La Foire des Ténèbres
Titre original : Something Wicked This Way Comes Production : Walt Disney Productions Date de sortie USA : Le 29 avril 1983 Genre : Fantastique |
Réalisation : Jack Clayton Musique : James Horner Durée : 94 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Le mystérieux et séduisant Mr Dark, inquiétant propriétaire d'une foire ambulante, demande aux habitants de Green Town, une petite ville de l'Illinois, quel prix ils seraient prêts à payer pour voir leur plus cher désir se réaliser. Deux jeunes garçons, Will et Jim, intrigués par ses étranges promesses, décident alors de tenter découvrir ce qui se cache derrière... |
La critique
La Foire des Ténèbres est l'adaptation du roman éponyme de Ray Bradbury. Il est aussi la deuxième incursion des studios Disney dans le genre situé à mi-chemin entre l'horreur et le fantastique après Les Yeux de la Forêt sorti lui en 1981. Son échec commercial marquera alors la fin d'une époque, celle qui a vu, depuis la fin des années 70, le studio de Walt s'essayer à des films expérimentaux. L'opus, quant à lui, a gagné en réputation avec le temps et se voit depuis auréolé, comme beaucoup d'autres longs-métrages Disney de l'époque, d'une réputation bienveillante !
La Foire des Ténèbres s'inspire donc d'un roman de Ray Bradbury.
Raymond Douglas Bradbury est né le 22 août 1920 à Waukegan dans l’Illinois. Après avoir passé son enfance dans cette petite ville, ses parents s'installent à Los Angeles alors qu'il a quatorze ans. Cela fait alors déjà deux ans qu'il écrit quotidiennement et publie ainsi sa première nouvelle à l'âge de dix-sept ans. En 1947, il signe son premier recueil de nouvelles, Dark Carnival. Trois ans plus tard, il propose son premier roman, Chroniques Martiennes. Il s'agit en réalité d'un "fix-up", un roman construit à partir de nouvelles autonomes mais exploitant un fond commun. En 1953, il propose un autre livre à succès, Fahrenheit 451, roman dystopique. Avec ces deux œuvres, il devient un auteur réputé dans l'univers de la science-fiction même s'il ne s’est jamais enfermé dans un type de narration se définissant plutôt comme allant vers le fantastique et faisant fi des réalités scientifiques. En 1953, il écrit le scénario du film Moby Dick de John Huston. Au total, ce ne sont pas moins de vingt-sept-romans et plus de six cents nouvelles qui vont constituer l'œuvre de l'auteur qui s'éteint à l'âge de 91 ans à Los Angeles le 5 juin 2012.
Ray Bradbury rencontre Walt Disney en 1963. Il a toujours été un grand passionné de l'œuvre du Maître de l'animation. Petit, il était, en effet, membre du Mickey Mouse Club dans les années 30. En 1958, il va aussi écrire un édito pour protester contre un article négatif envers Disneyland. Il défend bec et ongles le parc de Disney et vante Disneyland comme une expérience aussi réjouissante que merveilleuse. L'auteur et le créateur de Mickey vont alors devenir des amis chers. Ils auront ainsi des conversations informelles sur les attractions de la Foire Internationale de New York de 1964 mais aussi sur les plans d'E.P.C.O.T., la ville futuriste qu'imagine Walt Disney. Après la mort de ce dernier, Ray Bradbury va participer activement à la création de l'attraction Spaceship Earth située à Epcot au sein de Walt Disney World Resort. Il en imaginera le concept et écrira le script qui sera entendu dedans pendant de nombreuses années en, avant d'être remplacé par une version plus moderne en adéquation avec les avancées technologiques. En 2001, il est interviewé pour le téléfilm Walt, L'Homme Au Delà du Mythe et rend un hommage poignant à son ancien ami. Diane Disney Miller décide alors de le retranscrire et de le proposer en guise de conclusion de la visite du Walt Disney Family Museum, dédié à son père.
