Alien
Covenant
Titre original : Alien : Covenant Production : 20th Century Fox Brandywine Productions TSG Entertainment Scott Free Productions Date de sortie USA : Le 19 mai 2017 Genre : Science-fiction IMAX |
Réalisation : Ridley Scott Musique : Jed Kurzel Durée : 122 minutes |
Le synopsis
La critique
Lorsque Ridley Scott a annoncé la mise en chantier de Prometheus, initialement conçu comme une préquelle à la saga Alien, les attentes et la curiosité du public étaient à leur comble. Le rendu final était intéressant et rondement mené, mais imparfait et posait de nombreuses questions auxquelles il n’avait pas été jugé nécessaire de répondre. D’autant plus que le film avait du mal à trouver sa place au sein de la franchise et n’en avait pas véritablement l’aspect de par ses thématiques très philosophiques. Après l’accueil critique plutôt tiède et des recettes honorables mais sans éclat au box-office, Scott et 20th Century Fox décident de rendre sa suite un peu plus proche d’Alien, le Huitième Passager pour satisfaire le public. Alien : Covenant a ainsi la lourde tâche de réconcilier les fans avec l’univers du xénomorphe pour un résultat assez mitigé, l’opus comprenant les éléments essentiels de la franchise, mais sans y retrouver complètement l’énergie ni le coeur.
Suite au succès commercial de Prometheus, Ridley Scott se lance sans plus attendre dans la mise en chantier d’un nouveau chapitre qui continuerait d’explorer les événements antérieurs au film de 1979 et se chargerait notamment de répondre aux nombreuses questions laissées sans réponse à l’issue du précédent volet. En juin 2012, il s’associe de nouveau avec Damon Lindelof, co-scénariste de Prometheus, et annonce que l'opus serait centré sur la prochaine destination d’Elizabeth Shaw, héroïne du précédent film, à savoir la planète d’origine des Ingénieurs, et ferait le lien entre celui-ci et Alien, le Huitième Passager. La suite est dès lors officialisée en août 2012 avec à nouveau Scott derrière la caméra et le retour des acteurs Noomi Rapace et Michael Fassbender, pour une sortie initialement prévue pour 2014, tandis que Lindelof préfère passer son tour et quitter le navire suite aux réactions mitigées de Prometheus.
Au départ, Scott déclare que le film ne présenterait pas de xénomorphes, car il estime que la franchise avait fait le tour de la créature, et qu’il souhaite se concentrer sur David en tant que principal antagoniste et faire de l’intelligence artificielle la nouvelle menace. En juin 2013, le scénariste Jack Paglen, auteur du script de Transcendance (2014) est engagé pour écrire une première version du film en se basant sur des notes laissées par Ridley Scott, qu’il termine en octobre de la même année. Le scénario, initialement intitulé Alien : Paradise Lost, est ensuite réécrit en mars 2014 par Michael Green, déjà auteur de films tels que Green Lantern, Logan, Blade Runner 2049 et Le Crime de L’Orient Express et qui travaillera par la suite à l’écriture de L’Appel de la Forêt, Jungle Cruise, Mort sur le Nil et Mystère à Venise.
Cependant, la réaction mitigée de Prometheus, notamment les critiques sur le manque de liens directs avec Alien, pousse Ridley Scott à revoir ses plans. De nombreux spectateurs étaient frustrés par l’absence du xénomorphe emblématique et le ton plus contemplatif de l'ensemble. Face à cette pression, Fox demande logiquement à Scott d’intégrer davantage d’éléments horrifiques et d’action pour satisfaire les attentes du public. Le scénario est alors retravaillé par John Logan (Gladiator, Skyfall) afin de mieux équilibrer les thèmes philosophiques et l’horreur classique de la franchise, en mettant l’accent sur le rôle de David et en réintroduisant des créatures plus proches du xénomorphe traditionnel. Le film change alors de titre pour Alien : Covenant. Ridley Scott souhaite également explorer l’évolution de l’androïde David, personnage central du film, en faisant de lui le véritable créateur des aliens, redéfinissant complètement les origines des célèbres créatures et éclipsant en partie le mystère des Ingénieurs.
