Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine
Titre original : Rogue Not Quite One Production : 20th Television Animation Gracie Films Date de mise en ligne USA : Le 4 mai 2023 (Disney+) Série : Genre : Animation 2D |
Réalisation : David Silverman Durée : 4 minutes |
Le synopsis
Alors que son père Homer la délaisse pour se rendre dans la Cantina de Moe, Maggie Simpson embarque pour un voyage intergalactique qui la voit affronter son pire ennemi dans une bataille entre les étoiles et Springfield. |
La critique
Pour son retour en tant que personnage principal d’un court-métrage des (Les) Simpson, Maggie Simpson retrouve l’univers de la saga Star Wars et voyage Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine. Bien que rempli de clins d'œil amusants, le cartoon peine à aller au-delà du simple exercice imposé.
Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine est un nouvel ajout, le dixième, à la série des courts-métrages de la franchise des (Les) Simpson. Créée par Matt Groening en 1987 en tant que courte pastille animée pour l’émission The Tracey Ullman Show sur la jeune chaîne Fox, elle a droit à une série autonome dès le 17 décembre 1989 sur la même chaîne. Mettant en scène une famille typiquement américaine autorisant la caricature et la satire, elle rencontre un succès impressionnant lors de sa première saison, réunissant 27,8 millions de téléspectateurs en moyenne aux États-Unis. Plus de trente saisons plus tard, la série, devenue la sitcom à la plus grande longévité, s'auréole en plus d'un succès critique, ayant notamment décroché 31 Emmy Awards depuis sa création. Les personnages en jaune ont également donné leurs traits à d’innombrables produits dérivés et sont déclinés dans les parcs à thème Universal. Ce n’est donc pas un hasard s’ils débarquent pour la première fois sur le grand écran en 2007 avec le très réussi long-métrage Les Simpson - Le Film.
Cette expérience concluante donne au producteur James L. Brooks la volonté d’explorer le format du court-métrage, en prenant aussi bien pour modèles les avant-programmes proposés par Pixar que les cartoons classiques. Un groupe composé des pointures de la série (Matt Groening, James L. Brooks, David Silverman, Al Jean, David Mirkin, Joel Cohen et Michael Price) décide alors de créer une aventure muette. En conséquence, mettre en scène Maggie, le bébé de la famille, apparaît vite comme une évidence. Dure Journée pour Maggie débarque ainsi sur les écrans le 13 juillet 2012 en avant-programme du long-métrage des Blue Sky Studios L'Âge de Glace 4 : La Dérive des Continents et reçoit un excellent accueil critique. Maggie revient sur grand écran le 6 mars 2020 avec Rendez-Vous Avec le Destin, en marge des projections du film En Avant des studios Pixar, avant d’être proposé sur Disney+ suite à la fermeture des salles de cinéma engendrée par la pandémie de COVID-19.
En effet, entre-temps, la famille de Springfield a rejoint le giron de The Walt Disney Company après que celle-ci a racheté le 20 mars 2019 une partie de 21st Century Fox. Et l’entreprise affirme rapidement sa volonté de capitaliser sur cette franchise unique. Les trente premières saisons de la série sont logiquement présentes sur la plateforme Disney+ dès son lancement le 12 novembre 2019 et sont rapidement rejointes par les suivantes, à la suite de leur diffusion sur Fox. Le succès de la série sur la plateforme donne donc à James L. Brooks une nouvelle idée en janvier 2021, celle de réaliser une série de courts-métrages où Les Simpson interagit avec les autres franchises de Disney+. Maggie explore alors déjà la galaxie de Star Wars dans Le Réveil de la Force après la Sieste, le 4 mai 2021, avant que l’univers Marvel ne soit quant à lui mis en avant la même année dans Le Bon, le Bart et le Loki.