La production du film La Foire des Ténèbres est le fruit d'un très long processus. Tout commence, il est vrai, en 1948, quand Ray Bradbury, alors âgé de 28 ans, publie la nouvelle The Black Ferris (La Grande Roue) dans le magazine pulp Weird Tales. Le succès de Chroniques Martiennes va ensuite lui ouvrir les portes d'Hollywood, lui permettant d'écrire des scénarios ou d'envisager d'adapter ses œuvres. Au milieu des années 50, il devient ami avec l'acteur, réalisateur et chorégraphe, Gene Kelly. Ray Bradbury est tellement émerveillé par son film Chantons sous la Pluie, qu'il lui fait un cadeau : un script de soixante-quinze pages basé sur sa nouvelle La Grande Roue avec, dans l'idée, qu'il soit le sujet d'un de ses prochains longs-métrages. Malheureusement, à la suite de l'échec financier d'Invitation à la Danse, les studios retirent leur confiance à Gene Kelly dans le choix de ses sujets et le voeu de Ray Bradbury tombe aux oubliettes. Ce dernier est, par contre, convaincu de l'intérêt de son histoire et va donc transformer ce script dans un roman qui sort en 1962 sous le titre Something Wicked This Way Comes (La Foire des Ténèbres), en référence à une incantation d'une sorcière dans la tragédie Macbeth de Shakespeare. L'écrivain va ainsi passer deux ans de sa vie sur ce roman apportant une touche d'autobiographie en situant l'action dans une petite ville de campagne, Green Town, rappelant le lieu où il a grandi. Les parallèles peuvent se faire aussi vis-à-vis de son père à qui le personnage de Mr. Halloway ressemble beaucoup. Il apporte, en outre, une belle dose de nostalgie mais aussi de fantastique avec cette fête foraine dirigée par ce mystérieux Mr. Dark qui va se repaitre des regrets et des désirs inassouvis des habitants de la petite ville. Il pose aussi la question de l'acceptation du temps qui passe et des conséquences d'un vœu inaccessible qui serait finalement réalisé. Le roman est un beau succès et va inspirer de nombreux autres auteurs à commencer par Stephen King pour son propre chef d'oeuvre Ça.
Il aura donc fallu pas moins de cinquante réunions étalées sur vingt ans pour que le film voit le jour ! La première trace du projet de La Foire des Ténèbres remonte, en effet, avant même la parution du roman. Ray Bradbury propose, il est vrai, un scénario dactylographié à Jack Clayton, un producteur associé non crédité qu'il avait rencontrer sur le film Moby Dick. Rien ne ressort de cette première tentative. Dix ans plus tard, en 1971, les producteurs Robert Chartoff et Irwin Winkler mettent une option sur le livre en demandant à l'auteur d'écrire le script. Le nom de Sam Peckinpah circule en tant que réalisateur ainsi que celui de Jason Robards dans le rôle de Mr. Dark tandis que la Fox devait distribuer le film. Mais le projet capote là-aussi. En 1976, Ray Bradbury rencontre Peter Vincent Douglas, le fils alors âgé de vingt ans de l'acteur Kirk Douglas. Le jeune Douglas est ainsi un producteur à la recherche de bons sujets. Fan du roman, il en achète les droits via la société de production de son père, Bryna Productions, et va courtiser Jack Clayton pour réaliser le film ainsi que co-écrire le script avec Ray Bradbury. L'opus est initialement prévu d'être distribué par la Paramount mais un changement de régime dans le studio annule à nouveau le projet qui perd aussi son réalisateur. Ray Bradbury et Peter Vincent Douglas vont ensuite pendant quatre ans essayer de relancer le sujet ; plusieurs noms circulent pour la réalisation comme John Carpenter ou Steven Spielberg. En 1980, le salut vient enfin des studios Disney !
