Titre original :
Tigers on the Rise
Production :
Disneynature
Date de mise en ligne USA :
Le 22 avril 2024 (Disney+)
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Rob Sullivan
Alistair Tones
Musique :
Nitin Sawhney
Durée :
77 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

La croissance des populations de tigres, autrefois en déclin, est un tel succès que ces grands félins quittent les réserves des forêts indiennes pour s'aventurer dans les fermes et les villages. Les héros de cette histoire sont les vétérinaires, les scientifiques et les patrouilles communautaires qui consacrent leurs efforts à la coexistence des tigres et des humains...

La critique

rédigée par
Publiée le 06 juillet 2024

Tigres : Le Making-Of s'inscrit dans la lignée de La Reine de la Montagne et de Nés en Chine : Histoires d'un Tournage, un film sur un film. Il propose ainsi de plonger dans les coulisses du tournage de Tigres en revenant sur l'incroyable aventure humaine qu'ont vécue les cinéastes. Mais à la différence des autres documentaires sur le même thème, Tigres : Le Making-Of offre bien plus que des secrets de tournage. Il propose aussi de découvrir comment des défenseurs de la nature ont protégé l'espèce emblématique de leur pays.

En 2008, The Walt Disney Company renoue avec le genre du documentaire animalier que le papa de Mickey lui-même avait décidé de populariser quelques 60 ans auparavant. Passionné de flore et de faune, Walt Disney peut, en effet, être considéré comme le pionnier du documentaire animalier grand public. Dès 1948, il met, ainsi, en chantier la collection des True-Life Adventures dont les courts et longs-métrages seront multi-oscarisés. Cette série, inaugurée avec le mini documentaire L'Ile aux Phoques, constitue d'ailleurs la première véritable incursion de la compagnie au château enchanté dans la production de films "live". Elle comporte un total de sept courts-métrages dont La Vallée des Castors (1950) ou La Terre, Cette Inconnue (1951) avant de s'ouvrir en 1953, avec Le Désert Vivant, au format des longs-métrages. Ce dernier devient, à partir de cette date, la norme de production des True-Life Adventures et concerne au final six œuvres dont La Grande Prairie (1954) ou Le Grand Désert Blanc (1958). Au total, en comptant les courts et longs-métrages, la série aura gagné en tout pas moins de huit Oscars !

La renaissance de la production de documentaires axés sur la nature et les animaux sauvages au sein du catalogue Disney est due à l'initiative du français Jean-François Camilleri. Alors manager de la filiale hexagonale de Walt Disney Studios Motion Pictures, il a en effet en 2005 la brillante idée d'accorder sa confiance à un jeune réalisateur tricolore, Luc Jacquet, en acceptant de produire son premier film, La Marche de l'Empereur. Le pari est osé. Proposer sur grand écran et à destination du grand public un long-métrage documentaire animalier sur la vie des manchots empereurs vivant en Antarctique apparaît, il est vrai, à l'époque comme un rêve doux-dingue, caprice d'un producteur en mal de respectabilité auprès de l'intelligentsia hexagonale, sacrifiant pour une fois la recherche du seul profit commercial sur l'autel de l'expérimentation cinématographique. L'avenir prouvera le parfait contraire. Seul contre tous, Jean-François Camilleri démontre l'incroyable potentiel du genre, confirmant son rang dans le milieu du cinéma français de producteur hexagonal à part entière, véritable découvreur de talents. La réussite commerciale de La Marche de l'Empereur est, en effet, loin d'être un succès d'estime. En France, le film taquine allègrement les deux millions d'entrées ! Le résultat est tel que l'intérêt de proposer le documentaire à l'export apparaît vite évident. Comble de l'ironie, le marché américain lui ouvre rapidement ses portes, mais sans Disney. La maison mère de la filiale française menée par Jean-François Camilleri fait, en effet, la fine bouche et refuse cette histoire de manchots incongrue. Warner Bros., elle, sent le joli coup venir et accepte de distribuer le film sur le sol américain. Il devient vite à l’époque le plus gros succès pour un long-métrage français en Amérique du Nord. Il remporte même l'Oscar du Meilleur Documentaire, véritable pied de nez à la France qui lui a refusé le moindre César. Devant l'ironie de l'histoire, Jean-François Camilleri ne prend pas ombrage et pardonne à sa tutelle son erreur d'appréciation. Il la comprend même tant son pari était osé... Il entend d'ailleurs l'aider à la réparer et à l'amener à occuper enfin le terrain du documentaire grand public, à destination des salles obscures. Il crée pour cela une société de production spécifique, Disney Nature Productions, qui présente ainsi un premier long-métrage en 2007, Le Premier Cri, film ethnologique sur la naissance à travers le monde, beaucoup moins abordable qu'un simple documentaire animalier. Il continue ensuite de faire confiance à Luc Jacquet et distribue son deuxième long-métrage, Le Renard et l'Enfant, un docu-fiction axé sur l'amitié entre une petite fille et une renarde. L'œuvre très personnelle séduit à nouveau le public français.

