Chicago
L'affiche du film
Titre original :
Chicago
Production :
Miramax Films
Date de sortie USA :
Le 24 janvier 2003 (général)
Le 10 décembre 2002 (limité)
Genre :
Comédie musicale
Réalisation :
Rob Marshall
Musique :
John Kander (musique chanson)
Fred Ebb (parole)
Danny Elfman (score)
Durée :
113 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Chicago. Années 20. La Jeune Roxie Hart rêve plus que tout au monde de devenir une star du music-Hall comme son idole Velma Kelly. Elle compte d'ailleurs sur son amant pour décrocher des auditions, mais quand ce dernier avoue lui avoir fait des promesses qu’il ne peut réaliser, Roxie le tue de sang-froid. Pour mettre à profit sa célébrité naissante et lancer sa future carrière une fois acquittée, elle engage l'avocat le plus doué de la ville : Billy Flynn.

La critique

Publiée le 11 mars 2019

Au début du siècle dernier sous la Prohibition, l’alcool coule clandestinement à flot, le jazz retentit dans les rues et le charleston fait ses premiers pas sur les pistes de danse. Devant tant de fougue et d’ivresse, les bars clandestins prospèrent et les numéros de cabaret font fureur. Bienvenue dans l’effervescence des Années Folles !
À cette époque, une ville dotée d’une réputation dangereuse et sulfureuse fait sensation : Chicago. Considérée comme l’un des berceaux du courant jazzy, la ville de naissance de Walt Disney est aussi celle du crime organisé, où les gangsters sont de vraies célébrités. La tristement fameuse ville d’Al Capone est donc la scène de crime parfaite pour les tribulations des criminelles Roxie Hart et Velma Kelly, librement inspirées d’un véritable fait divers survenu en 1924.
En dépit des apparences, les débuts de Chicago ne sont pas aussi récents que son homologue de Broadway peut le laisser penser. Sa naissance remonte même aux années 20 qu'elle prend pour contexte… Avant d’être la comédie musicale créée par les illustres Bob Fosse, John Kander et Fred Ebb en 1975, l’œuvre est, il est vrai, avant tout une pièce de théâtre écrite par Maurine Watkins en 1926, une journaliste du courrier du cœur qui se prit d'affection pour les deux criminelles.

Après un premier film éponyme en 1927 et un second nommé La Folle Histoire de Roxie Hart avec Ginger Rogers en 1942 (tous deux inspirés de la pièce originale), puis des comédies musicales à Broadway en 1975 et 1996, cette nouvelle adaptation cinématographique proposée par Miramax est cette fois-ci un musical (directement inspirée du revival de 1996). Son réalisateur doit donc aussi faire office de metteur en scène ! Rob Marshall, homme aux multiples talents qui s’est déjà illustré dans cette profession théâtrale, se voit ainsi confier ici sa première réalisation.
Habitué des planches, il commence sa carrière à Broadway en tant que danseur avant de se tourner rapidement vers le métier de chorégraphe avec Le Baiser de la Femme-Araignée en 1992 (qui lui vaut sa première nomination aux Tony Awards). Il participe ensuite à divers projets télévisés avec des pointures telles que Julie Andrews (pour la captation de Victor/Victoria en 1995) et Angela Lansbury (pour le téléfilm Mrs. Santa Claus en 1996), puis pour Disney avec La Légende de Cendrillon en 1997 et Annie en 1999, dont il est le réalisateur.
Entre temps, Marshall s’essaye à la mise en scène au coté de Sam Mendes avec Cabaret en 1998 (avec, à la clé, une quatrième et une cinquième nomination aux Tony Awards pour la Chorégraphie et la Direction). Ce n’est qu’en 2003 qu’il atteint le grade prestigieux de réalisateur avec Chicago. Reconnu par ses pairs du théâtre et du cinéma, il signe une nouvelle fois pour Disney Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence en 2011, Into the Woods : Promenons-nous dans les Bois en 2014 et Le Retour de Mary Poppins en 2018. Il est ensuite approché pour mener le projet d'adaptation live de La Petite Sirène.

