Super Noël
Le synopsis
La critique
Rien ne prédisposait Super Noël à devenir le film culte de toute une génération. Mais la magie du cinéma en a décidé autrement. Le long-métrage a d'ailleurs mis fin à la malédiction des échecs sur grands écrans des films prenant le Père Noël pour héros. Grâce à un zeste de magie, une pincée d'humour grinçant, un casting attachant, du cœur à revendre, Super Noël est ainsi devenu un classique que les spectateurs aiment à revoir tous les ans, de préférence avec un bon cookie et un verre de lait chaud.
Les studios Disney ont, très tôt, proposé des oeuvres autour de la fête de Noël. Cela commence d'abord en animation avec de nombreux cartoons notamment, Mickey Père Noël et L'Atelier du Père Noël en 1932, L'Arbre de Noël en 1933, Donald et son Arbre de Noël en 1949, L'Arbre de Noël de Pluto en 1952, Le Petit Âne de Bethléem en 1978 et surtout le classique Le Noël de Mickey en 1983. Le tout premier long-métrage à prises de vues réelles à se voir centré sur Noël est la comédie musicale ambitieuse Babes in Toyland, en 1961, qui malheureusement ne remporte pas le succès escompté. Il reste ainsi le seul long-métrage du genre produit du vivant de Walt Disney. Il faut ensuite attendre 1985 et la comédie dramatique Un Drôle de Noël pour que les studios de Mickey réinvestissent dans la fête de Noël dans des œuvres en prises de vues réelles. À partir de là, les studios proposent quasiment chaque année un long-métrage autour de Noël que ce soit à la télévision comme La Hotte Magique (1986) ou Une Maman pour Noël (1990) ou alors au cinéma avec les films cultes comme Noël Chez les Muppets (1992) et L'Étrange Noël de Monsieur Jack (1993).
L'idée de Super Noël revient à Leo Benvenuti et Steve Rudnick, un duo de comique qui a développé, entre autres, en 1990 un late-night show, The Steve and Leo Show. À côté de cela, ils écrivent aussi pour la télévision et le cinéma. Super Noël est ainsi leur premier projet pour le grand écran. Ils se feront aussi connaître par la suite pour avoir écrit le scénario de Space Jam chez Warner Bros., le film mélangeant animation et prises de vues réelles avec Michael Jordan et les personnages des Looney Tunes. À la fin des années 80, les deux auteurs ont donc l'idée d'un long-métrage en partant d'un point de départ saugrenu : que se passerait-il si quelqu'un tuait le Père Noël ? À l'origine, ils imaginaient ainsi leur scénario plutôt à destination d'un public adulte et ce n'est que bien plus tard qu'il se voit transformé en une comédie familiale. Dès lors, quand les studios Disney décident de produire le film en posant une option sur l'histoire, le label associé est tout naturellement Hollywood Pictures. Pour s'en convaincre, dans une première version du script, lorsque Scott Calvin aperçoit le Père Noël sur son toit, il a le mauvais réflexe de lui tirer dessus avec une carabine, en pensant être en état de légitime défense ; il est alors clairement le meurtrier du Père Noël ! Mais une projection test du film va démontrer aux décideurs des studios ainsi qu'aux scénaristes que le long-métrage accroche vraiment auprès du public enfantin. L'opus est alors réécrit pour le rendre plus familial afin qu'il puisse sortir chez le label Walt Disney Pictures, même si le label Hollywood Pictures reste partenaire et co-producteur du film en étant cité à l'ouverture. La fameuse scène du toit est donc logiquement réécrite. Au lieu de se faire tirer dessus, le Père Noël sursaute de peur quand Scott lui crie du bas de chez lui. Le résultat est tout de même identique : le vieux Monsieur glisse du toit et tombe par terre, raide mort. La séquence devient moins morbide et change aussi la responsabilité de Scott. Certes, la mort de l'ancien Père Noël est de son fait mais il s'agit d'un malheureux accident. Les circonstances en deviennent donc plus drôles, surtout quand celui qui devient Père Noël malgré lui commence par se plaindre de cette situation qu'il n'a pas demandée. Scott a en effet juste eu la mauvaise idée de ne pas lire les petites lignes d'un contrat tacite sur la carte de visite du défunt Père Noël !