Le Plusanniversary des Simpson parachève la logique le 12 novembre 2021, pour le deuxième anniversaire de Disney+, en invitant au sein de la taverne de Moe une liste considérable de personnages issus des classiques Disney et d’autres franchises ! La même idée est retenue l’année suivante dans Bienvenue au Club, avec les célèbres méchants du studio aux grandes oreilles. Les Simpson collaborent également avec des artistes musicaux dans trois cartoons : Bad Bunny dans Te Deseo Lo Mejor (2021), Billie Eilish dans Quand Billie rencontre Lisa (2022) et les Bocelli dans Feliz Navidad (2022). L’univers intergalactique de Star Wars revient ensuite à Springfield dans Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine en 2023, avant Que la Fête des Mères Soit avec Vous en 2024. La même année, The Most Wonderful Time of the Year célèbre Halloween.
Comme pour l’ensemble de ces courts-métrages, Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine est dirigé par David Silverman. Né le 15 mars 1957 à Long Island dans l’État de New York, le réalisateur est un animateur impliqué dans l’aventure des (Les) Simpson depuis les pastilles créées pour The Tracey Ullman Show. Génial, celui qui s’inspire de Ward Kimball et de Tex Avery définit les principales règles qui sont transmises aux différents studios chargés de l’animation de la série. Il délaisse un temps les aventures des habitants de Springfield pour travailler pour plusieurs studios, en réalisant notamment quelques séquences de La Route d’Eldorado (2000) pour DreamWorks Animation et en co-réalisant auprès de Pete Docter Monstres & Cie (2001) chez Pixar. Ensuite, fort de sa trentaine d’épisodes dirigés, il est désigné pour réaliser Les Simpson - Le Film puis, donc, les courts-métrages de la franchise.
Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine vient pour une deuxième fois mêler la franchise Star Wars avec Les Simpson au sein d’un court-métrage, après Le Réveil de la Force après la Sieste. Inutile de rappeler à quel point la série a déjà fait référence à de multiples reprises à cette saga majeure de la pop culture américaine. Outre les nombreux caméos ou clins d’œil effectués par l’ensemble des personnages et notamment le Vendeur de BD, peuvent être cités Homer divulgâchant la révélation de Star Wars : L’Empire Contre-Attaque (Vive les Mariés, Saison 3, épisode 12), Mark Hamill apparaissant dans son propre rôle (Homer, Garde du Corps, Saison 10, épisode 9), le nouveau film de la saga fictive Cosmic Wars moquant les critiques autour de la sortie de Star Wars : La Menace Fantôme (Boire et Déboires, Saison 15, épisode 15) ou La Vengeance est un Plat qui se Mange Trois Fois dédié aux personnages morts dans Star Wars (Saison 18, épisode 11).
Pour ce nouveau court-métrage croisant les univers de Springfield et de Star Wars, les références pleuvent mais ne se limitent pas à la saga intergalactique, la maison-mère dans son ensemble en prenant pour son grade. Le cartoon s’ouvre d’ailleurs sur une parodie de la séquence d’ouverture des films du label Disney telle qu’elle a été modifiée en 2023 pour les 100 ans de l’entreprise. Une fois cette « auto-congratulation » raillée, le château emblématique de la compagnie devient constitué de bâtiments emblématiques de Springfield, où les différentes tours prennent cette fois la forme des cheminées de la célèbre centrale nucléaire de M. Burns ou du drapeau américain de l’école élémentaire où officie Skinner. Une réussite très amusante pour introduire le court-métrage.
Plus tard dans l’opus, une parodie du texte d’introduction déroulant des films de la saga moque cette tradition datant de 1977 en proposant un texte - rédigé à la machine à écrire - pour un Épisode CXXXI. L'occasion également de déplorer une nouvelle fois, et c’est un élément de comique de répétition des courts-métrages des (Les) Simpson, l’absence d’univers dédié à la franchise sur Disney+ aux côtés de Disney, Star Wars, Marvel, National Geographic et Star.