C’est la voix suave de Taye Diggs - acteur/chanteur de cinéma (Rent), de série (Day Break) et de théâtre (Rent, Chicago, Wicked) - qui, en bon joueur de piano bar, ouvre le film et fait office de présentateur sur presque l’intégralité des numéros du film. Un « bandleader » habituel dans les groupes de jazz qui permet d’assurer une continuité parfaite et s’avère un repère salutaire pour le spectateur.
Sur les premières notes de l’incontournable « ouverture » (signature musicale introductive au théâtre et à l’opéra), une voiture dépose donc une femme pressée et stressée devant l’Onyx Club. Des bas saillants traversent une sombre ruelle. Les portes s'ouvrent et mènent à une loge. Une arme est cachée. Des mains pleines de sang sont nettoyées. L’artiste se pare rapidement. Elle dévale des escaliers en direction de la troupe déjà en place. Le show peut commencer.
Des premiers instants rythmés et cadencés dans une précipitation presque palpable - qui à eux seuls retranscrivent toute la folie et l’agitation de ces festives années - avant la véritable introduction de Chicago : l’entrée sur scène de la star Velma Kelly, enfin concentrée après avoir tué son mari et sa sœur avec qui elle partage la scène. L’époustouflante et téméraire Catherine Zeta-Jones ouvre ainsi le bal et enflamme la piste sur le fameux All That Jazz.

Bien qu’approchée pour le rôle de Roxie, l’actrice galloise, également chanteuse et danseuse, lui préfère celui de Velma rien que pour ce fameux numéro. Après ses débuts au théâtre à 15 ans dans les années 80 et à la télévision dans les années 90, elle est repérée par Steven Spielberg dans le téléfilm Le Titanic en 1996, puis propulsée au rang de star grâce au (Le) Masque de Zorro en 1998. S’ensuit une carrière impressionnante et multi-récompensée parmi les plus grands acteurs et réalisateurs.
Désignée plus belle femme du monde par les magazines américains People en 2001 et Esquire en 2003, c’est après un retour au théâtre durant lequel elle reçoit un Tony Award en 2010, qu’elle est décorée du titre de Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique en 2011. Considérée comme l’une des actrices les plus glamours et influentes de sa génération, il fallait bien autant de classe et de chien pour insuffler à Velma toute la fougue que ce personnage séduisant et envoûtant dégage.
Nommée pour le Golden Globe de la Meilleure Actrice dans un Film Musical ou Comédie pour l'ensemble de sa prestation, Catherine Zeta-Jones remporte à la place l’Oscar et le BAFTA (équivalent anglais) de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle.

Que le spectateur ne s’y méprenne pas. La véritable star du film est la jeune femme discrète au fond de la salle qui observe avec envie le numéro, celle qui est prête à tout pour réussir et commet l'irréparable lorsque ses rêves de gloire s'envolent : Roxie Hart ! Elle n’attend d’ailleurs pas longtemps pour faire une démonstration de son talent. Quand la lampe torche du policier devient un projecteur lors de son interrogatoire, elle offre à son mari avec Funny Honey une jolie déclaration d'amour qui tourne mal.
C’est la texane Renée Zellweger qui après auditions lui prête son visage poupon et sa crinière blonde. Remontée à bloc et au régime sec entre le tournage de (Le) Journal de Bridget Jones en 2001 et Bridget Jones : L'Âge de raison en 2004, et soutenue par un public qui l’adore déjà grâce à ces deux films, elle incarne ici à la perfection la candide vedette en herbe - bien qu’elle ne soit pas aussi sotte qu’elle ne paraît - qui découvre la célébrité naissante sous les feu des projecteurs.
Son interprétation lui vaut une seconde nomination aux Oscars en tant que Meilleure Actrice (après sa première pour Bridget Jones), mais c’est le Golden Globe de la Meilleure Actrice dans un Film Musical ou Comédie que Renée Zellweger remporte face à sa partenaire à l’écran.

