Aliens
Le Retour
Titre original : Aliens Production : 20th Century Fox Brandywine Films Date de sortie USA : Le 18 juillet 1986 Genre : Science-fiction |
Réalisation : James Cameron Musique : James Horner Durée : 137 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Après 57 ans de dérive dans l’espace, Ellen Ripley est repérée par une navette de sauvetage. Malgré son rapport concernant les événements du Nostromo, ses supérieurs ne la prennent pas au sérieux lorsqu’elle raconte avoir combattu et vaincu un xénomorphe. La perte de communication avec la planète LV-426, où la créature est apparue et qui a été colonisée sans que personne n’ait signalé la présence d’êtres hostiles, change pourtant la donne. Une unité de Marines y est en effet envoyée pour enquêter : Ripley, en échange de sa réintégration, accepte d'être du voyage... |
La critique
Sept ans après le premier opus introduisant un nouveau monstre dans le paysage de la science-fiction et de l’horreur, Aliens, le Retour revient sur les écrans avec pour mission de répondre aux interrogations laissées à la fin de son prédécesseur. Qu’advient-il d’Ellen Ripley, seule survivante du Nostromo ? La créature a-t-elle vraiment disparu ? Nettement plus violent, Aliens, le Retour réussit alors l’exploit de faire aussi bien que son aîné, d’un point de vue artistique et scénaristique. Tout en renouvelant l’intrigue originelle, il parvient en outre à consolider la mythologie de la franchise offrant une aventure cauchemardesque et ébouriffante.
Alien, le Huitième Passager a été, il est vrai, un succès considérable pour 20th Century Fox. Présenté comme un film de monstres classique, il a, pour l’époque, bouleversé les codes du genre et accéléré les carrières de Ridley Scott et de son actrice principale, Sigourney Weaver. Avec plus de cent millions de dollars au box-office international, il était inévitable que dès 1979, peu après la sortie du premier volet, une suite des aventures du monstre soit envisagée. Annoncé en grande pompe par les producteurs Walter Hill et David Giler via leur société Brandywine Films, Aliens, le Retour connaît cependant une naissance douloureuse. Le premier obstacle à la concrétisation de ce second opus fut celui par qui tout a commencé. Propulsé sur le devant de la scène, Ridley Scott croule sous les projets et réfléchit à une nouvelle adaptation du roman Dune de Frank Herbert. Hélas, en 1980, la mort de son frère, Frank Scott, des suites d’un cancer, met un frein à ses rêves de cinéma. Dévasté par ce drame, le réalisateur envisage de se retirer des caméras quelques années. Il sortira de son exil deux ans plus tard, en 1982, lorsqu’il accepte de porter un roman de Philip K. Dick sur grand écran. Le film, Blade Runner, confirmera alors son statut de nouveau pape de la science-fiction.
En parallèle, David Giler et Walter Hill sont en conflit avec 20th Century Fox et attaquent le studio en justice pour mauvaise répartition des bénéfices du premier épisode, à peine celui-ci sorti au cinéma. En réponse, le patron de l’époque, Alan Ladd Jr., refuse de financer une séquelle du film de Scott. Les deux parties mettront quatre ans à trouver un accord et le duo de producteurs s’en sort avec un pourcentage conséquent ; Ladd Jr., lui, est démis de ses fonctions. Le nouveau dirigeant, Lawrence Gordon, se montre intéressé et commande aussitôt une suite. En 1983, Brandywine Films peut enfin se consacrer au développement d’Aliens, le Retour avec le concours de Ridley Scott.
Le réalisateur commence aussitôt l’écriture d’une suite d’Alien, le Huitième Passager. Il réfléchit à un film qui expliquerait les origines du monstre et voit l’Alien comme le dernier survivant de son groupe cherchant à se reproduire et assurer la survie de son espèce. Ridley Scott en fait alors part à Giler et Hill, qui se montrent enchantés par ses premières idées. La mise en chantier est toutefois repoussée, le réalisateur étant engagé pour les besoins de Legend. Après quatre mois de tournage acharné, marqué par l’incendie des studios, Scott doit s’attaquer à la post-production du film et n’est plus disponible pour une éventuelle suite d’Alien, le Huitième Passager.
