Deadpool 2

Titre original :
Deadpool 2
Production :
Marvel
20th Century Fox
Date de sortie USA :
Le 18 mai 2018
Genre :
Fantastique
IMAX
Réalisation :
David Leitch
Musique :
Tyler Bates
Durée :
119 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Deadpool essaye de protéger un mutant adolescent que le mystérieux Cable, venu du futur, cherche à abattre...

La critique

rédigée par
Publiée le 24 juin 2018

Après son succès fulgurant en 2016, le personnage le plus irrévérencieux de l'univers Marvel revient sur les écrans en mai 2018 avec Deadpool 2. La recette reste la même : de la violence, du trash, du vulgaire et une bonne dose de méta. Un spectacle jouissif mais qui pèche par sa sagesse. Deadpool prétend casser des codes qu'il suit pourtant encore trop à la lettre !

Wade Wilson, alias Deadpool, existe ainsi comme une mauvaise blague. Au point que même son design et son nom de famille soient empruntés au célèbre tueur à gage (beaucoup moins déjanté) Slade Wilson alias Deathstroke de la Distinguée Concurrence, DC Comics !
Le personnage n’en finit pas en réalité de surprendre son monde. Il continue à développer son incroyable popularité alors même qu’il ne colle pas à la politique éditoriale contemporaine de Marvel Comics qui s’inscrit beaucoup plus dans la recherche de complexité narrative et de comics d’auteur, aux récits toujours plus cérébraux et triturés. Brut de décoffrage, Deadpool apparaît dès lors totalement en décalage avec le reste de l’univers. Il est même cet incroyable personnage conscient d’être le héros d’un comics, brisant le quatrième mur à la moindre excuse et pouvant aller jusqu’à voyager dans le monde réel pour y abattre ses propres auteurs du moment ! Ce qui n’est qu’une marque de folie pour le reste des héros de l’univers Marvel est, pour lui, une proximité entre le personnage et le lecteur. Il est en réalité le recul dont a besoin l’univers Marvel qui se prend bien trop souvent au sérieux : il est la claque dans le dos qui rappelle que toutes ses planches ne sont que du divertissement, sans toutefois immiscer cela de force puisque la démarche se limite aux séries où il apparaît. Deadpool est ainsi à prendre pour ce qu'il est : un défouloir fun et jouissif aussi bien pour les lecteurs que les artistes à l'œuvre sur lui.

La carrière du personnage à l'écran est tout aussi unique. Il sert en premier lieu de second couteau dans X-Men Origins : Wolverine : le résultat est catastrophique et le personnage incarné par Ryan Reynolds perd alors toute sa substance. La réaction des fans est catégorique : 20th Century Fox l'a massacré ! Conscient de l'hérésie coupable, l’acteur, aidé du réalisateur Tim Miller annonce vouloir faire amende honorable avec une nouvelle adaptation au cinéma du personnage, fidèle cette fois-ci à sa définition dans les comics. Pour convaincre les dirigeants du studio, Tim Miller réalise donc en 2011 une courte vidéo ayant pour objectif de montrer à quoi l'opus pouvait ressembler. Deadpool y affronte des criminels dans une voiture et la vidéo respecte à la lettre les caractéristiques du personnage. Fox et Marvel sont toujours aussi hésitants. La mode est, en effet, aux films de super-héros familiaux et un mercenaire ultra violent faisant des blagues de mauvais goût n’est pas vendeur. Mais le public répond présent et encense la scène lorsque celle-ci fuite sur la toile. Ryan Reynolds monte alors au créneau pour défendre le projet que 20th Century Fox accepte finalement de produire. Certes le budget est dérisoire mais le ton est libre. Le film écope ainsi d’une classification R l'interdisant aux moins de 17 ans non accompagnés aux États-Unis. En 2016, Deadpool sort donc sur les écrans et devient, à la surprise générale, le film de la franchise X-Men ayant rapporté le plus au box-office : 363 millions de dollars sur le sol américain, loin devant X-Men - L’Affrontement Final (234 millions) et X-Men : Days of Future Past (233 millions). À l’international, le résultat est tout aussi excellent : 783 millions de dollars, devant X-Men : Days of Future Past et ses 747 millions. Avec son budget ridicule de 58 millions de dollars, Deadpool est donc le film de la franchise X-Men le plus rentable, et ce, alors même qu’une partie du public ne pouvait y avoir accès en raison de sa classification dans certains territoires.