Mais Scott doit, entre autres, faire avec un autre projet de suite envisagé peu après la sortie de Prometheus dans lequel il n’est pas impliqué. En 2013, Neill Blonkamp, réalisateur alors connu pour ses films de science-fiction District 9 et Elysium, est en plein tournage de Chappie avec Sigourney Weaver, célèbre Ellen Ripley, dans le rôle-titre. En grand fan de l’univers Alien et après discussion avec l’actrice en dehors des prises de vues, ces derniers s’accordent sur le fait que la saga originelle n’a jamais eu de véritable conclusion après Alien, la Résurrection. Conquise, Weaver promet à Blonkamp d’en discuter avec James Cameron, réalisateur d’Aliens, le Retour, dans l’espoir qu’un nouveau film apportant une fin définitive à la première franchise voit le jour. Après la sortie de Chappie en 2015, Blonkamp poste sur les réseaux sociaux différents concept arts de ce projet provisoirement nommé Alien 5.
Ces images montraient les retours d’Ellen Ripley et du caporal Hicks, malgré la mort de ce dernier au début d’Alien³. Le but de Neill Blonkamp était de faire une suite directe à Aliens, le Retour et d’ignorer les événements des deux chapitres suivants. D’autres concept arts révélaient une Reine Alien, des xénomorphes contrôlés par des humains, un vaisseau Ingénieur ou encore une Ripley dans une tenue de camouflage biomécanique. Dès lors, les fans se montrent enthousiastes et 20th Century Fox passe commande de cet Alien 5, désormais intitulé Alien : Red Harvest, avec Blonkamp à la réalisation. Pour autant, Alien : Covenant étant déjà en préparation à cet instant, Ridley Scott demande à Blonkamp de repousser ce projet, le temps pour lui de finir son film et qu'il sorte au cinéma, ce que le jeune réalisateur accepte.
Une fois l’écriture du scénario achevé, le tournage se déroule principalement en Australie et en Nouvelle-Zélande pour recréer la planète hostile sur laquelle se déroule l’action. Côté casting, si Michael Fassbender est effectivement de la partie, il est révélé, à la grande surprise du public, que Noomi Rapace ne rejoindra pas le casting du film, la distribution comprenant donc de nombreux acteurs qui font ici leurs premiers pas dans la franchise. Les effets spéciaux, quant à eux, sont un mélange de CGI et d’effets pratiques afin de donner aux créatures une apparence plus réaliste et organique. Pour cela, l’équipe travaille avec des animatroniques et des marionnettes pour certains plans du xénomorphe et du néomorphe, nouvelle espèce amorcée dans Prometheus et présente dans ce nouvel opus, collant au plus près des méthodes utilisées dans les premiers films de la saga.
Se déroulant dix ans après les événements de Prometheus, ce nouveau film raconte l’histoire du Covenant, un vaisseau spatial transportant deux mille personnes dans la toute première mission de colonisation à grande échelle. Mais les membres de l’équipage sont réveillés de leur sommeil cryogénique après qu’un incident a causé des dégâts sur le vaisseau, ainsi que la mort de leur capitaine, ayant sacrifié sa vie pour sauver l’ensemble des vies humaines transportées par le Covenant. Les réparations nécessaires faites, l’équipage reçoit alors un message de détresse provenant d’une planète voisine de leur destination et dont les caractéristiques sont plus propices aux conditions de vie humaine. Le nouveau capitaine Christopher Oram décide donc d’envoyer un groupe de personnes, dont l’officier de terraformation Daniels « Dani » Branson, en éclaireur afin d’enquêter sur cette nouvelle planète et y inspecter les lieux dans l’espoir qu’ils soient habitables. Arrivés sur place, ils découvrent la source du message : l’épave d’un vaisseau, vestige de la mission Prometheus disparue quelques années auparavant, et ne tardent pas à rencontrer de terrifiantes formes de vie, ainsi que l’androïde David, rescapé de la précédente expédition. Alors qu’un agent pathogène mortel commence à infecter certains d’entre eux, tous doivent trouver un moyen de s’échapper…
Alien : Covenant est le deuxième et dernier volet de la série préquelle de Ridley Scott, qui devait dévoiler au grand public les secrets derrière les plus grands mythes d’Alien, notamment les raisons du crash du vaisseau trouvé par l’équipage du Nostromo sur la planète LV-426 dans le premier volet, l’identité du pilote « Space Jockey » et les circonstances de sa mort, et surtout l’histoire de la création du xénomorphe. Prometheus avait ainsi pour mission d’introduire cette nouvelle direction prise par la franchise mais n’a pas reçu l’accueil escompté, une grande partie des critiques à son encontre lui reprochant de s’éloigner beaucoup trop de l’univers Alien. Si le film peut laisser perplexe, il avait fière allure avec ses effets spéciaux réussis, ses décors saisissants, ainsi que son histoire originale inspirée de la mythologie grecque et ses acteurs talentueux. Or, ces ambitions étaient peut-être beaucoup trop élevées pour convaincre le plus grand nombre, abordant des thèmes certes passionnants, mais confus et ambigus, laissant trop de place à l’interprétation. Plus encore, l’idée même de construire un nouvel opus et une toute nouvelle saga à partir d’un cadavre découvert dans un film sorti plusieurs années plus tôt était un pari risqué.
