Titre original :
Exodus : Gods and Kings
Production :
20th Century Fox
TSG Entertainment
Chernin Entertainment
Scott Free Productions
Date de sortie USA :
Le 12 décembre 2014
Genre :
Péplum
IMAX
3-D
Réalisation :
Ridley Scott
Musique :
Alberto Iglesias
Harry Gregson-Williams (Musique additionnelle)
Durée :
150 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Memphis, Égypte, 1300 ans avant Jésus Christ. Le royaume du pharaon Séthi 1er est l’un des plus prospères de son temps. Partout, des monuments incroyables témoignent de la toute puissance des Égyptiens qui, depuis quatre-cents ans, tiennent les Hébreux comme esclaves. Au cœur du palais, Pharaon tente d’associer à son pouvoir les deux princes, Ramsès, qui prendra un jour sa succession, et Moïse, le fils adoptif de sa sœur Bithiah. Découvrant par hasard son appartenance au peuple hébreux, ce dernier est bientôt banni du royaume par son frère, devenu entre-temps souverain sous le nom de Ramsès II. Errant dans le désert, Moïse trouve refuge auprès de la tribu des Madianites. Menant une vie de simple berger aux côtés de son épouse Séphora, il reçoit alors un message de Dieu qui lui commande de libérer son peuple. Ainsi commence l’Exode...

La critique

rédigée par
Publiée le 20 novembre 2022

De tout temps, l’Ancien Testament occupe une place à part dans l’univers du Septième Art. Depuis que le cinéma existe, les studios se sont en effet inspirés des grands récits légendaires du Livre Saint pour offrir au public des fresques à grand spectacle dont certaines sont restées dans les annales.

Dès les années 1900, alors même que le cinéma n’est qu’un art balbutiant souvent considéré comme une attraction de fête foraine, les premiers patriarches commencent à apparaître à l’écran. La romance de Samson et Dalila est ainsi reconstituée dès 1902 par le pionnier français Ferdinand Zecca. Six ans plus tard, en 1908, c’est cette fois au tour de l’Américain Sidney Olcott d’adapter le combat de David contre Goliath. À la même époque, le public découvre ensuite l’adaptation de divers récits extraits de La Genèse dans Le Sacrifice d’Abraham (1910) et Rebecca (1913), de L’Exode dans The Life of Moses (1909), du Livre des Rois avec La Reine de Sabba (1913) et Le Jugement de Salomon (1916), du Livre de Judith dans Judith et Holopherne (1909), du Livre des Chroniques avec Athalie (1910), du Livre d’Esther dans Esther (1913) ou bien encore du Livres des Juges dans Samson (1914). Durant la décennie 1920, Moïse (Les Dix Commandements, 1923), Jether (Le Fils Prodigue, 1925) et Noé (L’Arche de Noé, 1928) deviennent les héros de nouvelles fictions.

Délaissées au cours des années 1930 et 1940 au profit de nouveaux genres, en particulier les films de gangsters et les longs-métrages patriotiques liés à la Seconde Guerre mondiale, les histoires de la Bible ressurgissent sur les écrans dès la décennie 1950. Profitant d’un véritable engouement du public pour les péplums, tous les studios hollywoodiens ou presque se lancent dans l’aventure. Des moyens colossaux sont alors mobilisés. Dès 1949, Cecil B. DeMille reproduit l’histoire de Samson et Dalila avec Victor Mature et Hedy Lamarr. Gregory Peck et Susan Hayward jouent David et Bethsabée pour Henry King. Rita Hayworth incarne la princesse Salomé devant la caméra de William Dieterle (1953). Richard Thorpe met en scène Lana Turner dans le rôle de Samarra dans Le Fils Prodigue (1955). Frank Borzage est le premier à utiliser la technologie Panavision 70 pour filmer Simon le Pécheur distribué par les studios Disney via leur filiale Buena Vista Film Distribution. Principal fait d’armes de l’époque, Cecil B. DeMille ressort surtout des cartons sa première adaptation du mythe des Dix Commandements pour en livrer une nouvelle version grandiose sortie en 1956 avec Charlton Heston et Yul Brynner en têtes d’affiche. Couronné par sept Oscars, l’épopée devient alors un modèle du genre rarement égalé.