Patiemment, le patron alors remuant de la filiale française convainc sa maison-mère d'investir le marché. Elle accepte finalement de créer un nouveau label de films à l'instar de Disney, Touchstone Pictures ou Hollywood Pictures. Disneynature est ainsi présenté mondialement en avril 2008. Basé en France, il est logiquement dirigé par Jean-François Camilleri et poursuit deux objectifs : distribuer des productions "maison" à l'international et productions étrangères aux États-Unis. Les premiers chantiers sont déjà sur les rails. Le programme est alléchant. Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants sort ainsi en décembre 2008 suivi par Pollen et Félins en 2011, Chimpanzés en 2012, Grizzly en 2014, Au Royaume des Singes en 2015, Nés en Chine en 2016, L'Empereur en 2017, Blue en 2018 et Penguins en 2019. Par ailleurs, le film britannique Un Jour sur Terre est distribué aux États-Unis en 2009 sous label Disneynature, ainsi que le film français Océans en 2010. Enfin, en 2016, il propose son premier film directement en sortie digitale, Grandir, suivi un an plus tard par La Reine de la Montagne et Nés en Chine : Histoires d'un Tournage.

Toutefois, malgré la qualité de ses films, Disneynature voit irrémédiablement les résultats au box-office diminuer de sortie en sortie ; le tout dernier, Penguins, atteignant à peine sept millions de dollars. Son échec financier semblait ainsi entériner un avenir bien sombre pour le label Disneynature né en France. Déjà, le public s'était visiblement lassé des documentaires animaliers au cinéma. Ensuite, le rachat d'une partie de 21st Century Fox par The Walt Disney Company, acté en mars 2019, faisait entrer dans le giron de Disney la très forte et iconique marque National Geographic. Il paraissait alors évident que Disney n'avait aucun intérêt à garder deux labels de documentaires, surtout quand l'un des deux est largement moins connu que l'autre. Le départ de The Walt Disney Company de Jean-François Camilleri, créateur du label à l'iceberg, en mars 2019 semblait d'ailleurs valider ce constat. La mort de Disneynature ne serait sans doute jamais officielle mais le label aurait pu s'éteindre en catimini comme d'autres anciens à l'image de Touchstone ou Hollywood Pictures ; ses sorties au cinéma n'étant désormais plus rentables malgré ses faibles coûts de production. Coup de théâtre, le salut vient en 2020 après l'ouverture de la plateforme Disney+ !

