Powder
Titre original : Powder Production : Hollywood Pictures Caravan Pictures Date de sortie USA : Le 27 octobre 1995 Genre : Fantastique |
Réalisation : Victor Salva Musique : Jerry Goldsmith Durée : 111 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Un soir d'orage, une femme sur le point d'accoucher est transportée d'urgence à l'hôpital, où les médecins ne parviennent à sauver que son enfant. Des années plus tard, le shérif Barnum et Jessie Caldwell, directrice d'un orphelinat, découvrent un adolescent chauve et à la peau diaphane, caché dans la cave de ses grands-parents, à présent décédés. Le jeune homme, surnommé « Powder », s'appelle en réalité Jeremy Reed et n'a jamais quitté le domicile familial. Outre son apparence physique hors norme, il possède des facultés intellectuelles supérieures et des pouvoirs télékinésiques... |
La critique
Powder occupe une place assez spéciale dans la filmographie Disney. Produit par Hollywood Pictures en collaboration avec Caravan Pictures, le film est, en effet, essentiellement connu pour le scandale qu'il a provoqué lors de sa sortie au cinéma. Une sortie qui s'est accompagnée d'une campagne de boycott à cause du passé sulfureux de son réalisateur : Victor Salva.
Né le 29 mars 1958 à Martinez, en Californie, Victor Salva connaît une enfance difficile. Abandonné par son père à la naissance, il grandit seul avec sa mère qui finit par se remarier à un homme, alcoolique et violent, qui abusera de lui. Pour échapper à ce difficile quotidien, Victor Salva se découvre une passion pour le cinéma fantastique. Dès l'âge de treize ans, il commence ainsi à écrire des scénarios et à réaliser de petits films. En 1986, à l'occasion de la Sony/AFI Home Video Competition, il attire l'attention de Francis Ford Coppola, membre du jury, grâce à un court-métrage intitulé Something in the Basement. Coppola accepte dans la foulée de produire son premier long-métrage. Clownhouse, un film d'horreur à petit budget, est ainsi présenté au festival du film indépendant de Sundance trois ans plus tard. La postproduction du film tourne au vinaigre : Victor Salva est, en effet, arrêté et inculpé pour avoir abusé sexuellement d'un des acteurs principaux, Nathan Forrest Winters, alors âgé de douze ans, avant et pendant le tournage. Il reconnaît également avoir procédé à d'autres attouchements sur des enfants en 1988. Il est alors condamné à trois ans de prison et libéré sur parole après quinze mois d'emprisonnement. Victor Salva choisit de se faire oublier quelques temps, puis fait un retour discret derrière la caméra en 1995 avec le film d'épouvante The Nature of the Beast, qui sort directement en vidéo. Il enchaîne ensuite avec son premier film fantastique Powder, qui est présenté la même année, puis le thriller Rites of passage (1999). C'est véritablement avec Jeepers Creepers (2001) que Victor Salva connaît son premier succès commercial. Centré sur une créature crépusculaire qui se nourrit d'êtres humains, le film connaîtra deux suites, en 2003 et 2017. Entre temps, Victor Salva poursuit sa carrière de réalisateur, mais toujours de manière irrégulière : sortent ainsi sur les écrans le drame Peaceful Warrior (2006) et les films d'horreur Rosewood Lane (2011) et Dark House (2014).
Powder est donc le tout premier film de Victor Salva à être projeté en salles, quelques années seulement après sa sortie de prison. Également à l'origine du scénario, qu'il commence à écrire pendant son incarcération, le réalisateur attend plusieurs années avant de le réaliser. En raison des faits qui lui ont été reprochés, il prend, il est vrai, la décision de retrouver tout d'abord une vie normale et de soigner ses démons. Il exerce quelques temps les métiers de livreur, puis de télévendeur avant de proposer enfin son scénario aux grands studios. Finalement, ce sont Hollywood Pictures, filiale de Disney créée en 1989 et consacrée à des productions destinées à un public plus adulte, et Caravan Pictures, autre filiale de la compagnie aux grandes oreilles créée en 1992, qui acceptent de produire le film.