Frappées de ringardise depuis le milieu des années soixante-dix et surtout durant le début des "eighties", les œuvres du studio au château enchanté ont, alors, bien du mal à convaincre de leurs atouts des spectateurs lassés par des années de productions faites de sempiternels films comiques usant et abusant d'humour basé sur le jeu d'animaux. Le studio de Mickey est ainsi dans une spirale infernale. Les enfants des années 70, à la différence de leurs parents, ne grandissent plus avec Disney. Libéralisation des mœurs aidant, ils deviennent, en outre, de plus en plus vite adultes et s’intéressent, dès lors, de moins en moins longtemps à l’univers Disney. Tentant de suivre la mode, son studio a, il est vrai, toujours un coup de retard ! Mis à mal par des succès de films exceptionnels tels La Guerre des Étoiles ou Les Dents de la Mer, il se lance - sans jamais réussir - dans une série de films expérimentaux avec pour objectif avoué de retrouver le cœur des adolescents ou des adultes. Toutes ses tentatives se ramassent lamentablement au box-office ! Il faut dire que le cycle de l'échec est exemplaire : une partie du public boude les films proposés, persuadée que Disney est embourbé dans son standard habituel jugé désormais has-been, tandis que l'autre partie reproche au studio de ne pas être là où elle l'attend. Au final, tous les spectateurs, favorables ou non au label de Mickey, ont une bonne raison pour ne pas se déplacer en salles. La première livraison de cette politique somme toute ambitieuse est un retentissant échec. Le Trou Noir, présenté à la fin de décembre 1979 avec la volonté avouée d’être le nouveau Star Wars, fait long feu. A peine sorti en salles, il est déjà kitsch ; ses effets-spéciaux apparaissant lamentablement dépassés.
En 1980, dans une tentative désespérée d'enrailler sa descente aux enfers, Disney prend le monde du cinéma par surprise. Il n'hésite pas, en effet, à promouvoir Tom Wilhite, un jeune homme de 27 ans, responsable publicitaire du label pour la télévision depuis 1977. Il devient Vice-président en charge du développement créatif des productions pour le cinéma. En phase avec son époque, il insuffle au label endormi la conviction de changer, en profondeur, ses méthodes. Il fait accepter par exemple l'idée qu'un projet peut venir de l'extérieur du studio et être supporté par lui, quitte à intéresser les créatifs venus d'ailleurs aux résultats des œuvres : un procédé habile pour s'adjoindre la collaboration de stars ou réalisateurs de renoms ! Osant jusqu'à l'impensable il y a peu, Tom Wilhite met ainsi le pied à l'étrier d'un certain Tim Burton pour son premier court-métrage, Vincent. C'est lui encore qui décide en 1980 de donner le feu vert au projet La Foire des Ténèbres. Ce qui a plu à Tom Wilhite dans cette histoire, c'est cette fausse ambiance d'Halloween, trouvant que les couleurs et les parfums de l'automne ont plus de magie que Noël. Il apprécie aussi la thématique psychologique du roman.
La recherche du réalisateur va redémarrer avec une hésitation, un temps, sur David Lynch ou Joe Dante avant que Bradbury et Peter Vincent Douglas réaffirme leur volonté de confier la réalisation à Jack Clayton qui a déjà été associé au projet par deux fois.
Jack Clayton est donc né le 1er mars 1921 à Brighton au Royaume-Uni. Son premier long-métrage, Les Chemins de la Haute Ville, sorti en 1959, remporte deux oscars plus une nomination pour celui du meilleur réalisateur. Il poursuit en 1961 avec ce qui va devenir un classique du cinéma fantastique, Les Innocents. Clayton demeure ensuite inactif durant plusieurs années prenant là une habitude entre chacune de ses réalisations tout au long de sa carrière. Ainsi, il réalise Le Mangeur de citrouilles (1964), Chaque Soir à Neuf Heures (1967), puis signe, sept ans plus tard, une grosse production américaine, l’adaptation éponyme du roman de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique (1974). L'opus est un échec qui l'affecte personnellement : il attend alors neuf ans pour retourner derrière la caméra pour l'adaptation du roman de Ray Bradbury.
