La Mère de Quasimodo
Date de création : Le 21 juin 1996 Nom Original : Quasimodo’s Mother Créateur(s) : Stéphane Sainte-Foi |
Apparition : Cinéma Voix Originale(s) : Mary Kay Bergman Voix Française(s) : Nathalie Régnier |
Le portrait
En 1996, les studios Disney remontent le temps et emmènent les spectateurs dans le Paris de la fin du XVe siècle avec Le Bossu de Notre-Dame. Inspiré de l’œuvre de Victor Hugo, le film s’ouvre alors avec le personnage de Clopin, bouffon haut en couleur qui plonge sans tarder le public au cœur de l’intrigue en lui racontant les origines de Quasimodo et le destin funeste de sa pauvre mère.
L’histoire racontée par Clopin débute au cours d’une nuit noire. Sur l’un des bras de la Seine longeant l’Île de la Cité, une barque glisse sans bruit sur l’eau. À son bord, un passeur transporte quatre Gitans, un homme ainsi qu’un couple avec son enfant. Terrifiés, chacun tente de faire le moins de bruit possible afin de ne pas alerter les autorités. Le plus dur reste alors de faire taire le bébé qui pleure...
Parvenu sur la berge, le convoi clandestin est bientôt arrêté par une garnison postée là par le terrible juge Claude Frollo. Les deux hommes sont mis aux fers. Le passeur est lui-même enchaîné. La jeune femme est quant à elle assaillie par un garde qui exige de savoir ce que contient le mystérieux paquet qu’elle tient dans ses mains. Persuadé qu’il ne s’agit là que du fruit d’un larcin, Frollo ordonne qu’on le lui prenne. Serrant très fort son petit, la Bohémienne parvient toutefois à neutraliser le soldat et à prendre la fuite.
Terrifiée, la Gitane est désormais seule dans les rues de Paris. Courant à perdre haleine, elle tente de semer Frollo lancé à ses trousses. Sentant le souffle du cheval du juge juste derrière elle, elle s’engouffre dans les ruelles et parvient finalement jusqu’au parvis de Notre-Dame. Sur le point d’être capturée à son tour, son seul salut ne réside plus à présent que dans la cathédrale. Tambourinant frénétiquement sur l’un des portails, elle implore d’obtenir le droit d’asile... En vain.
Personne ne vient à temps pour ouvrir la porte de l’église. Voyant Frollo fondre sur elle, la Gitane reprend sa fuite. Mais il est trop tard... Le juge parvient à saisir le paquet qu’elle n’a jamais cessé de serrer contre elle. Afin de l’écarter, il lui assène ensuite du haut de son cheval un violent coup de pied. La réfugiée bascule en arrière. Sa tête frappe lourdement les marches de la cathédrale. La pauvre est tuée sur le coup !
Insensible au moment de regarder le corps gisant de la pauvre femme, Frollo comprend bientôt que le paquet contient en fait un bébé... Un petit être difforme qu’il songe à présent à jeter dans un puits voisin afin de le faire disparaître. Criminel en puissance, le juge est sur le point de commettre l’irréparable quand l’archidiacre surgit. Prenant la défunte Gitane dans ses bras, le vieil homme d’Église est effondré. S’agaçant des fausses excuses de Frollo qui tente de se disculper de toute responsabilité, l’archidiacre prend alors pour témoin Notre-Dame, seule ici-bas à connaître la vérité. Emportant avec lui la pauvre mère pour lui offrir des obsèques dignes, ce dernier parvient finalement à convaincre Frollo de sauver le bébé et de l’élever comme s’il s’agissait de son propre enfant.
Ainsi débute l’histoire tragique de Quasimodo qui, pendant vingt ans, est gardé reclus dans la cathédrale par son nouveau maître. Élevé à l’abri des regards, le petit subit alors les mensonges du juge qui, année après année, n’a de cesse de lui parler de sa mère, « indigne » femme accusée de l’avoir abandonné à son triste sort. La vérité n’est rétablie que dans la scène finale, lorsque Frollo, sur le point de tuer Quasimodo, révèle enfin que feue la Gitane est en réalité morte en essayant de le sauver. Submergé par la colère, le bossu parvient dès lors à prendre le dessus sur son maître qui, dans sa folie, provoque bientôt sa propre perte...
