Blade Trinity
Titre original : Blade: Trinity Production : Marvel New Line Cinema Date de sortie USA : Le 8 décembre 2004 Genre : Fantastique |
Réalisation : David S. Goyer Musique : Ramin Djawadi RZA Durée : 122 minutes (Version Cinéma) 133 minutes (Version Longue) |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Blade, devenu l’ennemi public numéro un depuis un coup monté le montrant en train de tuer un humain, n’a pas d’autre choix que de faire équipe avec de jeunes chasseurs de vampires pour exterminer le premier et le plus dangereux de tous : Dracula… |
La critique
Après le succès surprise de Blade en 1998 puis la réussite critique et commerciale encore plus marquée de Blade II en 2002, New Line Cinema et Marvel n’allaient bien évidement pas s’arrêter en si bon chemin. Mais hors de question d’attendre à nouveau quatre ans pour offrir au Diurnambule et aux spectateurs assoiffés de sang une troisième aventure (pas la dernière à l’époque du projet). Surtout quand le scénariste des deux premiers opus David S. Goyer est de nouveau de la partie, gage d’une continuité - malgré deux épisodes volontairement différents - qui semble définitivement scellée. Première ombre au tableau cependant, Guillermo del Toro abandonne l’anti super-héros pour un autre afin de réaliser Hellboy (2004) tandis que Stephen Norrington décline l’invitation. Et ce n’est que le début. En fait, Blade : Trinity ne s’annonce déjà pas sous les meilleurs augures…
Après avoir fait ses débuts de réalisateur pour The Robbery (2002), il est finalement proposé à David S. Goyer de mettre en scène son deuxième long-métrage Blade : Trinity. Il est après tout l’homme présent depuis les débuts cinématographiques de Blade, mais capable du pire comme du meilleur. Né en 1965 dans le Michigan avant d’étudier au sein de la prestigieuse et sélective Université de Californie du Sud et d’être diplômé de l'USC School of Cinematic Arts, il rédige son premier script pour le film Coups pour Coups (1991) avec Jean-Claude Van Damme. S’en suivront Kickboxer 2 : Le Successeur (1991), le téléfilm Nick Fury (1998, avec David Hasselhoff dans le rôle-titre !) et Ghost Rider : L’Esprit de Vengeance (2012) pour le pire, Mission to Mars pour le passable (2000), puis les deux premiers volets de la saga Blade, la trilogie The Dark Knight (2005, 2008, 2012) et Man of Steel (2013) pour le meilleur. Il réalisera The Invisible (2007) et Unborn (2009) par la suite.
Actif pour la télévision également, il crée ou co-crée des séries qui ne dépassent pas la première saison comme Sleepwalkers : Chasseurs de Rêves (1997/1998), FreakyLinks (2000/2001) pour 20th Television, Blade (2006) ou encore la prometteuse FlashForward (2009/2010) pour ABC Signature. Créateur de la série Krypton (2018/2019, annulée au bout de deux saisons), la science-fiction et les super-héros restent son domaine de prédilection. Ambitieux, Goyer est néanmoins dans l’obligation de revoir ici sa copie mettant en scène une Terre envahie et dominée par les vampires des décennies plus tard, jugée trop sombre et onéreuse par les studios. Il décide alors de confronter Blade au non moins célèbre Comte Dracula créé par Bram Stoker en 1897 (qui donne son prénom au personnage d’Abraham Whistler pour rappel), que le Diurnambule côtoyait déjà sur le papier dans Tomb of Dracula au début des années 70, avant d’avoir son propre comic éponyme.
Après un premier épisode urbain et réaliste à Chicago, puis un second underground et horrifique à Prague, Blade : Trinity - qui puise l'inspiration dans l’œuvre originale - marquerait-il un retour aux sources de la franchise ? Dans un sens oui, mais non sans mal. Retour aux États-Unis et aux créatures huppées insérées dans la société certes - la dimension politique en moins - mais avec (encore) un nouvel angle d’approche. Malheureusement bien plus fun, léger et dans l’ère du temps qu’à l’accoutumée, quitte à dénaturer l’essence même du protagoniste. Exit donc l’univers sombre ainsi que la solitude forcée et assumée qui confère à Blade une aura et un charme si particuliers : place à la lumière du jour et à sa rencontre avec le groupe des Chasseurs Nocturnes (Nightstalkers en version originale), jeunes guerriers armés d’une technologie de pointe pour éradiquer les vampires. Pourquoi ? Après tout, pourquoi pas ! Un choix discutable auquel n’adhèrent cependant pas Wesley Snipes et Kris Kristofferson.