Powder raconte l'histoire de Jeremy Reed, adolescent albinos, frappé par la foudre dans le ventre de sa mère, mais doté de pouvoirs étranges et surnaturels. Après avoir été caché des années dans une cave par ses grands parents comme si ces derniers, effrayés par ses capacités et son aspect physique, souhaitaient enterrer un secret de famille, il n'a eu pour seuls compagnons que ses livres. Mais le jeune homme se retrouve brutalement confronté à la cruelle réalité du monde qui l'entoure, ainsi qu'au regard des autres lorsqu'il est placé dans un orphelinat. Il peut alors compter sur le soutien de la directrice et de ses professeurs, qui l'aideront tant bien que mal à s'intégrer en dépit de l'intolérance de ses camarades et des habitants de la ville voisine.
Entre conte philosophique et fable contemporaine, Powder est un film émouvant qui ne laisse pas indifférent. Réalisé par un Victor Salva décidément inspiré, ce dernier s'étant basé sur sa propre vie pour rédiger le scénario, il souffre ça et là de quelques longueurs. Il traite néanmoins du thème de l'exclusion avec beaucoup de justesse choisissant d''accentuer le caractère extraordinaire de son héros en plaçant en toile de fond une intrigue surnaturelle. Jeremy Reed est, en effet, un jeune homme fragile et intelligent, qui découvre avec douleur un monde dont il a été tenu à l'écart toute sa vie. Dépourvu de pigmentation, il étonne d'abord par son physique mais aussi et surtout par ses capacités hors norme lui permettant de déplacer des objets par la pensée, maîtriser la foudre et faire circuler des sensations par le biais de ses mains. Il n'en faut donc pas moins pour que les autres adolescents de son âge et les habitants de la ville le craignent et le rejettent totalement.
Pour interpréter Jeremy "Powder" Reed, Victor Salva fait appel à l'acteur Sean Patrick Flanery. Né le 11 octobre 1965, il a fait ses études à l'Université de Saint Thomas à Houston au Texas. Il se destine tout d'abord à être un sportif de haut niveau avant d'embrasser une carrière d'acteur. Il fait ainsi ses débuts devant la caméra en décrochant le premier rôle dans la série Les Aventures du jeune Indiana Jones entre 1992 et 1994, puis fait ses premiers pas au cinéma la même décennie avec Powder, Suicide Kings et Simplement Irrésistible. Il connaît ensuite la consécration avec son rôle de Connor MacManus dans Les Anges de Boston, avant de retourner progressivement à la télévision à partir des années 2000, période où il enchaîne les rôles récurrents et guests dans des séries telles que Charmed, Dead Zone, Les Feux de l'amour, Esprits criminels et Dexter. Âgé de 30 ans lors du tournage de Powder, alors que le personnage principal est adolescent, Sean Patrick Flanery interprète avec brio le héros du film et réussit sans difficultés à le rendre attachant, insufflant dans son jeu ce qu'il faut de retenue et d'émotions pour toucher le public.