Les studios sont toutefois plus que méfiants sur le choix du réalisateur même s'ils se rangent à l'avis de l'auteur et du producteur. Ray Bradbury est, pour sa part, ravi de finalement travailler avec les studios de son ancien ami et propose un script qu'il reprend de zéro. Le tournage commence alors mi 1981 et alterne entre le backlot des studios Disney mais aussi le ranch Disney situé au nord de Los Angeles pour les scènes de la fête foraine. Il y aura également quelques extérieurs tournés dans le Vermont pour apporter des touches d'authenticité. À la fin 1981, les prises de vues sont bouclées et Clayton propose un premier montage. Mais le résultat ne plait pas aux studios. L'opus semble claustrophobe mais sans réellement faire peur, ni être vraiment ambitieux. Ils sont d'ailleurs inquiets de le voir si peu commercial. Leurs craintes sont confirmées par une projection test catastrophique effectuée en juillet 1982. Ils décident alors d'en repousser la sortie de décembre 1982 en avril 1983, d'enlever le film des mains du réalisateur en donnant six mois de tournage supplémentaire à Leo Dyer dans l'idée de changer totalement le montage. Des effets spéciaux sont rajoutés comme la scène des araignées ou celle des miroirs à la fin de l'opus. D'autres sont enlevées comme la séquence d'ouverture qui devait contenir la première animation assistée par ordinateur d'une entité organique alliée à de l'animation traditionnelle mais dont les studios trouvaient le résultat peu crédible. Enfin, il est demandé à Ray Bradbury d'écrire une nouvelle narration pour le début et la fin.
La Foire des Ténèbres est un projet ambitieux et risqué pour Disney : un film fantastique avec un zeste de macabre ! Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les studios de Mickey s'essayent au genre avec la sortie en 1981 du film d'épouvante Les Yeux de la Forêt, mais de façon légèrement moins convaincante. Ici, le long-métrage arrive à lier deux thématiques bien distinctes et plutôt bien écrites. La première est clairement la nostalgie et le regret : la nostalgie de l'enfance bien-sûr avec Will qui se rappelle son passé en voix off, des petites villes américaines de campagne mais aussi presque le regret de ce que pensent avoir perdu les gens de cette petite ville. Il règne en effet dans la bourgade de Green Town, un parfum de "c'était mieux avant" et de "cela pourrait mieux être ailleurs". Chacun des habitants paraît ainsi s'être emmuré dans cette petite ville tranquille et regrette son destin : le barman, ancien joueur de football américain ayant perdu un bras et une jambe, rêve de sa gloire passé ; le marchant de tabac est persuadé de gagner un jour à la loterie et de devenir riche ; le barbier fantasme d'être un charmeur irrésistible auprès de la gente féminine ; la vieille institutrice regrette sa beauté fanée par l'âge et enfin, le vieil bibliothécaire à la santé fragile ne peut être le père qu'il voudrait être pour son fils. Cette relation filiale est ainsi très présente dans le film, en ralentissant parfois le rythme, notamment quand Charles Halloway prend le temps d'avoir une conversation avec Will sur un traumatisme qu'ils ont connu tous les deux. Mais là où le fils devrait être le plus touché car il a failli se noyer, c'est bien le père qui au final s'avère le plus bouleversé par son incapacité à agir et laisser un autre secourir sa progéniture. Charles Halloway culpabilise depuis de ne pas être à la hauteur de la tâche à cause de son cœur fragile.
La deuxième thématique est bien-sûr la fête foraine maléfique. Avec cet aspect fantastique, le film arrive à installer un univers angoissant et empli de mystère. Dès le début, le spectateur sent, en effet, qu'un relent maléfique se rapproche et plane sur la ville. Mais alors qu'un luna-park est censé être joyeux et amusant, il s'avère ici en réalité inquiétant. Il faut dire que son propriétaire se nourrit des désirs inassouvis de la population de la ville en pervertissant les âmes les plus facilement bernables. Il y a des scènes qui font vraiment peur à commencer par celle du manège où le grand gaillard est transformé en jeune garçon puis part s'installer chez la vieille institutrice. Son regard est ainsi effrayant alors qu'il est censé être un enfant et le spectateur comprend tout de suite sa dangerosité. Mais d'autres séquences sont plus effrayantes encore : ici avec des araignées, là avec une chaise électrique, plus loin avec la bataille finale où Mr. Dark voit son corps devenir un cadavre asséché. La tension est palpable au point qu' il n'y a, quelquefois, pas besoin d'effets spéciaux pour installer la terreur : un simple dialogue et jeu d'acteur suffisent. La scène où Mr. Dark menace Charles Halloway pour découvrir la cachette des deux jeunes garçons est édifiante. Le spectateur vibre alors avec les deux enfants qui assistent à la confrontation et aux terribles paroles que le démon adresse au père de Will. C'est dans ces moments-là que le film donne toute sa puissance.
