Le Stégosaure
Date de création : Le 13 novembre 1940 Nom Original : Stegosaurus Créateur(s) : Wolfgang Reitherman |
Apparition : Cinéma Télévision Jeux Vidéo Parcs |
Le portrait
Le 13 novembre 1940, Walt Disney offre au public un spectacle étonnant. Associé au maestro Leopold Stokowski ainsi qu’au critique musical Deems Taylor, le créateur de Mickey dévoile en effet le tout premier concert animé de l’Histoire, Fantasia. Au programme de ce long-métrage d’un nouveau genre, la partition du (Le) Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky permet d’illustrer la naissance de la Terre puis le règne des dinosaures au nombre desquels figure notamment un stégosaure au destin funeste.
Membre de hordes pouvant compter plusieurs dizaines de spécimens, le stégosaure était un herbivore appartenant au clade des ornithischiens. Tirant son nom du latin Stegosaurus, ou « lézard toité », il vivait en Laurasie, un supercontinent regroupant l’Eurasie et l’Amérique du Nord. Nommé ainsi en 1877 par Othniel Charles Marsh qui pensait par erreur que ses plaques dorsales étaient disposées à l’horizontale, tel le toit d’une maison, l’animal a vécu durant le Jurassique supérieur, qui dura de 155 à 150 millions d’années avant notre ère.
Durant son existence, le stégosaure côtoyait des dizaines d’herbivores tels que le diplodocus, le brachiosaure et l’Apatosaurus. Reconnaissable grâce à ses gigantesques mais fragiles plaques osseuses placées sur son dos, il pouvait mesurer jusqu’à neuf mètres de long et quatre mètres de haut, et peser près de trois tonnes. Ses pattes avant étant plus petites que ses pattes arrières, sa tête était plus proche du sol que sa queue. Plutôt petit par rapport à d’autres animaux comme les sauropodes, sa morphologie était telle qu’il semble incapable de courir. Dès lors, il évoluait sous la menace de prédateurs comme l’allosaure et le Ceratosaurus. Pour se défendre, le stégosaure pouvait cependant s’aider des quatre piques osseuses présentes au bout de sa queue.
American Museum of Natural History, New York
Terminée par un bec, la tête du stégosaure était relativement petite comparée à son corps, massif. Disposant d’un minuscule cerveau pas plus gros qu’une noix, il se nourrissait certainement de mousses, de fougères, de prêles, de conifères et d’autres plantes très proches du sol. La plupart des traces de stégosaures ont été retrouvées dans le Colorado, le Wyoming et l’Utah, en plus d’un spécimen découvert au Portugal en 2006. L’un des plus beaux spécimens est exposé à l'American Museum of Natural History, New York. Une reconstitution trône par ailleurs devant la Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du Muséum nationale d’histoire naturelle de Paris.
Cité dans Le Monde Perdu d’Arthur Conan Doyle, le stégosaure apparaît notamment dans King Kong (1933), Fantasia (1940), Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles (1988), Le Monde Perdu : Jurassic Park (1998), Sur la Terre des Dinosaures (1999) et Jurassic World (2015). Le dinosaure a enfin inspiré les créateurs de Godzilla au moment de doter le monstre de plaques dorsales.
Au son de la partition du (Le) Sacre du Printemps, les artistes de Disney présentent aux spectateurs la création du monde. Après avoir parcouru les fonds marins où sont nés les premiers organismes puis les premières formes animales, ces derniers sont emmenés à la surface où la vie a également trouvé son chemin. Sortis des flots, certaines espaces sous-marines ont donné naissance aux dinosaures.
Le stégosaure entre alors en scène. Partageant son territoire avec des dizaines d’autres espèces de monstres préhistoriques, il relève chaque jour le défi de trouver son eau et sa nourriture. Étant l’un des plus gros dinosaures, il peut sans mal écarter de son passage les plantes ainsi que les plus petits individus.