Lorsqu’ils débutent l’écriture du (Le) Bossu de Notre-Dame, les scénaristes Tab Murphy, Irene Mecchi, Jonathan Roberts, Bob Tzudiker et Noni White font dès le départ le choix de modifier l’histoire originale de Victor Hugo. L’objectif est alors de la rendre plus accessible à un large public. Il s’agit en outre de simplifier le récit en éliminant certains passages et certains acteurs comme Pierre Gringoire, Jehan Frollo, Paquette et Fleur-de-Lys. Les personnages principaux, Quasimodo, Frollo, Esmeralda et Phoebus, voient quant à eux leur rôle être considérablement modifié. Enfin, les auteurs ponctuent çà et là le récit de nouveaux protagonistes tels que la mère de Quasimodo, totalement ignorée par Victor Hugo.
L’écrivain n’écrit en effet pas une seule ligne sur la mère biologique de Quasimodo et seuls quelques indices sur l’enfance du bossu sont ponctuellement disséminés au sein de deux chapitres de Notre-Dame de Paris. Dans le chapitre 1 du Livre Quatrième, le lecteur apprend ainsi que le héros fut abandonné devant la cathédrale Notre-Dame le dimanche 16 avril 1467. C’était le jour de la Quasimodo. Sortant de la messe, les badauds furent attirés par les pleurs d’un enfant laissé sur le bois de lit scellé dans le parvis. Chacun était libre de prendre le petit mais personne ne fit preuve de charité.
Victor Hugo
Bientôt, quatre veuves se présentèrent à son chevet, Agnès la Herme, Jehanne de la Tarme, Henriette la Gaultière et Gauchère la Violette, toutes des bonnes sœurs de la chapelle Étienne-Haudry. Penchées sur l’enfant, toutes furent stupéfaites par la laideur du petit, véritable « singe manqué », un « monstre d’abomination », une « bête »... Ouvrant le sac de toile imprimé au chiffre de messire Guillaume Chartier, évêque de Paris, elles découvrent bientôt qu’il ne s’agit pas là d’un bébé mais d’un petit garçon d’environ quatre ans. Alors que la foule demande à ce qu’il soit brûlé, le jeune prêtre Claude Frollo décide pour sa part de le prendre sous son aile et de l’élever à l’abri de la cathédrale...
Dans le chapitre 4 du Livre Sixième, Victor Hugo précise encore davantage les origines de Quasimodo. Le lecteur découvre que Paquette, réputée folle, accoucha jadis d’une petite-fille, Agnès, qui lui fut sauvagement enlevée par des brigands fraîchement arrivés dans la ville de Reims. Partie chercher de l’aide, la jeune femme découvrit alors chez elle un paquet déposé plus tôt par deux Égyptiennes. À l’intérieur, elle découvrit « une chose affreuse », « un petit monstre hideux, boiteux, borgne et contrefait », « un monstrueux enfant de quelque égyptienne donnée au diable ». Abominable, le petit garçon fut envoyé à Paris par l’archevêque de Reims qui le déposa devant la cathédrale...
N'ayant pour seul indice le fait que la mère de Quasimodo était une Égyptienne anonyme qui accepta de l’abandonner au profit de la petite Agnès, les scénaristes de Disney décident de s’éloigner de l’œuvre de Victor Hugo et d’improviser en créant un personnage fort placé au cœur d’une séquence d’introduction absolument magistrale. Dans Le Bossu de Notre-Dame, la mère de Quasimodo apparaît ainsi sous les traits d’une jeune gitane obligée, comme ses proches, de vivre dans la clandestinité afin d’échapper à l’autorité impitoyable du juge Claude Frollo. Son costume se limite à une robe violette sur laquelle un paréo, un châle et un foulard ont été ajoutés afin de faire face aux températures hivernales. Le teint mât, elle porte des anneaux en or à chaque oreille, des bracelets aux poignets et à la cheville ainsi qu'un diadème.