Véritables gouffres financiers, ces péplums tombent cependant rapidement en désuétude. Les westerns, les comédies familiales et les drames les remplacent sur l’écran. Seule l’Italie continue encore de mettre en scène les récits bibliques dans des films de seconde zone dont peu sont restés à la postérité. Le public doit alors attendre la fin des années 1990 pour voir le genre revenir à la mode grâce à deux succès au box-office. Le premier, Le Prince d’Égypte, est l’adaptation animée du Livre de l’Exode produite par Dreamworks, S.K.G. en 1998. Le second, qui a recréé de manière spectaculaire la Rome antique, est le flamboyant Gladiator signé en 2000 par Ridley Scott.

Originaire de South Shields, en Angleterre, où il naît le 30 novembre 1937, Ridley Scott fait partie de ces réalisateurs touche-à-tout capables de se frotter à tous les styles. Débutant sa carrière au milieu des années 1960, il se fait notamment remarquer en 1977 grâce aux (Les) Duellistes, son premier long-métrage couronné à Cannes. Salué par la profession, la critique et le public, Scott poursuit alors sur sa lancée et s’impose comme l’un des meilleurs metteurs en scène d’Hollywood avec des classiques tels qu’Alien, le Huitième Passager (1979), Blade Runner (1982), Legend (1985) et Thelma et Louise (1991). En 1992, il dirige Gérard Depardieu dans 1492, Christophe Colomb qui célèbre les cinq-cents ans de la découverte de l’Amérique, puis Jeff Bridges dans Lame de Fond (1996) et Demi Moore dans À Armes Égales : G.I. Jane (1997). Remportant un succès incroyable avec Gladiator qui gagne l’Oscar du Meilleur Film, Ridley Scott complète sa filmographie avec Hannibal (2001), La Chute du Faucon Noir (2002), American Gangster (2007), Robin des Bois (2010), Prometheus (2012), Seul sur Mars (2015), Tout l’Argent du Monde (2017), Le Dernier Duel (2021), House of Gucci (2021) et Napoléon (2023).

Ayant redonné ses lettres de noblesse au péplum avec Gladiator, Ridley Scott se met rapidement en tête de transformer l’essai. En 2005, il signe Kingdom of Heaven, une reconstitution saisissante de la guerre qui opposa à la fin du XIIe siècle les Chrétiens et les Musulmans pour le contrôle des Terres Saintes. Sept ans plus tard, en juin 2012, Ridley Scott annonce à la presse qu’il développe une nouvelle adaptation du Livre de l’Exode. Intitulé Moses, le script est alors signé par le duo Adam Cooper et Bill Collage. Auteurs des comédies Une Journée à New York (2004), Admis à Tout Prix (2006) et Le Casse de Central Park (2011), tous les deux se consacrent au début des années 2010 à l’adaptation de certains grands récits de l’Ancien Testament. Exodus : Gods and Kings découle de ce travail qui leur permet d’être repéré par le président d’ABC Entertainment, Paul Lee, qui valide la production de la série Of Kings and Prophets qui revisite la combat de David contre Goliath. Disposant d’un budget colossal, le programme ne trouve cependant pas son public. Il est retiré de l’antenne au bout de seulement deux épisodes... Adam Cooper et Bill Collage écrivent ensuite les scénarios du (Le) Transporteur : Héritage, Divergente 3 : Au-Delà du Mur et Assassin’s Creed.

Également passé entre les mains de Jeffrey Caine (GoldenEye, The Constant Gardener, The Song of Names) et Steven Zaillian (La Liste de Schindler, Mission Impossible, Gangs of New York, The Irishman), le scénario de Moses (dont le titre est changé en Exodus puis Exodus : Gods and Kings en 2014) est conçu dès le départ dans l’objectif de représenter l’histoire de Moïse de la manière la plus crédible possible. Acceptant d’altérer le récit de la Bible, Ridley Scott souhaite en effet montrer une vision crédible des événements qui menèrent à la fuite des Hébreux. Toute la magie contenue dans les Dix Plaies d’Égypte est ainsi effacée au profit de causes naturelles. L’explication de ces miracles suit alors le travail de certains historiens et archéologues qui cherchent à comprendre et à prouver que les textes sacrés s’inspirent de fléaux ayant réellement touché l’Égypte. Les eaux du Nil changées en sang, les invasions successives des grenouilles, des moustiques, des mouches, des sauterelles, les furoncles, la mort des troupeaux et la grêle sont ainsi montrés à l’écran comme des événements naturels possibles. La magie n’entoure dès lors plus que les Ténèbres et la mort des premiers nés qui, pour leur part, ne trouvent aucune explication dans le film. Gravé dans l’inconscient collectif comme l’un des événements majeurs de l’histoire, le retrait des eaux de la mer Rouge est enfin présenté comme la conséquence d’un tsunami qui pourrait s'expliquer, selon certaines études scientifiques récentes, par un tremblement de terre survenu au fond de la mer Méditerranée.