Il se passe donc de nombreuses choses dès les premiers instants de Chicago, que le réalisateur voulait denses et intenses afin de poser de suite le rythme du film et ses multiples intrigues. Puis les deux héroïnes se retrouvent en prison, où l'histoire commence vraiment. Là où le véritable concept du film est posé : Roxie, coincée entre le rêve et la réalité, imagine sa vie et celle de ceux qui l'entourent comme de grands numéros de cabaret. Rob Marshall le dit si bien : « La vie est un spectacle ».
C'est l'occasion d'introduire la matrone Mama Morton, gardienne intransigeante mais qui n'est pas contre l'échange de services pour quelques dollars. Personnage haut en couleurs, elle fait une entrée remarquée sur l’entraînant When You're Good to Mama. Jamais deux sans trois, l’interprétation parfait et incendiaire de la rappeuse, chanteuse, productrice, animatrice et actrice Queen Latifah (Le Magicien d'Oz des Muppets en 2005 et Hairspray en 2007) lui vaut à elle aussi une nomination aux Oscars et aux Golden Globes dans la catégorie Meilleure Actrice dans un Second Rôle.
Entre les murs, la star sur le déclin et la star en devenir se côtoient donc et dévoilent leurs vraies natures pour parvenir à leurs fins. Avec en toile de fond l’adage « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel c’est qu’on parle de moi ! », Chicago est aussi et avant tout une satire intelligente et brillante de la célébrité (éphémère), des médias (influençables), ainsi que de la justice (corrompue, où seule une innocente sera exécutée).

Justement ! Quand la solution est d’engager le meilleur avocat de la ville pour s'attirer les faveurs du public, l’opportuniste et arriviste Billy Flynn entre en scène. Menteur, tricheur, mais avec une facétie tout à fait charmante, l’excellent Richard Gere campe ici un homme de pouvoir et d’argent - également agent artistique à ses heures - qui n’a jamais perdu un procès. Un choix parfait et un plaisir immense de retrouver l’acteur popularisé par Pretty Woman en 1990.
La dualité de ce personnage est dès sa première prestation mise en avant avec All I Care About, quand Billy parle ouvertement et en toute malhonnêteté d’amour alors que sa principale et véritable motivation est l’argent. Un numéro de bluff parmi tant d’autres à venir… notamment avec la journaliste Mary Sunshine, interprétée par Christine Baranski (Mamma Mia ! en 2008 et 2018) - qui rompt la tradition de ce rôle campé par un travesti au théâtre - dispensée de solo mais qui se joint à lui pour échanger quelques notes et quelques pas de danse.
Grâce à ce rôle savoureusement ambivalent, Richard Gere est lui aussi récompensé du Golden Globe du Meilleur Acteur dans un Film Musical ou Comédie, après deux nominations sans succès durant l’ensemble de sa carrière.

Ce qui surprend le spectateur dès les premiers instants de Chicago, c'est l'aisance avec laquelle les acteurs assurent le spectacle. Il faut dire que chaque interprète a bénéficié de plusieurs mois de préparation et de longues journées de répétition, qu’il soit expert en la matière ou encore novice mais plein de bonne volonté. Cours de chant et de danse sont dispensés au sein d’un véritable esprit de troupe, dont les excellents résultats permettent le tournage des numéros en seulement deux à trois jours.
Ainsi, Catherine Zeta-Jones connaît les rouages du théâtre et s'avère d'une aide précieuse pour ses compères. Emballée par le projet, elle y trouve l'occasion de porter à nouveau ses chaussons de danse (malgré son début de grossesse) et donner de la voix, naturellement grave qui s’accorde divinement à la sensualité de Velma. Pour Renée Zellweger, disposant d'un joli timbre rocailleux parfait pour la vulnérable Roxie, il s’agit là de sa première comédie musicale (même si elle a déjà poussé la chansonnette dans l’un de ses tout premiers films Empire Records en 1995).
Seule la prestation de Richard Gere peut se discuter lorsqu’il se met à chanter, juste fort heureusement, mais avec une voie vieillotte et tremblotante (son dernier tour de chant remontant à 1984 dans Cotton Club). Rien de dramatique, mais le résultat est beaucoup moins énergique que celui de ses acolytes en bas résilles. Néanmoins, ce dernier apprend l’art difficile des claquettes en trois mois pour les besoins d'une scène hommage à la comédie musicale, tournée en une seule journée.

