Titre original :
Alien vs. Predator
Production :
20th Century Fox
Davis Entertainment Company
Brandywine Productions
Impact Pictures, Stillking Films
Date de sortie USA :
Le 13 août 2004
Genre :
Science-fiction
Réalisation :
Paul W.S. Anderson
Musique :
Harald Kloser
Durée :
101 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Lorsque l’un de ses satellites détecte une mystérieuse onde de chaleur sur un endroit isolé de l’Antarctique, le milliardaire Charles Bishop Weyland lance une expédition scientifique pour enquêter sur ce phénomène. Une fois sur les lieux, l’équipe découvre une étrange pyramide, terrain de chasse de menaçants extraterrestres, les Predators. Ces derniers retiennent captive une reine Alien, dont ils utilisent la progéniture lors de rituels. Aussitôt, les explorateurs se trouvent au milieu du conflit entre Predators et Aliens.

La critique

rédigée par
Publiée le 04 mai 2024

Que se passe-t-il quand deux créatures sacrées du cinéma se font la guerre ? Le cinéma regorge, il est vrai, d’œuvres mettant en scène l’affrontement entre plusieurs monstres déjà intervenus dans de précédents films. Généralement, l’objectif est d’attirer un maximum de spectateurs, parfois au détriment de la qualité et de la cohérence : King Kong Contre Godzilla (1962), Frankenstein Contre Le Monstre de l’Espace (1965), Dracula Contre Frankenstein (1970), Freddy contre Jason (2003). 
Monstres emblématiques des années 1980 et ayant fait les beaux jours de 20th Century Fox, il était évident que le xénomorphe d’Alien, le Huitième Passager et le chasseur invisible de Predator allaient se rencontrer tôt ou tard le temps d’un film, pour un combat déloyal où tous les coups sont permis et l’humain impuissant. Fantasme de nombreux amateurs de science-fiction, Alien vs. Predator était une curiosité autant attendue que redoutée par les cinéphiles. À l’arrivée, l’opus a tout de la série B à gros budget, bourrine et réjouissante, à ne pas prendre au sérieux, mais qui constitue tout de même une entrée assez spéciale au sein des deux franchises.

Devant le succès généré par les films Alien, les dirigeants de 20th Century Fox comptent réitérer cet exploit en présentant au public une nouvelle race d’extraterrestre, le Predator, être humanoïde féroce et impitoyable, capable de se fondre dans la nature et dont le passe-temps est de chasser n’importe quelle espèce. Réalisé par John McTiernan et sorti tout juste un an après Aliens, le Retour, Predator (1987) raconte ainsi le combat entre des soldats d’élite envoyés dans une jungle d’Amérique centrale pour traquer et éliminer une créature à la technologie avancée. Un jeu du chat et de la souris se met alors en place et les chasseurs deviennent malgré eux les proies d’un dangereux prédateur, qui prend un malin plaisir à les éliminer l’un après l’autre. Grâce à sa maîtrise du suspense et son monstre invisible, Predator est devenu culte pour toute une génération. Présentant une troupe de gros bras dépassés et vulnérables, le film s’amusait à contrebalancer les clichés pour une approche plus humaine et réaliste, loin des stéréotypes du héros américain. Alors que le public s’attendait à un film d’action banal, John McTiernan (Piège de Cristal, Medicine Man, Une Journée en Enfer - Die Hard 3, Le 13ème Guerrier), avec sa mise en scène intelligente et originale, livre un survival haletant. Le Predator, dont les designs furent imaginés par Stan Winston, rejoint quant à lui la liste des monstres les plus célèbres du cinéma et s’est installé peu à peu dans la mémoire collective.

Le succès du film est tel que la compagnie Dark Horse Comics en achète les droits pour adapter les aventures du Predator en bandes dessinées, réitérant le procédé qu’elle avait déjà effectué avec la saga Alien quelques années plus tôt. Les comics font un carton et peu de temps après, les auteurs Chris Warner et Randy Stradley, à l’occasion d’un meeting, parlent d’une rencontre entre les deux espèces extraterrestres. Ce sera chose faite en février 1990 avec la parution du comic Aliens vs. Predator. Devant l’engouement suscité par ce crossover, les dirigeants de Fox n’excluent pas l’idée de croiser le xénomorphe et le chasseur de l’espace au cinéma. Ainsi, un petit clin d’œil à Alien, le Huitième Passager a lieu au cours de Predator 2 (1990) réalisé par Stephen Hopkins (La Nuit du Jugement, L’Ombre et la Proie, Perdus dans l’Espace), où un crâne alien apparaît furtivement dans la salle des trophées du vaisseau Predator. Dès l’année suivante, Peter Briggs, futur scénariste du film Hellboy de Guillermo Del Toro, s’attèle dans la foulée à l’écriture d’un script alors qu’Alien³ est déjà en production, mais sans en parler à 20th Century Fox. Il présente ensuite son projet aux studios, qui se montrent enthousiastes et envisagent de le porter à l’écran.