L'ouverture historique le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est en effet un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a alors deux objectifs. D'une part, elle remplacera à terme les sorties en vidéo des films cinéma sur support physique dont le grand public s'est détourné, préférant en majorité l'achat en digitalisé. D'autre part, elle permettra à Disney de revenir sur des genres de films qu'il avait désertés en salles faute de succès ou d'appétit suffisant des spectateurs. Les films à petit budget, qui étaient proposés il y a encore quelques années sur grand écran, sont donc désormais réorientés pour une sortie directement sur la plateforme. Le choix est compréhensible car le public préfère malheureusement se déplacer en salles de plus en plus pour des franchises qu'il connaît bien. Les studios Disney se contentent alors de lancer uniquement au cinéma des films à gros budgets, certes aux risques plus importants mais aux retours sur investissement conséquents. Disney+ est donc l'écrin idéal pour accueillir les films Disneynature, ce qui paradoxalement leur donnera plus de visibilité ; les familles hésitant à dépenser le prix d'une place de cinéma pour un « simple » documentaire. Ainsi, le 3 avril 2020, ce sont pas moins de quatre films originaux du label qui se voient proposés sur la plateforme ; Éléphants et les documentaires making-of comme le fut La Reine de la Montagne : Plongée dans le Monde des Dauphins, Les Manchots : Une Vie à Risque, Sur la Route des Éléphants. Sont également ajoutés Penguins qui n'avait pas eu droit à une édition vidéo ainsi que Blue qui était sorti au cinéma uniquement en France (et qui donc doit patienter pour intégrer le catalogue de Disney+ dans l'hexagone compte tenu de l'effet de l'anachronique règle de la chronologie des médias). Le label continue ensuite son petit bonhomme de chemin comme le prouvent les sorties en 2022 d'Ours Polaire et de son secret de tournage, Ours Polaire : Le Making-Of, puis en 2024 avec Tigres et Tigres : Le Making-Of.

Tigres : Le Making-Of est réalisé par Rob Sullivan, aidé ici par Alistair Tones.
Rob Sullivan est un réalisateur et un producteur primé, spécialisé dans les films et les émissions sérialisées sur les personnes et les animaux. Il s'est fait connaître notamment sur la série documentaire Amazon avec Bruce Parry récompensée par un BAFTA ou encore les programmes télévisés comme Natural World sur les merveilles de la natures, Extraordinary Rituals sur les mœurs autour du monde ou encore Baby Chimp Rescue sur les chimpanzés ; toutes produites pour les chaînes du groupe BBC. Avec les productions Disneynature Tigres et Tigres : Le Making-Of, il passe de la réalisation d'épisodes pour la télévision aux longs-métrages de qualité cinéma, même si ceux-ci sont diffusés ici en streaming. Si, sur Tigres, il n'obtient que le poste de co-réalisateur, sur Tigres : Le Making-Of en revanche, il est réalisateur en chef.
Rob Sullivan est secondé sur Tigres : Le Making-Of par Alistair Tones, un jeune talent qui était aussi assistant réalisateur sur Tigres.

Depuis Nés en Chine, Disneynature propose pour chacun de ses longs-métrages un film complémentaire racontant le tournage de l'opus principal. D'histoires anthropomorphiques centrées sur les animaux pour les longs-métrages principaux, les documentaires making-of passent eux à des aventures humaines afin de montrer comment les cinéastes réussissent à rapporter des images souvent extraordinaires et époustouflantes. Tigres : Le Making-Of est un peu sur le même moule mais il s'avère, en réalité, bien plus que cela : la partie consacrée aux secrets de tournage ne représentant au final qu'à peine un tiers du film. La majorité du long-métrage parle en effet plutôt de la préservation de l'espèce féline au travers des différents territoires de l'Inde et comment les autorités et les scientifiques ont réussi à ce que la population des tigres augmente. Il sera ainsi regretté le titre français, paresseux au possible, comme pouvait l'être Ours Polaire : Le Making-Of, là où celui en anglais, Tigers on the Rise, est bien plus précis tout en identifiant à merveille le sujet du film et apportant en plus une petite touche poétique.