Duo inséparable depuis Blade, la présence de bien trop de nouveaux personnages leur déplait. Né en 1962 en Floride, Wesley Snipes incarne pour la troisième fois le héros qui lui est cher. Avec un soupçon de rancœur tout de même. Blade ne dispose plus de sa petite pointe d'humour et se veut encore plus taciturne que d'habitude. Il n'a jamais été beau parleur après tout, mais si son indéniable et inébranlable charisme reste intact, il peut sembler réellement antipathique cette fois-ci. Reflet de ce qui se passe à l’écran, Snipes, même producteur, n’adressera quasiment pas la parole à David S. Goyer durant le tournage. Quant à Whistler, le miraculeux rescapé (à deux reprises), il casse sa pipe... définitivement cette fois-ci, le temps de dire à son protégé qu'il ne peut gagner cette guerre seul. Vraiment dommage de priver Blade et le public d’une figure fort appréciée grâce à la personnalité du compositeur, chanteur country et acteur Kris Kristofferson.
Mettre en scène une nouvelle facette du comic avec les Nightstalkers est à la base une manière intelligente d'aborder autrement la mission et les rapports humains de Blade. Mais c'est un énorme micmac scénaristique qui voit le jour. Initialement rassemblée par Docteur Strange (encore absent du grand écran à l'époque), l'équipe est normalement constituée de Blade, du détective privé et ancien vampire Hannibal King, ainsi que du descendant de Dracula et richissime playboy Frank Drake. Dans Blade : Trinity, le héros déjà peu présent ne fait jamais partie des Chasseurs Nocturnes et ne développe pas une amitié avec Hannibal comme sur le papier. King, qui n'a plus comme créateur Deacon Frost (le vilain de Blade) mais Danica Talos (qui ramène ici Dracula « à la vie »), conserve sa condition d'ancien vampire mais n'a rien d'un détective privé. Drake, quant à lui, déserte le groupe au profit d'un nouveau personnage et perd son identité pour devenir tout simplement l'antagoniste du film.
La confrérie portée par trois guerriers maudits n'a donc plus rien à voir avec celle présentée dans le long-métrage, plus jeune, plus insouciante, plus moderne, plus grande également. Trop. L’humoriste Patton Oswalt, voix de Rémy dans Ratatouille (2007), Ron Selmour, vu dans Tron L'Héritage (2010), et Natasha Lyonne, aperçue dans Ad Astra (2019), complètent bien trop discrètement et furtivement le groupe des Chasseurs Nocturnes. Juste le temps de présenter la composition de cette nouvelle organisation secrète, leur artillerie lourde et leur « Étoile Diurne », arme ultime et de destruction massive contre les vampires (enfin à moyenne portée), dont l'ADN de Dracula manque à l'appel pour être totalement efficace. La transition avec la disparition de Whistler se fait certes facilement, mais comble de l’ironie, ces nouvelles têtes n'ont pas le temps d'être développées davantage et ne sont finalement pas forcément mieux traitées que celles sacrifiées… et les autres à venir.
C'est donc une figure inédite qui complète le trio, à l'image de Whistler absent des comics et inventé de toute pièce pour le cinéma. Fort heureusement, le dynamique duo star formé d’Abigail Whistler et d’Hannibal King fonctionne à merveille. Whistler ? N’avait-il pas perdu femme et enfants, massacrés par les vampires ? Oui ! Abigail n’est autre que sa fille illégitime, entraînée depuis son adolescence pour marcher sur les traces de son père. Symbole de relève et d’héritage familial, elle est préférée à l'héroïne Rachel Van Helsing, descendante du célèbre chasseur de vampires et présente elle aussi dans Tomb of Dracula, abandonné quand est annoncée la sortie de Van Helsing la même année. Protagoniste physique qui préfère l’action à la parole, rien d’étonnant à ce qu’elle devienne le nouveau lien de Blade, quand lui fait office de mentor envers sa cadette. Pas surprenant également que la belle, figure sexy experte en arts martiaux et au tir à l’arc, prédomine finalement l’écran.