Le scénario de Peter Briggs respectait à peu près l’intrigue du comics et se déroulait sur la planète Ryushi où était établie une colonie d’humains partis en reconnaissance. Pendant ce temps, quelque part dans l’espace, des Predators retiennent une reine Alien en otage dans leur vaisseau et la forcent à pondre des œufs. Ceux-ci sont envoyés sur Ryushi et tandis que les Predators attendent que les colons donnent naissance aux Aliens pour partir à la chasse ; les survivants, menés par une femme nommée Hiro Konogushi, font tout leur possible pour rester en vie et s’échapper de cette planète. Au cours du récit, un des Predators s’allie à Hiro pour vaincre les Aliens et meurt en héros à la fin après avoir reconnu l’humaine comme guerrière. Le scénario de cette première version d’Alien vs. Predator convainc les producteurs, si bien que 20th Century Fox envisage de lancer la mise en chantier du film après la sortie d’Alien³ (1992). Cependant, l’idée d’un long-métrage réunissant les deux monstres ne passe pas chez Brandywine Productions, également détenteurs des droits de la franchise Alien. Selon eux, ce nouveau film ne ferait que conduire la saga à sa perte et lui faire perdre en crédibilité. Le lancement de ce projet de crossover sera même l'une des raisons qui poussera Sigourney Weaver, légendaire Ellen Ripley, à reprendre son rôle dans Alien, la Résurrection (1997), qu’elle était au départ réticente à tourner.

Alien vs. Predator est donc mis au placard, mais pas totalement abandonné, les dirigeants de 20th Century Fox ayant espoir de reprendre le projet quelques années plus tard, le temps qu’Alien, la Résurrection soit sorti. En 2002, le réalisateur Paul W. S. Anderson, tout juste auréolé du succès commercial de l’adaptation cinématographique du jeu vidéo d’horreur Resident Evil, rencontre John Davis, producteur de la franchise Predator, à qui il résume un scénario sur lequel il travaille depuis quelques années narrant la rencontre entre les deux créatures et montre certains concept arts.
Paul William Scott Anderson est ainsi un réalisateur, scénariste et producteur britannique né le 4 mars 1965 à Londres qui fait ses débuts au cinéma avec le film indépendant Shopping (1994). Il connaît ensuite le succès en adaptant sur grand écran deux jeux vidéo phares des années 1990 : Mortal Kombat (1995) et Resident Evil (2002) ; ce dernier avec Milla Jovovich en tête d'affiche sera suivi d'une série de cinq films jusqu'en 2016 (quatre étant réalisés par Anderson), qui collectivement rapporteront plus d'un milliard de dollars dans le monde. Parmi ses autres réalisations notables, sont à citer le film de science-fiction Event Horizon, le Vaisseau de l'Au-delà (1997), qui fut une déception critique et commerciale, mais sera réévalué et apprécié avec les années, Alien vs. Predator (2004), crossover des deux fameuses sagas de science-fiction, Course à la Mort (2008), un remake/préquelle de La Course à la Mort de l'An 2000 (1975), le péplum Pompéi (2014) et l'adaptation du jeu vidéo Monster Hunter en 2020.
Très impressionné par les travaux du réalisateur, John Davis essaie de réunir les autres producteurs de chaque saga, mais ces derniers sont toujours réticents à l’idée d’un film mettant en vedette le xénomorphe et le chasseur extraterrestre, d’autant plus qu’en parallèle, Ridley Scott et James Cameron, respectivement réalisateurs d’Alien, le Huitième Passager et d’Aliens, le Retour, travaillent déjà sur un cinquième film qui reviendrait sur les origines de la créature. Les dirigeants de 20th Century Fox interviennent et donnent finalement leur feu vert pour Alien vs. Predator, au grand dam de Cameron, qui estime que ce crossover ne fera que tuer les deux franchises. Ses travaux ne seront toutefois pas perdus pour autant et serviront même de base au film Prometheus, réalisé par Ridley Scott et conçu comme un prequel.