S'il y en a bien une personne ravie de cette distribution parfaite, c’est le compositeur original de la comédie musicale, Monsieur John Kander en personne. Son travail de composition est bien évidemment repris pour l’adaptation, tout comme celui du parolier Fred Ebb. Les deux hommes forment en effet une équipe emblématique dans le monde du théâtre depuis plus de quarante ans. Pourquoi changer une équipe qui gagne ?
La seule réponse valable à cette question est la participation complémentaire du non moins illustre Danny Elfman (Dick Tracy en 1990, L’Étrange Noël de Monsieur Jack en 1993), pour les musiques additionnelles nécessaires au film. Jazzman accompli, ses morceaux originaux After Midnigh et Roxie’s Suite s’accordent parfaitement à la partition originelle, reprenant les familles des cordes et des cuivres si chères à la musique jazz.
Sur une vingtaine de numéros musicaux, treize chansons sont donc reprises dans Chicago et enregistrées en studio, avec en prime une composition originale de Kander & Ebb pour le générique de fin : I Move On. Là encore, une nomination aux Oscars pour la Meilleure Chanson récompense (de peu) l’équipe. De son côté, la bande originale s’écoule à plus de 2,4 millions d’exemplaires et figure n°1 au classement américain du magazine Billboard en 2003, avant de remporter le Grammy Award de la Meilleure Bande Originale d’un Média Visuel en 2004.

Les connaisseurs redécouvrent alors avec grand plaisir les classiques de la comédie musicale. Les autres les découvrent grâce à la magie du cinéma. Les numéros à la mise en scène minimaliste et élégante, à l’image de la direction artistique prise au théâtre, se permettent toutefois plus de liberté et de spectacle (sans outrepasser dans le spectaculaire qui serait ici totalement hors-sujet) pour le plus grand plaisir des yeux. De même, l’œuvre ne dispose pas d'effets spéciaux (ou peu visibles), misant sur des effets classiques et des jeux de profondeur.
Hormis quelques ajouts d’accessoires et quelques réels tableaux, l’essentiel du travail se fait sur l’éclairage. La lumière bleue des débuts - très peu utilisée dans l’œuvre puisqu'elle illustre comme le blanc l’innocence - s’efface brusquement, au profit du rouge omniprésent. Durant les numéros uniquement, car dans la froide réalité de la prison et de la ville du vent, tout est sobre, terne, éteint, presque fade. Ou comment la lumière devient un personnage et un mode de narration !
Véritables moments forts de l'histoire, les numéros se fondent et s’enchaînent avec une fluidité évidente, alors que tout les diffère de la réalité. Pour que le fantasme se mêle aussi bien au réel, le mot d’ordre si cher au réalisateur est ici « transition », qui se fait tout naturellement de maintes manières, par la lumière ou le son. Les gouttes d’eau du ragoutant robinet de la cellule de Roxie se mettent ainsi à couler en harmonie au rythme du tango qui s'annonce…

Velma se dévoile avec férocité dans le percutant Cell Block Tango, dans lequel six femmes racontent leur histoire (parmi elles, la chorégraphe du film Denise Faye et la chanteuse Mýa qui participa au single Lady Marmelade l’année précédente). Six maris, six meurtres, six foulards dont les couleurs reflètent et témoignent de leur culpabilité. Pièce maîtresse de l’œuvre et numéro de cabaret unique d'une modernité surprenante, les cris des détenues résonnent encore dans les couloirs de la prison, comme ils risquent à coup sûr de hanter l’esprit du spectateur le plus réceptif.
Puis résignée, Velma se livre dans « un numéro de désespoir total » avec le plus léger mais non moins excellent I Can’t Do It Alone. Une ode durant laquelle elle narre sa gloire partagée avec sa défunte sœur et tente d'amadouer Roxie, sans perdre de sa superbe et regretter quoi que ce soit.
Les plus curieux peuvent également écouter sur l’album ou regarder dans les bonus du DVD le titre Class que Catherine Zeta-Jones partage avec Queen Latifah, tourné mais malheureusement coupé au montage. Dommage que ces deux personnages électriques qui conspirent ensemble, ces deux actrices aux voix puissantes, n'échangent pas en chantant à l’écran. L’erreur est corrigée quand elles interprètent toutes deux I Move On lors de la cérémonie des Oscars qui couronne Chicago.