C’est étonnamment la jeune Jessica Biel, née en 1982 dans le Minnesota et en quête d’émancipation depuis la série familiale et pleine de trop bons sentiments Sept à la Maison (1996/2007) qui incarne la forte mais vulnérable Abigail. Après un photoshoot sexy pour le magazine Gear (2000) afin de tenter de se retirer de la série et le sulfureux Les Lois de l’Attraction (2002), elle est l’héroïne du remake Massacre à la Tronçonneuse (2003) avant d’être choisie pour Blade : Trinity, dans lequel elle est ravie d’être l’égal de l’Homme. Et elle ne déméritera pas ! Récompensée d’un Young Artist Award de la Meilleure Actrice pour le drame L’Or de la Vie (1997), Madame Justin Timberlake depuis 2007 et officiellement depuis 2012, poursuit sa carrière au cinéma - Valentine’s Day (2010), Total Recall : Mémoires Programmées (2012), Hitchcock (2012) - avant de retourner sur le petit écran avec The Sinner (2017) qui vaut à Biel une nomination à l’Emmy Award de la Meilleure Actrice dans une mini-série ou téléfilm.
À ses côtés, Hannibal King est donc une recrue beaucoup moins dramatique, allégé de son historique palpitant pour devenir la nouvelle et incontournable (certains diront dispensable) figure comique de la saga disposant d’un capital sympathie et d’un humour féroce (certains diront lourd). Colin Farrell (Dans l'Ombre de Mary - La Promesse de Walt Disney, Dumbo), qui a déjà participé à une œuvre Marvel avec Daredevil, refuse le rôle. Il revient ainsi à Ryan Reynolds, né en 1976 à Vancouver et lui aussi découvert à la télévision dans les téléfilms Sabrina, l’Apprentie Sorcière (1996) et Des Vacances Mouvementées (1998) pour The Wonderful World of Disney, avant d’obtenir le rôle principal d’Un Toit pour Trois (1998/2001) de 20th Television. Lauréat d’un Young Hollywood Award de la Meilleure Révélation Masculine pour American Party (2002), c’est après quelques films et une apparition dans Scrubs : Toubib Or Not Toubib (2002) qu’il rejoint l’équipe de Blade : Trinity.
Au sein des studios Disney - avec La Proposition (2009) de Touchstone - il est désormais le seul et unique Deadpool depuis son apparition toutefois ratée dans X-Men Origins : Wolverine (2009), mais parfaitement rattrapée dans Deadpool (2016) et Deadpool 2 (2018). Déjà fort jovial et roi de la répartie comme le connaît désormais le public, il improvise ici beaucoup et n’hésite pas à réécrire ses punchlines. Et si Reynolds s’entend très bien avec sa camarade de jeu - telle la relation frère/sœur qu'entretiennent Hannibal et Abigail - il affirmera par la suite ne jamais avoir eu l’occasion de rencontrer Wesley Snipes, mais uniquement Blade ! Point d'amitié à l'écran, point d’amitié en coulisses également. Bien qu’éminemment sympathique, dommage que l’histoire initialement fouillée de son homologue dans l’œuvre originale ne soit pas reprise ou que ce nouveau rôle ne soit pas plus étoffé afin de lui donner un peu plus de consistance, autrement qu'avec ses multiples vannes et sa plastique parfaite.
Blade : Trinity commence pourtant sur les chapeaux de roue. Après la rapide libération de Dracula, le spectateur retrouve sans surprise Blade en pleine virée nocturne, avec au menu combat dans un bain de cendres puis course-poursuite effrénée à bord de sa fidèle Dodge Charger. Une scène abandonnée lors du précédent tournage que Davis S. Goyer tenait à incorporer ici et qui débouche sur un nouvel enjeu. Décrié par l’éminent psychiatre Edgar Vance (John Michael Higgins) qui voit en lui un sociopathe qui s’accroche désespérément au mythe du vampire et traqué par les agents du FBI (James Remar notamment) après avoir été piégé et filmé en train de tuer à son insu un humain (en réalité un adepte à la solde des vampires), Blade devient l’ennemi numéro un. Une condition oppressante plus que captivante à l'encontre du Diurnambule mais vite relayée au second plan, comme les personnages de cet arc, au profit de la trame principale : la résurrection de Dracula, alias Drake.