Pendant ce temps, un certain James Cameron vient tout juste de terminer l’écriture de son futur premier blockbuster, Terminator. Le jeune réalisateur souhaite voir Arnold Schwarzenegger dans le rôle-titre, mais ce dernier, déjà sur le tournage de Conan le Destructeur pour les neufs prochains mois, doit décliner l’offre. Cameron fait alors le choix de se consacrer à d’autres projets le temps que le comédien soit de nouveau disponible. Le scénario de Terminator tombe ainsi entre les mains de Larry Wilson, producteur exécutif sur la suite d’Alien, le Huitième Passager, qui le fait lire à Giler et Hill. Impressionnés par son travail, ils proposent à Cameron une rencontre.
Né à Kapuskasing, Canada, le 16 août 1954, James Cameron se destine à devenir scientifique. Après l’obtention d’un diplôme de physique, il exerce quelques petits emplois, comme projectionniste ou maquettiste, qui lui font entrevoir une carrière de cinéaste. Il sort un court-métrage en 1978, Xenogenesis, puis poursuit avec Piranha 2 : Les Tueurs Volants (1981). C’est Terminator (1984), dont il réalisera également le deuxième volet en 1991, qui le sort de l’ombre. James Cameron multiplie alors les films à grand spectacle dont Aliens, le Retour (1986), Abyss (1989) et Titanic (1997), qui lui fait remporter l’Oscar du Meilleur Réalisateur. Après quelques projets mineurs (Aliens From the Deep, Les Fantômes du Titanic), il pulvérise les records avec Avatar (2009).
Grand amateur du premier opus, James Cameron saute sur l’occasion et réfléchit à un synopsis. En quatre jours, il rédige un traitement d’une quarantaine de pages et y joint une peinture représentant une immense Reine Alien. Si le concept plaît à Giler et Hill, Fox n’est pas convaincu. Mais Cameron ne se laisse pas abattre et se lance un défi : dans son appartement, il installe trois bureaux, chacun disposant d’une machine à écrire. La première sert à ajouter les derniers détails au script de Terminator, la seconde est consacrée au scénario de Rambo 2 et la troisième à Aliens, le Retour. Au bout de quelques semaines, il présente un nouveau script incomplet, mais suffisant pour voir Fox accepter de financer le projet et lui confier la réalisation. Les dirigeants du studio imposent tout de même une condition : le film ne verra le jour que si Terminator est un succès. Entre-temps, Arnold Schwarzenegger a bouclé le tournage de Conan le Destructeur. James Cameron retourne donc à la réalisation de Terminator si bien que Aliens, le Retour est de nouveau repoussé. Sorti en octobre 1984, le film récolte 80 millions de dollars au box-office à travers le monde pour un budget de seulement 6,5. Fox respecte ses engagements et début 1985, la production d’Aliens, le Retour peut enfin commencer.
James Cameron tient absolument à engager Sigourney Weaver (Alien, le Huitième Passager, La Morsure du Lézard, Le Village, Encore Toi ! (You Again)), mais la jeune femme refuse d’y participer dans un premier temps. Devenue une actrice reconnue, elle désire changer de registre et émet des réserves quant au réalisateur. Fox demande donc à Cameron de réécrire le scénario sans mentionner Ripley, mais pour le metteur en scène, impossible de tourner une suite sans elle. Après une rencontre avec Weaver, tous deux sympathisent et l’actrice consent à reprendre le rôle qui l’a rendue célèbre. Toutefois, elle souhaite apporter des modifications sur son personnage et parvient à négocier un salaire conséquent (un million de dollars).