Durant sa carrière, Ridley Scott a montré sa fascination envers la création et la mort. Les thèmes de la naissance, de Dieu et de la place de l’homme sont présents dans tous ses films de science-fiction (Alien, le Huitième Passager, Blade Runner, Prometheus, Seul sur Mars), qui tendent parfois vers la réflexion philosophique. Dans Alien : Covenant, dont l’intrigue peut s’apparenter à n’importe quel film de rencontre extraterrestre, le réalisateur se retrouve perdu entre deux eaux. Le film ressemble à une tentative de Scott de reproduire son succès en piochant dans tout ce qui fonctionnait dans les précédents films, en réaction aux critiques mitigées de Prometheus et la relation amour-haine entre les fans de la saga et ce dernier volet. Ainsi, il réunit les éléments d’horreur et de gore d’Alien, le Huitième Passager, les scènes d’action bourrins et grandiloquentes d’Aliens, le Retour et les thèmes de l’évolution et du divin chers à Prometheus. Aussi, Alien : Covenant est presque présenté comme une excuse du metteur en scène envers les amateurs pour les erreurs commises dans l'opus précédent. En cherchant à combiner tous les ingrédients des succès antérieurs, Scott ne satisfait jamais pleinement son audience, livrant par conséquent un film désordonné, tour à tour plaisant et frustrant.
Souhaitant initialement retrouver le ton et l’esthétique de la saga, Alien : Covenant accroche dès sa scène d’ouverture, au cours de laquelle le public assiste à la naissance de l’androïde David, assis en face d’un jeune Peter Weyland, à nouveau interprété par Guy Pierce, qui parfait sa nouvelle création avec une série de tests et d’instructions livrés de manière glaciale. Austère, épurée et anxiogène, cette séquence représente la première rencontre de David avec l’humanité et prend tous les traits d’une science-fiction élégante : salles blanches, référence à la musique classique, images froides et distantes, un robot servile et insensible à toute émotion, dialogue abstrait sur la nature de la création et les limites de la condition humaine. À ce stade, le film semble vouloir s’inscrire dans la continuité de Prometheus, puisqu’il dévoile exactement ce qui a déclenché les obsessions de l’être synthétique pour la création et sa vision torturée du monde. Ridley Scott promet dès cette introduction un récit favorisant la réflexion à l’action pure et dure, où de petits détails comme un décor simple, une symphonie, un mot ou une phrase à l’apparence banale, ont beaucoup plus de poids que l’intrigue en elle-même. Hélas, cette promesse finit par voler en éclats, les éléments les plus intéressants de l’histoire d’Alien : Covenant étant réglés en quelques secondes.
Pour preuve, les Ingénieurs, qui se sont révélés être les créateurs de la vie humaine dans Prometheus, sont anéantis en une seule scène, comme un élément gênant dont le film souhaitait se débarrasser, laissant derrière eux une traînée de cadavres et de ruines. Par la suite, après une séquence d’action spatiale rythmée et impressionnante et une fois la décision des personnages prise de visiter la nouvelle planète, potentiellement plus habitable, l’opus passe de la science-fiction à un thriller dans l’espace. Dès lors, Alien : Covenant a du mal à justifier la motivation de ses intervenants. Dans Alien, le Huitième Passager, les membres de l’équipage du Nostromo étaient contraints par leurs employeurs d’enquêter et d’inspecter les lieux lorsqu’ils recevaient un message de détresse venant d’une planète inconnue. À l’inverse, ce nouveau chapitre place ses personnages face à un dilemme moral intelligent et pertinent, mais dont l’issue est difficile à justifier et laisse une désagréable impression que le film cède à la facilité. Enquêtent-ils sur ce possible nouveau paradis ou s’en tiennent-ils à leur plan initial ? Les scénaristes tentent seulement de donner un sens à la situation en évoquant la crainte de l’équipage de retourner dans leurs cabines cryogéniques et de poursuivre leur voyage après la mort de leur capitaine lors d'une catastrophe, par peur d'exposer des centaines de personnes placées sous leur responsabilité à un danger de mort qui n’existe qu’à l’état d’incertitude. Or, cela demande une crédulité que le film ne mérite pas forcément.
