Le Secret de la Petite Sirène
Le synopsis
La disparition tragique de l'épouse du roi Triton, la belle Athena, le plonge dans une profonde tristesse dont la plus grosse manifestation est le bannissement de toutes formes de musique au fond des océans. Désormais adolescente, Ariel a bien du mal à se soumettre au diktat établi par son père alors qu'elle était bébé. Eprise de liberté, elle ne tarde pas ainsi à rejoindre le club de musique clandestin dirigé par le crabe Sébastien.
La gouvernante en chef Marina Del Rey voit dans cette subversion inespérée l'occasion rêvée de devenir la plus influente conseillère du roi et lui imposer perfidement ses vues sur la conduite des affaires...
La critique
Le Secret de La Petite Sirène marque l'histoire des studios Disney d'une pierre blanche, non sur le plan de sa qualité intrinsèque mais de son statut. Il constitue en effet la dernière suite de Grands Classiques conçue pour le marché vidéo par le studio DisneyToon. Après lui, le genre est purement et simplement abandonné.
La première suite remonte à 1994 avec la sortie du (Le) Retour de Jafar. Michael Eisner, PDG de la Walt Disney Company à l'époque, donne alors le feu vert à ce qui restera pour tous les puristes une de ses plus mauvaises idées sur l'activité de l'Animation. Son accord va en effet produire des effets catastrophiques sur la réputation de qualité des productions Disney et entacher durablement l'aura historique du label de Mickey. Les résultats commerciaux de ce genre de productions - enthousiasmants au regard du rapport coût/recette - scient littéralement la branche sur laquelle est assis le studio tout entier : comment continuer à créer l'événement en proposant des œuvres de piètres qualités et se différencier des concurrents low-cost inondant le marché ? Le grand public, persuadé désormais que Disney est un éditeur comme un autre, va finir fatalement par se détourner de ses produits...
Le déclin est donc paradoxalement engagé en fanfare avec Le Retour de Jafar. Prévu à l'origine pour être le simple pilote de la série télévisée Aladdin, réalisé par Walt Disney Television Animation, l'opus est proposé en VHS en tant que suite officielle d'Aladdin. Surfant sur le succès, et du Grand Classique, et du marché de la cassette vidéo, les ventes dépassent toute espérance. Le coup est juteux et masque subtilement les conséquences ravageuses sur le long terme. La gangrène du low-cost s'installe dans le catalogue de la Walt Disney Company et se propage. Aladdin, la première victime, subit un nouvel assaut avec une deuxième suite en 1996. Tous les Grands Classiques ou presque passent à la moulinette, au rythme effréné de deux par an dans les années 90 pour passer à quatre ou plus dans les années 2000. Chaque nouvelle sortie ternit un peu plus la réputation des films et personnages de référence, et au-delà, du label Disney tout entier. Au plus fort de cette crise d'identité qui ne dit pas son nom, Walt Disney Television Animation est divisée en deux équipes, l'une pour s'occuper des séries télés animées et l'autre pour les suites vidéos. Cette dernière prend son indépendance en 2003 et devient le DisneyToon Studios sous la coupelle de Walt Disney Animation Studios. Le Rubicon est franchi quand certaines suites (Peter Pan 2 : Retour au Pays Imaginaire, Le Livre de la Jungle 2...) ont accès au grand écran, avec d'ailleurs plus ou moins de succès. Le naufrage éditorial est total : Disney brade comme jamais ses histoires. Le studio est méconnaissable, son label sérieusement entaché. Le débarquement de Mickael Eisner en 2005 offre à la firme tout entière un sursaut salutaire. Son remplaçant Bob Iger change tranquillement la sombre destinée voulue par son prédécesseur. Non content de racheter Pixar en 2006, il place John Lasseter à la tête du département animation de Disney. Convaincu du désastre silencieux découlant de la politique de productions au rabais menée jusqu'alors, il stoppe purement et simplement le programme établi (Les Aristochats 2, Chicken Little 2, Bienvenue chez les Robinson 2 sont abandonnés) et revoit tout le processus. DisneyToon se focalise désormais sur des projets indépendants (comme ce fut le cas pour Dingo et Max ou Mickey, Donald, Dingo - Les Trois Mousquetaires) ou liés à des produits de Consumer Products (une série de quatre films autour de La Fée Clochette pour la ligne Disney Fairies est ainsi en gestation...). John Lasseter entend redonner au label Walt Disney l'aura qu'il n'aurait jamais dû perdre. Le retour de la qualité est annoncé. Dans l'intervalle, il se résout à mener à terme la dernière suite produite par DisneyToon Studios, trop avancée pour un abandon pur et simple.