Extrait du storyboard par Paul et Gaëtan Brizzi
Tentant de rejoindre Paris et, sans doute, la Cour des Miracles, la mère de Quasimodo semble être la seule personne à véritablement chercher à prendre soin de son bébé. Les autres Bohémiens embarqués avec elle témoignent quant à elles de peu d'égards pour l'enfant. L'un des deux hommes, anonyme, ne manifeste en effet aucun amour pour son petit. Sans ménagement, il demande à ce que sa mère le fasse taire. Altérée dans la version française, sa réplique est particulièrement tranchante en version originale. « Shut it up! », ordonne-t-il ; le terme « it », utilisé en anglais pour qualifier les choses, les objets ou les animaux, faisant ici référence à Quasimodo...
Dessin d'animation de Stéphane Sainte-Foi
Visible seulement une poignée de minutes, la mère de Quasimodo, bien qu’anonyme, est l’un des personnages les plus forts du (Le) Bossu de Notre-Dame. Incarnant une maman aimante, et ce, malgré les difformités de son fils, elle se retrouve plongée au cœur d’une séquence incroyable marquée par une force et surtout par une violence rarement vue dans une œuvre de Disney. Contrairement à celles de la mère de Bambi, de la mère de Rox ou bien de Mufasa, sa mort est en effet clairement montrée à l’écran. Si d’ordinaire, ce genre de scène se déroule hors-champ, son assassinat est ici montré sans aucun détour, faisant d’elle une exception dans la longue liste des gentils qui meurent dans les films de Disney.
La mère de Quasimodo est animée par Stéphane Sainte-Foi. Débutant sur les bancs de l’école des Gobelins où il reste deux ans, l’artiste débute sa carrière au début des années 1980 en collaborant notamment aux productions d’Astérix et la Surprise de César, sous l’égide des frères Paul et Gaëtan Brizzi, et du (Le) Coup du Menhir. Lorsque la société Brizzi Films est rachetée par The Walt Disney Company en 1989, il participe à la création de plusieurs séries télévisées telles que Super Baloo, La Bande à Dingo et Bonkers, avant d’être associés à l’animation de Dingo et Max, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Tarzan et Lilo & Stitch. Après la fermeture de Walt Disney Animation France, Stéphane Sainte-Foi enchaîne les projets avant de rejoindre en 2010 l’école Georges Méliès où il enseigne l’animation traditionnelle. Sa filmographie compte également des films comme Astérix et les Vikings, Alpha et Omega, Titeuf, le Film et Un Monstre à Paris.
En version originale, la Mère de Quasimodo est interprétée par Mary Kay Bergman. Née le 5 juin 1961 à Los Angeles, l’actrice étudie à l’université de Californie avant de se lancer dans la comédie. Elle devient alors une voix incontournable aux États-Unis en doublant des centaines de personnages féminins parmi lesquels Daphne Blake dans Scooby-Doo, Arista dans La Petite Sirène, Plumette dans La Belle et la Bête, les Nymphes dans Hercule, Sheila Broflovski dans South Park et Si dans La Belle et le Clochard 2 : L’Appel de la Rue. Atteinte de trouble bipolaire et d’anxiété, Mary Kay Bergman se donne la mort le 11 novembre 1999 à l’âge de trente-huit ans.
En France, le rôle est offert à Nathalie Régnier. Comédienne et directrice artistique, elle est notamment la voix française de Lauren Graham, Anna Gunn et Laura Harring.
Bien que peu présente à l’écran, la Mère de Quasimodo fait partie des personnages les plus marquants du (Le) Bossu de Notre-Dame et des morts les plus violentes et impressionnantes de la filmographie des studios Disney.