Paul W. S. Anderson commence dès lors à travailler sur Alien vs. Predator avec Shane Salerno, co-scénariste sur Armageddon, Shaft, Ghost Rider et plus tard sur Avatar : La Voie de l’Eau. Salerno passe six mois à écrire le scénario et terminer son développement et sera ensuite présent pour les réécritures tout au long de la production du film. Anderson souhaite pour ce crossover utiliser une séquence décrite dans le scénario de Dan O’Bannon pour le premier volet et qui a été supprimée puis réécrite dans le produit final. À la base, lorsque l’équipe du Nostromo s’arrête sur la planète d’où provient le signal de détresse, les astronautes explorant les lieux devait en effet découvrir une ancienne pyramide d’origine inconnue dans laquelle se trouvait les œufs d’Aliens et non l’épave d’un vaisseau spatial comprenant lesdits œufs et le cadavre d’une créature dont la cage thoracique a été perforée. Influencé par l’auteur Erich von Däniken, Anderson effectue donc des recherches sur les théories avancées par ce dernier sur la façon dont il croyait que les premières civilisations étaient capables de construire des pyramides massives avec l’aide d’extraterrestres, idée basée sur des interprétations erronées de la mythologie aztèque. 

Anderson imagine une histoire dans laquelle les Predators ont appris aux humains à construire des pyramides et utilisent depuis la Terre comme lieu de rite de passage ayant lieu tous les 100 ans et au cours desquels ils chassent les Aliens. Pour expliquer la disparition de ces anciennes civilisations, le réalisateur a également l’idée que les Predators, s’ils étaient dominés par les Aliens ou en situation de mort imminente face à leur ennemi, utiliseraient leurs armes d’autodestruction pour tuer tout ce qui se trouvait aux alentours. Enfin, le roman Les Montagnes Hallucinées de l’écrivain américain H. P. Lovecraft sert d’inspiration au film, ainsi que quelques pans du comics Alien vs. Predator publié chez Dark Horse Comics et la compagnie Weyland qui sert de point de départ à l’intrigue. Contre toute attente, le scénario d’Anderson et Salerno ne se déroule pas dans l’espace ni dans un futur éloigné, mais sur Terre à une époque contemporaine, faisant de cet Alien vs. Predator un opus à mi-chemin entre les deux sagas, un épisode intermédiaire censé faire le lien entre elles et constituer à la fois une préquelle au film de Ridley Scott et une suite à celui de John McTiernan.

Côté casting, le premier acteur à être engagé sur Alien vs. Predator est Lance Henriksen (Rencontres du Troisième Type, Powder, Tarzan, Scream 3, la série Millenium), qui avait interprété l’androïde Bishop dans Aliens, le Retour et Alien³. Bien que les films de la saga Alien se déroulent dans le futur, Anderson tient à conserver leur continuité en incluant un personnage familier et connu de tous. Henriksen joue donc le rôle de Charles Bishop Weyland, cofondateur de la compagnie Weyland-Yutani et milliardaire fasciné par la conquête spatiale. Après la découverte de la pyramide, ses traits serviront de modèles à la création d’androïdes pour rendre hommage à ses travaux d’explorateurs, d’où ses « apparitions » dans les opus précédents.
Il s’agit du seul acteur présent dans au moins une des deux sagas depuis leurs créations à reprendre son rôle, le reste de la distribution étant composé de nouveaux venus, généralement européens. Ainsi, l’italien Raoul Bova (Sous le Soleil de Toscane, The Tourist) campe le professeur et archéologue Sebastian De Rosa. L’acteur écossais Ewen Bremner (Trainspotting, Pearl Harbor, La Chute du Faucon Noir) joue le docteur Graeme Miller, un ingénieur chimiste. Maxwell Stafford, assistant de Charles Weyland et ancien membre des forces spéciales britanniques, est interprété par l’anglais Colin Salmon (Demain Ne Meurt Jamais, Le Monde Ne Suffit Pas, Meurt Un Autre Jour, Punisher : War Zone). Tommy Flanagan (Braveheart, Gladiator, Les Gardiens de la Galaxie Vol.2, la série Sons of Anarchy) incarne Mark Verheiden, un officier qui accompagne l’équipe d’exploration. Enfin, l’acteur danois Carsten Norgaard (Les Petits Champions 2, Gods and Generals, la série The Man in The High Castle) joue Rusten Quinn, chef de l’équipe de forage. Pour le casting féminin, plusieurs centaines d’actrices auditionnent pour jouer l’héroïne Alexa Woods, une guide expérimentée spécialiste des environnements arctiques et antarctiques, basée sur le personnage de Machiko Noguchi, présent dans le comics. Le rôle échoue finalement à Sanaa Lathan (les films Blade, Contagion, Insaisissables 2, American Assassin, les séries Nip/Tuck, Shots Fired et The Affair), tandis que la française Agathe de la Boulaye (Un Amour de Sorcière, The Girl, Irène, Michel Vaillant) incarne Adèle Rousseau, une mercenaire et membre d’escorte armée.
Arnold Schwarzenegger sera également approché pour reprendre son rôle du major Alan « Dutch » Schaeffer, présent dans Predator, le temps d’un cameo en fin de métrage, mais l’acteur refusera poliment l’invitation après avoir été élu gouverneur de Californie. Quant à Sigourney Weaver, elle refusera catégoriquement d’apparaître dans le film ou que son personnage y soit mentionné, ayant dès le départ considéré le projet d’un crossover comme « épouvantable ».