La galerie des personnages est peut-être le gros point faible du film car si certains sont extraordinaires, d'autres laissent vraiment à désirer.
Le problème principal vient notamment des deux enfants qui ne sont décidément pas très attachants alors qu'ils sont censés porter le récit et donner envie aux spectateurs de les suivre dans cette aventure fantastique. Will Halloway est ainsi joué par le jeune Vidal Peterson et Jim Nightshade par Shawn Carson. Les deux jeunes acteurs ont peu d'expérience à leur actif et ne verront pas leur carrière exploser après le film. Il faut dire qu'ils ont réellement du mal à créer de l'empathie avec le public.
Charles Halloway, le père de Will, est, lui, bien plus convaincant. C'est Jason Robards qui interprète à merveille ce vieux bibliothécaire au coeur fragile qui regrette de ne pas être le père rêvé qu'il aurait voulu être. L'acteur avait été envisagé dans un premier temps pour camper Mr. Dark mais vu le nombre d'années qu'il a fallu pour mettre en place le projet, il s'est retrouvé à jouer un rôle plus âgé dans le film. Il signe là sa toute première participation à film Disney sachant qu'il jouera une bonne décénnie plus tard dans le téléfilm Mark Twain et Moi (1991) et le film Les Aventures de Huckleberry Finn (1993).
Mr. Dark est, pour sa part, incarné de main de maître par Jonathan Pryce qui propose, clairement, le personnage le plus réussi. L'acteur affiche un charisme incroyable en étant à la fois séduisant et effrayant. Il dispose en effet d'un côté hypnotique qui donne envie de le suivre tout en sachant qu'aller à sa rencontre peut s'avérer extrêmement dangereux. Les scènes où il se bat psychologiquement avec Charles Halloway sont ainsi particulièrement réussies : celle décrite plus haut dans cette critique mais également la séquence dans la bibliothèque où il déchire les pages d'un livre simulant les années qu'aurait pu gagner le vieil homme s'il avait dénoncé son fils et son ami. L'acteur tient ici un rôle pour la première fois pour les studios Disney. Il participera des années plus tard au téléfilm Confessions of an Ugly Stepsister (2002) ainsi qu'au trois premiers volets de la saga Pirates des Caraïbes dans le rôle du Gouverneur Weatherby Swann, père d'Elizabeth Swann.
Parmi le reste du casting, il sera particulièrement apprécié certains notables de la petite ville de Green Town : James Stacy (Ed le barman), Mary Grace Canfield (Miss Foley l'institutrice), Richard Davalos (Mr. Crosetti le barbier) ou Jake Dengel (Mr. Tetley le marchand de tabac).
Les effets spéciaux de La Foire des Ténèbres sont forcément datés ; le film étant sorti en 1983 bien avant l'ère numérique. Pour autant, ils ont plutôt bien vieilli et possèdent depuis un charme indéniable. En réalité, ils sont globalement peu nombreux, l'angoisse étant mise en valeur plus par l'ambiance et les décors. Les quelques effets tels que les miroirs, le manège ou la séquence de la bibliothèque sont en revanche de qualité. Ce qui frappe également dans l'imagerie du long-métrage est de le voir ne pas s'interdire quelques gouttes de sang afin de bien s'ancrer dans le genre fantastique, certes pour enfants mais avec l'intention claire de faire peur.