Le rôle de la directrice de l'orphelinat en charge de Jeremy, Jessie Caldwell, est interprété par Mary Steenburgen. Née en 1953 à Newport, Arkansas aux États-Unis, l'actrice fait ses débuts au théâtre à New York, avant d'être remarquée par Jack Nicholson qui lui confie son premier rôle au cinéma dans En Route vers le Sud (1978), un film qui lui vaut d'ailleurs une nomination aux Golden Globes Awards la même année. Elle donne ensuite la réplique à Malcolm McDowell dans C'Était Demain (1979), puis obtient l'Oscar de la meilleur actrice pour son interprétation de Lynda Dummar dans Melvin and Howard, centré sur la vie de Howard Hughes. Longtemps cantonnée aux rôles d'épouse ou de mère de famille (Comédie Érotique d'une Nuit d'Été (1982), Portrait Craché d'une Famille Modèle (1990)) ou aux comédies familiales (Un Drôle de Noël (1985), Retour vers le Futur - 3ème Partie (1990)), elle s'impose pourtant aussi dans des rôles plus dramatiques comme dans Froid comme la Mort (1987) ou encore Philadelphia (1993). Après un passage à la télévision, dont plusieurs téléfilms et la série Le Monde de Joan, où elle joue l'héroïne, elle revient à ses premiers amours au cinéma à la fin des années 2000 (À Vif (2007), La Proposition (2009), Mais où Sont Passés les Morgan ? (2009), La Couleur des Sentiments (The Help) (2011)). Depuis 2015, elle fait partie du casting de la série The Last Man on Earth. Dans Powder, Jessie Caldwell est une travailleuse sociale qui aide Jeremy à trouver sa place parmi les autres jeunes de son âge. Cherchant par tous les moyens à achever son intégration, elle est aussi son premier contact avec le monde extérieur et donc sa confidente. Ses scènes avec le jeune homme sonnent ainsi très justes et permettent au spectateur de s'attacher facilement à leurs personnages respectifs.
Lance Henriksen incarne le shérif Doug Barnum, dont l'équilibre se trouve bouleversé par l'arrivée d'un étrange garçon dans sa ville. Né en 1940, fils d'un père marin et d'une mère serveuse, Henriksen connaît une enfance agitée. Renvoyé de plusieurs écoles à cause de son illettrisme, il sert la marine américaine dès 1955 jusqu'à sa majorité. Il décroche ensuite un emploi de chef décorateur à Broadway pour plusieurs représentations, période où il apprend à lire, notamment des scénarios et pièces de théâtre. Il intègre alors l'Actor's Studios et enchaîne les apparitions au cinéma (Un Après-Midi de Chien (1975), Network (1976), Rencontres du Troisième Type (1977), La Malédiction II (1978). Il joue notamment le rôle de l'astronaute Walter Schirra dans Le Prince de New York (1981), tourne deux fois pour James Cameron dans Terminator (1984) et Aliens, le Retour (1986), où il campe l'androïde Bishop (ainsi que dans sa suite Alien 3 en 1992), participe au film de vampires Aux Frontières de l'Aube (1987) et tient tête à Mickey Rourke dans Johnny Belle Gueule (1989). Après avoir prêté sa voix au personnage de Kerchak dans Tarzan (1999) et sa suite pour Disney, puis avoir tenu le premier rôle dans la série Millenium (1996-1999), il collectionne dans les années 2000 les productions destinées au marché de la vidéo, principalement des thrillers et films fantastiques de seconde zone. Dans Powder, Lance Henriksen incarne brillamment un homme marqué par l'état de santé de son épouse malade, qui doit aussi calmer une ville secouée par l'arrivée de Jeremy. Le shérif Barnum, qui a découvert le jeune homme en premier, ne voit, en réalité, pas en lui une menace et fait même tout son possible pour le protéger et prendre sa défense quand il le peut.
Le dernier personnage marquant de Powder est sans aucun doute l'excentrique Donald Ripley, campé par Jeff Goldblum. Né en 1952, l'acteur débute sa carrière sur grand écran en 1974 face à Charles Bronson dans Un Justicier dans la Ville avant d'aborder un genre qui le rendra populaire auprès des cinéphiles, la science-fiction avec L'Invasion des Profanateurs (1978), L'Étoffe des Héros (1983) ou encore La Mouche (1986). Il enchaîne ensuite les blockbusters dans les années 1990 comme Jurassic Park (1993) et sa suite Le Monde Perdu : Jurassic Park (1997), Independance Day (1996) et Comme Chiens et Chats (2001). Il s'ouvre ensuite à des rôles plus académiques (La Vie Aquatique (2005)) et à quelques productions pour la télévision (Raines, New York Section Criminelle) avant de revenir petit à petit sur le devant de la scène dans des longs-métrages tels que The Grand Budapest Hotel (2014), Independance Day : Resurgence (2016) et récemment en tenant le rôle du Grand Maître dans Thor : Ragnarok (2017) pour le Marvel Cinematic Universe. Jeff Goldblum incarne ici le professeur de science de Jeremy au lycée, fasciné par le garçon et sa perception des choses. Légèrement décalé, il est l'élément comique du récit. Témoin d'un événement surnaturel provoqué par Jeremy, il n'aura de cesse de lutter pour que celui-ci soit traité comme les autres élèves, sans distinction.