Ce nom - en entier, pas ce ridicule et trop moderne diminutif - avait de quoi faire frémir et donner à Blade un vilain à la hauteur de sa réputation après l’ambitieux Deacon Frost puis l’ancestral Eli Damaskinos. Campé par le caricatural Dominic Purcell - acteur anglais né en 1970 à Wallasey et connu pour sa participation à Prison Break (2005/2009 et 2017) - Drake est finalement l’antagoniste le moins intéressant de la trilogie et malgré sa stature, n’arrive jamais à la cheville de ses prédécesseurs. Même la snob et blasée Danica, ironiquement dispensable, lui vole la vedette ! Parker Posey - née en 1968 à Baltimore et reconnue dans le cinéma indépendant (Goyer souhaitait des comédiens venant d’horizons différents) avant de se diversifier avec Scream 3 (2000) et Superman Returns (2006) - surjoue avec théâtralité, mais incarne parfaitement la revêche et hystérique vampire, aussi cruelle qu’effrayante, que drôle et ridicule, face à sa fidèle cour et son ancien jouet qu’est Hannibal.
Si le traitement des différents aspects de la narration et des multiples personnages laisse à désirer, repositionner Blade : Trinity à l'époque contemporaine et non dans un univers apocalyptique permet au scénariste et réalisateur de proposer comme il le souhaite des scènes d’action modernes et encore plus délirantes. Chose promise, chose due, le spectacle est quant à lui à la hauteur des attentes. Mais à l’ère de la révolutionnaire trilogie Matrix adepte de câbles et d’effets numériques, l’équipe souhaitait revenir aux bons vieux combats et autres explosions réelles à l’ancienne. C’est chose faite ! L’action est omniprésente, brute, sans fioritures mais efficace, permettant à chacun pour une fois de disposer de son moment de bravoure, seul ou en équipe. Les effets spéciaux (toujours meilleurs) servent ici principalement à donner la mort aux vampires et donner vie aux armes high-tech voulues designs et futuristes (à l’époque), comme les balles à rayons ultraviolets ou l’arc laser d’Abigail.
Pour parvenir à cette authenticité, la préparation des acteurs débute trois mois avant le tournage à raison de sept jours sur sept. Wesley Snipes, déjà expert en la matière n’apporte donc pas de changement à sa routine composée d’arts martiaux et de yoga. Si les plus jeunes sont également en bonne condition physique, chacun reçoit tout de même un entraînement spécifique. Hannibal étant un simple bagarreur des rues, Ryan Reynolds se muscle et suit un régime riche en glucides pour prendre du poids (une dizaine de kilos) et réduire sa masse graisseuse (3%, au lieu de 10 à 25% en moyenne), tout en s’initiant à la boxe. Abigail étant par contre formatée et surentraînée, Jessica Biel mixe près de quatre heures de sport par jour, entre cardio et musculation pour redessiner un corps déjà parfait, kick-boxing pour préparer ses combats puis tir à l’arc, ce que l’apprentie archer trouvera le plus difficile. Volontaire et studieuse, elle se montre plus douée que l’équipe - et sûrement le public - ne le pensait.
L’esthétique ayant toujours fait partie de l’identité de la saga, Blade : Trinity est également une réussite techniquement parlant. Le directeur de la photographie Gabriel Beristain rempile après son magnifique travail effectué sur Blade II. Place à un environnement urbain et vivant cette fois-ci, que l’équipe capture dans la ville hétéroclite de Vancouver, choisie pour sa vivacité. Les vampires trônent toujours sur les toits de la ville, le monde à leurs pieds, mais leur repaire nécessite la construction d’un décor volumineux dans le plus grand studio de la ville, aussi bien en hauteur qu’en largeur, pour le combat final aux multiples affrontements. Il faut en effet de la place à l’armée de Danica pour se faire massacrer par Abigail, quand Hannibal se charge de son colossal bras droit Jarko - le catcheur Triple H dans son premier film - que les studios ont estimé suffisamment intéressant pour développer son rôle (ce n’était vraiment pas nécessaire), avant le duel final entre Blade et Drake.
Pour immortaliser ces prouesses horizontales et verticales simultanées sur plusieurs niveaux, six à huit caméras sont toujours en mouvement pour être au cœur de l’action. Parfois un peu trop… Quand Jessica Biel - à dix mètres de distance et à quinze mètres du sol - doit tirer une flèche décisive vers une caméra protégée de toute part de plexiglas, excepté sur quelques centimètres devant l’objectif, la comédienne parfaitement entraînée atteint la lentille de l’appareil, d’une valeur de 300 000 dollars. Sans rancune de la part de la production. Pour le reste et sublimer l’image, un gros travail sur les couleurs et les contrastes est apporté pour rehausser certains tons, le rouge et le noir en tête bien évidement. De même que les tons rouille et terre rappellent l’aspect sommaire des résistants, quand la lumière du verre et du métal reflètent la quintessence et la supériorité des vampires. Une jolie manière de mettre en avant les décors, un protagoniste en particulier ou les lames lors de combats à l’épée.