Et Roxie dans tout cela ? Elle ne s’est quand même pas donnée tant de mal pour faire de la figuration ! C’est lorsqu’elle laisse libre court à son imagination débordante, quand les prémices de la célébrité se font sentir, qu’elle fait sa véritable entrée en scène avec Roxie. Un classique du genre dans lequel la diva vêtue de diamants est entourée de ses « boys », dans un numéro presque en noir-et-blanc où apparaît enfin son prénom en grand et en lettres écarlates. Un joli clin d’œil à Marylin Monroe, pourtant involontaire.
Puis elle entonne timidement Nowadays, avant que la chanson ne soit reprise en duo avec Velma. Toutes deux sont enfin sur une véritable scène et devant un public en folie pour clôturer le film avec panache. Cependant, si Renée Zellweger ne démérite pas et campe une ingénue parfaite en apparence, le spectateur lui préférera la brune sulfureuse et vénéneuse à souhait, qui - bien que moins présente à l’écran - offre un numéro d’ouverture magistral et irradie par la suite à chacune de ses apparitions jusqu’au final.
Face à tant d'aura, Amos, le pauvre et insignifiant mari de Roxie, parvient tout de même entre deux numéros à s’offrir le triste et poignant solo clownesque Mister Cellophane. Son interprète John C.Reilly (Les Gardiens de la Galaxie en 2014 et la voix de Ralph la Casse dans Les Mondes de Ralph en 2012 puis Ralph 2.0 en 2018) est lui aussi pressenti à l’Oscar et au Golden Globe du Meilleur Acteur dans un Second Rôle.

De par son personnage aux multiples facettes, tel un véritable diablotin qui a plus d’un tour dans son sac, Richard Gere bénéficie des tableaux les plus fous, aux mises en scène recherchées et extravagantes. Des numéros résolument kitschs et colorés, plus que bienvenus dans cet univers déjà bien sombre (la lumière est ici outrancière), mais avec un ton caustique et un second degré qui accompagnent si bien Billy et la satire de la justice qu'il représente.
We Both Reached for the Gun censée couvrir une très sérieuse conférence de presse, offre un numéro de marionnettes enjoué et au charme rétro absolument désopilant. Avec une espièglerie et une synchronisation parfaite, Billy Flynn en bon ventriloque se joue de la malléable Roxie - transformée pour l’occasion en véritable poupée de bois - avant de tirer littéralement les ficelles pour faire des journalistes ses pantins articulés. Du génie !
Le clou de sa représentation sera Razzle Dazzle, (qui peut se traduire par « tape-à-l’œil », « grand jeu » « diversion » ou encore « illusion »… tout convient dans ce cas de figure). Ou comment un tribunal devient littéralement une vraie piste de cirque, la cour n’étant plus qu’un simple public et la plaidoirie un numéro truqué. Un tableau féerique diamétralement opposé de la situation la plus sérieuse qu’il illustre, quand sa cliente risque la condamnation à mort par pendaison.

Mais un artiste n’est rien sans la scène, les strass et les paillettes. Moulin Rouge ! n’étant pas encore sorti et son futur succès étant encore méconnu, Chicago est considéré comme un projet à risque au début de sa production. Pour minimiser les coûts, l'équipe s'installe au Canada, mais ne trouve pas de théâtre et de prison suffisamment adaptés - ou adaptables - pour accueillir le tournage. Un décor amovible à 360 degrés est donc créé pour laisser libre court à l’imagination du réalisateur et faciliter les prises de vue.
C’est la costumière en chef Colleen Atwood, grande collaboratrice de Tim Burton et de Rob Marshall, qui se charge de créer une garde-robe qui reflète toute la sensualité et la modernité de l’époque : les jupes raccourcissent et les décolletés plongent dans les années 20. La douce Roxie dispose de parures claires et rosées, alors que l’audacieuse Velma ose le noir et le rouge. Son interprète Catherine Zeta-Jones insiste d'ailleurs auprès de la production (qui enviait sa longue chevelure) pour porter une coupe courte afin de ne pouvoir se faire doubler dans les scènes de danse.
Précédemment nommée à trois reprises aux Oscars, cette quatrième nomination vaut à la costumière sa première statuette pour ce travail de précision et de reconstitution. Elle en remporte un second pour Mémoires d’une Geisha (de Rob Marshall également) en 2006, un troisième avec Alice au Pays des Merveilles en 2011, puis un quatrième pour Les Animaux Fantastiques en 2017. Sa prochaine participation pour Disney est le film live Dumbo.