À ce titre, le scénario inclut un grand nombre de personnages, mais ne permet pas vraiment de s’attacher à eux et ne les décrit que de manière superficielle, exception faite de la terraformeuse et premier officier Daniels Branson, veuve du capitaine. Le film suppose que, parce que son mari est décédé, le public se connectera automatiquement à elle, comme si faire de tous les héros des couples ajoutait un peu de tension à l’ensemble. Mais voilà, les enjeux ne sont pas particulièrement élevés car le scénario ne prend pas le temps de les présenter au-delà de ces rôles de conjoints et d’un travail vaguement défini ou même de faire en sorte que le public s’inquiète de leur sort. Par conséquent, il en ressort que Daniels Branson est la seule à avoir un but précis, à savoir poursuivre la mission de son défunt époux et s’assurer que toutes les vies humaines à bord du vaisseau atteignent la destination initiale. C’est pourquoi elle s’oppose férocement à la décision du nouveau capitaine d’atterrir sur un lieu qui semble trop beau pour être vrai et ne lui inspire pas du tout confiance, tant il apporte plus de questions que de réponses. Compétente et confiante, mais non sans vulnérabilité, Daniels est une femme scientifique dans la lignée d’Ellen Ripley, qu’elle égale presque avec grâce. Campée par une Katherine Waterston (Inherent Vice, Steve Jobs, Les Animaux Fantastiques, Logan Lucky) convaincante et impliquée, elle incarne une héroïne de la classe ouvrière douée d’un instinct et d’une intelligence qui ne lui ont jamais fait défaut et n’ont d’égal que son empathie et sa nature honnête.
Cette intégrité et cette sincérité traversent tout l’équipage : Tennessee (Danny McBride, In the Air, C’est la Fin, les séries Kenny Powers, Vice Principals et The Righteous Gemstones) et Maggie (Amy Seimetz, You’re Next, Upstream Color, les séries The Killing, The Girlfriend Experience et Sweet Tooth), un duo de pilotes terre-à-terre mais non dépourvus d’humour, les sergents Dan Lope (Demiàn Bichir, A Better Life, Che, les séries The Bridge et Weeds) et Tom Hallet (Nathaniel Dean, The Final Winter, The Nightingale, Locusts), un couple de militaires dont la relation est mise à mal, Ricks (Jussie Smollett, Les Petits Champions, L’Irrésistible North, les séries Seuls Au Monde et Empire) et Upworth (Callie Hernandez, Blair Witch, La La Land, The Endless, Under the Silver Lake, les séries Too Old to Die Young et The Flight Attendant), un couple sensible et assez calme, ou encore Christopher Oram (Billy Crudup, Big Fish, Presque Célèbre, Watchmen : Les Gardiens, la série The Morning Show), le successeur aux commandes qui essaie tant bien que mal d’assumer ses nouvelles responsabilités, et son épouse Karine (Carmen Ejogo, American Nightmare 2 : Anarchy, Les Animaux Fantastiques, It Comes At Night, les séries Self Made, Your Honor et The Penguin), biologiste de l’équipe, sans oublier Walter (Michael Fassbender, Inglourious Bastards, X-Men : Le Commencement, X-Men : Days of Future Past, X-Men : Apocalypse, X-Men : Dark Phoenix, Twelve Years a Slave, Steve Jobs, Une Vie Entre Deux Océans, Une Équipe de Rêve), un androïde fiable de nouvelle génération sans les intentions néfastes de son prédécesseur.
Les acteurs mettent certes toute leur énergie pour faire ressortir le meilleur de leurs rôles respectifs et leurs performances sont incontestablement fortes, mais leurs personnages sont tout simplement sous-écrits et moyennement définis, relégués parfois à quelques brèves lignes de dialogue. L’équipage du Covenant se retrouve ainsi rapidement dépassé par les événements et les décisions absurdes de certains personnages atténuent l’impact des scènes de tension. Dès lors, chaque rencontre extraterrestre ou danger imminent ressemble plus à un enchaînement de morts brutales qu’à un étau qui se resserre. Toute tension est perdue puisque l’audience sait exactement ce que réserve la scène suivante lorsqu’un membre de l’équipe s’éloigne un peu trop du reste du groupe et se retrouve seul. Par moments, le film donne le sentiment de se répéter, enchaînant les attaques de créatures sans réussir à renouveler la peur. Toutefois, une mention spéciale doit être faite à Fassbender, qui s’empare avec conviction du double rôle de David et Walter. Ses rôles font partie de ceux qui retiennent le plus l’attention et ce, à juste titre. Les scènes réunissant les deux androïdes dans le même plan sont d’ailleurs les plus engageantes.