Alien vs. Predator était attendu par les fans de science-fiction comme la rencontre entre deux créatures du monde de l’horreur, sources de fascination et de cauchemars, où l’humain, au centre du conflit, n’a pas sa place et sortira forcément perdant de cette guerre aux retombées dramatiques. 
Le film s’ouvre alors qu’une mystérieuse onde de chaleur provenant de l’Antarctique se déclare et s’étend sur toute la banquise. Pour étudier ce phénomène, le milliardaire excentrique Charles Bishop Weyland décide de lancer une expédition à laquelle il participe, menée par une équipe composée de militaires, historiens et scientifiques, et dirigée par l’exploratrice Alexa Woods. En se rendant sur les lieux, l’équipe trouve une pyramide ancestrale constituée de labyrinthes et de pièges dont la plupart se referment sur eux et les retiennent prisonniers. Des chasseurs Predators font dès lors leur apparition pour subir leur rite de passage à l’âge adulte et les humains découvrent que ces derniers détiennent captive une reine Alien dont la progéniture sert de proies pour les Predators. Très vite, la reine Alien et ses « enfants » se rebellent et se lancent à la poursuite des chasseurs extraterrestres pour leur prouver leur supériorité. De son côté, la troupe d’humains tente de trouver un moyen de s’enfuir, mais se retrouve malgré elle au centre d’un conflit opposant deux espèces hostiles prêtes à éliminer tous ceux qui ont le malheur de croiser leur route.

Avec un potentiel aussi immense et démesuré que le laisse présager son concept alléchant, Alien vs. Predator souffre évidemment de la comparaison avec les films dont il est tiré et a du mal à cacher son image d’œuvre hybride censée faire le lien entre deux franchises. Le spectateur le plus sceptique doit donc faire fi de toute vraisemblance et passer sur certains détails. Il réussit cependant à s’inscrire dans la chronologie des films avec, pour point de départ, la naissance de la relation humain-Predator dans l’Antiquité, puis la naissance du conflit entre Predators et xénomorphes, et les raisons pour lesquelles ces deux espèces se sont retournées contre les humains. Au regard des recherches et des efforts réalisés pour se raccrocher aux deux sagas, le film fait preuve d’un amour inconditionnel et d’un profond respect de la part de son réalisateur et scénariste envers leurs univers. Ayant œuvré sur deux adaptations de jeux vidéo aux réputations mitigées mais à l’esthétique séduisante et à l’action survitaminée, et s’étant fait un nom dans la science-fiction teintée d’horreur graphique, Paul W. S. Anderson réalise ce que tout fan du genre aurait livré et fait passer l’action en premier plan, à la manière d’Aliens, le Retour et Predator, pour le plus grand bonheur du spectateur avide de violence.