La réalisation de Super Noël est alors confiée à John Pasquin. Né le 30 novembre 1944, il commence sa carrière en tant que metteur en scène à Broadway au début des années 80 avant de passer réalisateur à la télévision, notamment sur les séries Quoi de Neuf, Docteur ? avec Kirk Cameron, Sacrée Famille avec Michael J. Fox ou encore Papa Bricole, avec Tim Allen. Il retrouve donc l'acteur sur Super Noël, qui est pour le réalisateur son premier film de cinéma. John Pasquin filme par la suite une nouvelle fois avec Tim Allen, toujours pour Disney, lors de son second long-métrage, Un Indien à New York, remake du long-métrage français Un Indien dans la Ville. Ici dans Super Noël, pour une première, le réalisateur s'en sort vraiment très bien et arrive à proposer quelques belles séquences, notamment toutes celles se passant sur le traineau du Père Noël ou au Pôle Nord. Ce sont dans ces moments-là que John Pasquin arrive en effet à insuffler tout la magie au film ; les autres scènes lorgnant, elles, plus du côté de la comédie. Ces dernières, forcément plus simples dans leur mise en scène, arrivent tout de même à garder une certaine efficacité pour emporter le spectateur.
La réussite de Super Noël est d'arriver à jouer sur plusieurs tableaux : une comédie grinçante plutôt tournée vers les adultes ; une magie et une naïveté à destination des enfants ; le tout en sachant amener une émotion sincère. Ce qui fonctionne également est que le film est plutôt moderne dans son approche, du moins pour l'époque, particulièrement dans la définition de la famille. Ainsi, l'idée de présenter une famille recomposée avec ce jeune garçon tiraillé entre sa mère en couple avec un psychiatre et son père, insouciant privilégiant d'abord son travail, amène différents points de vues sans qu'il y ait pourtant un manichéisme malvenu. Le père, Scott Calvin, est d'ailleurs loin d'être parfait, et son fils apprécie très moyennement de passer le réveillon chez lui au début du film. Son paternel, empoté et maladroit, ne sait en fait pas vraiment s'occuper de lui. À l'inverse, le beau-père Neal n'est, quant à lui, pas présenté comme un mauvais gars. Le petit Charlie trouve ainsi sa rationalité réconfortante et rassurante, du moins dans un premier temps quand il est en recherche de stabilité. Quant à la mère, Laura, elle essaye de garder avec son ex-mari une relation apaisée. L'intérêt du film est donc de faire bouger les lignes et de poser la question de l'intérêt de l'enfant et surtout de ses croyances. Les réactions de chacun des parents ou du beau-père sont cohérentes et chacun agit en fonction de son ressenti et de ce qu'il pense être juste pour le petit garçon. Est-ce que laisser croire le garçon au Père Noël alors qu'il clame qu'il est réel est une bonne chose pour son équilibre mais aussi pour le regard qu'il suscite autour de lui ? Et-ce que le meilleur moyen de protéger l'enfant n'est pas de le retirer de la garde de son père, alors que les adultes pensent que Scott est en train de devenir psychologiquement fragile ? Le fils, lui, au contraire, a changé son point de vue sur son père : il est devenu fier de lui. Mieux encore, il est le seul à croire en lui, dans une foi sincère et pure, avant même que Scott accepte réellement lui-même ce qu'il est devenu. Scott est ainsi devenu le héros de l'imagination de son fils. Mais alors qu'au début du film, il voulait voir son père le moins de temps possible, il doit apprendre à la fin à le partager avec tous les enfants du monde ; et là aussi il s'agit d'une démarche pas évidente pour le petit Charlie. Cette émotion dans le film est ainsi particulièrement bien amenée et fonctionne à merveille.
La comédie est bien sûr présente principalement grâce aux réparties de Scott Calvin. Assez cynique, il a des lignes de dialogues plutôt bien amenées, que cela soit au début dans la relation qu'il entretient avec sa femme et son nouveau compagnon mais également ensuite dans son entourage quand il commence à vivre ses changements physiques qui le transforment en Père Noël. Un running gag durant tout le film est de voir Scott se moquer régulièrement des pulls de Neal, qui sont factuellement affreux, avant même que la mode des pulls de Noël moches (à dessein) soit vraiment lancée. Un autre gag a eu des conséquences inattendues après sa sortie en salles. Quand Laura vient déposer Charlie chez Scott, lors du réveillon de Noël, elle donne le numéro de téléphone de sa mère que Scott lit à voix haute lors d'une des ses moqueries insolentes : « 1-800-SPANK-ME », "spank me" pouvant être traduit par "donne moi une fessée". Or, ce que Disney n'a pas vérifié avant la sortie du film est l'existence de ce numéro. Et il se trouve que la ligne était réellement en fonctionnement, et en plus, il s'agissait d'un service de téléphone coquin. Les studios s'en sont rendus compte après la première sortie en VHS. Lors de la ressortie en DVD, en Blu-ray mais aussi sur Disney+, la séquence a donc été coupée pour que les enfants n'aient pas l'idée d'appeler ce numéro, même si près de 25 ans plus tard, la ligne n'est désormais plus en service. Néanmoins, il est possible de trouver cette scène assez anecdotique sur Youtube mais également su iTunes ou autres services de VOD tandis que lors de certaines diffusions télévisées le numéro de téléphone a été changé en « 1-800-POUND ».