En cherchant à rétablir le ton et la photographie de la saga, Alien : Covenant confirme le talent de Ridley Scott pour capturer l’imagerie de la science-fiction, les lumières vives et la beauté stellaire contrastant avec la terreur de la nature. Il cadre son film comme si chaque prise de vue était un tableau, chaque image racontant une histoire qui promet l’aventure et inspire également le danger, le tout rehaussé par des décors et des paysages impressionnants. Le réalisateur sait aussi faire ressentir la peur lorsque la planète paradisiaque révèle ses secrets mortels, faisant monter la tension avec une intensité à couper le souffle. Une fois le premier acte achevé, Alien : Covenant dévoile ainsi des intentions encore plus courageuses et cruelles que ne le laissait entendre son scénario. En enquêtant sur l’origine du signal de détresse, les héros découvrent un monde luxuriant de végétation, mais visiblement dépourvu de toute autre forme de vie. Un lieu orné d’une beauté captivante que seul Ridley Scott peut mettre en scène, mais où se cache une menace terrible et innommable. Sans surprise, l’expédition finit par mal tourner, ce qui donne lieu à la séquence la plus excitante et choquante du film.
Brusquement, le spectateur assiste à une horreur corporelle brutale propre à la saga, changeant ainsi le ton de l’opus vers quelque chose de nettement plus malveillant. Comme ses prédécesseurs avant lui, Alien : Covenant joue ainsi avec le style visuel et graphique de la franchise, mais le fait de manière différente, immergeant le public dans un monde beaucoup plus agressif et menaçant qui attire définitivement l’attention. Les effets pratiques sont tout aussi fantastiques, Scott amplifiant le gore à son paroxysme, ce qui fait du métrage le chapitre le plus sanglant et violent de la saga. Le film effectue également du bon travail pour régler certains détails de Prometheus et comble également quelques lacunes dans l’histoire de l’univers Alien. Il dévoile des étapes supplémentaires de leur évolution et de leur reproduction, explique leur apparence, mais réserve quelques mystères afin de conserver leur part d’ombre. L’un des points forts du film est donc son atmosphère angoissante, Scott parvenant à recréer une tension palpable à travers des séquences de suspense et de gore marquantes. Les xénomorphes reviennent avec leur férocité caractéristique, offrant des scènes de terreur brutales et efficaces. Le bestiaire du film, notamment le néomorphe, apporte une variation intéressante aux créatures déjà connues, avec des designs plus organiques et des phases d’incubation encore plus traumatisantes. Entre les mains du réalisateur, le chaos se déploie comme dans un cauchemar, mais l’action commence à ralentir dès l’entame de la seconde partie du film. Tout est plus calme et au lieu de laisser ses personnages diriger l’action, il les érige en pions dans le plan machiavélique de David. Une fois que l’adrénaline s’estompe, le film commence à s’essouffler et à perdre de son mordant, sans plus jamais véritablement retrouver de son essence.
Alors que l’équipage entre en contact avec l’androïde David, antagoniste du précédent volet depuis réparé par Elizabeth Shaw, dont le destin ne sera révélé que dans la dernière partie du film, la promesse de nouveaux thèmes intéressants et émouvants s’estompe et Alien : Covenant finit par montrer ses faiblesses, à savoir son absence d’intrigue claire et de vrais protagonistes. D’un point de vue dramatique, l’accent est mis sur David et son successeur Walter, être synthétique de nouvelle génération. Tous deux éprouvent immédiatement une fraternité réciproque et instinctive et sont une grande source de débats philosophiques. Walter est satisfait de sa servitude loyale envers les humains, tandis que son sosie a cultivé un plus grand sens de l’individualité au cours des années passées à construire sa nouvelle demeure. Le complexe de Dieu et la curiosité déviante de David n’ont fait que croître au cours du temps qu’il a passé seul sur sa planète, pendant que Walter s’est contenté d’exécuter les demandes et requêtes de ceux qui l’ont mis au monde, faisant ainsi preuve de gratitude envers ses géniteurs sans pour autant se sentir leur égal du fait de sa nature d’humain artificiel. Mais leurs différences sont atténuées par le fait qu’en se rencontrant, chacun d’eux n’est désormais plus seul. Dans un double rôle, Michael Fassbender est toujours aussi convaincant et talentueux et quiconque a apprécié le personnage de David sera très certainement conquis par Walter, ne serait-ce que pour les scènes où David montre de l’affection pour Walter dans ce qui pourrait être décrit comme une forme de narcissisme à l’écran.