La musique joue également un rôle primordial dans le film. Et elle, non plus, n'a pas connu un long fleuve tranquille pour sa conception. Une fois le premier montage terminé par Jack Clayton, le réalisateur se met, en effet, en recherche d'un compositeur. Il fait alors appel au français Georges Delerue, ravi de composer une bande originale pour un grand film hollywoodien. Jack Clayton est absolument comblé de sa partition qu'il qualifie de belle, sensible et passionnante. Mais ce n'est pas du tout le cas pour le studio qui, en plus des nombreux reshoots et ajouts, décide de trouver un remplaçant au Français pour écrire une toute nouvelle musique plus en adéquation avec le nouveau ton recherché. Disney pense alors à l'étoile montante du moment : James Horner qui est déjà réputé pour ses partitions pour le cinéma fantastique et de science-fiction. De plus, il est jeune et n'a pas peur de travailler dans l'urgence. Malgré les contraintes aussi bien de temps que de besoin (il s'agit de s'éloigner de la vision de Delerue), James Horner parvient à composer une œuvre fascinante, tour à tour émouvante, sombre et grandiose. Le thème principal du film est ainsi aussi entêtant qu'envoutant. Clairement, sa bande originale en est l'un des points forts !
Malgré ses qualités, La Foire des Ténèbres est accueilli fraichement par la critique. Le public, lui, boude carrément le film qui va être un véritable flop. Il récolte au box office un peu moins de neuf millions de dollars pour un budget de dix-neuf. Le long-métrage est en réalité victime de l'éternel dilemme rencontré par les films Disney dans le créneau du fantastique et de l'horreur. Le public se divise entre les uns, qui pensent que le film ne fait pas assez peur pour être apprécié par des adultes et, les autres, qu'il est trop effrayant pour être vu par des enfants. Résultat ! Les uns et les autres s'abstiennent d'aller le voir. La recette parfaite de l'échec garanti...
Ce four commercial aura de fâcheuses conséquences pour les studios Disney à commencer par la direction de la branche production des studios. Le fiasco de la production du film allié à celui d'Oz, Un Monde Extraordinaire, entraîne en effet le départ de Tom Wilhite qui se voit remplacé par Richard Berger. L'une de ses premières missions est alors de lancer un nouveau label de cinéma, Touchstone Films, destiné aux adolescents et aux adultes dont le premier opus Splash sort en mars 1984. Pour différencier les films des Walt Disney Productions, une autre signature est créée dans l'idée de proposer les films familiaux signés Walt Disney : Walt Disney Pictures. La Foire des Ténèbres est donc le dernier opus à prises de vues réelles à être labelisé Walt Disney Productions ; le suivant, Un Homme Parmi les Loups, ayant pour label Walt Disney Pictures. Mais malgré tous ces changements, les nuages s'amoncèlent au dessus des studios que dirige alors Ron Miller, le gendre de Walt Disney. La société Disney est dans le collimateur de nombre d'investisseurs, notamment Saul Steinberg, désireux de mettre la main dessus et de la dépecer. Menacé de l'extérieur par plusieurs OPA hostiles, Ron Miller l'est tout autant de l'intérieur. Le conseil d'administration gronde en effet. Roy E. Disney, le fils de Roy et donc cousin par alliance de Miller, complote contre celui qu'il accuse d'être à l'origine de l'infortune de la compagnie. Aux côtés de Stanley Gold et de Sid Bass, deux des actionnaires principaux, Roy E., démissionnaire dès avril 1984, obtient ainsi la disgrâce de Ron Miller, évincé de la direction. À sa place, le commandement de Disney est confié à une nouvelle génération de dirigeants venus de l'extérieur, Michael Eisner, Frank Wells et Jeffrey Katzenberg.
La Foire des Ténèbres est l'un des rares films vraiment angoissants du label Disney. Plus convaincant que Les Yeux de la Forêt, il propose un méchant charismatique et une thématique sur l'enfance et les regrets. Si l'opus n'a pas gagné une aura de film culte comme certains longs-métrages de l'époque chez le studio de Mickey à l'exemple du (Le) Trou Noir ou de Tron, il conserve tout de même une bonne réputation auprès du public qui l'a vu à sa sortie. Pour les autres, il reste un film à découvrir, représentant parfait des longs-métrages fantastiques des années 80 qui n'avaient pas peur d'effrayer le jeune public comme avait pu le faire Walt Disney lui-même avec le cartoon La Danse Macabre ou certaines séquences de Blanche Neige et les Sept Nains.
La Foire des Ténèbres se doit d'être vu autant pour ce qu'il est que pour ce qu'il représente dans le catalogue Disney.