Petite nouveauté au niveau des costumes. Laura Jean Shannon - Iron Man (2008) et Le Livre de la Jungle (2016) - intègre avec succès l’équipe pour donner du style à l’ensemble du casting. Soucieuse d’aider les acteurs à prendre possession de leurs personnages, elle souhaite cependant ne pas copier ce qui a déjà été fait et préfère adopter à juste raison un style plus multiculturel pour Blade : Trinity en créant ou assemblant des pièces d’origines variées. Légèrement plus coloré également ! Blade porte ainsi du rouge sang en plus du noir habituel qui renvoie la lumière. Point d’uniforme de super-héros pour Ryan Reynolds, mais des vêtements actuels, adaptés et personnalisés, telle la veste de jockey anti-chute d’Hannibal assortie de messages provocants ou ironiques telle la cible peinte dans le dos qu'il aborde. Fausse note par contre pour le roi des vampires, affublé de chemises ouvertes et de bijoux de pacotille indignes de son rang. Lui qui ne devait pas paraître trop branché…
De son côté, Danica assure un vrai défilé avec des pièces modernes et ethniques emplies d’Histoire inspirée d’autres lieux et d’autres époques (venant de New York tout simplement). Un sens de la mode sûrement acquis au fil des décennies. Elle porte beaucoup de vert et de bleu pour se marier parfaitement avec l’éclat des lentilles de porte Parker Posey, qui insiste également pour porter de la fourrure (vraie ou fausse ?) afin de souligner la cruauté de son avatar. Enfin, pour la demoiselle, la coutumière offre à Abigail un look beaucoup plus « bande dessinée », composé de cuir bien évidemment, de petits hauts courts inévitablement, et de treillis pratiques pour être à l’aise dans ses mouvements, rappelant la dégaine nonchalante de son défunt paternel. Mention spéciale à la veste couvrante dont les manches se dézippent pour libérer l’archer quand le moment vient de tirer à l’arc. Elle porte également beaucoup de rouge pour souligner le nouveau lien qu’elle tisse avec Blade.
Si les choix en matière d'équipement de la chasseuse - qui ne se bat pas sans son iPod et ses playlists maison - sont seyants, il n’en est rien concernant ses goûts musicaux. La bande originale de Blade : Trinity souhaitée par David S. Goyer est en effet composée d'un mix bancal peu entêtant.
D'une part, la partition originale de Ramin Djawadi, artiste allemand d’origine iranienne né en 1974 à Duisbourg, est somme toute classique et rapidement oubliée. Blade n’a d'ailleurs toujours pas le droit à un thème digne de son nom. Diplômé de la Berklee College of Music de Boston et collaborateur du grand Hans Zimmer, il commence par composer la musique additionnelle de Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl (2003) avant de se consacrer à Prison Break (nommé aux Emmy Awards en 2005), Iron Man (2008), Pacific Rim (2013), Un Raccourci dans le Temps (2018) ou encore Game of Thrones (2011/2019). Il retrouvera d'ailleurs Goyer pour la série Blade et FlashForward.
D'autre part, le compositeur est tenu de collaborer avec le rappeur et producteur RZA, en charge d'incorporer à l’œuvre des morceaux urbains. Né en 1969 à Brooklyn, Robert Fitzgerald Diggs de son vrai nom a notamment signé la musique de Kill Bill : Volume 1 (2003), avant de devenir un producteur reconnu en plus de toucher à la comédie, à l'écriture, ainsi qu'à la réalisation. Retour donc au hip-hop cliché et bruyant introduit dans les rues de Blade, délaissé pour un rythme techno plus approprié dans les souterrains de Blade II, pour rappeler que le Diurnambule est avant tout et pour toujours un gars des rues ainsi qu'un dur à cuire. Certes, la musique urbaine et la musique d'orchestre peuvent faire bon ménage, mais pas ici. Et si Djawadi, débutant à l’époque, est ravi de cette collaboration pour le moins audacieuse, rien de bon et d'élégant n'en ressort vraiment. Constat ironique quand Goyer affirme qu'une mauvaise bande originale peut couler à elle seule un film...
