Rêves Productions

Rêves Productions est une série dérivée de la franchise Vice-Versa se déroulant chronologiquement entre le premier film et sa suite, Vice-Versa 2.

Le premier Vice-Versa est sorti le 19 juin 2015 après avoir eu droit à une avant-première présentée le 18 mai 2015 en sélection officielle, hors compétition, lors du 68^e Festival de Cannes. Les critiques plébiscitent alors le film, saluant son inventivité, son univers et ses personnages. Il gagnera d'ailleurs l'Oscar du Meilleur Film d'Animation tout en étant nommé pour celui du Meilleur Scénario Original. Le public n'est pas en reste puisque le long-métrage de Pixar est devenu un immense succès commercial rapportant par moins de 857 millions de dollars dans le monde dont 356 rien qu'aux États-Unis. En France, il rassemble plus de 4,5 millions de spectateurs dans les salles. Au-delà de son triomphe au cinéma, il va aussi rentrer dans l’inconscient collectif auprès de toute une génération qui utilisera ses nombreux concepts pour expliquer ses propres émotions. Les personnages vont ainsi devenir des « mèmes » populaires sur les réseaux sociaux. Pourtant, malgré son succès, il faudra attendre neuf ans pour qu'une suite voit le jour ; le temps que la génération l'ayant découvert grandisse. La seule tentative de lancement d'une franchise aura lieu lors de la sortie en vidéo du premier film qui inclut en bonus un court-métrage dérivée, Premier Rendez-Vous ?. Le développement de Vice-Versa 2 commence lui officieusement en 2020 tandis que le studio annonce officiellement sa mise en chantier en 2022 lors de la D23 Expo.

Vice-Versa 2 sort finalement le 14 juin 2024. Les critiques sont alors très majoritairement enthousiastes, actant certes l'absence de surprises mais saluant les nouvelles émotions qu'amène le film. Il se produit alors un miracle cinématographique comme il y en a peu, seulement un ou deux par an : un film explose les prévisions et reçoit un plébiscite dithyrambique du public. C'est bien simple, la suite est un véritable raz-de-marée rapportant dans le monde 1,698 milliard de dollars - le 8^e box-office de tous les temps - dont 653 rien qu'aux États-Unis - le 11^e de tous les temps. Dans les deux cas, cela en fait le plus gros succès pour le studio de Luxo Jr.. En France, le succès n'est pas en reste ; le film récoltant plus de 8,4 millions d'entrées - le deuxième résultat pour un Pixar après les 9,3 millions d'entrées du (Le) Monde de Nemo.

Le showrunner de la série Rêves Productions, Mike Jones, est par ailleurs également le créateur, le scénariste, le producteur et le réalisateur d'un épisode. Né le 1^er juin 1971 à San Antonio au Texas, il fait ses études à la Tisch School of the Arts de l'Université de New York. Il débute ensuite sa carrière en tant que journaliste de divertissement en devenant rédacteur en chef de Filmmaker Magazine et du site web IndieWire. Son premier scénario, EvenHand, est produit en 2001 et projeté dans différents festivals. Il écrit par la suite des scénarios pour différents studios dont Columbia Pictures, United Artists, HBO, Warner Bros. Pictures, Sony Pictures Animation, Searchlight Pictures ou Metro-Goldwyn-Mayer. Il se charge également d'écrire les adaptations anglaises des films du Studio Ghibli Le Vent se Lève et Le Conte de la Princesse Kaguya. Il débute finalement sa carrière chez Pixar en 2012 en tant que scénariste saisonnier avant d'obtenir ce poste à plein temps sur les longs-métrages Soul et Luca.

Le développement de Rêves Productions commence en 2021 en parallèle de Vice-Versa 2. Le but est de profiter des moyens de production du long-métrage, en mettant en commun le matériel, la technologie et les artistes, ceci afin de gagner en efficacité et de limiter le budget. À l'origine, la série est en effet prévue pour s’étaler sur sept épisodes de vingt minutes tout en gardant la qualité visuelle et scénaristique d'un film, le tout pour moitié moins cher. La production est alors vraiment un casse-tête pour l'équipe en charge du projet surtout que le streaming est clairement la variable d'ajustement chez Pixar quand un problème arrive au studio. En effet, lorsque les longs-métrages Élémentaire, Elio ou Vice-Versa 2 ont eu des problèmes de développement, les artistes travaillant sur Rêves Productions ont dû stopper ce qu'ils faisaient afin d'être réquisitionnés pour aider leur collègues. Ainsi, au fur et à mesure que le projet avance, Mike Jones et ses équipes ne sont jamais certains s'ils arriveront à finir la série, surtout qu'au milieu du développement, une coupe est faite pour garder sous contrôle le budget qui augmentait malgré tout et le temps imparti aux projets qui lui rétrécissait. De sept épisodes, la série a alors été raccourcie à quatre de sorte que son format ressemble plus à celui d'un téléfilm découpé. Après maintes péripéties, la série est finalement terminée en mars 2024, soit quelques mois avant que Pixar annonce se focaliser désormais uniquement sur les longs-métrages et licencie 175 personnes dédiés à l'activité streaming.

