Scream 3
Titre original : Scream 3 Production : Dimension Films Date de sortie USA : Le 3 février 2000 (Westwood) Le 4 février 2000 Genre : Horreur |
Réalisation : Wes Craven Musique : Marco Beltrami Durée : 117 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Après les événements de l’Université de Windsor, Sidney Prescott survit désormais recluse, tandis que Gale et Dewey habitent chacun de leur côté après leur séparation. Mais le calme ambiant va vite se trouver rompu par une série de meurtres survenant sur le tournage du film Stab 3… Pas de doute, Ghostface est bel et bien de retour ! |
La critique
Jamais 2 sans 3… Après avoir terrorisé la ville de Woodsboro et la faculté de Windsor, Ghostface revient pour un troisième tour de piste et cette fois-ci, il voit les choses en grand en posant ses valises à Hollywood et plus particulièrement sur le plateau de tournage du film Stab 3 ! Pour le meilleur et pour le pire…
Si la mise en chantier d’un troisième volet ne fait aucun doute suite au succès de Scream 2, la production des nouvelles aventures de Sidney se révèle pourtant bien chaotique pour Wes Craven et son équipe… Peu avant le début du projet, l’Amérique est, en effet, secouée par la fusillade de Columbine, qui voit deux élèves d’un lycée du Colorado tuer 13 personnes avant de se donner eux-mêmes la mort. Ni une, ni deux, les différents partis politiques américains s’emparent de l’affaire et rejettent la faute sur l’influence des jeux vidéo et des films violents sur la société, poussant ainsi les dirigeants des studios Dimension à se demander si la mise en chantier du film est réellement nécessaire en ces temps troublés pour les États-Unis. Le studio ira même jusqu’à demander à Wes Craven d’enlever toute forme de violence ou de gore et d’appuyer sur l’aspect satirique propre à la saga afin de compenser le manque. Le réalisateur ne se laissera pourtant pas marcher sur les pieds et exigera que la violence ne soit pas sacrifiée dans ce nouvel opus tout en acceptant toutefois d’accentuer le côté humoristique.
Mais en plus du climat sociétal tendu qui vient bouleverser la production du film, Craven doit faire face à un autre problème : le départ de Kevin Williamson, scénariste emblématique de la saga ayant signé les scripts des deux premiers volets et, au moment de la production, trop occupé sur d’autres projets. Il laisse toutefois au réalisateur une ébauche de script d’environ une trentaine de pages qui résume les grandes lignes de l’intrigue du troisième opus. Ainsi, il était convenu que Ghostface revienne à Woodsboro pour semer le chaos sur le tournage du film Stab, long-métrage méta qui adapte la vie de Sidney et ses affrontements avec le tueur masqué. Le scénario faisait également le lien avec le premier opus de la saga en faisant revenir le personnage de Stu Macher, ex-acolyte de Billy Loomis, qui se serait révélé être le tueur !
Pour pallier à l’absence de Williamson, les frères Weinstein décident d’engager le scénariste Ehren Kruger, déjà à l'origine du script du film Arlington Road. Ainsi, après avoir relu les scénarios des deux premiers volets, sa première décision consiste à s’écarter des notes laissées par Kevin Williamson. Plus question pour Ghostface de revenir à Woodsboro : cette fois-ci, il s’attaque à un lieu bien plus grand : Hollywood ! Mais le scénario livré par Kruger n’est pas au goût de tout le monde et notamment de Craven qui se voit contraint d'en réécrire différentes parties qui ne respectaient pas les caractères respectifs de certains personnages… Ainsi, dans l'une des premières versions, Sidney devenait une combattante aguerrie ressemblant à Sarah Connor de la saga Terminator et n’hésitait pas à mettre des coups à Ghostface…
Le scénario est même tellement brouillon que certaines séquences doivent être réécrites le jour-même de leur tournage pour y ajouter certains personnages carrément mis de côté ou pour modifier des éléments qui n’étaient pas cohérents concernant l’identité du tueur.
Et force est de constater que les nombreux changements dans le scénario se ressentent bien vite dans l'opus. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Scream 3 s'avère mal construit, avare en surprises voire même carrément ennuyeux par moments tant son déroulement est laborieux. Même la réalisation de Wes Craven est à la traîne, lui qui savait pourtant mettre en avant ses personnages et sublimer son tueur lors des différentes mises à mort de ses victimes, qui sont ici clairement peu inspirées voire risibles dans leur exécution. Et que dire des différents twists censés venir éclairer certains pans de la mythologie de la saga et qui s’avèrent finalement bien peu crédibles, amenant le spectateur à se poser des questions sur la logique et la cohérence au sein d'une saga jusque-là remarquablement ficelée.