Le tournage ayant lieu en Angleterre, les phases de casting se déroulent essentiellement sur place. Jenette Goldstein (Terminator 2, Las Vegas Parano, D’une Vie à L’Autre) interprète la Marine Vasquez, un rôle initialement masculin. Lance Henriksen (Powder, Tarzan), également à l’affiche de Terminator et Alien³, hérite du rôle de Bishop, un androïde envoyé pour accompagner les Marines. Vient ensuite Bill Paxton, engagé pour camper le soldat William Hudson. Acteur fétiche de James Cameron, il apparaîtra dans Titanic et True Lies. Pour Disney, il est à l’affiche de Tombstone, Mon Ami Joe et réalisera Un Parcours de Légende. Al Matthews (Le Cinquième Élément, Demain ne Meurt Jamais), ancien militaire devenu acteur, est le sergent Apone. Carter Burke, avocat de la compagnie Weyland-Yutani, est interprété par Paul Reiser (Le Flic de Beverly Hills, La Chanteuse et le Milliardaire, Panique au Casino, la série Dingue de Toi). William Hope (Scanners, Sherlock Holmes, Captain America : First Avenger) rejoint le tournage pour jouer le lieutenant William Gorman. Le rôle du caporal Hicks est d’abord tenu par James Remar, mais ce dernier, surpris en train de consommer de la drogue entre deux prises, se fait renvoyer dix jours après le début des prises de vue. L’acteur Michael Biehn (Tombstone, Abyss, Rock), déjà dirigé par Cameron sur Terminator, est alors appelé en catastrophe pour reprendre le rôle. Enfin, la jeune Carrie Henn incarne Newt, une petite fille secourue par les Marines et convoitée par la Reine Alien.
Aliens, le Retour est le genre de suite qui, sans surpasser son prédécesseur, parvient à l’égaler en terme de qualité et de suspense. Alien, le Huitième Passager était un film d’horreur anxiogène qui traitait de sujets profonds tels la sexualité, la peur de l’inconnu, l’exploration et les horreurs de l’espace. Grand admirateur du travail de Scott, James Cameron prône pourtant l’innovation et fait le choix judicieux de ne pas reproduire le premier volet. Le réalisateur ne garde donc du film de référence que certains éléments essentiels, à savoir la créature et le personnage survivant, dont il fournit quelques évolutions. Aliens, le Retour prend ainsi des airs de film d’action explosif teinté de science-fiction. Après une introduction reprenant l’essence même de l’original, le métrage développe ses propres thèmes et idées. Tout en respectant l’oeuvre dont il s’inspire, il fait office de suite parfaite.
Aliens, le Retour débute 57 ans après la perte du Nostromo, la navette d’Ellen Ripley étant retrouvée et ramenée sur Terre. À son réveil, la jeune femme est convoquée devant ses employeurs de la compagnie Weyland-Yutani qui ne croient pas à son histoire de créature et lui reprochent d’avoir fait sauter le vaisseau et sa cargaison. D’autant plus que pendant son sommeil, une colonie de scientifiques s’est installée sur la planète LV-426 (où la navigatrice du Nostromo clame avoir rencontré le monstre !) et n’a signalé aucune menace. Mais bientôt, la compagnie perd contact avec eux et décide d’envoyer une troupe de Marines armés jusqu’aux dents afin d’en savoir plus. Ripley accepte à contrecoeur de les accompagner en tant que consultante. Une fois arrivés sur les lieux, ils découvrent que les colons ont été massacrés et une guerre éclate entre humains et menace extraterrestre…
Si Alien, le Huitième Passager misait beaucoup sur la suggestion, le mystère et le huis clos, James Cameron fait lui parler les armes et joue à fond la carte de la confrontation. Plus question de cacher la créature, plus de couloirs longs et sinistres, le cinéaste livre une oeuvre intense, qui tranche avec le côté calme et angoissant du premier volet. Aliens, le Retour reprend tous les éléments de l’oeuvre de Scott mais les multiplie par dix. Tout comme son aîné, le film part d’un scénario classique pour tout réinterpréter à sa manière, fusionnant film de guerre et de science-fiction. Ainsi, au lieu d’une petite équipe, il met en scène une armée de Marines, une planète entière à la place d’un vaisseau, il n’y a plus un seul Alien mais une centaine. Cameron voit les choses en grand et crée un monde convaincant, riche en effets spéciaux et en surprises. Tout au long du récit, l’ensemble ne faiblit jamais et ressemble à un tour de montagne russe. À tout moment, le spectateur sait que quelque chose d’affreux va se produire et que les choses peuvent empirer n’importe où, n'importe quand. D’une introduction faisant suite à l’original, Aliens, le Retour devient un film de guerre pour mieux plonger dans l’horreur pure au fur et à mesure que les personnages tombent. Cameron propose au public de retourner dans l’espace pour vaincre sa peur, revenir sur les lieux de la première confrontation avec l’Alien, à savoir la planète où l’équipage du Nostromo a trouvé les oeufs abandonnés. Cette fois, l’objectif n’est plus de fuir la créature, mais de l’affronter : il est question de se battre et plus seulement de survivre. En inversant les enjeux, Aliens, le Retour complète magnifiquement le film de Ridley Scott, tout en se différenciant.