Si la vie peut paraître simple pour un animal de cette taille, cela n’empêche pas le danger de planer à chaque instant. Alors qu’il est en train de se repaître, le stégosaure sent bientôt le danger. Éclairé par le tonnerre, un tyrannosaure s’apprête à semer le chaos parmi les autres dinosaures. Les volatiles parviennent à s’envoler. Les reptiles capables de nager plongent sans hésiter. D’autres, plus fins ou plus rapides, réussissent à se glisser hors de portée.
Handicapé par sa taille et son poids, le stégosaure se retrouve soudain assailli. Violemment mordu à la queue par le tyrannosaure, il n’a d’autre choix que de se battre. Commence alors un duel titanesque entre les deux spécimens. Cherchant à intimider son ennemi, le stégosaure est pris à la gorge. Aidé par sa queue armée de piques, il parvient à s’extraire des mâchoires du tyrannosaure, poussé en arrière. Celui-ci n’a toutefois pas dit son dernier mot.
Forcé à reculer, encore et encore, le stégosaure faibli. Observé par les autres dinosaures cachés dans les fourrés alentours, il est à nouveau saisi à la gorge. Un autre coup de queue désespéré oblige le tyrannosaure à lâcher prise. Malgré tous ses efforts désespérés, le stégosaure est finalement mordu si violemment qu’il succombe. Le tyrannosaure peut dès lors se repaître de sa chair.
D’autres stégosaures apparaissent plus tard. Leur sort n’est pas plus enviable. Comme les autres dinosaures, ils doivent en effet subir un réchauffement inattendu de la Terre. Devenue rare, la nourriture manque désormais. La boue a remplacé l’eau claire. La famine est telle que chaque individu doit marcher indéfiniment sous un soleil implacable et traverser des paysages tous plus hostiles les uns que les autres. Embourbés, les stégosaures deviennent la proie des prédateurs. Tous les dinosaures sont finalement fauchés par la mort au moment où la Terre change d’apparence sous l’impact des séismes et des submersions marines…
Au moment de choisir les compositions qui illustreront Fantasia, Walt Disney, Leopold Stokowski, Deems Taylor et les artistes des studios ne tardent pas à convoquer des musiciens aussi illustres que Jean-Sébastien Bach, Piotr Tchaïkovski, Paul Dukas, Ludwig Von Beethoven, Amilcare Ponchielli, Modeste Moussorgski et Franz Schubert. Impressionné par la force et la bestialité de la musique, Walt porte également son choix sur Igor Stravinsky qui, le 29 mai 1913, faisait scandale avec son (Le) Sacre du Printemps présenté au théâtre des Champs-Élysées. Décriée par la profession et une large partie du public, la partition est alors utilisée pour accompagner une séquence dépeignant la création de la Terre et l’âge des dinosaures.
Au son de la musique d’Igor Stravinsky qui leur rend visite aux studios en décembre 1939, les scénaristes et les animateurs de Disney choisissent de représenter les « terribles lézards » les plus emblématiques et les plus connus auprès du grand public. Brachiosaures, mosasaures, ptérodactyles, dimétrodons, ankylosaures, tricératops, edmontosaures, gallimimus, parasaurolophus se partagent ainsi l’écran, tout comme le stégosaure et le tyrannosaure. Loin d’être des experts en paléontologie, les artistes font dès lors quelques erreurs scientifiques majeures en mélangeant des espèces qui, en réalité, ne se sont jamais croisées. C’est ainsi que le stégosaure, représentant du Jurassique supérieur (155 à 150 millions d’années avant notre ère), est terrassé par un tyrannosaure ayant pour sa part vécu au Crétacé Maastrichtien (68 à 66 millions d’années avant notre ère).