Le tournage de Tigres a été particulièrement exigeant. Il a ainsi fallu pas moins de 1500 jours aux cinéastes pour rapporter les images vues dans le film, répartis sur cinq ans de travail. Tigres : Le Making-Of met particulièrement en lumière deux cameramans indiens qui ont suivi plusieurs individus pour ramener de superbes images : Pooja Rathod et Kalyan Varma. Ils racontent ainsi que le plus dur pour filmer des tigres est de les trouver. Ces grands prédateurs sont en effet des animaux prudents et discrets, si bien qu'il est souvent difficile de les remarquer et encore plus de les suivre puis de tourner des longues séquences avec eux. Ils se sont alors sentis chanceux quand ils ont pu approcher et rester près d'une mère et de ses petits ; celle-ci s'étant habitué à eux et ayant eu assez confiance pour les laisser évoluer à une distance respectable. Une autre de leur réussite, mais qui n'est pas vue dans Tigres, est les superbes images tournées sur la tigresse vivant près de la grande ville de Bhopal. Elles permettent de découvrir comment elle profite du calme de la nuit pour explorer un territoire à priori dangereux pour elle. Pourtant, elle est assez douée pour ne jamais croiser un seul humain durant ses tournées.

L'Inde compte désormais 3600 tigres, mais cette augmentation du nombre d'individus a amené un autre problème. Les territoires protégés sont désormais trop petits pour les jeunes tigres mâles et ceux-ci doivent souvent passer d'une réserve à une autre, et donc traverser les campagnes et les villages des humains avec tous les problèmes que cela comporte. Le Docteur Bilal Habib a ainsi proposé plusieurs solutions innovantes pour permettre la cohabitation entre les tigres et les hommes. L'une d'entre elles, très simple, est par exemple le fait de peindre des yeux à l'arrière des vaches, faisant que les tigres pensent que les proies les observent et ils osent ainsi moins attaquer. Cette solution peu coûteuse a pourtant fait descendre drastiquement le nombre de troupeaux attaqués, protégeant ainsi les prédateurs de la colère des hommes. Une autre des réalisations du Docteur Bilal, bien plus impressionnante, est sûrement la surélévation sur de nombreux kilomètres de l'autoroute NH44 qui traverse le pays. Le chantier a couté plus de 2,5 milliards de dollars et reste à ce jour l'un des corridors les plus grands pour permettre à la vie sauvage de circuler. Cette autoroute surélevée permet aux tigres de traverser le pays sur des longues distances en toute sécurité et a permis de sauver des milliers d'individus, expliquant l'augmentation de leur nombre en Inde.

Tigres : Le Making-Of offre de nombreuses autres anecdotes d'aventures humaines pour protéger ces félins. Notamment, le vétérinaire Ravi Khobrograde s'occupe de petits orphelins ou est appelé pour capturer des tigres qui posent souci à l'exemple de P2, un mâle de deux ans qui a tué accidentellement un villageois. La bête est ainsi capturée pour la placer dans un zoo gigantesque mais où elle ne sera jamais plus en liberté. En étant en captivité, P2 paie le prix de son erreur involontaire. Mais ce sacrifice est nécessaire pour permettre à la population indienne de se sentir en sécurité et permettre la cohabitation avec les tigres dans leur ensemble. Le documentaire dresse aussi le portrait de Shital Tharkre, l'une des rares femmes gardes forestières faisant partie de l'équipe d'intervention du département des forêts de l'Inde. Elle et son équipe sont appelées chaque fois qu'il y a un problème avec un tigre, ceci afin de sécuriser au maximum la zone, de trouver des solutions pour les bêtes mais aussi de rassurer la population locale. Enfin, parmi les nombreux autres exemples, il peut aussi être cité les projets de réensauvagement des champs qui voient la nature prospérer tout en permettant un écotourisme pour gens aisés voulant découvrir les animaux dans leur habitat naturel. Du gagnant-gagnant en quelque sorte, aussi bien pour préserver le territoire des tigres et de leurs proies mais aussi permettre de développer une ressource économique à une région, à l'exemple du Parc National de Tadoba.

Tigres : Le Making-Of est peut-être plus intéressant que son film d'origine. En plus de permettre aux spectateurs de comprendre comment les cinéastes ont rapporté les superbes images, il en apprend plus sur les tigres, sur l'Inde mais aussi sur les magnifiques initiatives mises en place pour protéger cet animal majestueux et emblématique. Un long-métrage à ne surtout pas négliger par rapport à son grand frère.

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