L’intrigue ne brille pas forcément par sa finesse et n’a pas la même classe que son modèle sorti sept ans plus tôt. Finie la poésie sombre et malsaine de l’original, place à quelque chose de viscéral et extrême, invitant le spectateur à une expérience violente, parfois traumatisante. Le film fonctionne comme un blockbuster, qui s’adresse plus à un public jeune. Ce serait pourtant une erreur de réduire Aliens, le Retour à un simple divertissement, tant il s’avère plus adulte qu’en apparence. Cameron respecte le concept de vulnérabilité de l’être humain, mais le traite sous un autre angle. Même en nombre supérieur et avec toutes les armes possibles, la menace est omniprésente. Le scénario insiste sur l’idée même que l’homme ne fait pas le poids et ne peut rien contre une forme de vie meurtrière et impitoyable. Cela ne l'empêche pas d'avancer et de garder son instinct de survie, même s'il doit à son tour devenir une machine à tuer. Les coups de feu pleuvent, les corps se détruisent et malgré cela, le film s’avère plus sensible qu’il ne laisse le croire.
La où le premier volet faisait passer l’Alien pour l’antagoniste, sa suite pose la question inverse : et si le monstre n’était pas celui auquel tout le monde pense ? L’homme souhaite partir à la conquête de l’espace et façonner l’univers à son image. C’est à l’environnement de s’adapter à ses besoins et non l’inverse. Cette conception est très bien représentée par la compagnie Weyland-Yutani, responsable de la colonisation de la planète LV-426. Les humains détruisent tout ce qu’ils touchent, alors que les Aliens sont prêts à tuer ceux qui osent troubler leur quiétude. Voyant les colons envahir leur espace vital, les Aliens n’ont-ils pas fait que protéger leurs terres ? En envoyant des soldats se battre contre la menace extraterrestre, la compagnie n’aggrave-t-elle pas la situation ? Outre ses airs de film d’action bourré de testostérone, Aliens, le Retour possède différents niveaux de lecture et invite à réfléchir sur l'impact de l'homme sur la nature, en l'espèce, une planète qui ne lui appartient pas.
L’autre thématique du film est celui des dangers de la technologie, notamment la destruction qu’elle provoque sur la nature et l’être humain lui-même. Mise en sommeil plus de cinquante ans, l’héroïne se réveille dans un monde et une société qui ont évolué sans elle. Plus abordée dans la version longue du film, la reconstruction de Ripley après son traumatisme passe donc par une difficile adaptation aux nouveaux modes de vie et technologies futuristes. De plus, les multiples armes utilisées par les Marines - mitrailleuses, lance-flammes, fusils d’assaut, véhicules blindés, armures géantes - mettent tout un écosystème à feu et à sang, allant jusqu’à causer une explosion nucléaire. Ces mêmes dispositifs finissent par se retourner contre leurs créateurs. le sang acide des Aliens défigurant plusieurs d’entre eux. Ce n’est que lors de la dernière partie du film que cette abondance de technologie se révélera efficace, une fois les humains en minorité et face au plus redoutable des ennemis. Mais le vrai point abordé par le film est sans conteste celui de l’amour maternel, incarné par le personnage de Ripley et sa relation très fusionnelle avec la petite Newt. Dès le départ, elle se sent responsable de la survie de son équipe et n’a pas peur de tenir tête aux Marines en les avertissant du danger qui les menace. Lorsqu’ils découvrent que la jeune Newt est la seule survivante du massacre des colons, Ripley la prend sous son aile et s’évertue à la protéger à tout prix. Dans une scène coupée au montage, présente dans la version longue, Ellen apprend la mort de sa fille alors qu’elle dérivait dans l’espace en biostase. Un choix regrettable, qui aurait permis de mieux cerner sa relation avec Newt. Pour autant, cela ne gâche pas le visionnage, ni le développement du personnage. Ayant vu tous ses camarades mourir lors de sa rencontre avec l’Alien, Ripley doit de nouveau affronter sa phobie et brave tous les dangers pour sauver une orpheline qui, elle, la voit comme une mère de substitution après la perte de ses parents.