Pour mettre en scène l’histoire de l’Exode, Ridley Scott s’entoure d’un casting nombreux porté par Christian Bale et Joel Edgerton choisis respectivement pour prêter leurs traits à Moïse et Ramsès II.
Né le 30 janvier 1974 à Haverfordwest, au Pays de Galles, le premier débute sa carrière dès 1982 dans diverses publicités. Jouant également au théâtre, il est repéré par Steven Spielberg qui lui offre le rôle principal de L’Empire du Soleil en 1987. Bale enchaîne ensuite avec Newsies - The News Boys de Kenny Ortega (1992), Swing Kids de Thomas Carter (1993) et Les Quatre Filles du Docteur March de Gillian Armstrong (1994). Après sa participation au doublage de Pocahontas, une Légende Indienne dans le rôle de Thomas, sa filmographie continue de se remplir avec Velvet Goldmine (1998), American Psycho (2000) et Le Règne du Feu (2002). Interprète de John Rolfe dans Le Nouveau Monde (2005), Christian Bale triomphe avec le rôle de Batman dans la trilogie The Dark Knight de Christopher Nolan (2005, 2008, 2012) qui le dirige également dans Le Prestige (2006). L’acteur apparaît ensuite dans des films comme Fighter (2010), qui lui vaut de remporter l’Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle, The Big Short : Le Casse du Siècle (2015), Vice pour lequel il remporte un Golden Globe (2018), Le Mans 66 (2019) et Thor : Love and Thunder (2022).

Le second, Joel Edgerton, est né le 23 juin 1974 à Sydney, en Australie. Révélé sur les planches puis à la télévision dans la série Nos Vies Secrètes (2001-2002), il obtient quelques rôles secondaires dans Star Wars : L’Attaque des Clones (2002), Le Roi Arthur (2004), Star Wars : La Revanche des Sith (2005) et Animal Kingdom (2010). Parvenant à s’imposer comme l’un des nouveaux visages en vogue à Hollywood, il joue ensuite dans Warrior (2011), La Drôle de Vie de Timothy Green (2012), Zero Dark Thirty (2012), Gatsby le Magnifique (2013), Stricktly Criminal (2015), Bright (2017) et Red Sparrow (2018). Joel Edgerton réalise en parallèle les films The Gift (2015) et Boy Erased (2018).

Provoquant la polémique avant la sortie du film en déclarant dans The Christian Post que Moïse est pour lui un « schizophrène et l’un des individus des plus barbares qui soit », Christian Bale livre ici une interprétation remarquable du patriarche de la Bible. Jeune prince orgueilleux totalement incrédule lorsqu’il s’agit d’écouter les oracles de la grande prêtresse de pharaon, le personnage se mue progressivement en un homme d’âge mûr qui, après son exil dans le désert, acquiert sagesse et retenue. Passablement dilettante au début du film, il devient au fur et à mesure de l’histoire davantage responsable, plus encore après son mariage avec Séphora et la naissance de son fils Gershom. Naît alors le personnage du patriarche libérateur déchiré entre la nécessité de libérer son peuple du joug des Égyptiens et la volonté de ne pas faire usage d’une violence trop extrême qui, de fait, ferait immanquablement des victimes auprès de gens qu’il a autrefois côtoyés et aimés. Au moment de graver les Dix Commandements dans la pierre, Moïse apparaît enfin partagé entre la joie d’avoir accompli sa mission et la tristesse de voir un jour les Hébreux se déchirer pour le contrôle de Canaan.

