsieur Arrow dans La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Au générique de La Ferme se Rebelle, Mickey, Donald et Dingo - Les Trois Mousquetaires et Winnie l’Ourson et l’Éfélant, il anime les masques et les poupées vaudous dans La Princesse et la Grenouille. Sa filmographie compte aussi des films comme Les Looney Tunes Passent à l’Action, Le Pôle Express, Speed Racer, Planes, Tom et Jerry au Pays de Charlie et la Chocolaterie et Space Jam : Nouvelle Ère.

T. Daniel Hofstedt est épaulé par Barry Temple et Kent Hammerstrom.
Entré chez Disney en 1980, le premier débute sur Le Noël de Mickey, Taram et le Chaudron Magique, Basil, Détective Privé, Qui Veut la Peau de Roger Rabbit, Oliver & Compagnie, La Petite Sirène et Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. Il anime ensuite Lumière dans La Belle et la Bête et Zazu dans Le Roi Lion. Après Pocahontas, une Légende Indienne, il supervise Cri-Kee dans Mulan, Pikly dans Lilo & Stitch et Miss Caloway dans La Ferme se Rebelle.

Kent Hammerstrom débute sa carrière à la fin des années 1980 sur des films comme Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles, Charlie, Mon Héros et Le Voyage d’Edgar dans la Forêt Magique. Pour Disney, il donne vie à Ben et Lon, Djali et Pégase. Sa filmographie compte aussi des films comme Excalibur, l’Épée Magique et Star Wars : La Menace Fantôme.

En version originale, Lon est interprété par Joe Baker. Fils de comédiens de vaudeville né à Londres le 14 décembre 1928, l’acteur se spécialise dès les années 1940 dans le spectacle de pantomime et le stand-up. Se produisant sur la scène de dizaines de cabarets et de clubs londoniens, Baker apparaît également à la télévision et au cinéma dans des films comme Nearly a Nasty By Accident, Side By Side, Bugsy, Sacré Robin des Bois et Dumb & Dumber. Joe Baker est décédé le 16 mai 2001 à Los Angeles, à l’âge de soixante-douze ans.

En France, le rôle de Lon est tenu par Georges Aubert. Originaire de Pantin où il voit le jour le 2 juin 1917, le comédien débute sa carrière dès les années 1940. Au théâtre, il joue notamment dans J’Irai Cracher sur Vos Tombes, Irma la Douce, Le Temps des Cerises ou Les Frères Karamazov. Au cinéma, il inscrit son nom aux génériques de La Famille Fenouillard, Les Mystères de Paris, L’Aveu, Un Génie, Deux Associés, une Cloche, Courage Fuyons et Loulou Graffiti. Également présent à la télévision dans Les Cinq Dernières Minutes, Les Enquêtes du Commissaire Maigret et Les Rois Maudits, il participe en outre à des dizaines de doublage et prête notamment sa voix à Maurice dans La Belle et la Bête et à Rudy le vieillard dans Kuzco, l’Empereur Mégalo.

Comme les autres protagonistes de Pocahontas, une Légende Indienne, Lon est visible dans le jeu vidéo Pocahontas - Le Livre Animé Interactif. Toujours accompagné par Ben et les autres colons, il apparaît en train de creuser le sol de Virginie à la recherche d’or.

Absents de la suite des aventures de Pocahontas, Ben, Lon et Thomas font partie des hommes de main de Ratcliffe dans le jeu Disney Emoji Blitz.

L’histoire de Lon est davantage explorée dans le livre Cap sur le Nouveau Monde, l’un des six volumes du coffret Pocahontas : Six Nouvelles Aventures qui s’intéresse en particulier à la traversée de l’océan Atlantique par l’équipage du Susan Constant. Lon apparaît alors avec sa traditionnelle bonne humeur et tente d’apporter un peu de baume au cœur à ses compagnons en leur jouant de la musique. Mais la colère gronde malgré tout. Lon constate que des vers se multiplient dans la bouillie. La faim est douloureuse alors même que Percy, le chien du gouverneur, mange pour sa part correctement. Thomas est par ailleurs victime d’un accident durant sa nuit de garde. Ben et Lon sont prêts à organiser la mutinerie. Ils sont toutefois ramenés à la raison par John Smith.

Marin anglais au cœur tendre, Lon est l’archétype de ces colons européens optimistes qui furent parmi les premiers à tenter l’aventure américaine.