Si le développement du projet a été chaotique, la série est passée complètement sous les radars aux yeux du public avant sa sortie qui s'attendait à une simple collection de courts-métrages sur le thème de Vice-Versa. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant les épisodes de vingt minutes et en se rendant compte de l'incroyable qualité de l'histoire, apte à plaire aussi bien aux enfants qu'aux adultes, peut-être même encore plus à ces derniers. La série adopte en effet le format d'un mockumentary, une parodie d'émission à mi-chemin entre le documentaire et la télé-réalité où les protagonistes s'épanchent sur ce qu'ils ressentent et surtout ce qu'ils pensent des autres devant la caméra. Elle ressemble ainsi à d'autres séries qui ont rendu le genre populaire comme The Office (2005), Modern Family (2009) ou Les Muppets (2015). La ressemblance avec celle de Kermit et ses amis est encore plus pertinente car, comme elle, l'action se déroule dans un studio de cinéma et de télévision où les artistes essayent de produire une œuvre qui changera leur carrière et les fera reconnaître au plus grand nombre. Les scénaristes de Pixar ont ainsi parfaitement réussi à retranscrire l'ambiance de ce studio hors-norme. Comme dans chaque environnement de travail, tout est question d'ego, d'ambition, de vision dépassée, de jeunes qui veulent prendre la place des vieux, de vieux qui ne veulent pas voir des jeunes leur faire de l'ombre, de managers qui n'écoute pas, d'équipiers qui se détestent... Et tout ça, en ayant pour cadre la fabrique des rêves de Riley !

La fabrique des rêves avait déjà été montrée dans le premier film lorsque Joie, Tristesse et Bing Bong tentaient de réveiller Riley en sabotant un rêve. Les spectateurs apprenaient également que Joie était fan de la star des studios, La Licorne Arc-En-Ciel. Rêves Productions permet ici d'aller encore plus loin dans la représentation de la fabrique des rêves. Les studios dans la tête de Riley sont ainsi un beau mélange des grandes adresses d'Hollywood comme 20th Century Studios avec le quartier de Century City à Los Angeles, des Walt Disney Studios à Burbank tandis que le portail rappelle lui sans aucun doute celui de Paramount Pictures à Melrose Avenue à Los Angeles. Il est également amusant de voir le Commissary ou café des stars et des réalisateur ; les bureaux clinquants de la directions ; les placards à balais des débutants ; les plateaux de tournages grouillant de techniciens essayant de satisfaire les moindres désirs des metteurs en scène. À cette couche réaliste, s'ajoute en plus la fantaisie venant du monde de Vice-Versa avec le filtre de la réalité qui transforme des décors en carton sommaires en vrai environnement que connaît Riley. Enfin, les plus cinéphiles s'amuseront à remarquer plein de clins d’œil et de parodies, que ce soit dans les affiches ou dans les couvertures de magazines. Pour ces derniers, les artistes se moquent gentiment de Variety ou du Hollywood Reporter.

Les deux films ont parfaitement vulgarisé le fonctionnement des émotions. Ici, Rêves Productions s'attache lui à décrire le fonctionnement des rêves. Cette notion avait déjà été abordée brièvement dans le premier opus mais la série en profite pour approfondir le sujet. Elle illustre ainsi plusieurs types de rêve comme celui que la personne oublie en se levant le matin ou au contraire celui qui marque une personne et la fait avancer dans la compréhension de sa personnalité, de ses sentiments ou des changements d'attitude qu'elle doit adopter pour affronter la vie. La série aborde aussi des notions plus complexes comme les rêveries, ces rêves éveillés que certaines personnes ont en journée, mais aussi les rêves lucides qui ont lieu durant la phase de sommeil paradoxal, ce temps de sommeil durant lequel une personne rêve tout en étant consciente de rêver. Mais la séquence la plus impressionnante est sûrement celle du somnambulisme où Riley fait l'expérience de déambulations nocturnes en état d'inconscience, lors d'un sommeil lent profond. La série permet ainsi de bien expliquer tous ces phénomènes et de quoi ils découlent.