L’acteur livre une performance impressionnante, alternant entre la froideur mécanique de Walter et la complexité narcissique de David. Il joue habilement avec les thèmes de la folie et de la dualité, bien que, comme tant des meilleures idées du film, ceci ne soit qu’effleuré et à peine exploré. Pire encore, les machinations de David ressemblent presque à une supercherie des scénaristes pour faire oublier les intrigues de survie et de course-poursuite entre l’équipage du Covenant et les xénomorphes, dont les développements sont précipités et sacrifiés en faveur des créations de David et de ses extravagances. Tout ceci est extrêmement frustrant car les personnages sont intéressants, complexes et parfois attachants. Le spectateur pourra néanmoins reprocher leur écriture grossière et leurs motivations anéantissant toute logique. Le scénario enchaîne en effet les raccourcis et chaque nouvelle mauvaise décision de la part des héros, éliminés les uns après les autres dans une série de mises à mort joyeusement violentes, tente de surpasser la précédente. Il n’empêche que chaque acteur habite cette équipe avec brio et les relations qu’ils entretiennent sont très bien définies.
La transformation progressive de Katherine Waterston d’une veuve en deuil rongée par la culpabilité à une femme d’action bourrue et implacable permet à Daniels de s’élever au rang des meilleurs personnages de la saga, quasiment au même titre que Ripley. Cependant, son personnage souffre d’un manque de développement qui empêche de s’investir émotionnellement autant que Ripley dans les précédents films. Pendant ce temps, Danny McBride, connu pour ses rôles comiques, surprend dans un registre plus sérieux et apporte un peu de légèreté et d’humour. Il parvient ici à briser le stéréotype du comique de service avec des moments d’une profonde sincérité, tandis que le capitaine Oram fait également partie des meilleurs personnages, en tant que successeur qui essaie de gagner l’approbation de son équipage, même si cela implique de prendre des décisions difficiles. Si Ridley Scott ne respecte pas tout à fait ses personnages, il met bien en valeur les acteurs, leur donnant suffisamment de matière et d’espace pour se démarquer et tirer leur épingle du jeu.
Bien que les jeux d’acteurs et sa mise en scène soient décents, il est aussi décourageant que Alien : Covenant n’ait pas de moments vraiment marquants, à part une séquence de bataille au cours de laquelle Daniels est attachée à la coque du vaisseau ou encore la scène de la douche. Il tente de revenir aux racines du premier film, mais rien ne se distingue vraiment des autres entrées de la franchise et tout semble confus et précipité, comme si Scott ne savait pas comment rendre une scène épique ou créer de vrais morceaux de terreur. Le film permet malgré tout aux xénomorphes de revenir sur le devant de la scène, après avoir été globalement écartés dans Prometheus, pour le plus grand plaisir des amateurs de la franchise déçus par leur absence. Leur design a été repensé avec l’introduction du néomorphe, une variation plus organique du xénomorphe, ainsi que d’autres formes intermédiaires illustrant l’évolution de l’espèce, montrant une version plus primitive et expérimentale des monstres. Or, les effets spéciaux ne sont tout simplement pas à la hauteur et ne parviennent pas complètement à les mettre en valeur. Ici, les créatures paraissent lisses et artificielles, les animatroniques ayant été délaissés au profit des effets numériques, et ne sont plus aussi mystérieuses et effrayantes. Cela est également vrai pour leur développement, à trop vouloir en dévoiler sur l’origine du xénomorphe, moins il détient de pouvoir et d’emprise sur son public et son potentiel inquiétant s'en trouve amenuisé. Alien : Covenant fait donc l’erreur de démystifier totalement son monstre vedette en voulant le rationaliser au maximum. L’alien passe ici d’une créature hargneuse au physique terrifiant et au comportement presque sexuel à un simple résultat d’expérimentations opérées par un scientifique se prenant pour Dieu et, par conséquent, perd en impact et sert carrément d’accessoire pour étoffer l’intrigue ou dynamiser un film qui s’enlise.