Le pari est réussi : les films de super-héros violents peuvent marcher ! Tous les studios veulent alors et évidemment une part du gâteau et les annonces de films classés R se multiplient : Sony lance Venom qui doit lancer un univers partagé autour de l’univers de Spider-Man sans Spider-Man. Millennium Films produit un reboot d’Hellboy et Blumhouse Productions décide d’adapter Spawn, la création ultra glauque de Todd McFarlane dans les années 90.
20th Century Fox, précurseur d’une nouvelle mode, entend rester dans la course et adapte une stratégie cohérente pour son catalogue de super-héros : des films familiaux avec les X-Men et des films plus violents, aux budgets moins importants selon les personnages adaptés. Logan bénéficie ainsi de l’aura de Deadpool puisque James Mangold peut offrir à Wolverine et son interprète Hugh Jackman un dernier opus crépusculaire superbe qui laisse éclater la rage et la violence du personnage. Là aussi, le pari est relevé. Deadpool a, quant à lui, naturellement droit à une suite tandis qu' X-Force, un film mettant en scène Deadpool et d’autres personnages, est en préparation.

Deadpool 2 sort ainsi en 2018. Le film dispose du double du budget par rapport au précédent et reste dans le même style. Deadpool 2 c’est Deadpool mais en mieux. L’écriture y est plus soignée, et les personnages disposent d’un meilleur traitement. L’histoire est moins linéaire et avec plus de moyens, l'opus parvenant à proposer une diversité de lieux qui change des autoroutes mornes du premier. La formule reste néanmoins la même : Deadpool affronte des méchants entre deux blagues métaphysiques qui se moquent des films de super-héros ou de l’Hollywood actuel. Mais le plaisir est là et malgré une baisse de rythme lors du deuxième acte, le spectacle offert, grossier et lourd sur les bords, arrive à décrocher sourires et rires tout du long.
Wade « Deadpool » Wilson, cancéreux munit d’un facteur auto-guérisseur vit désormais paisiblement avec Vanessa tout en découpant divers criminels anecdotiques quand la venue du futur du mystérieux Cable le pousse à protéger un jeune garçon obèse et vulgaire qui dispose de dangereux pouvoirs. Derrière une histoire somme toute basique se cache ainsi un film surprenant qui sait proposer de très bonnes idées. Son principal défaut vient finalement du fait qu' il a, malgré tout, bien du mal à franchement briser les codes. Deadpool 2 se veut timide quand il pourrait être renversant. Moins que le premier qui était vraiment linéaire et sans surprise mais suffisamment pour créer de la frustration. Deadpool est ici encore trop sage, pas assez ambivalent et loufoque. Le personnage se cherche et mérite assurément un troisième opus pour véritablement faire exploser toute sa folie.

La réalisation du film est confiée à David Leitch, qui s'est fait remarquer récemment en co-réalisant John Wick en 2014 avec Chad Stahelski et Atomic Blonde en 2017 ; deux films intéressants dans leurs façons de montrer l'action. David Leitch est un ancien cascadeur, il aborde donc les scènes d'action avec une attention toute particulière. Les chorégraphies sont soignées, mais surtout, d'une lisibilité incroyable. Avec pareil traitement, Deadpool 2 aurait pu facilement sortir du lot des blockbusters modernes qui ne savent pas toujours bien filmer l'action, avec des coupures permanentes et une caméra tremblante. Malheureusement, le réalisateur passe un peu à coté de son sujet et n'arrive pas à proposer quelque chose de fort visuellement. Certains combats sont assez nerveux et la violence qu'offre le film ajoute à cette sensation, mais dans l'ensemble les scènes auraient pu être bien plus marquantes. Par contre, Deadpool utilise bien plus souvent ses katanas et laisse de coté les armes à feux. De quoi offrir à certains combats une bonne dose de violence sanglante. Pour le reste de sa mise en scène, David Leitch s’en sort avec les honneurs, loin de la platitude de Tim Miller !