La grande réussite de Rêves Productions est que toutes ces notions complexes, et mine de rien adultes, sont enrobées d'humour et d'émotion, le tout via un visuel très coloré, faisant que la série est aussi apte à plaire aux grands qu'aux petits. Les répliques comme les mimiques des personnages font mouche et leurs interactions sont amusantes à souhait. Les clins d’œil avec la vraie vie sont légion et le spectateur se retrouve vraiment en terrain connu, dans un univers emmitouflant comme pouvait l'être celui des deux longs-métrages. Il faut aussi saluer la qualité des décors et la superbe photographie dans une utilisation parfaite de la lumière et des flous. Les artistes utilisent également le changement de format en prenant le Scope pour illustrer les rêves comme des images d'un film de cinéma tandis que le reste des séquences est lui en 16/9. Enfin, la série se permet aussi de proposer des scènes plus cocasses et enfantines avec des chutes en tout genre et des catastrophes destructrices qui sont certaines de faire rire les plus petits. Enfin, l'émotion n'est pas en reste, notamment à la fin du dernier épisode, lorsque Riley comprend ce qu'elle veut et qu'elle met des mots sur ce qu'elle ressent. Il est alors impossible de ne pas faire couler une petite larme en même temps que le rêve de la jeune adolescente s'achève. Le moment est tellement dépeint avec bienveillance et humilité qu'il est particulièrement touchant.

Les personnages de Rêves Productions sont à l'image de la série, très réussis.
Les spectateurs ont d'abord le plaisir de retrouver certains des protagonistes du premier film, notamment les résidents du Quartier Cérébral - Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Peur - qui font ici surtout de la figuration mais qu'il est pourtant plaisant de retrouver. Si les acteurs anglophones de Vice-Versa 2 prêtent à nouveau la voix à leurs personnages, en français seules Charlotte Le Bon et Marilou Berry reprennent leurs rôles de Joie et Tristesse.
Naturellement, Riley est également de retour et la jeune fille arrive une nouvelle fois à émouvoir le public tandis que ses parents, Monsieur et Madame Andersen, font juste quelques petits caméos.
L'autre personnage iconique du premier film, qui avait fait sensation à l'époque, est la Licorne Arc-En-Ciel qui possède ici un rôle plus développé puisque la star des rêves de Riley a davantage de temps d'antenne même si le personnage en lui-même évolue peu. Il est tout de même amusant de voir la licorne piquer une colère lorsqu'elle se fait blesser lors d'un tournage.

Parmi les nouveaux personnages, l'héroïne de Rêves Productions est la réalisatrice Paula Persimmon. Cette dernière est déjà apparue brièvement dans le premier long-métrage alors qu'elle tournait un rêve avec la Licorne Arc-En-Ciel que Django le Clown viendra perturber. Ici, elle est l'un des grands talents du studio même si cela commence à faire plusieurs années qu'elle n'a pas réalisé de chef-d'œuvre. Elle est persuadée qu'elle est toujours aussi douée mais elle ne se rend pas compte que ses idées sont passées de mode depuis que Riley a grandi. Surtout, elle est très mauvaise manageuse ; étant notamment incapable de faire progresser son assistante Janelle Johnson. Chaque fois, en voulant se remettre en selle, Paula va provoquer des catastrophes lors de ses tournages et aggraver sa situation au point de la menacer de perdre son poste.
Elle est secondée par Kenny « Xeni » Dewberry, le neveu de la patronne des studios Jean Dewberry. Le jeune arriviste est un je-sais-tout persuadé d'avoir des idées révolutionnaires. Pour surveiller Paula, Jean lui met alors dans les pattes Xeni en tant qu'assistant même si lui pense être coréalisateur. Sa relation avec Paula est très amusante tant ils se tapent sur les nerfs mutuellement.

Rêves Productions est une excellente surprise. Alors que c'est une série que personne n'attendait, elle s'avère particulièrement riche et qualitative. Il est difficile de s'arrêter une fois commencé tellement l'univers est inventif et ses personnages drôles et attachants. Rien d'étonnant à ce que la série ait eu un démarrage en trombe sur Disney+, devenant vite le meilleur démarrage pour une série animée originale de la plateforme sur les cinq premiers jours.