Après toutes ces péripéties, Blade sort les crocs à la date inappropriée du 8 décembre 2004 aux États-Unis et en France - tout juste le lendemain de son avant-première à Hollywood - avec comme à l’accoutumée une interdiction aux moins de 17 ans non accompagnés outre-Atlantique et aux moins de 12 ans en France. Une sortie estivale pour ce volet aux allures de blockbuster lui aurait peut-être plus profité, car les critiques sont majoritairement négatives et ce dernier ne réalise qu'un peu plus de 52,4 millions de dollars de recettes sur le territoire américain (soit 30 millions de moins que l'opus précédent). Telle Abigail qui trouve le temps de se laver durant le long-métrage (sic), c’est la douche froide pour Blade : Trinity qui réalise le plus petit score de la trilogie avec 128,9 millions de dollars de recettes mondiales (131 millions pour le premier et 150 pour le second) avec un budget plus conséquent mais pas délirant de 65 millions de dollars (45 millions pour le premier et 54 pour le second).
Exit donc le projet d’un Blade 4 ou du spin-off basé sur les Chasseurs Nocturnes. Goyer n’avait d’ailleurs suggéré qu’une trilogie aux studios durant l’ébauche de Blade en 1994. Et s’il est le premier à dire qu’une bonne suite est rare - défi pourtant relevé haut la main avec Blade II - il admet qu’un troisième acte l’est encore plus - à raison car Blade : Trinity sera son dernier (avant sa tentative télévisuelle). Et ce n'est pas la bonne idée abandonnée du premier épisode incorporée ici, soit la monstrueuse banque du sang composée d'humains inconscients qui peuvent alimenter les vampires à perpétuité, la dispense d'une scène de sexe inutile entre Blade et Abigail, ou l'existence de deux fins alternatives pas meilleures que celle diffusée au cinéma, qui changent la donne. Car malgré la rumeur persistante de l'époque, dans aucune des trois versions, Blade ne meurt. Il continue de sillonner le monde pour mener à bien son éternelle mission dans un épilogue bâclé et indigne avec cette conclusion forcée.
Blade : Trinity est tout de même nommé au Saturn Awards 2005 dans la catégorie Meilleur Film d’Horreur… qu’il n’est absolument pas. Décidément ! Et pour la postérité, le premier à bénéficier et afficher le célèbre logo Marvel au début du long-métrage, dans lequel tout n'est pas forcément à jeter. Pas franchement bon mais pas totalement mauvais non plus, il est juste et malgré-lui à la marge de la saga. S'il avait pris un peu de distance ou assumé un détachement certain avec les films précédents - rebaptisé Nightstalkers : The Blade Legacy par exemple - peut-être que cet opus finalement sympathique et décomplexé chargé d'humour aurait bénéficié d'un regard davantage bienveillant, plutôt que d'être perçu et catalogué comme la pâle et maladroite ultime mission du grand Blade. Peut-être également que le projet de reboot annoncé en 2019 avec Mahershala Ali (Alita : Battle Angel) redonnera ses lettres de noblesses au Diurnambule. Beaucoup de « peut-être » en effet...
En attendant, que reste-il de Blade : Trinity ? Une nouvelle version d'un héros déchu obligé de faire équipe avec un binôme détonant, confronté à un monde réaliste et fataliste qui ne veut pas de lui, face au premier vampire de son espèce. Une belle promesse gâchée en partie par un protagoniste presque absent porté par un Wesley Snipes moins investi que d’ordinaire, mais rattrapée par l’enthousiasme communicatif offert par le duo Jessica Biel/Ryan Reynolds. Une conjoncture dramatique tout juste effleurée, au profit d'un rythme beaucoup plus soutenu et porté sur l'action. Et au final, un antagoniste bien vide et à peine menaçant - aussi bien dans sa version humaine que dans sa forme originelle rougeoyante à la mâchoire copiée sur celle des faucheurs du second volet - (sup)porté par Dominic Purcell, a contrario de la très habitée Parker Posey. Les têtes tombent cependant pour remplir le contrat, bien plus que les deux premiers épisodes réunis promet le réalisateur.
Pourquoi regarder Blade : Trinity alors ? Œuvre somme toute divertissante mais qui fait office de mauvaise conclusion. Parce qu'il est tout de même possible d'y trouver son compte et de passer un bon moment malgré ses défauts. D’assister à l'ultime personnification de Blade par Wesley Snipes. Et d'être témoin des supers « débuts » au cinéma de Jessica Biel (surprenante) et Ryan Reynolds (qui trouve ici sa ligne de conduite pour les années à venir). Ce n’est déjà pas si mal après tout.