Le spectateur compatit aussitôt à la colère de l’héroïne, sa détermination pour sauver une enfant qui n’est pas la sienne. Entrant dans une rage folle, elle passe de victime à guerrière capable de gérer une crise. Passé le côté bourrin et agressif du scénario et des scènes d’action, Aliens, le Retour reste un film féministe, la gente masculine étant volontairement mise à l’écart pour permettre au personnage principal de s’affirmer. Car il s’agit aussi d’un duel de femmes, une humaine face à une Reine, qui envoie ses “enfants” éliminer des intrus venus envahir leurs terres. Une rencontre au sommet constituant le climax du film où, emprunte d’une pulsion maternelle, Ripley s’engouffre dans le caveau de la Reine Alien pour récupérer Newt et n’a pas peur, plus tard dans le récit, de provoquer son ennemie au détour d’une réplique devenue culte. Un face à face tendu entre deux mères voulant préserver leurs progénitures, qui s’achève dans un combat épique. Malgré cela, si la force et l’abnégation de Ripley la font passer pour une super woman, elle s’adapte à toutes les situations et agit comme n’importe quel être face à un prédateur. De retour dans la peau de la fameuse navigatrice, Sigourney Weaver porte presque le film à elle seule. Nommée pour l’Oscar de la Meilleure Actrice pour sa performance, elle crève l’écran, livre une prestation convaincante, enlevée, pleine de justesse et continue d’incarner cette femme forte que rien n’arrête.
Même si Aliens, le Retour fait la part belle à son actrice principale, il ne faut pas oublier les autres membres du casting qui gravitent autour d’elle. Michael Biehn tire ainsi efficacement son épingle du jeu, Jenette Goldstein offre une alternative sympathique à Ripley en tant que femme forte, Paul Reiser joue bien son rôle d’antagoniste à la seule recherche du profit, Bill Paxton et William Hope sont attachants, Carrie Henn est convaincante et le spectateur est immédiatement touché par sa détresse. Enfin, Lance Henriksen est excellent en androïde, dont le courage et l’abnégation font de lui un personnage nettement plus humain que la plupart.
Contrairement à Alien, le Huitième Passager, où les héros n’emportaient pas tout de suite l’adhésion, les Marines gagnent facilement le cœur du public. Si leur première apparition laisse craindre une répétition dans la présentation des personnages, tous bénéficient d’une vraie identité et ne sont pas interchangeables. Au détour d’une scène faisant référence au premier volet, l’ambiance est chaleureuse, bon enfant et leur camaraderie fait plaisir à voir. Bien qu’ils correspondent tous à certains moments aux stéréotypes du film de guerre, le réalisateur fait le choix judicieux de ne pas les présenter ouvertement et leur laisse le temps de dévoiler leur personnalité. Avant même que l’action ne démarre, chacun gagne en profondeur et en sympathie, si bien que leur destin n’en est que plus tragique et funeste.
Pour le design du film, James Cameron ne souhaite pas faire appel à Hans Ruedi Giger, artiste à l’origine de la conception de l’Alien, dont il reprend malgré tout l’anatomie et les phases d’évolution. Il s’entoure des artistes Syd Mead et Ron Cobb pour créer les décors du Sulaco, vaisseau où se déroule l’action. Ils conçoivent les navettes et véhicules en s’inspirant de véritables modèles de la guerre du Viet-Nam et reconstruisent quelques décors du premier volet. Le tournage a lieu dans une centrale électrique abandonnée pour tourner les scènes d’intérieur, tandis que les armes du film, elles, sont de véritables, modifiées et auxquelles les acteurs ont dû être initiés. Enfin, le design de la Reine Alien est issue de l’imagination de Cameron, dans la continuité des travaux de Giger.