D'autres acteurs complètent la distribution.
Ray Wise est le Docteur Aaron Stripler, chargé d'évaluer l'aptitude de Jeremy à intégrer le lycée. Très connu pour ses rôles à la télévision (dont l'énigmatique Leland Plamer dans Twin Peaks, le Vice-Président Hal Gardner dans 24 Heures Chrono, le Diable dans Le Diable et Moi), il s'illustre au cinéma en tant qu'homme de pouvoir (Robocop, Good Night and Good Luck, X-Men : Le Commencement) tout en tournant régulièrement pour Victor Salva (Jeepers Creepers 2, Peaceful Warrior, Rosewood Lane).
Susan Tyrrell est Maxine, l'auxiliaire de vie d'Emma Barnum, épouse du shérif, qui ne voit pas d'un très bon oeil l'arrivée de Jeremy en ville. Actrice et chanteuse à Broadway, elle fait quelques apparitions au cinéma dans des seconds rôles (Conte de la Folie Ordinaire, Cry-Baby, Big Top Pee-Wee, Forbidden Zone).
Enfin, Missy Crider est Lindsey Kelloway, une adolescente qui se liera d'amitié avec Jeremy. Touchée par sa détresse, elle forme un joli duo avec le jeune homme. Ayant débuté sa carrière dans la chanson début 1990, Missy Crider se tourne finalement vers la télévision et joue depuis dans plusieurs séries (Murder One, 24 Heures Chrono, Jeremiah, Les Médiums), téléfilms et mini-séries (Lonesome Dove, La Bête, Quicksilver Highway).
En se confrontant à tous ces personnages, Jeremy découvre ce qu'il y a de plus beau chez eux, l'amour et la compassion, notamment grâce à ses professeurs. Mais il découvre également la cruauté dont certains sont capables lorsqu'ils se retrouvent face à ce qu'ils ne comprennent pas. L'être humain a cela de particulier qu'il a toujours peur de ce qui le dépasse et n'est jamais prêt à l'accepter. C'est précisément cette vision toute en nuance, loin des poncifs manichéens, qui tire le film vers le haut. Jeremy est un être innocent qui ne connaît le mal ni dans ses pensées, ni dans ses actes et qui se montre bien plus humain que la plupart de ceux qui pensent l'être. Il est hélas constamment victime de la méfiance et de l'incompréhension des autres. De ce point de vue, Powder est une vraie réussite. À la fois bouleversant, tendre et cruel, il met en avant la difficulté à accepter les différences et à ouvrir son esprit, ce qui est souvent la source de souffrances pour les êtres spéciaux et uniques.
Powder ne s'arrête cependant pas là et traite également de la solitude, celle d'un enfant surdoué, sensible au regard d'autrui, qui est perçu comme un monstre par certains et un être étrange par d'autres. Une solitude qu'il a connu toute sa vie et qui le mène finalement à l'isolement, un sentiment que Jeremy ne connaît que trop bien avec, au bout du chemin, la colère. Elle gronde dans le cœur du jeune homme avant d'être finalement libérée progressivement au fil du film. Pour autant, Jeremy n'est pas un être sans défense. S'il utilise ses capacités pour répondre aux provocations, il n'entend pas s'abaisser au niveau de ses persécuteurs, mais cherche simplement à leur faire prendre conscience du mal qu'ils sèment autour d'eux. Comprenant progressivement qu'il ne sera jamais considéré comme l'un des leurs, il ne demande finalement qu'à retourner dans son sous-sol, loin de la laideur de ce monde qu'il ne connaissait qu'à travers les livres et loin de toute cette violence humaine dont il est témoin et surtout victime. Le film livre alors un portrait pessimiste mais réaliste de l'adolescence et en particulier de la jeunesse solitaire qui ne parvient pas à se sociabiliser et qui souffre en silence à coups de brimades et intimidations.