Ceci dit, Ridley Scott sait comment filmer une séquence effrayante et même si les ancêtres de l’alien ne sont pas terrifiants en eux-mêmes, bien qu’ils soient plutôt dérangeants et bénéficient d’un design globalement convaincant, certains passages ne manqueront pas de faire grimacer les âmes sensibles et de provoquer autant la peur que le dégoût. Qu’il s’agisse de flots de sang, de plaies ouvertes ou de corps brisés, Alien : Covenant est une réussite en termes de body horror et le talent de Scott pour le détail et la narration visuelle s’améliore à chaque moment de carnage. Si l’introduction du pathogène n’est pas la meilleure idée du film et ne fait que compliquer davantage un scénario déjà bien chargé, les amateurs de scènes sanglantes, de morceaux d’action et de sensations fortes ne seront donc pas déçus. Le film aborde d’ailleurs plusieurs thèmes profonds, dont l’intelligence artificielle et la création. David se considère en effet comme supérieur aux humains et voit dans la création des xénomorphes un pouvoir hors du commun, qui est celui du droit de donner et de reprendre la vie, mais aussi une forme d’art macabre. Son arrogance et sa volonté d’éradiquer l’humanité en font un antagoniste plus terrifiant encore que les créatures elles-mêmes. Car si ces dernières agissent de manière impulsive et irréfléchie, David s’avère nettement plus intelligent et malin.
Alien : Covenant traite également de l’exploration et de l’arrogance humaine. L’équipage du Covenant, convaincu d’avoir trouvé un raccourci vers un nouveau foyer, sous-estime les dangers de l’inconnu.
Leur imprudence et leur manque de préparation et de discernement illustrent une thématique récurrente de la franchise : la faiblesse de l’homme face à une nature qui le dépasse et face à laquelle pourtant il se croit supérieur. Aussi, là où Prometheus se présentait comme une quête sur la recherche de vérité, des origines et des rapports entre les humains et leurs créateurs, Alien : Covenant se veut dans la continuité des thèmes abordés par son prédécesseur. L’opus aborde ici la chute des Dieux et des puissants, ainsi que le mépris de l’être humain envers ses créateurs, qui le pousse parfois à commettre l’irréparable et à se croire au-dessus de toute espèce au point de faire fi de toute autre forme de vie qu’il juge inférieure. Pour illustrer encore plus son propos, le film traite en parallèle du mythe de Prométhée inversé. Contrairement à l’humain qui vole le feu aux dieux, David s’érige lui-même en créateur. Cependant, au lieu d’engendrer la vie, il produit la mort, établissant ainsi un parallèle troublant entre ambition scientifique et monstruosité. Malheureusement, ces thématiques ne sont pas toujours exploitées à leur plein potentiel. Reste donc une désagréable impression que le film a été conçu comme une suite de Prometheus et non envisagé pour appartenir à la saga Alien, à laquelle il est pourtant censé se raccrocher.
Composée par Jed Kurzel, la bande originale d’Alien : Covenant marque un tournant dans l’approche musicale de la saga Alien, tout en rendant hommage aux anciennes compositions. Après l’expérimentation orchestrale et électronique de Marc Streitenfeld sur Prometheus, Kurzel adopte une vision plus minimaliste et atmosphérique, instaurant une ambiance de tension et de mystère. Le compositeur joue sur des textures sonores sombres et inquiétantes, combinant des cordes dissonantes, des percussions lourdes et des nappes électroniques subtiles afin de plonger le public dans un sentiment d’inconfort et d’anticipation. Il utilise fréquemment des crescendos menaçants, diablement efficaces lors de l’exploration de la planète, où la musique contribue à une montée en tension progressive. Pour les séquences mettant en avant l’intelligence artificielle et la relation entre David et Walter, Kurzel opte pour des mélodies plus aériennes et fragiles, qui contrastent avec la brutalité des morceaux accompagnant les attaques des xénomorphes, amplifiant l’impact émotionnel du film. De même, il réintègre certains thèmes emblématiques composés par Jerry Goldsmith dans Alien, le Huitième Passager en les adaptant à l’ambiance plus froide d'Alien : Covenant, accentuant la filiation entre ce film et ses prédécesseurs. Bien que discret, ce retour aux sources apporte une dimension nostalgique et renforce l’identité sonore de la saga. La musique pâtit toutefois d’un manque de thèmes mémorables, Kurzel misant davantage sur l’atmosphère que sur la mélodie.
Pour accompagner la sortie d’Alien : Covenant au cinéma, 20th Century Fox met en ligne un certain nombre de courts-métrages prologues dans le cadre de la commercialisation du film. Le premier, intitulé Prologue : Last Supper, a été réalisé par le fils de Ridley Scott, Luke Scott qui, un an plus tôt, avait mis en scène le film de science-fiction Morgane. Dans celui-ci, l’équipage du Covenant prend un dernier repas avant d’entrer en cryosommeil. Le second, intitulé The Crossing et réalisé par Ridley Scott, révèle ce qui est arrivé à Elizabeth Shaw et à l’androïde David après la fin de Prometheus. Enfin, un dernier, intitulé Meet Walter, avec Michael Fassbender et réalisé par Luke Scott, était une publicité fictive pour la série d’androïdes Walter.