Tout au long de l’histoire, Christian Bale livre une palette d’émotions complètes et intenses, véritable point fort du film. Il contrebalance alors sévèrement avec l’autre tête d’affiche, Joel Edgerton qui, dans le rôle de Ramsès, ne brille pour sa part pas du tout. Le charisme de Bale tranche en effet sévèrement avec celui de son partenaire dont les scènes, pourtant nombreuses, manquent totalement de panache. Durant une bonne partie du film, toutes les apparitions de Ramsès semblent se limiter à des jérémiades au sujet de son père, au sujet de son sauvetage lors de la bataille contre les Hittites, au sujet de l’état du royaume, au sujet des esclaves hébreux, au sujet de Moïse, au sujet de la construction de son palais qui n’avance pas, au sujet des plaies... Et lorsqu’il ne se plaint pas, le pharaon est montré comme un être violent et colérique incapable de retenir ses nerfs contrairement au placide Moïse. Face à ce rôle plutôt barbant, Joel Edgerton n’est dès lors pas capable de livrer autre chose qu’une composition fade et peu inspirée. Son personnage n’a d’ailleurs tellement rien à faire durant la première moitié du film qu’il est systématiquement montré en train de grignoter ou de manger quelque chose, comme s’il fallait occuper les mains du comédien pour rendre sa présence à l’écran plus importante.

Aux côtés de ces deux comédiens, Ridley Scott s’est entouré d’un casting pléthorique constitué de personnages qui, pour certains, occupent inutilement une place débordante quand d’autres, pour leur part, semblent se contenter de faire de la simple figuration. John Turturro (Barton Fink, The Big Lebowski, O’Brother, Transformers) dans le rôle de Séthi et surtout Sigourney Weaver (Alien, SOS Fantômes, Avatar) dans celui de sa grande épouse Touya, se limitent en particulier d’apparitions sommaires avant de disparaître de l’intrigue, peut-être la conséquence d’un montage serré nécessitant des coupes drastiques dans l’histoire. Présent dans des scènes sans enjeu et éparses, le même sort est réservé à Ben Kingsley (Gandhi, La Liste de Schindler, Iron Man 3) dans le rôle du sage Noun. À l’inverse, Ben Mendensohn (The Dark Knight Rises, Rogue One : A Star Wars Story, Captain Marvel, Ready Player One) profite de séquences plus longues et nombreuses dans le rôle du vice-roi Hegep, un personnage pourtant au final passablement inutile.

Étonnamment, certains personnages majeurs de la légende se retrouvent réduits à la portion congrue. C’est le cas de Séphora incarnée par Maria Valverde (Sortie de Route, La Mule), d’Aaron, le frère de Moïse campé par Andrew Tarbet (Jett Jackson, This Is Wonderland, Infidels, H), de Josué, le successeur de Moïse joué par Aaron Paul (Need For Speed, Breaking Bad, Westworld) ou bien de Jethro, le prophète des Madianites interprété par Kevork Malikyan (Midnight Express, Indiana Jones et la Dernière Croisade). Le casting est également complété par Hiam Abbass (Munich, Une Bouteille à la Mer, Blade Runner 2049), Indira Varma (Game of Thrones, Coup de Foudre à Bollywood), Golshifteh Farahani (Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar, Santa et Cie) et Tara Fitzgerald (Les Virtuoses, Game of Thrones). Pour personnifier la présence de Dieu, les scénaristes font enfin le choix de mettre en scène le jeune Isaac Andrews dans le rôle de l’ange Malak.

Pour les nombreuses scènes de foule, entre trois et quatre-mille figurants sont réunis dès le 22 mois d’octobre à Almería, Tabernas et Pechina, dans le sud de l’Espagne. Ridley Scott pose aussi ses caméras dans les montagnes de la Sierra Alhamilla. Les environs de Ouarzazate, au Maroc, servent de décor au désert égyptien. Deux milliers de figurants supplémentaires sont en outre regroupés à Fuerteventura, l’une des îles des Canaries utilisée pour représenter les rives de la mer Rouge. Une partie des soixante-quatorze jours de tournage est par ailleurs organisée aux studios Pinewood de Londres où est reconstitué le palais du pharaon et ses alentours.

Afin de recréer les paysages et les ambiances si particuliers de l’Égypte antique, chaque décor est largement complété par l’équipe des effets spéciaux du studio Double Negative dirigée par Peter Chiang (Kingdom of Heaven, John Carter, Godzilla, Star Trek : Sans Limite). Alors que les péplums des années 1950 se ruinaient en décors réels, le choix est ainsi fait dans Exodus : Gods and Kings de sortir les fonds verts et de jouer de la palette numérique pour compléter les différents sites. Les effets spéciaux servent en outre à matérialiser les Plaies d'Égypte en tenant compte de la volonté de Ridley Scott de les rendre les plus crédibles possibles. Les invasions de vermines sont ainsi l’un des points forts du film, tout comme l’apparition des ténèbres, très douce, très lente, lugubre et pleine de magie. Des dizaines de milliers de figurants numériques sont en outre ajoutés pour rendre les scènes de foule plus spectaculaires. Au final, mille-cinq-cents plans sont ainsi truqués ou fabriqués de toute pièce.