Super Noël finit de conquérir le public en faisant la part belle à la magie et en offrant quelques scènes sentant bon le merveilleux qui font retomber en enfance même les adultes les plus cyniques. À partir du moment où Scott monte dans le traineau et qu'il part livrer les jouets à la place du Père Noël, le public a en effet des étoiles plein les yeux. L'arrivée au Pôle Nord est le summum de l'enchantement, d'abord avec cette descente dans l'ascenseur avant de découvrir l'atelier de fabrique des jouets rempli de lutins. Les décors du lieu sont réalisés en studio avec des moyens assez modestes mais il se dégage tout de même une ambiance à la façon du film Le Magicien d'Oz, plein de naïveté et de fantaisie. Même le seul matte painting de l'opus, un décor peint, qui peut être vu depuis le balcon de la chambre de Scott et de Charlie, donne envie de découvrir en profondeur ce pays du Père Noël. Le film s'amuse aussi à proposer quelques gadgets modernes dans l'équipe des lutins, ancrant le récit dans son époque. Pour autant, le chocolat au lait et les cookies ne sont pas oubliés et rendent ces moments sucrés à souhait.
Pour jouer Scott Calvin, les auteurs ont d'abord pensé à Bill Murray (SOS Fantômes) mais ce dernier refuse le rôle. Finalement, ils optent pour un petit nouveau au cinéma, prenant une star montante de la télévision : Tim Allen. Le comédien s'est fait connaître grâce à son premier rôle dans la sitcom Papa Bricole produit par Touchstone Television pour ABC. Tout Super Noël repose alors sur ses épaules. Sans lui, le film se serait d'ailleurs surement écroulé sur lui-même. Il arrive, en effet, à insuffler autant de comédie cynique que d'émotion sincère. Sa transformation physique est somme toute impressionnante, notamment grâce au maquillage qui lui demandait des heures de préparation ou de nettoyage. Le tournage était d'autant plus éprouvant qu'il s'est déroulé en été ; la chaleur rendant le port du costume plus désagréable encore. Sa performance lui a aussi valu de prendre (et de perdre) du poids rapidement, notamment pour la scène chez le médecins. Mais ses sacrifices sont unaniment salués et vont asseoir sa popularité auprès du public. Après Super Noël, il deviendra ainsi la voix mémorable en anglais de Buzz l'Éclair dans la saga Toy Story. Il continuera sa carrière au cinéma notamment avec Un Indien à New York (1997) ou Raymond (2006) chez Disney, Super Papa (2001) chez 20th Century Fox, Big Trouble (2002) ou Bande de Sauvages (2007) chez Touchstone Pictures ou encore Galaxy Quest (1999) chez DreamWorks SKG. Après avoir arrêté la série Papa Bricole en 1999, il revient à la télévision en 2011 avec la sitcom C’est Moi le Chef ! chez 20th Television, qui durera durant neuf saisons jusqu'en 2021.
Les autres acteurs sont tout aussi sympathiques mais n'ont pas le même temps de présence à l'exception d'Eric Lloyd qui joue le rôle de Charlie. Le jeune acteur s'en sort plutôt bien et sait se rendre attachant, en gardant toute sa candeur mais sans être niais pour autant. Wendy Crewson (L'Homme Bicentenaire) interprète, quant à elle, Laura, l'ex-femme de Scott et la mère de Charlie. Prévenante avec son fils, elle reste patiente et compréhensive avec son ex-mari. Judge Reinhold (Le Flic de Beverly Hills) joue lui Neal, le beau-père de Charlie et le compagnon de Laura. Gentil avec le petit Charlie, il se sent en compétition face à Scott dont il est le parfait contraire niveau caractère : sérieux, calme et la tête sur les épaules. Enfin, il sera noté la sympathique prestation de David Krumholtz (Dix Bonnes Raisons de Te Larguer) dans le rôle de Bernard, le lutin en chef. Son mélange de geek avant l'heure avec un look rasta arrive à le faire ressortir du lot malgré son peu de temps à l'écran.