Les effets spéciaux sont, pour leur part, à l’image du film, impressionnants. Bénéficiant d’un budget plus conséquent que le précédent, Aliens, le Retour peut compter sur le perfectionnisme de James Cameron. Les créations de Giger sont alors réutilisées et améliorées : les chestbursters ont droit à un petit coup de jeune, disposant maintenant de petits bras animés, les facehuggers peuvent se déplacer au sol, les Aliens disposent d’une crête et paraissent plus légers tant leurs mouvements sont fluides. Mais la vraie révélation est la Reine Alien, qui demeure une des plus belles créatures du cinéma. Ayant nécessité pas moins de 15 techniciens, mesurant environ 4 mètres de haut, elle est un des plus grands animatroniques jamais créés pour un long-métrage. La séquence de lutte entre elle et Ripley constitue le passage emblématique du film, à l’image de la scène du chestburster dans le premier opus. Démesurément grande, invisible une grande partie de l'aventure, rarement une créature n’apparaissant qu’au dernier tiers du récit n’aura été aussi imposante. Menaçante et inquiétante, la Reine Alien fascine, déconcerte autant qu’elle angoisse. Sa taille, ses crocs et son long crâne en forme de coiffe accentuent le malaise, tout comme son système reproductif, composé d’un appendice et d’une poche externe d’où sortent les facehuggers. Les xénomorphes sont, quant à eux, beaucoup plus nombreux. Respectant le design d’Alien, le Huitième Passager, ils fonctionnent comme une ruche et obéissent aux ordres de leur reine. Il ne s’agit plus d’échapper à un seul monstre, mais à toute une armée. En conséquence, chaque silence suffit à créer la peur, tandis que toutes les scènes d’attaque et de fusillade font monter la pression.
Cette ambiance anxiogène est renforcée par la réalisation extrêmement précise de James Cameron. En faisant le lien entre les deux volets, le cinéaste offre, en effet, un film cohérent et confirme son talent pour le spectaculaire. Sa mise en scène élaborée, sa maîtrise de l’action et du suspense font d’Aliens, le Retour une suite rythmée et musclée, mais aussi pudique et émouvante. Loin d’imiter Ridley Scott, il ajoute du sang neuf à une oeuvre qui n’en demandait pas moins. Plutôt que de réitérer ce qui a déjà été fait, il donne naissance à une saga en lui attribuant des éléments qui seront repris dans les prochains films, dont le bestiaire, et injecte ses propres codes. Méticuleux et ne laissant aucun détail au hasard, James Cameron est exigeant, au point de réclamer aux acteurs de s’entraîner avec les forces armées britanniques, ce qui rend leur jeu encore plus réaliste. Il se sépare aussi de certains membres de l’équipe technique ne partageant pas ses visions. Une atmosphère froide sur un tournage qui s’éternise et attire l’attention de syndicats, ceux-ci menaçant plusieurs fois de faire stopper les prises de vues.
La bande originale est assurée par James Horner, qui succède donc à Jerry Goldsmith, lequel garde un mauvais souvenir de son travail sur Alien, le Huitième Passager et ne veut plus rien avoir à faire avec la saga. Né le 14 août 1953, à Los Angeles, James Horner suit des études de composition et de direction d’orchestre au London Royal College of Music. Une fois diplômé, il est choisi pour écrire la musique du film Star Trek II : La Colère de Khan (1982) et enchaîne les compositions pour des productions plus importantes : La Foire des Ténèbres (1983), Cocoon (1985), Aliens, le Retour (1986), Willow (1988). Les années suivantes, il alterne comédies familiales (Chérie, J’ai Rétréci les Gosses, Les Aventures de Rocketeer, Hocus Pocus - Les Trois Sorcières, Kalahari, Mon Ami Joe), films à gros budgets (Apollo 13, Braveheart, La Rançon, Apocalypto, The Amazing Spider-Man) et surtout sa participation à d’autres succès de James Cameron (Titanic, Avatar). Le 22 juin 2015, il décède tragiquement dans un accident d’avion à l’âge de 61 ans.
Lorsqu’il est engagé pour composer Aliens, le Retour, James Horner ignore encore que la tâche sera compliquée. Le tournage connaît, en effet, de multiples retards et accuse des problèmes de planning, empêchant le musicien de commencer son travail. Ne disposant que de très peu de temps, il réussit à écrire in extremis toute la composition en l’espace de deux jours. Mais James Cameron fait de très nombreuses coupures sur la partition, notamment sur la dernière partie du film, source de conflits entre lui et James Horner. Gardant un très mauvais souvenir de son expérience sur Aliens, le Retour, Horner jurera de ne plus travailler avec Cameron, jusqu’à ce qu’ils remettent le couvert quelques années plus tard pour Titanic (1997) et Avatar (2009).