Prévu pour une sortie le 6 octobre 2017, puis avancé au 4 août de la même année, Alien : Covenant atteint finalement les salles américaines le 19 mai 2017. Après avoir rapporté 15 millions de dollars à la fin de sa première journée d’exploitation, il en récolte 31 millions à l’issue de son premier week-end dans les salles. Un résultat convaincant, mais en déclin par rapport au démarrage de Prometheus, qui avait rapporté 51 millions de dollars lors de son premier week-end. Les semaines suivantes sont hélas très mauvaises en termes de recettes, la fréquentation chutant lourdement à cause d’une réception critique mauvaise et d'un retour catastrophique de la part du public. Si certains ont apprécié le retour à l’horreur viscérale et la complexité du personnage de David, beaucoup regrettent le scénario trop confus et les personnages peu mémorables. Les spectateurs reprochent également au film un manque de réponses aux mystères laissés par Prometheus, frustrant ceux qui espéraient un éclaircissement sur les Ingénieurs et les origines exactes des xénomorphes. Il cumule ainsi 72 millions de dollars de recettes nord-américaines à la fin de son exploitation.
À l’étranger, le film rapporte 40 millions de dollars lors de son premier week-end et effectue de bons démarrages au Royaume-Uni, en France, en Australie, au Mexique, en Corée du Sud et en Chine, pays où il récolte 29 millions de dollars de recettes au cours de ses trois premiers jours en salles. Ces scores permettent aux studios d'engranger quelques millions supplémentaires et de pallier le non-succès du film dans son pays d’origine comparé à son prédécesseur. À l’arrivée, Alien: Covenant a rapporté environ 240 millions de dollars dans le monde pour un budget de production estimé à 97 millions, soit un score inférieur aux attentes du studio. Comparé à Prometheus et ses 400 millions, Alien : Covenant marque une baisse significative d’intérêt pour la saga. En comparaison avec les autres opus, il est perçu comme un épisode intéressant mais imparfait. Il apporte des éléments intrigants à la mythologie Alien, en particulier sur les origines des créatures, mais manque de la simplicité efficace et terrifiante des premiers épisodes. La promotion confuse du film, l’entêtement de Scott à vouloir complexifier la saga et à ne pas répondre aux questions des spectateurs, ainsi que le manque de clarté sur la direction empruntée par cette nouvelle franchise font partie des raisons du désintérêt progressif des fans pour la saga.
Cette débâcle a pour effet de mettre en pause les projets de suites initialement prévus par Ridley Scott, notamment une intitulée Alien : Awakening. Le script de cette suite était pourtant rédigé, toujours par Jake Logan, et devait être une suite directe d'Alien : Covenant, dont la fin ouverte laisse un grand nombre de questions et le destin des survivants en suspens. Ce volet aurait suivi David, pourchassé par les derniers Ingénieurs, qui désirent se venger de l’extermination de leur espèce commise par l’androïde au début du film. Cette chasse les aurait conduits sur la planète LV-426 afin de connecter la prélogie avec Alien, le Huitième Passager et expliquer les raisons de la présence du Space Jockey dans le premier film. Cependant, suite aux résultats décevants de l'opus au box-office, 20th Century Fox annonce vouloir réévaluer la saga et même le projet d’Alien 5 envisagé par Neill Blonkamp finit par passer à la trappe en raison de cet échec, chose que le jeune réalisateur confirme sur les réseaux sociaux en 2017 après plusieurs mois sans nouvelles, malgré le soutien indéfectible de Sigourney Weaver. D’autant plus qu’un événement particulier vient bouleverser l’avenir d’Alien : l’acquisition de 20th Century Fox par Disney, qui, dès lors, devient officiellement propriétaire d’une des plus grandes franchises du cinéma d’horreur et de science-fiction.
Alien : Covenant est un film ambitieux mais inégal, qui tente de concilier horreur classique et réflexion métaphysique, sans forcément y parvenir. Si l’atmosphère, la réalisation et les scènes de terreur sont réussies, le manque de développement des personnages et certaines incohérences scénaristiques grossières l’empêchent d’atteindre le niveau des meilleurs opus de la saga. Il en ressort un spectacle visuellement prodigieux, qui mérite d’être vu ne serait-ce que pour son esthétique et l’interprétation étonnante de Fassbender, mais laisse un triste sentiment d’occasion manquée.