Alien vs. Predator ne joue donc jamais la subtilité, tant le réalisateur s’amuse à enchaîner les effets de surprise, mouvements de caméras et scènes au ralenti lors des moments d’actions et des combats où tous les coups sont permis et où quiconque rencontre le chemin des deux bêtes est assuré de connaître un destin funeste. Les attaques, hurlements et autres offensives sont légion et Anderson utilise pour contenter le plus grand nombre tout l’arsenal dont les monstres sont dotés : vision infrarouge, invisibilité pour l’un, facehugger, œufs et sang acide pour l’autre. Si le film se rapproche quelque peu d’Aliens, le Retour pour sa violence décomplexée et son énergie communicative et de Predator pour sa critique de l’être humain en apparence surpuissant réduit à l’état de proie, il manque toutefois de finesse et prive le spectateur de toute réflexion. Là où John McTiernan et Ridley Scott ne se contentaient pas de ne faire parler que les armes mais jouaient beaucoup sur la paranoïa et le mystère qu’engendre la présence d’un intrus difficile à identifier, Paul W. S. Anderson se veut brutal, virulent pour ne pas lâcher son public, au risque de tomber dans la surenchère gratuite et excessive.

L’histoire narre également le fameux rituel initiatique des Predators, un des thèmes chers à la franchise initiée par McTiernan et jusqu’ici peu évoqué. Les films précédents où apparaissait le chasseur extraterrestre insistaient beaucoup sur leur nature insidieuse et la réduction de l’homme au statut de proie. Or, leur côté guerrier était souvent mis à l’écart, tout comme leurs coutumes et la sacralité de leur rite de passage, qui consiste à ôter la vie à un être d’une espèce qu’ils considèrent inférieure, pour ensuite pouvoir prétendre faire partie de leur tribu. Alien vs. Predator est donc l’occasion d’en apprendre plus sur leurs mœurs, leurs pratiques et la relation qu’ils entretiennent avec l’humain depuis l’Antiquité. Le film permet d’ajouter une pierre à l’histoire de la créature et l’alliance formée par les deux espèces offre une dimension philosophique au scénario : la vie étant un combat de tous les instants, seuls ceux qui savent s’en montrer dignes méritent de rester vivants. De plus, lorsque deux êtres vivants d’espèces différentes se trouvent face à un ennemi commun, la seule manière de s’en sortir et de joindre ses forces, peu importe les différends et les raisons qui les opposent, l’heure n’étant plus aux règlements de comptes car seule l’union fait la force. Un aspect du film qui a le mérite de le rendre plus intelligent que ne le laisse entendre son scénario.

Car malgré une introduction et une trame de fond originales et passionnantes, grâce aux recherches effectuées par Anderson et Salerno pour construire leur intrigue, la suite du film abandonne cette démarche pour un rythme soutenu mais par trop abusif. Tout est trop brusque, les scènes d’action ont beau apporter leur dose de divertissement, Alien vs. Predator ne laisse pas le temps de s’imprégner de son intrigue qui, au départ ambitieuse et pleine de promesses, cède régulièrement à la simplicité pour se résumer à un enchaînement de batailles censées en mettre plein la vue. Tout est linéaire, prévisible et aucune surprise n’est réservée au public, qui anticipe sans mal ce que la scène suivante va lui présenter et comprend rapidement comment tout va se terminer. Le métrage ne permet pas vraiment de s’attacher aux personnages, qui servent plus de victimes destinées à être sacrifiées et dont seuls deux sortent véritablement du lot. Dans la peau de Charles Bishop Weyland, Lance Henriksen n’a aucun mal à se démarquer de son rôle dans le film de James Cameron en y injectant beaucoup d’humanité, même si son désir d’être reconnu et d’entrer dans l’histoire fait de lui un personnage complexe voire dangereux au regard de ses objectifs. En émule d’Ellen Ripley, Alexa Woods est interprétée par une Sanaa Lathan parfaite et excellente dans son rôle de meneuse, en dépit des limites du scénario. Volontaire, ferme et téméraire, elle évite le cliché du personnage survivaliste et réussit à tirer son épingle du jeu, bien qu’il soit souvent difficile de ne pas voir en elle une tentative vaine de succéder à Sigourney Weaver.