Écrite dans la précipitation, en partie modifiée, la musique de Horner est sombre et sinistre, mais aussi explosive et totalement agitée. Au départ composée de cuivres graves, ponctuée de sons à peine perceptibles, elle procure un sentiment de malaise, évoquant la menace Alien tapie dans l’ombre et une potentielle découverte macabre. Progressivement, les notes s’affolent, plongeant dans l’ambiance générale du métrage. Aussitôt, elles invoquent la panique et l’urgence de la situation, à coups de tambours violents, de trombones agressifs et de claviers aigus, mais qui coïncident avec l’aspect militaire du film. Quelques sympathiques trouvailles sont à noter, notamment l’usage de cordes nerveuses et stridentes pour le cauchemar de Ripley et de synthétiseurs dissonants pour la descente du commando vers le repère des Aliens, accentuant l’horreur de la scène.
Très attendu par les fans du premier volet, Aliens, le Retour sort dans son pays d’origine le 18 juillet 1986 dans environ 1 500 salles de cinéma. Tourné pour 18 millions de dollars, le film en rapporte 10 millions dès son premier week-end d’exploitation et reste en tête du box-office américain pendant quatre semaines consécutives. En fin de course, Aliens, le Retour est un véritable succès en empochant 183 millions de dollars dans le monde, dont 85 aux États-Unis. En Europe, le film fait un triomphe au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, où il engrange notamment 2 millions d’entrées en l’espace de deux mois. Il est également le deuxième film le plus rentable de la franchise, juste après le premier volet, réalisant un score dix fois supérieur à son budget initial.
Outre son succès dans les salles, Aliens, le Retour est acclamé par le public et une majeure partie de la critique, en dépit d’une sortie compliquée dans les salles obscures à cause des retards pris par la post-production. Les journalistes qualifient le film d’intense et d’éprouvant, certains le trouvent même largement supérieur au premier volet, grâce à une intrigue renouvelée, des scènes marquantes et un savoureux mélange d’action, d’aventure et de science-fiction. Mais le métrage est essentiellement applaudi car il donne une nouvelle dimension à Ripley, plus humaine et téméraire, par l’introduction de Newt. Les nouveaux personnages sont également appréciés, notamment Bishop et Hicks, ainsi que le design de la Reine Alien et la réalisation millimétrée de James Cameron. Seules quelques critiques reprocheront à l'opus son excès de violence, une grande partie du casting invisible et la surexploitation de Sigourney Weaver.
La réception positive du film est telle qu’il est nommé aux Oscars 1986 dans les catégories Meilleure Actrice, Meilleurs Décors, Meilleur Montage, Meilleure Musique de Film et Meilleur Mixage de Son. Il ne remporte que ceux du Meilleur Montage Son et des Meilleurs Effets Visuels. Bien qu’elle ne fut pas récompensée, la nomination de Sigourney Weaver pour le Prix de la Meilleur Actrice fut considérée comme un pas en avant dans la reconnaissance des acteurs de science-fiction et d’horreur par l’Académie des Oscars, le genre étant très souvent boudé par les juges. Aliens, le Retour est aussi nommé aux British Academy Film Awards et remporte le Prix des Meilleurs Effets Visuels. Enfin, il domine la cérémonie des Saturn Awards 1986, où il remporte huit prix : Meilleur Film de Science-Fiction, Meilleure Actrice (Sigourney Weaver), Meilleur Acteur Secondaire (Bill Paxton), Meilleure Actrice Secondaire (Jenette Goldstein), Meilleure Jeune Actrice (Carrie Henn), Meilleure Réalisation (James Cameron), Meilleur Scénario et Meilleurs Effets Spéciaux.
Tout comme son prédécesseur, Aliens, le Retour est considéré comme un classique de la science-fiction. Magnifiquement filmé, fort de personnages sympathiques et intéressants, d'effets spéciaux réussis, de scènes d’action explosives et de monstres effrayants, il s'agit du chapitre le plus intense de la saga. Porté à bout de bras par des acteurs charismatiques, bénéficiant du talent de James Cameron, presque inconnu au bataillon à l’époque, il confirme le statut culte de la franchise.
Passée son idée de départ basique, Aliens, le Retour reste encore aujourd’hui l’épisode le plus apprécié des fans et certainement l'une des meilleures suites de tous les temps.