Dure Journée pour Maggie
Titre original : The Longest Daycare Production : 20th Century Fox Gracie Films Date de sortie USA : Le 13 juillet 2012 Série : Genre : Animation 2D 3-D |
Réalisation : David Silverman Musique : Hans Zimmer Durée : 4 minutes |
Le synopsis
Alors qu’elle passe la journée à la crèche, Maggie Simpson découvre avec curiosité une chenille qu’elle décide de protéger du brutal Bébé Gerald, son ennemi de toujours. |
La critique
Dure Journée pour Maggie marque le retour des (Les) Simpson au cinéma avec un premier court-métrage consacré au plus discret des membres de la célèbre famille. Belle réussite, il regorge dans sa faible durée de quatre minutes et trente secondes d’humour, de poésie et de malice et illustre le potentiel sans limite de la franchise.
Les Simpson est, il est vrai, avant toute chose, une série télévisée produite par Gracie Films et 20th Century Fox Television et créée par Matt Groening. Né le 15 février 1954 à Portland dans l’Oregon de parents nommés Margaret et Homer, il étudie à l’Evergreen State College d’Olympia dans l’État de Washington, une école d’art où il dessine et écrit pour le journal du campus. S’installant ensuite à Los Angeles pour devenir auteur, il enchaîne les petits boulots peu gratifiants et publie Life In Hell, une bande dessinée inspirée de sa vie dans la ville tentaculaire qui rencontre le succès et finit par être reprise dans près de 250 hebdomadaires.
Mais Groening est très vite attiré par l’animation, notamment depuis qu’il a découvert Les 101 Dalmatiens (1961). Il saisit ainsi l’opportunité offerte par James L. Brooks, auteur et producteur, de créer une courte pastille animée pour l’émission The Tracey Ullman Show diffusée dès 1987 sur la jeune chaîne Fox. Les Simpson apparaissent alors dans une forme proche de celle qui entrera dans la postérité. Groening nomme ses personnages en reprenant les noms de ses parents (Margaret, diminuée en Marge et Homer), de ses sœurs (Lisa et Margaret, diminuée en Maggie). Le terrible Bart tient quant à lui son nom de l'anagramme de “brat”, qui signifie “gosse” en langue anglaise. La véritable famille de l’auteur est toutefois bien différente des Simpson, qui forment avant tout un foyer américain moyen concentrant, comme l’exige la caricature, tous les excès possibles.
Le succès de la pastille dépassant celui de son émission d’accueil, Les Simpson est créée en tant que série autonome et débute sa diffusion, toujours sur la chaîne Fox, le 17 décembre 1989. Elle rencontre un succès impressionnant lors de sa première saison, avec 27,8 millions de téléspectateurs en moyenne aux États-Unis. Plus de trente saisons plus tard, la série, qui est devenue la sitcom à la plus grande longévité, s'auréole en plus d'un succès critique, ayant notamment décroché 31 Emmy Awards depuis sa création. Les personnages en jaune ont également donné leurs traits à d’innombrables produits dérivés et sont déclinés dans les parcs à thème Universal. Ce n’est donc pas un hasard s’ils débarquent pour la première fois sur le grand écran en 2007 avec le très réussi long-métrage Les Simpson - Le Film.
La famille de Springfield entre par la suite dans la grande famille de The Walt Disney Company lorsque celle-ci rachète officiellement le 20 mars 2019 une partie de 21st Century Fox. Et l’entreprise alors dirigée par Bob Iger affirme rapidement sa volonté de capitaliser sur cette franchise unique. Les trente premières saisons de la série sont en effet présentes sur la plateforme Disney+ dès son lancement le 12 novembre 2019.
Alors que l’équipe de la série est forte du succès critique et commercial des (Les) Simpson - Le Film et possède donc un nouveau savoir-faire pour le grand écran, le producteur James L. Brooks exprime la volonté d’explorer le format du court-métrage. Ainsi, il prend aussi bien pour modèles les excellents avant-programmes proposés par Pixar que les cartoons classiques dont s’inspire d’ailleurs l’écran présentant Maggie sur fond bleu. Un groupe composé des pointures de la série (Matt Groening, James L. Brooks, David Silverman, Al Jean, David Mirkin, Joel Cohen et Michael Price) décide alors de créer une aventure muette. En conséquence, mettre en scène le bébé de la famille apparaît vite comme une évidence.
Très rapidement, David Silverman est choisi afin de réaliser l’opus. Né le 15 mars 1957 à Long Island dans l’État de New York, Silverman est un animateur impliqué dans l’aventure des (Les) Simpson depuis les pastilles créées pour The Tracey Ullman Show. Génial, celui qui s’inspire de Ward Kimball et de Tex Avery définit les principales règles qui sont transmises aux différents studios chargés de l’animation de la série. Il délaisse un temps les aventures des habitants de Springfield pour travailler pour plusieurs studios, en réalisant notamment quelques séquences de La Route d’Eldorado (2000) pour DreamWorks Animation et en co-réalisant auprès de Pete Docter Monstres & Cie (2001) chez Pixar. Ensuite, et fort de sa trentaine d’épisodes dirigés, il est désigné pour réaliser Les Simpson - Le Film, légitimant ainsi son rôle sur Dure Journée pour Maggie, pour lequel il assure également lui-même l’animation de deux plans.