Le Secret de La Petite Sirène débarque ainsi en vidéo comme le dernier des mohicans. Il offre à La Petite Sirène une deuxième suite comme avant lui six autres grands classiques Aladdin, La Belle et la Bête, Les Aventures de Winnie l'ourson, Lilo & Stitch, Le Roi Lion et Cendrillon. Il est en revanche le seul à situer son histoire avant celle du film de référence, les autres étant des "midquels", (une histoire oubliée à l'intérieur du premier opus) ou des "sequels" (une histoire se situant après le premier opus).
Le Secret de La Petite Sirène déroule donc un récit qui devrait logiquement venir confirmer ce que le spectateur a appris chronologiquement. Or, des bourdes invraisemblables sont commises. Ainsi, Sébastien assume déjà le rôle de précepteur d' Ariel alors même que dans le Grand Classique, il semble découvrir sa fonction de nounou de la benjamine du roi. De même, Polochon n'a jamais fait état jusqu'à présent d'un goût prononcé pour la musique, et encore moins d'une addiction totale. Et que penser d'Ariel qui proclame ici son amour pour le quatrième art, alors même qu'elle néglige le concert qu'elle se doit de donner en l'honneur de son père dans La Petite Sirène. Le Secret de La Petite Sirène laisse ainsi à penser qu'Ariel a purement et simplement changer de passion ; elle revêt dès lors un caractère frivole et instable peu compatible avec sa détermination légendaire appuyée dans le Grand Classique.
Mais le spectateur n'est pas au bout de ses peines. Devant déjà supporter de véritables bévues scénaristiques, il doit en plus affronter un paradoxe troublant. La petite sirène qui proclame ici son goût pour la musique et avait brillé, en son temps, dans un Grand Classique aux chansons inoubliables, se paye là une bande-son médiocre. Oubliés les grandes envolées, Jeanine Tesori la compositrice est, en effet, bien trop sage ! Elle ne parvient pas un instant à prendre la mesure du contraste sur lequel pourtant tout le scénario est bâti. L'affrontement d'un monde avec et sans musique n'apparait, il est vrai, presque pas, plombé par des ritournelles lénifiantes pour la plupart. Le constant est d'autant plus inquiétant que la même auteure à la responsabilité de la B.O. de Princesse Raiponce, prévu en 2010...
Le Secret de La Petite Sirène se rattrape en revanche dans son animation et ses
décors. Fluides et fidèles au premier opus, ils ne déméritent pas malgré le
manque de moyens indu par le genre. Certains nouveaux personnages sont,
d'ailleurs, parfaitement réussis. Marina Del Ray, méchante et excentrique à
souhait et Benjamin, son majordome, parfait contraire, posé et gentil, forment
ainsi un duo digne d'intérêt.
Certains aspects du scénario fonctionnent également, apprenant par exemple aux
spectateurs les circonstances de la disparition de la mère d'Ariel ou
décortiquant la teneur de ses relations avec ses sœurs. Les chorégraphies,
enfin, sortent du lot, bénéficiant à plein du statut de danseuse professionnelle
de la réalisatrice Peggy Holmes.
Assurant le minimum syndical, Le Secret de La Petite Sirène cumule trop d'handicaps pour convaincre, sauf bien sûr de la pertinence d'arrêter le genre.