Dès les premières secondes de Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine, le spectateur trouve des décors et personnages très « star-warsiens », bien qu’il semble que l’action se déroule dans un quartier tout à fait atypique de Springfield. Le spectateur a compris depuis longtemps qu’il ne fallait pas chercher dans ces cartoons de Disney+ une quelconque cohérence scénaristique ! Devant la crèche « Mon Mothma et moi », où les réductions sur des produits Disney sont notamment interdites - nouvelle pique à la maison-mère - se trouvent de nombreux acteurs de la saga en train d’accompagner leurs enfants imaginés par les auteurs des (Les) Simpson : Jabba le Hutt, Ahsoka, l’Amiral Ackbar, un pillard Tusken, BB-8 et même un TB-TT ! Le plus connu d’entre eux est évidemment Din Djarin avec son célèbre fils adoptif Grogu, dont les scénaristes raillent le surnom aussi affectueux qu’erroné de « Bébé Yoda ». Il est d’ailleurs amusant de voir le petit personnage quand il est su que Lucasfilm Ltd. avait refusé qu’il apparaisse en 2021 dans Le Réveil de la Force après la Sieste, de crainte qu’il soit surexposé. Il est vrai qu’entre-temps, L’Enfant est tellement devenu omniprésent sur tous supports et médias que ce carcan n’a plus de raison d’être. La limite n’est cependant levée qu’à moitié car si le spectateur l’identifie aisément de dos, le visage du plus célèbre bébé de Star Wars n’est pas montré à l’écran. Il faudra attendre pour en voir son aspect simpsonien !
Homer se débarrasse vite de Maggie en la déposant dans l’emblématique landau de Grogu, pour courir vers la Cantina de Moe, une habile fusion des lieux de Tatooine et Springfield que garde Chewbacca et qui semble en effet synthétiser la crasse et les fréquentations douteuses qu’ont en commun les deux rades. Par la suite, la cadette des Simpson s’envole en hyperespace et se trouve bien vite menacée par de nombreux vaisseaux TIE Fighters qu’elle ramène avec elle à Springfield pour une bataille finale qui se conclut par un beau clin d’œil à la scène de Star Wars : L’Empire Contre-Attaque dans laquelle Luke Skywalker neutralise un TB-TT sur Hoth.
Comme pour les précédents courts-métrages, Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine s’achève durant le générique final avec des peintures fixes intégrant des personnages des (Les) Simpson dans des décors, costumes et situations de Star Wars, qui font suite ou non à l’intrigue du cartoon. Après Homer attablé à la Cantina, le spectateur découvre ainsi Maggie dansant avec BB-8 et les Ewoks sur la lune forestière d’Endor, M. Burns dans le rôle qui lui va comme un gant de l’Empereur, Grand-Père Simpson dans le landau de Grogu, s’apprêtant à voir sa couche être changée, ainsi qu’Homer dans le costume - visiblement sous-dimensionné - de Din Djarin. Ensuite, le Chef Wiggum mange avec satisfaction son donut tandis que le criminel Le Serpent est piégé dans la carbonite, avant qu’Homer n’achève le générique en lisant une histoire à sa fille dans la Cantina.
Enfin, le titre du court-métrage, Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine, n’est de toute évidence pas la référence la plus obscure à Star Wars. Si la version française semble vouloir faire écho au voyage intergalactique que vit Maggie durant les quelques minutes du cartoon, le titre original est quant à lui beaucoup plus inventif : Rogue Not Quite One. Difficile à traduire (« pas encore vraiment un voyou »), ce qui explique sans doute le choix différent fait en français, cette désignation renvoie à Rogue One : A Star Wars Story tout en appuyant sur l’âge de son personnage principal, Maggie !
Pour la quatrième fois après les deux courts-métrages initiaux sortis au cinéma ainsi que pour le premier cartoon parodiant Star Wars, le bébé de la famille en jaune est en effet l’héroïne de Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine. Ce retour est bienvenu, Maggie étant un véritable pantomime, comme le fait remarquer Al Jean qui la compare au célèbre acteur du cinéma muet Buster Keaton, et se prêtant donc particulièrement bien à l’exercice du cartoon. Les courts-métrages des (Les) Simpson se focalisant sur les autres personnages de la famille alternent d’ailleurs entre le médiocre et le mitigé. Maggie reste ici amusante, particulièrement inventive et démontre une empathie qui la rend attachante malgré un récit concentré sur quatre petites minutes. Bien que montrée furtivement, son amitié avec le droïde BB-8 semble par ailleurs se prolonger.