Dans son film, Victor Salva parle aussi de regrets et des blessures que l'être humain cache en lui et qu'il est incapable d'affronter. Là encore, Powder marque des points et embrasse ce thème sans concession. Ici, il ne s'agit pas de tirer un trait sur le passé, mais de montrer qu'il est possible de réparer ses erreurs tant qu'il est encore temps et devenir une meilleure personne. Les personnages qui gravitent autour de Jeremy en sont l'exemple parfait, que ce soit le shérif Barnum, tourmenté par l'état de santé de sa femme, l'adjoint Duncan qui sera témoin d'un phénomène extraordinaire, ou encore le père de Jeremy qui, au détour d'une scène poignante, choisit de ne pas reconnaître son enfant à la maternité à cause de son aspect physique. Le film contient ainsi énormément de références au passé du réalisateur - que ce soit l'absence d'un père, la perte d'un être cher et même la maltraitance.
Enfin, dans son message global, Powder propose de se mettre à la place de l'autre. Il est, en effet, facile de juger la différence en matière de pensées, de culture ou d'espèces. Et pourtant, il est également tout aussi simple de faire un pas vers l'autre, d'apprendre ce qui rassemble plutôt que ce qui sépare, de comprendre les joies et les souffrances et surtout de choisir l'échange et le dialogue, plutôt que l'ignorance et la haine. Le personnage de Jeremy est ainsi là pour éveiller les consciences et permettre aux personnages du film comme aux spectateurs de découvrir une nouvelle vision de ce qu'est la vie. Il permet ainsi au shérif Barnum d'entrer en contact avec sa femme comateuse et de se débarrasser d'un secret de famille. Il aide aussi un chasseur à prendre conscience de ses actes sur la nature en lui faisant ressentir la douleur d'un animal blessé et révèle enfin à la jeune fille dont il est épris que l'être humain, bien que fermé d'esprit, fait partie d'un tout auquel il doit s'ouvrir.
Pour sa bande originale, Powder bénéficie du talent de Jerry Goldsmith, connu pour ses partitions de grands classiques du cinéma dont Alien, le Huitième Passager, Star Trek : le film, Basic Instinct, Total Recall ou encore La Malédiction, qui lui fera remporter l'Oscar de la Meilleure Musique en 1977. Jerry Goldsmith n'en est, d'ailleurs pas ici à sa première collaboration avec Disney. Il a, en effet, signé la bande originale d'Un Petit Indien, Baby... Le Secret de la Légende Oubliée, La Nuit de l'Évasion et sera peu de temps après à l'origine des scores du Grand Classique Disney Mulan et du film Touchstone Pictures Le 13ème Guerrier. Dans Powder, il livre une splendide composition, réussissant à immortaliser les instants émouvants et les moments plus légers sans verser dans le pathos, sauf à de rares occasions où la partition vient hélas alourdir quelques scènes déjà bien chargées en effets visuels. Ce n'est d'ailleurs pas le cas de la séquence d'ouverture et celle où Jeremy se dévoile au shérif et à Jessie Caldwell qui frisent tout simplement le génie : la musique parvient à toucher la sensibilité du spectateur et l'invite tout simplement à la rencontre du héros et sa découverte du monde.