La réussite de Super Noël tient à de petits riens. La musique, par exemple, joue aussi un rôle primordial dans le succès du film. Le compositeur Michael Convertino (Frankenweenie, Un Indien à New York) arrive en effet à proposer quelques envolées dans ses mélodies, surtout dans les passages au Pôle Nord ou avec le traîneau, rendant ces moments particulièrement magiques. Le long-métrage propose également deux chansons originales en plus des chants traditionnels de Noël. La première, The Bells of Christmas, écrite et interprétée par Loreena McKennitt, peut être entendue lorsque Scott et Charlie découvrent l'atelier du Père Noël, au cours de la scène de la descente du traineau dans l'ascenseur géant. Courte, elle n'en demeure pas moins merveilleuse en donnant des frissons aux spectateurs, surtout dans la deuxième moitié quand les cœurs reprennent les paroles. La seconde, Christmas Will Return, écrite par Jimmy Webb et interprétée par Brenda Russell et Howard Hewett, est une chanson pop tout à fait quelconque reléguée dans le générique de fin.
Super Noël sort aux États-Unis le 11 novembre 1994 avec des critiques globalement bienveillantes. Il est programmé le même week-end qu'Entretien avec un Vampire avec Tom Cruise, et lui résiste bien même s'il n'arrive que deuxième au box-office durant ces trois premiers jours. Mais le bouche-à-oreille est tellement bon que le film de Tim Allen va vite dépasser celui des vampires et finir à un total de 144 millions de dollars. Pour un budget plus que raisonnable de 22 millions de dollars, le résultat est plus qu'un succès. Surtout, il met fin à une malédiction qui frappait des films de cinéma ayant comme premier rôle le Père Noël. Depuis des décennies, ce genre rencontrait en effet échecs sur échecs. En réalité, le dernier succès de cette ampleur remonte à près de quarante ans avec Le Miracle de la 34ème Rue de 20th Century Fox en 1947. Ironiquement, son remake, Miracle sur la 34ème Rue, qui sort, toujours chez 20th Century Fox, le 18 novembre 1994, soit une semaine après le film de Disney, se voit complètement éclipser par lui.
La sortie française se déroule elle le 6 décembre 1995 mais aura moins de retentissements de ce côté de l'Atlantique même s'il n'a pas forcément à rougir de ses 865 000 entrées. Pourquoi cette différence ? Déjà, le film sort quinze jours après Pocahontas, une Légende Indienne qui fera lui plus de 5,6 millions d'entrées et sera le premier film américain de l'année. En plus, Tim Allen, l'acteur de Papa Bricole, n'est pas connu dans l'Hexagone même si la série est diffusée depuis trois ans d'abord sur TF1 puis sur M6. Pour pallier cet inconvénient, Disney France demande alors au jeune animateur télévisé Nagui de doubler l'acteur américain. Ce sera ainsi sa première et dernière expérience de doublage. Il faut dire que Nagui n'est pas très doué et manque un peu de naturel, n'arrivant pas à s'effacer par rapport au personnage. Enfin, il sera aussi regretté la traduction du titre. Le nom américain est en effet tout simplement parfait avec un succulent jeu de mot. The Santa ClausE se prononce de la même manière que « The Santa Claus », qui est le nom du Père Noël en anglais ; le mot « Clause » signifie, lui, la même chose qu'en français, dans le sens de disposition particulière d'un contrat. La France abandonne elle l'idée de titrer le film de façon aussi subtile que dans sa langue originale et opte pour un Super Noël aussi banal qu'enfantin. Autre détail, même si la version française essaie laborieusement de l'expliquer, Scott Calvin porte les mêmes initiales que Santa Claus, ce qui bien-sûr avec Père Noël ne fonctionne plus.
Succès de Super Noël aidant, il aurait été étonnant qu'une suite n'arrive pas rapidement sur les écrans. Or, en réalité, il faudra attendre huit ans, en 2002, avant que le deuxième volet, Hyper Noël, ne sorte. La raison vient principalement de Tim Allen qui a mis du temps à se laisser convaincre à reprendre son rôle tellement il avait trouvé le tournage du premier volet éprouvant. Le deuxième film marche aussi bien que le premier même si le budget est presque trois fois plus important. Et tout cela convainc Disney à commander un troisième opus, Super Noël Méga Givré, en 2006 qui sera lui bien moins cher, presque moitié moins que celui du premier et qui permettra au dernier volet de la trilogie d'être aussi un succès. En France, si Hyper Noël sort aussi au cinéma, Super Noël Méga Givré arrive lui directement en vidéo.
Super Noël est un film de Noël qui est devenu, au fil des années, un classique des fêtes de Noël. L'opus vaut d'abord pour Tim Allen, aussi drôle que sincère, mais également pour la magie de Noël parfaitement retranscrite. Super Noël est ainsi parfait pour un visionnage en famille durant les fêtes de fin d'année, autour d'un bon feu de cheminée et d'un verre de chocolat chaud.