Étrangement, le retrait des eaux de la mer Rouge n’est plus le moment le plus spectaculaire de l’histoire. Refusant de s’extasier devant un vieillard plantant son bâton dans la mer, une image iconique tout droit sortie des (Les) Dix Commandements de Cecil B. DeMille avec cette séquence grandiloquente mettant en scène Charlton Heston, Ridley Scott a en effet presque évacué cet épisode, « simplement » expliqué par la chute lointaine d’un météore et, de toute évidence, le tsunami qui s’ensuit. Les eaux reculent, donc. Mais c’est surtout leur retour, aussi grandiose qu’effroyable, qui est montré à l’écran.

Si les effets spéciaux sont particulièrement réussis et l’incrustation des personnages sur des décors numériques plutôt invisible, chacun peut malgré tout regretter le manque d’éclat de l’image. Le parti pris par Ridley Scott et son directeur de la photographie, Dariusz Wolski (USS Alabama, Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl, Alice au Pays des Merveilles, Le Dernier Duel) est en effet de montrer au public un environnement réaliste et passablement terne. Là encore, le réalisateur tranche complètement avec les classiques du genre et leurs décors en carton-pâte, tels ceux du mythique Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz avec ses palais rutilants, ses statues colossales, ses meubles recouverts d’or et ses murs peints de fresques hautes en couleur. Là, le public découvre à la place un ciel encombré de nuages gris, des rues sombres, des palais aux décors sobres, un désert manquant parfois de chaleur...

Toute cette atmosphère est rehaussée grâce à la partition de l’Espagnol Alberto Iglesias (Tout Sur Ma Mère, Che, La Taupe). Une fois n’est pas coutume, Ridley Scott ne s’offre donc pas les services d’Hans Zimmer qui, pourtant, a signé les bandes originales de nombre de ses longs-métrages, à commencer par Black Rain, son premier film en tant que compositeur. L’une des explications réside dans le fait que Zimmer s’est déjà frotté à cette histoire en signant en 1998 la prestigieuse partition du (Le) Prince d’Égypte qui lui valu à l’époque une nomination aux Oscars. Alberto Iglesias prend ainsi le relai en livrant une musique assez envoûtante. Si aucune mélodie ne reste néanmoins en tête à la fin du film, le spectateur appréciera toutefois les compositions, indispensables pour offrir à certaines séquences un côte grandiloquent que les images seules n’offrent pas ou difficilement. La traversée de la mer Rouge par les Hébreux, notamment, semble en effet particulièrement morne, pour ne pas dire pathétique, lorsqu’elle est regardée sans sa musique.

La bande originale d’Exodus : Gods and Kings manque malgré tout de ce panache qui a fait le succès de celle du (Le) Prince d’Égypte. C’est par ailleurs le cas de certaines scènes. Dès lors, le public est en droit de se demander « À quoi bon ? »... À quoi bon porter à l’écran une histoire déjà maintes fois adaptée et qui, dans l’inconscient collectif, semble avoir été vue et revue, la faute peut-être aux innombrables diffusions des (Les) Dix Commandements de Cecil B. DeMille à la télévision ? À quoi bon plonger le spectateur dans une atmosphère si terne avec des décors pourtant magnifiques mais cachés dans l’ombre ? À quoi bon mettre à l’écran une distribution aussi pléthorique peuplée de grands noms visibles pour certains à peine quelques secondes ? Surtout, à quoi bon refaire ce que Le Prince d’Égypte avait déjà fait seulement seize ans plus tôt, et mieux qui plus est ?!