Également chargé de la réalisation, Victor Salva s'est occupé de l'écriture du scénario, qu'il a commencé à rédiger lors de son emprisonnement. S'étant inspiré de son propre passé pour créer le personnage de Jeremy "Powder" Reed, il s'agit donc de son œuvre la plus personnelle. Il révèle même au cours d'une interview avoir voulu faire une mise au point sur son enfance difficile et tirer un trait sur les crimes qu'il a commis en écrivant le film. Le scénario de Powder aborde donc des thèmes chers au réalisateur, comme le harcèlement scolaire, la maladie (une référence à la mère de Salva, emportée par un cancer), les différences et l'intolérance. Tous bien écrits, les personnages, en plus d'être attachants et touchants, contribuent à l'efficacité de Powder. La réalisation, bien que souvent académique, ouvre aussi le récit au divertissement mettant aussi bien en valeur les acteurs que leur aventure. Reste toutefois à regretter une volonté par trop appuyée de toucher à tout prix le public, allant pour cela jusqu'à tomber dans l'excès et les grosses ficelles. De même, le côté voyeur de l'opus dérange parfois, certaines scènes pouvant déconcerter le spectateur ou tout simplement le détourner de son message. C'est notamment le cas pour la scène où Jeremy, surpris par d'autres garçons en train d'espionner un camarade sous la douche, est ensuite déshabillé, humilié et jeté dans la boue.
Powder, qui sort sur les écrans américains le 27 octobre 1995, fait l'objet d'une controverse dès les premiers jours de son exploitation en salles. Malgré ses années de bonne conduite - il n'a à ce jour plus commis d'actes de ce genre - le passé pédophile de Salva refait, il est vrai, surface et fait couler beaucoup d'encre. Les victimes et leurs familles, qui pour la plupart n'étaient même pas au courant de la sortie de prison du réalisateur, protestent contre l'opus et reprochent à Disney de promouvoir une œuvre réalisée par un ancien criminel accusé d'abus sexuel sur mineurs. Nathan Forrest Winters, ancienne victime, va même jusqu'à interrompre une projection du film pour faire entendre sa voix et manifester contre la publicité en faveur de Victor Salva. Chez Disney, le choc est immense. Hormis les dirigeants de Hollywood Pictures, qui se sont assurés de l'absence de mineurs pendant le tournage, personne n'est au courant des faits reprochés à Salva. Pour apaiser les tensions et éviter tout scandale, Disney stoppe alors la promotion de Powder : les affiches du film sont retirées des panneaux publicitaires à la demande des familles et la bande-annonce n'est plus diffusée ni à la télévision ni sur les écrans de cinéma. Depuis, Disney n'a plus collaboré avec le réalisateur sur quelque projet que ce soit.
La critique non plus n'est pas très tendre avec le film, qui reçoit des avis plutôt mitigés. Si elle salue le jeu des acteurs, le message porté - en l'espèce, l'acceptation des différences - et l'écriture des personnages, la presse juge toutefois l'opus quelque peu pervers et s'interroge sur les intentions du réalisateur. En voulant dénoncer les ravages du harcèlement scolaire et l'exclusion sociale, les journalistes reprochent à Victor Salva d'exagérer son propos et de chercher à légitimer ses actes en se présentant comme "victime", chose que le réalisateur n'aura de cesse de démentir. Il répondra à ses allégations en niant chercher à taire, voire à minimiser ses actes, et déclarant avoir simplement voulu présenter une "oeuvre qui s'inspire de son adolescence, son expérience passée et du traitement qu'il a subi du fait de son homosexualité". Malgré les critiques, sa mauvaise réputation et l'arrêt de la promotion, Powder reste malgré tout à l'affiche dans de nombreux cinémas et rapporte un peu plus de 30 millions de dollars au box-office pour un budget de 10 millions, soit trois fois ce qu'il a coûté au départ.
Riche en émotions, porté par d'excellents interprètes et une composition musicale réussie, Powder est un film touchant et coup de poing sur l'intolérance et l'exclusion, malgré un ton parfois trop complaisant et moralisateur. Film fantastique à l'atmosphère pessimiste, il est à redécouvrir d'urgence pour ses qualités cinématographiques, mais surtout pour son message intelligent : ce sont les différences, les imperfections qui font de tous des êtres exceptionnels.