D’autant plus que le film a finalement du mal à trouver sa place dans la chronologie d’Alien. En se déroulant dans les années 2000, Alien vs. Predator est censé conduire aux événements dépeints dans Alien, le Huitième Passager, ancré dans le siècle suivant. Bien que l’intervention de Charles Bishop Weyland permette de faire le lien avec certains pans de la franchise des xénomorphes, l’écriture du personnage tranche complètement avec l’esprit de la compagnie qui utilisera son nom dans les prochaines années. Altruiste, brave et intrépide, il dispose de qualités qui ne collent absolument pas avec la philosophie capitaliste de l’entreprise, qui ne recherche que le profit au détriment de l’humanisme. Si cet élément a le mérite d’expliquer la fascination de Weyland-Yutani pour les Aliens, le scénario l’intègre au forceps et peut faire grincer les dents des spectateurs amateurs de la saga. De même, les incohérences sont de mise avec le film de Ridley Scott. Là où Alien, le Huitième Passager laisse entendre que l’entreprise ignorait l’existence des xénomorphes : Alien vs. Predator contredit en effet ce point et diminue considérablement le temps de gestation des créatures dans l’organisme de leurs hôtes une fois ceux-ci attaqués par les facehuggers. Contrairement aux films précédents, la naissance des Aliens est étonnamment courte, vite expédiée, et cette réduction ne sert qu’à gagner du temps et justifier l’overdose d’action et de scènes choquantes, quitte à dénaturer ce que Dan O’Bannon et Ridley Scott ont construit par le passé. 

Par conséquent, Alien vs. Predator donne parfois le sentiment que Paul W. S. Anderson ne sait pas comment gérer son scénario, ses personnages, les lieux ni les monstres pour lesquels il semble pourtant éprouver un profond respect. Il suffit de voir à quel point les xénomorphes sont ici réduits à de simples créatures agressives avides de chair humaine, là où les films précédents insistaient sur leur côté mystique et leur cycle de vie fascinant et inquiétant. Ils ne font plus tout à fait peur et se contentent de n’être que des créatures destinées à l’abattoir pour les Predators qui, une fois que l’occasion se présente, décident de se retourner contre leurs bourreaux et de semer la pagaille. Le film vaut donc plus pour ses qualités visuelles et son rythme survolté que pour son écriture. Le fan d’explosion, de combat et d’adrénaline a de quoi trouver son compte. La première partie est plutôt bien amenée et le suspense grandit au fil des minutes. Même si leurs personnages souffrent d’une écriture outrancière, les acteurs font de leur mieux pour en ressortir le meilleur et remplissent leur part du marché. Les scènes d’action s’enchaînent sans temps mort dans la deuxième partie du métrage, une fois l’équipe d’intervention ayant pénétré dans la pyramide puis entre les griffes des deux créatures. Les Predators investissent les lieux, la reine Alien se réveille et sa descendance se révolte contre les chasseurs venus leur ôter la vie, non sans en profiter pour semer la mort sur leur passage. La tension monte, le danger est omniprésent et chaque respiration ou bruit suspect suffit à générer de l’angoisse. Les survivants cherchent un moyen de s’enfuir et de rester en vie face à deux mastodontes prêts à se livrer un combat sans merci. L’ensemble réussit donc à convaincre à certains moments, ne serait-ce que pour son ambiance glauque, sa claustrophobie extrême, ses couloirs sombres et le caractère spirituel des lieux. 

Aussi, en dépit d’une écriture nébuleuse et grossière, Alien vs. Predator offre son lot de frissons et de terreur, les créatures surgissent de tous côtés, prêtes à en découdre et à prendre le dessus sur leur adversaire. Les personnages humains se retrouvent au milieu de cette bataille et le public finit par craindre pour leur survie, le film ne lésinant pas sur les effets graphiques et moments de suspense lors de leurs trépas. Les Predators, jusqu’ici présentés en chasseurs impitoyables éliminant tout sur leur passage, prennent une dimension plus humaine au fil de l’intrigue. Alien vs. Predator a cela d’intelligent qu’il étoffe beaucoup plus la mythologie autour des chasseurs intergalactiques en racontant le lien qui les unit à l’espèce humaine, d’où une alliance en fin de métrage menée certes avec les gros sabots, mais assez intéressante. Mais cela n’est au final que de la poudre aux yeux afin de cacher la pauvreté d’un script qui serait parfait pour un jeu vidéo, mais trop mince pour tenir sur un film entier. Le film a tellement envie de passer aux choses sérieuses qu’il en oublie de développer certains points qui auraient permis de comprendre un peu mieux l’intrigue. Par exemple, le public n’a que peu d’indications sur les raisons de la présence de la reine Alien sur Terre, le scénario accumulant les facilités. Les Aliens ne seraient-ils donc que les jouets des Predators ? Les décors ont beau être impressionnants, les scènes d’action réussies et l’horreur présente, ils semblent surtout être là pour cacher la maigreur d’un synopsis aux ambitions dantesques, mais à l’exécution sommaire. Le mystère est aux abonnés absents, la précipitation et les clichés sont de mise, tout est si chargé et exposé en moins de deux heures que le spectateur risque fortement d’être agacé s’il ne cherche pas autre chose qu’un simple divertissement.