De même, l’immense terrain de jeu qu’est Hollywood n’est jamais pleinement utilisé, le film se déroulant en majorité sur un seul et unique plateau de tournage ou dans des villas californiennes, certes somptueuses et imposantes de grandeur, mais dont le potentiel n’est jamais totalement exploité. Un vrai regret quand il est su que Craven avait réussi à s’illustrer dans le genre du « film dans le film » avec Freddy Sort de la Nuit, sorti six ans plus tôt et dans lequel le réalisateur mettait en scène le célèbre tueur aux griffes acérées s'en prenant aux acteurs du film Les Griffes de la Nuit, Robert Englund et Heather Langenkamp. Une belle occasion manquée !
Toutefois, qui dit Hollywood, dit présence de célébrités ! Et sur ce point, l'opus n’est pas avare en caméos savoureux, à l’image de celui de Carrie Fisher, éternelle Princesse Leia de la saga Star Wars, ou encore ceux de Jason Mewes et Kevin Smith qui reprennent ici leurs rôles respectifs de Jay et Silent Bob, deux personnages déjà aperçus dans le film Clerks - Les Employés Modèles.
Pourtant, si certains aspects scénaristiques laissent à désirer, l’humour propre à la saga demeure toujours aussi jouissif que dans les deux précédents volets. Répliques cinglantes, humour noir et autres blagues méta sont encore plus présentes et arracheront sans aucun doute quelques rires aux spectateurs. De même, ce troisième opus se permet également de dénoncer le système hollywoodien et notamment - et bien avant #Metoo - le harcèlement sexuel largement répandu. Si le propos est traité de façon parfois maladroite, il a le mérite de s'y trouver...
Scream 3 peut également - et toujours - compter sur une galerie de personnages hauts en couleurs.
Sidney est évidemment de retour, plus brisée que jamais par les épreuves qu’elle a dû endurer auparavant. Vivant recluse au fond de la forêt, la jeune femme devra bien vite sortir de sa zone de confort pour affronter son ennemi de toujours. Neve Campbell rempile une fois encore dans le rôle qui l’a fait connaître du grand public en livrant comme à son habitude une interprétation plus que correcte malgré le temps d’apparition limité de son personnage. L'actrice, déjà engagée sur le tournage d’un autre film, n’a en effet été disponible que durant une vingtaine de jours de tournage sur Scream 3, se voyant même contrainte de porter une perruque. Une vraie déception tant le personnage de Sidney reste l’un des plus intéressants de la saga, ayant évolué et gagné en sympathie de film en film…
L’absence notable du personnage de Sidney est en revanche l’occasion de mettre en avant les personnages de Gale Weathers et Dewey Riley interprétés respectivement par le couple Courteney Cox et David Arquette. Si le duo avait prouvé son efficacité grâce aux répliques cinglantes de la journaliste sans foi ni loi d'un côté et le côté gaffeur de l’autre, ici, il en devient presque insupportable tant leurs personnages semblent être aux antipodes de ce qu’ils étaient dans les précédents volets. Certes, le jeu du « je t’aime, moi non plus » est l'une des bases de leur relation mais il finit par lasser tant cela devient très lourd pour le spectateur agacé de les voir se tourner sempiternellement autour et s’envoyer des vacheries à longueur de plan, au point de ne pas avoir évolué d'un iota.
Chose notable toutefois, si Gale se révèle peu intéressant lorsqu’il partage l’écran avec Dewey, il le devient beaucoup plus dès lors qu’il est accompagné de Jennifer Jolie. Nouveau personnage introduit dans ce volet de la saga, Jolie est une actrice hollywoodienne qui campe le rôle de Gale dans la série de films Stab : ainsi, lorsqu’elle apprend que le tueur s’en prend aux équipes travaillant sur le film, elle décide de former un duo de choc avec Gale (la vraie) pour comprendre ses motivations.
Et autant dire que le personnage interprété par Parker Posey (aperçue dans Superman Returns ou Blade : Trinity) est une véritable bouffée d’air frais dans la saga, tant il apporte une touche d’humour supplémentaire grâce à son caractère de diva ! Une véritable révélation !