Dès l’annonce du projet, Exodus : Gods and Kings est pointé du doigt et critiqué pour son manque d’originalité. Les photos du tournage et la première bande-annonce ne tardent alors pas à accroître cette défiance de la part d’une partie du public et de la critique. La sortie du film s’accompagne ensuite de toute une série de polémiques plus ou moins fondées. Les historiens se lèvent en particulier pour critiquer certains choix et une reconstitution peu fidèle à la réalité. Le deuil montré par des femmes vêtues de noir semble notamment totalement hors-sujet et anachronique, tout comme l’esclavage pratiqué par les Égyptiens qui demeure une source de débats au sein de la communauté scientifique qui remet de plus en plus en cause cette vision des pauvres Hébreux en train de construire des pyramides sous les coups de fouets de leurs geôliers. Les pyramides et les Sphinx placés çà et là dans presque tous les décors égyptiens paraissent pour leur part assez ridicules. À croire que pour aider les spectateurs à comprendre que l’action se situe en Égypte, il ait fallu mettre des pyramides partout...

Avant même la sortie du film, la controverse tourne aussi, et surtout, autour du choix des acteurs. Faire jouer les principaux protagonistes par des comédiens blancs, caucasiens, pour la plupart originaires d’Angleterre, des États-Unis ou d’Australie, a tout de suite été ressenti comme quelque chose d’assez exotique. Les seuls artistes originaires du Proche-Orient semblent dès lors se contenter de certains seconds rôles mineurs ou de la simple figuration au milieu des centaines d’esclaves... Une partie du public s’émeut alors de voir que les mentalités à Hollywood ne semblent pas avoir changé beaucoup depuis la sortie des (Les) Dix Commandements en 1956, avec déjà, à l’époque, une distribution essentiellement blanche. Sans tarder, des dizaines de pétitions naissent sur la Toile. Certaines sont relayées par la presse. Les appels au boycott se multiplient. Ridley Scott tente de se justifier en expliquant que de grands noms sont essentiels pour financer ce genre de superproductions. Légitime ou non, le débat est lancé au sujet de l’incongruité de faire jouer un personnage africain par un Européen, un personnage noir par un Blanc... Un débat sans fin plus présent aujourd'hui que jamais...

Le caractère religieux de l’histoire est enfin lui aussi source de polémiques. Le 25 décembre 2014, le film est notamment déprogrammé au Maroc, les autorités et une partie du public trouvant blasphématoire le fait de montrer Dieu sous l’apparence d’un enfant. Une censure est alors opérée par 20th Century Fox pour contenter tous les partis et permettre au film de retrouver le haut de l’affiche dès la semaine suivante. Exodus : Gods and Kings est par ailleurs interdit en Égypte et aux Émirats arabes unis qui s’offusquent quant à eux des erreurs historiques et des mauvaises interprétations religieuses des textes sacrés.

Dédié à Tony Scott, le frère de Ridley Scott décédé le 19 août 2012, Exodus : Gods and Kings sort aux États-Unis le 12 décembre 2014, quelques jours après les premières organisées à Londres le 3 décembre et à New York le 7. Diffusé dès le 4 décembre dans certains pays comme l’Argentine, l’Inde, l’Espagne, la Corée du Sud et l’Australie, le long-métrage est alors projeté en 2D, en 3D et dans le format IMAX 3D. Très sévère, une partie de la critique ne cache pas sa défiance vis-à-vis de la fresque. Si la distribution et les effets spéciaux sont salués, le scénario cristallise en particulier les reproches. Beaucoup estiment en effet que les personnages et l’histoire ne sont pas assez approfondis. « Scott a réalisé un super boulot en ressuscitant la Rome antique dans Gladiator », note en particulier Stephen Farber dans les colonnes du (The) Hollywood Reporter, « Mais sa saga égyptienne ne joue pas dans la même cour ».

Devant faire face à une concurrence sévère, en particulier Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées qui sort le 17 décembre, Exodus : Gods and Kings parvient en fin d’exploitation à réaliser 65 millions de dollars de recettes en Amérique du nord auxquels s’ajoutent environ 203,2 millions de dollars dans le reste du monde. Honorable, ce score est néanmoins modeste compte tenu du budget du film estimé à 200 millions de dollars.

Produit dans la veine des blockbusters historiques dont Hollywood a depuis toujours le secret, Exodus : Gods and Kings est un film qui ne manque pas d’intérêt pour qui se passionne pour les grandes fresques grandiloquentes portées par un casting de stars et bourrées d’effets spéciaux et de scènes cataclysmiques. Mais en proposant sur grand écran l’un des récits les plus connus de la Bible, le long-métrage n’est cependant pas exempt de défauts. Les croyants et les amateurs d’Histoire seront en particulier frustrés par une légende passablement altérées. Les amateurs de cinéma, quant à eux, lui trouveront certainement un goût de déjà-vu.

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