Beaucoup d’espoirs et de craintes étaient posés sur Alien vs. Predator dès l’annonce du projet, c’est donc dans un climat tendu, entre excitation et appréhension, que l’opus voit le chemin des salles américaines le 13 août 2004 dans plus de 3000 cinémas. Pour son week-end d’ouverture, le film réalise alors une performance tout à fait honorable, puisqu’il rapporte 38,2 millions pour une moyenne de 11 278 dollars par salle et se retrouve premier au box-office. Il reste ainsi à l’affiche pendant 16 semaines aux États-Unis et finit sa course avec plus de 80 millions de dollars sur le seul sol américain. À l’international, il collecte plus de 97 millions de dollars au box-office, dont 9 millions au Royaume-Uni, 16 millions au Japon et 8 millions en Allemagne. Tourné pour un budget compris entre 60 et 70 millions de dollars, Alien vs. Predator en rapporte 177,4 millions, un vrai succès pour les studios, mais également une preuve de l’intérêt du public pour une franchise parallèle censée faire le lien entre les sagas, narrant ainsi les événements ayant conduit à Alien, le Huitième Passager et ceux ayant suivi les deux films Predator. Entre autres, il s’agit du deuxième film le plus rentable de chaque saga (derrière Prometheus sorti quelques années plus tard pour Alien et qui a rapporté plus de 403 millions de dollars dans le monde).

Toutefois, si le succès commercial est au rendez-vous, Alien vs. Predator reçoit un accueil plutôt glacial de la part de la critique. Le film est en effet descendu en flèche par une majeure partie des spécialistes, mais aussi des fans de la première heure, qui félicitent son aspect visuel, ses effets spéciaux de premier ordre, ses décors grandioses et le charisme toujours intact de ses deux créatures vedettes, mais trouvent le long-métrage ennuyeux, mal écrit et transparent, tandis que d’autres journalistes, beaucoup plus sévères, le jugent « stupide » et « méprisable ». Le peu de scènes partagées entre les monstres, tout comme leur affrontement rapidement expédié, les personnages sous-développés, sans compter le final considéré comme opportuniste, sont autant d’autres points que les critiques soulèvent et reprochent au film. Enfin, le travail de Paul W. S. Anderson à la réalisation comme à l’écriture ne fait pas non plus l'unanimité. Certaines critiques pointent le fait que le metteur en scène a tenté de reproduire dans Alien vs. Predator ce qu’il avait accompli dans Resident Evil et trouvent que les deux opus se ressemblent sur plusieurs aspects. Le film est même nominé pour quelques prix peu enviables, dont celui du Pire film de l’année et de la Plus Grande Déception de l’année aux Golden Shmoes Awards 2004, ainsi qu’aux Razzie Awards 2004 dans la catégorie Pire film, préquelle, remake ou dérivé. Avec autant d’avis négatifs, il s’agit du volet le plus critiqué des deux sagas réunies, mais cela ne décourage pas 20th Century Fox d’annoncer, aux vues des résultats financiers encourageants d’Alien vs. Predator, une suite à ce crossover, qui réussira l’exploit d’être encore plus détestée et ratée que son prédécesseur.

Sans être le grand affrontement espéré entre deux monstres sacrés du cinéma d’horreur ni la catastrophe annoncée par une grande partie des sceptiques, Alien vs. Predator est un film aux ambitions beaucoup trop élevées dont le résultat final déçoit plus qu’il ne convainc, un délire de fan aux intentions nobles destiné à offrir un divertissement spectaculaire, mais à l’exécution bâclée et qui cache ses faiblesses derrière un trop-plein d’action. Le suspense qu’il procure, les scènes d’horreur et le charme toujours intact de ses monstres vedettes permettent néanmoins de passer un moment agréable. Il convient donc de ne pas bouder son plaisir !

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