Autour de ces personnages gravitent également d’autres potentielles victimes de Ghostface ! Parmi elles, le détective Kincaid chargé de l’enquête autour des morts survenant sur le tournage de Stab 3. Interprété par Patrick Dempsey, l’inoubliable Docteur Mamour de la série Grey’s Anatomy : À Coeur Ouvert, le personnage, qui n’est jamais assez approfondi pour marquer le spectateur, se révèle finalement anecdotique…
Scott Foley interprète, quant à lui, Roman Bridger, le jeune réalisateur aux commandes du film Stab 3. Désabusé par le système et tentant tant bien que mal de mener son projet à bien malgré tous les meurtres se déroulant sur son plateau de tournage, Roman apparaît comme un personnage bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord…
Enfin, le spectateur pourra se réjouir de la présence de l’acteur Lance Henriksen (l’androïde Bishop dans les films Aliens, Le Retour et Alien3) interprétant ici le rôle du producteur John Milton. Son personnage est détestable dans son comportement lubrique et pervers et rappelle presque un certain Harvey Weinstein... alors producteur de la saga Scream ! Pourtant, malgré son comportement abject, il sera un allié de taille dans la résolution de l’enquête concernant l’identité du tueur.
Il ne faut jamais changer une équipe qui gagne et ça, Wes Craven l’a bien compris ! Il décide donc de faire appel au compositeur Marco Beltrami pour la troisième fois. Ce dernier qui a déjà officié sur les deux précédents volets revient ainsi avec une partition encore plus expérimentale. Pour cela, il n’hésite pas à utiliser de nombreux instruments de façon « modifiée », histoire de créer des sons distordus et peu naturels. Cette technique donne une atmosphère pesante à l'ensemble, renforçant un peu plus les moments de tension lorsque cela s'avère nécessaire.
Si la post-production du film se passe sans réel souci en dehors d’une modification de l’épilogue afin de rendre l'ensemble plus cohérent, la MPAA, elle, revient causer des soucis à Craven pour la troisième fois depuis le début de la saga Scream, celle-ci jugeant une nouvelle fois l’opus trop violent. Le réalisateur finira par céder aux exigences de l’organisme et avouera même plus tard lors d’une interview qu’il envisageait d’arrêter la réalisation de films d’horreur après cette expérience. Le film écopera ainsi d’une classification Restricted qui autorise les personnes de moins de 17 ans à voir le film uniquement si elles sont accompagnées d’un adulte.
Scream 3 sort sur les écrans américains le 4 février 2000. Le public se rue alors en masse dans les 346 salles de cinéma diffusant le film pour découvrir « l’ultime » aventure de Sidney et ses amis. L’engouement autour est si grand qu’il engrange plus de 84 millions de dollars sur tout la durée de son exploitation en salles, le plaçant ainsi à la vingt-septième place des films les plus rentables de l’année 2000, derrière des opus tels que Kuzco, l’Empereur Mégalo, Incassable, Gladiator ou Le Grinch ! Le film remporte également un franc succès en France où plus de 2 millions de spectateurs viennent assister au dénouement de la trilogie. À ce jour, Scream 3 est ainsi l’opus le plus rentable de la saga Scream au box-office français. Si le public est au rendez-vous, les critiques de l’époque sont elles beaucoup moins conquises par le long-métrage, lui reprochant d’être devenu exactement ce dont les précédents films se moquaient, à savoir un produit décérébré aux personnages tous plus idiots les uns que les autres…Il faut dire qu'à l’époque de sa sortie, Scream 3 est pensé comme l’ultime volet de la saga. Censé conclure l’histoire de Sidney, Gale et Dewey, le film offre ainsi un épilogue satisfaisant à toutes les intrigues et aurait constitué une fin idéale pour l'ensemble. Mais c'est sans compter sur Wes Craven qui annonce en 2010 qu’un quatrième film est en préparation. Scre4m sort ainsi en 2011 et constitue un nouveau départ pour la saga sans pour autant oublier les anciens personnages apparus dans la trilogie originale qui reviennent faire face à Ghostface plus de dix ans après sa dernière apparition.
La trilogie Scream s’achève donc - un temps - sur Scream 3 et pas de la meilleure des façons… La faute à un script médiocre et des personnages pour la plupart irritants. Pourtant, il est bien difficile de lui en vouloir tant il est intéressant dans certains de ses combats et dans sa volonté d’offrir une fin satisfaisante à Sidney et ses amis.
Scream 3 n’est pas parfait, certes, mais il a le mérite de conclure une trilogie qui aura marqué l’histoire du cinéma d’horreur en lui permettant d'en redéfinir ses codes et de ravir toujours plus les amateurs du genre. Et pour cela, il convient de lui dire merci !