Là où Deadpool 2 arrive à surprendre, c’est dans sa capacité à proposer des scènes émouvantes. Malgré le ton absurde de l'opus, certains moments sont, en effet, plus poignants et créent une vraie empathie pour les personnages. À ce titre, la relation entre Wade et Vanessa, déjà au cœur du premier film, continue à très bien fonctionner à l’écran. Ryan Reynolds et Morena Baccarin offrent ici une belle alchimie à la fois romantique et sexy.
Les personnages disposent quasiment tous de beaux moments de bravoure. Le film sait les utiliser et mettre en valeur ses protagonistes. Les nouveaux arrivants volent d'ailleurs presque la vedette à un Ryan Reynolds qui continue de beaucoup s’amuser dans ce rôle improbable et qu’il tient pourtant de main de maître.

Naturellement, Cable est au centre du récit. Ce personnage créé par Chris Claremont dans Uncanny X-Men #201 en 1986 est le fils du X-Man Cyclope, Scott Summers. Dans Deadpool 2, Cable arrive donc d’un futur apocalyptique dans le but d’empêcher certains drames de se produire, se lançant ici à la poursuite d’un enfant qu’il sait responsable. Le personnage apparaît vite ambigu, solitaire et morose. Si Josh Brolin qui lui prête ses traits se révèle bien moins imposant que la version papier, il est suffisamment charismatique pour convaincre totalement dans le rôle. Le comédien vit manifestement une année importante dans sa carrière puisqu’il est aussi à l’affiche du mastodonte Avengers : Infinity War où il y sublime Thanos.
Firefist, le jeune garçon poursuivi, est, pour sa part, interprété par Julian Dennison. Son caractère insupportable, totalement vulgaire et obscène, ajoute un humour noir au film bien appréciable.

Mais la seconde révélation s’appelle Zazie Beetz ! Cette actrice méconnue joue Domino, une mutante qui dispose d’un pouvoir la rendant chanceuse à tout moment, lui permettant de se sortir de toute les situations sans mal : la Gontran Bonheur de l’univers Marvel en somme ! L’actrice apporte un charme indéniable au personnage et ce malgré les critiques dont elle a été victime lors de son annonce au casting. Domino est, dans les comics, de couleur blanche avec une tâche noire sur l'oeil : d'où le pseudonyme Domino. Dans Deadpool 2, l'actrice noire a une tâche blanche sur l'oeil. Évidemment, le changement de couleur a suscité l'indignation de plusieurs fans alors que ce débat est d'une stérilité absolue. Domino ne se caractérise, en effet, pas par sa couleur de peau mais bien par cette tache sur le visage ! Une seule chose importe : Zazie Beetz est suffisamment douée pour offrir au personnage une très belle première adaptation à l'écran ! 

Concernant la musique, la partition de Tyler Bates se fait discrète : ce qui en ressort le plus sont ainsi les morceaux qui accompagnent le film à commencer par Ashes, composé spécialement pour le long-métrage et interprété par une Céline Dion habitée. La reprise acoustique de Take on Me d’a-ha a, en outre la bonne idée de s'inviter au moment opportun pour suffisamment marquer les esprits.

Deadpool 2 dispose certes d'un budget supérieur au premier mais pas de quoi rivaliser avec les grosses productions super-héroiques. Les effets sont ainsi plus nombreux mais la plupart affichent déjà un coté désuet et kitsch qui sied d'ailleurs plutôt bien au film. Deadpool peut être fauché, l’intérêt n‘est pas là ! Il se trouve dans des blagues métas, des caméos improbables ou ce quatrième mur toujours brisé aussi facilement par le personnage. Avoir conscience de son statut d'être de fiction a du bon et donne forcément au personnage une aura que les autres ne peuvent avoir. Le public répond évidemment à l'appel du mercenaire disert et permet, en une vingtaine de jours, à Deadpool 2 d'engendrer 280 millions de dollars sur le sol américain. De quoi devenir le deuxième plus gros succès de la franchise X-Men derrière... Deadpool !

Deadpool 2 est une blague salace qui sait être surprenant et émouvant par moment. La recette fonctionne toujours bien même si le genre n’est pas encore révolutionné. Un plaisir coupable et assumé mais qui n’arrive pas à briser les codes comme il le devrait. Il ne reste pas moins un défouloir satisfaisant du personnage indéniablement le plus dément de l’univers Marvel !

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