Maggie retrouve également son ennemi juré, Bébé Gerald, à nouveau grimé en Dark Maul comme dans Le Réveil de la Force après la Sieste. Il partage ici la lumière avec elle et s’ouvre davantage que lors de la plupart de ses apparitions dans la série ou les précédents courts-métrages. Hélas, la même chose ne peut pas être constatée pour les autres personnages croisés, à l’exception du Chef Wiggum, doublé par Hank Azaria pour un gag. L’absence au générique de Dan Castellaneta, le doubleur d’Homer, est quant à elle particulièrement préjudiciable. Il est en effet étonnant de ne pas entendre le père de famille s’exclamer ou au moins produire l’une de ses célèbres onomatopées tandis qu’il connaît quelques péripéties. Le spectateur a alors le sentiment de regarder une production au rabais sur laquelle aucune économie, y compris le cachet pour un doublage d’une dizaine de secondes, n’était superflue.
S’agissant de l’atmosphère sonore, le court-métrage transporte effectivement son audience dans une galaxie lointaine, très lointaine. Comme pour Le Réveil de la Force après la Sieste, la musique est l'œuvre du collectif Bleeding Fingers Music et du compositeur de la série Alf Clausen. Il s’agit alors principalement d’arrangements évoquant les thèmes de la saga. Des partitions écrites par John Williams sont également jouées, notamment quelques notes du célèbre Duel of the Fates de Star Wars : La Menace Fantôme, pour le plus grand plaisir des fans. Les bruitages de la saga, créés pour la plupart par l’ingénieux Ben Burtt, sont pour leur part omniprésents et participent pleinement à l’immersion dans la galaxie créée par George Lucas.
De manière moins attendue, le court-métrage étonne avec l'extrait d'un morceau du chanteur britannique Donovan, Wear Your Love Like Heaven, paru en 1967. Venant accompagner la résolution de la situation, la chanson tranche clairement avec le reste de l’ambiance sonore du cartoon, et crée un contraste amusant qui suscite un dernier sourire avant le générique, sans toutefois apporter à l'œuvre le fond qui lui manque cruellement.
Tout naturellement, Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine est mis en ligne le 4 mai 2023 pour célébrer le Star Wars Day. Prononcée en anglais, la date « May the Fourth » constitue en effet un jeu de mots avec la formule « May the Force be with you », version originale de « Que la Force soit avec toi ». Alors que la blague se répand au fil des ans entre les fans, un premier événement est organisé le 4 mai 2011 à Toronto, au Canada. Suite à son rachat par Disney, Lucasfilm Ltd. officialise dès 2013 la journée en organisant différentes festivités ou opérations commerciales, notamment au sein des Parcs Disney. Le 4 mai est depuis universellement connu comme le Star Wars Day.
Annoncé deux jours seulement avant le Star Wars Day 2023, le court-métrage a de toute évidence une vocation essentiellement promotionnelle et constitue au mieux un bonus alors que sont également mis en ligne sur Disney+ la Saison 1 de Star Wars : Les Aventures des Petits Jedi ainsi que le Volume 2 de Star Wars : Visions. L’aspect anecdotique et la qualité toute relative de Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine n’empêchent pas l’équipe des (Les) Simpson de récidiver un an plus tard, le 10 mai 2024, avec Que la Fête des Mères Soit avec Vous, heureusement de meilleure facture.
Comme trop souvent pour les courts-métrages des (Les) Simpson produits directement pour Disney+, Dans une Galaxie Lointaine, très Lointaine ne parvient pas à dépasser sa caractéristique de pastille quasi-promotionnelle pour la présence de la série et celle de Star Wars sur la plateforme. Si son format et son ambition sont trop restreints pour susciter plus qu'un visionnage sympathique mais vite oublié, le spectateur sourit cependant volontiers devant les nombreux gags et références ainsi que pour Maggie, comme toujours attachante.