La troupe, échauffée et parée, est enfin prête ! La représentation peut commencer… Après une première exclusive à Los Angeles et New York avant les fêtes, puis une sortie limitée à Londres le 26 décembre et dans quelques salles américaines le 27 décembre 2002, Chicago débarque en salles le 24 janvier 2003 aux États-Unis, peu de temps après le début de la tournée mondiale qui commence au Royaume-Uni. La comédie prend possession des écrans français le 26 février 2003.
Pour un budget de 45 millions de dollars, l’œuvre rapporte plus de 170 millions aux États-Unis et finit sa course à plus de 306 millions de dollars de recettes mondiales. Les professionnels et les spectateurs enthousiastes encensent le film. Il est vrai que Moulin Rouge !, sorti un an plus tôt a finalement donné goût aux films musicaux à une toute nouvelle génération. Le public ne boude pas son plaisir, même si une comparaison injustifiée des deux œuvres se fait lors des sorties de salles.
Succès critique et commercial, Chicago est le film de l’année le plus primé lors de la 75ème cérémonie des Oscars avec treize nominations. Six statuettes lui sont alors décernées : Meilleur Film, Meilleure Actrice dans un Second Rôle, Meilleure Direction Artistique, Meilleurs Costumes, Meilleur Montage et Meilleur Son. Il reçoit également trois Golden Globes lors de la 60ème cérémonie : Meilleur Film Musical ou Comédie, Meilleur Acteur dans un Film Musical ou Comédie et Meilleure Actrice dans un Film Musical ou Comédie. Au total, 55 prix remportés pour 121 nominations !

Digne héritier de la comédie musicale triomphale (version de 1996) - l'une des plus grandes de tous les temps et des plus jouées à travers le monde - Chicago parvient à lui rendre hommage (en témoigne sa nomination à l’Oscar du Meilleur Scénario Adapté) sans la copier, comme le souhaitait Rob Marshall qui avoue à son sujet cependant la difficulté de s’éloigner de la vision parfaite de Fosse. Le film possède néanmoins sa propre identité et parvient même à sublimer son aîné. Une esthétique léchée et un charme minimaliste… auxquels tout le monde ne peut être sensible.
Malgré tout, comme le musical qui a fait son histoire et les thèmes abordés qui font toujours écho aujourd’hui, le long-métrage fait face à l’épreuve du temps. Les ressorties mondiales au théâtre perpétuent l’héritage du film. De même, dix ans après sa sortie, Catherine Zeta-Jones reprend son rôle porte-bonheur lors de la 85ème cérémonie des Oscars et réinterprète devant le public et en direct All That Jazz, le temps d'un hommage aux films musicaux de la décennie. Chanson emblématique de l’œuvre, elle figure toujours parmi les 100 plus grandes chansons du cinéma américain.

« Jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?... Et pas qu’un peu ! ». Le public délibère. Le juge rend son verdict. Drôle, sarcastique, inventif, libéré, sexy et audacieux, Chicago version 2003 recèle de trésors : une partition entraînante, des tableaux originaux, des danseurs tout droits issus de Broadway, ainsi que des interprètes charismatiques qui s'avèrent être de vraies révélations du musical. Un véritable travail d’acteurs ? Une authentique performance d’artistes serait plus juste. Le tout mené par un réalisateur visionnaire, une équipe artistique inspirée et une équipe technique au travail millimétré, bien trop souvent dans l’ombre et oubliée.
Certes, cette comédie musicale est peut-être plus moderne, austère et élitiste que la majeure partie de ses comparses. Pas de doux rêves et de grandes histoires d’amour dans la ville du crime organisé. Place aux protagonistes égoïstes à la morale plus que douteuse. Mais quel spectacle ! L'accès n’est pas facile et l’immersion n’est pas évidente. Mais si le spectateur se laisse guider par la musique et entre finalement dans la danse, il découvrira un petit chef-d’œuvre du cinéma musical, car « C’est ça le jazz ! ».

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