Si le projet les enthousiasme énormément, les animateurs doivent toutefois rapidement faire face à plusieurs défis. Ils n’ont en effet jamais donné vie à des dinosaures parfaitement réalistes. Ils ignorent en particulier comment faire bouger des animaux aussi grands et massifs. Bill Roberts, le réalisateur de la séquence aux côtés de Paul Satterfield, leur conseille alors d’imaginer des immeubles de plusieurs étages, de les dessiner en perspective et ensuite de leur donner l’apparence d’un dinosaure dont les traits demeurent à l’écran très anguleux. Les dessinateurs sont par ailleurs encouragés à se rendre dans les différents muséums de la région afin d’observer les fossiles. Des maquettes sont également créées par Joe Grant et les équipes du Character Model Department. Enfin, Walt Disney invite une batterie d’experts aux studios parmi lesquels le biologiste Julian Huxley, le paléontologue Roy Chapman Andrews et l’archéologue Barnum Brown.
Véritable moment de grâce de la séquence inspirée du (Le) Sacre du Printemps, le combat terrible entre le stégosaure et le tyrannosaure est supervisé par Wolfgang Reitherman. Membre éminent du groupe des Neuf Vieux Messieurs né le 26 juin 1909 à Munich, en Allemagne, l'artiste débute sa carrière aux studios Disney le 21 mai 1933. Grand spécialiste de Dingo, il est notamment le créateur du Miroir magique, Monstro la baleine, la souris Timothée, Ange MacBlaireau, Ichabod Crane et le Cavalier sans tête, le Lapin Blanc ou bien du duel entre le Capitaine Crochet et le crocodile. Superviseur de la séquence au cours de laquelle le prince Philippe affronte Maléfique changée en dragon, Wolfgang Reitherman passe au statut de réalisateur en 1961 avec Les 101 Dalmatiens puis Merlin l’Enchanteur et Le Livre de la Jungle. Après la mort de Walt Disney, il dirige Les Aristochats, Robin des Bois, Les Aventures de Winnie l’Ourson, Les Aventures de Bernard et Bianca et produit Rox et Rouky qui sort l’année de sa retraite, en 1981. Décédé le 22 mai 1985, un Disney Legends Award remis à titre posthume en 1989 couronne sa carrière.
Le combat entre le stégosaure et le tyrannosaure est notamment reprise dans Monsters of the Deep, un épisode de Disneyland diffusé sur ABC le 19 juin 1955. Présentée par Walt Disney, la séquence sert alors à illustrer un exposé sur les monstres les plus incroyables, des dinosaures aux serpents de mer, en passant par le terrifiant calmar géant mis en scène dans 20 000 Lieues Sous les Mers.
Le 8 octobre 1994, un stégosaure apparaît dans l’épisode Au pays des dinosaures de la série animée La Petite Sirène. Comme dans Fantasia, le dinosaure livre alors un duel féroce contre un tyrannosaure. Quelques images du duel sont par ailleurs montrées très brièvement au tout début de Fantasia 2000 alors que les musiciens préparent leurs instruments.
Le stégosaure est enfin l'un des personnages de Fantasia présents dans le jeu vidéo Disney Emoji Blitz.
Le stégosaure fait partie des dinosaures créés grandeur nature par les artistes de Disney pour le Ford Magic Skyway, le pavillon de la société Ford présenté lors de la Foire internationale de New York organisée en 1964-1965. Sa construction est alors montrée dans l'émission Disneyland Goes to the World's Fair diffusée le 17 mai 1964. Le dinosaure est mis en scène comme dans Fantasia en train de combattre un tyrannosaure. Après la fermeture de la Foire, les studios Disney rapatrient finalement leurs monstres préhistoriques jusqu’en Californie. Le T-Rex et le stégosaure sont ainsi remis en situation au cœur du diorama Primeval World installé le long de la voie ferrée du Disneyland Railroad du Parc d’Anaheim.
Les deux dinosaures s’affrontent également au sein de l’attraction Universe of Energy d’Epcot, rebaptisée Ellen’s Energy Adventure avant sa fermeture en août 2017.
Personnage mineur n’apparaissant que quelques minutes à l’écran, le stégosaure n’en reste pas moins le protagoniste de l’une des scènes les plus dantesques et funestes de la longue filmographie des studios Disney.