Richard Sakai, devenu ensuite Président de Gracie Films, soumet l’idée de réaliser le court-métrage en 3-D, alors que le genre déplace les foules depuis Avatar (2009). Cette technique représente un nouveau défi pour l’équipe, inexpérimentée en la matière. Elle se fait ainsi aider par le spécialiste en effets spéciaux et stéréographie Eric Kurland, qui a notamment réalisé le court-métrage en 3-D Elevation (2009). Si l’animation est réalisée de la même manière que pour la série, la charge de travail est plus lourde et nécessite des adaptations dans la répartition des tâches. Le studio sud-coréen AKOM assure comme à son habitude le clean-up des dessins mais cède le travail d’assemblage des plans au studio Film Roman aux États-Unis, spécifiquement pour le court-métrage. Obtenir un rendu en relief nécessite en effet une multitude d’éléments à animer avec un important travail sur les arrières-plans, créés par les équipes américaines qui centralisent la création de l’effet 3-D.
Il est donc regrettable au vu de l’important travail fourni pour créer une œuvre en relief et sans conversion que la version originale du court-métrage soit inaccessible, y compris pour les non-amateurs du genre. Celle-ci n’est en effet pas éditée en Blu-ray 3-D et est notamment absente de celui de L'Âge de Glace 4 : La Dérive des Continents, film dont Dure Journée pour Maggie a accompagné la sortie. Le spectateur peut néanmoins aisément remarquer dans la version dénuée de relief certains effets de profondeur recherchés par ses créateurs, sans toutefois pouvoir en profiter pleinement.
Dure Journée pour Maggie s’avère être une véritable réussite visuelle, reprenant les codes habituels de la série pour les sublimer sur grand écran avec un soin tout particulier apporté à l’animation des personnages et aux décors. Si rien n’est évidemment comparable avec les chefs-d'œuvre de l’animation 2D, certains plans sont assez ambitieux et présentent en effet une vraie complexité, avec des effets de profondeur destinés à la 3-D. Les couleurs, particulièrement soignées, sont éclatantes et symbolisent le monde de l’enfance, même si elles savent aussi pointer la distinction entre deux mondes. Le rendu s'inscrit alors plutôt dans la continuité des (Les) Simpson - Le Film que des épisodes de la série et se voit ainsi pleinement digne du septième art.
Le choix de confier le rôle principal à Maggie s’avère payant. Comparée par Al Jean - auteur et producteur sur la série et le court-métrage - à Charlie Chaplin, Maggie tire parfaitement profit du format, alors que centrer un épisode de 22 minutes uniquement sur elle est davantage complexe en termes de narration. Elle retrouve ainsi la crèche au sein de laquelle elle organise la récupération des tétines confisquées dans l'épisode 2 de la Saison 4, Un Tramway Nommé Marge. Assumant pleinement son rôle de pantomime, elle exprime autant que si elle était en capacité de parler. L’idée de mettre en images ce qu'elle pense, à la manière d’une bande dessinée, est également une trouvaille intéressante déjà explorée dans la série et qui permet de visualiser concrètement l’état de ses pensées plus délicates à faire transparaître dans ses gestes ou sur son visage.
Confrontée à son plus grand rival Bébé Gerald et à son célèbre monosourcil, elle rivalise d’imagination pour vaincre son ennemi par la ruse plutôt que par la force. Le film permet alors de confirmer l’intelligence de Maggie et plus généralement la capacité d’apprentissage extrêmement rapide des bébés, qui associent instantanément différentes idées dès lors qu’on leur permet de le faire. Sa malice ne manque également pas d’amuser le spectateur en justifiant l’excellente chute de Dure Journée pour Maggie.
L’humour est en effet présent tout au long du film et ce jusqu’au message suivant le générique. Qu’il se cache dans les décors, sur les différents objets ou dans les gestes des personnages, il ne pâtit pas de l’absence de dialogues. Le spectateur doit scruter la totalité de l’écran avec attention, jusqu’aux arrières-plans, pour être certain de cerner l’ensemble des surprises réservées par les auteurs du cartoon.
Dure Journée pour Maggie navigue ainsi habilement dans le domaine de la satire propre à la série. Sont alors moquées les procédures de sécurité parfois inutilement lourdes qui sont légion dans les lieux publics américains, notamment depuis le 11 septembre 2001. Un certain déterminisme social est également raillé : la situation voyant coexister des écoles (et crèches) suréquipées pour enfants surdoués et sous-dotées pour enfants sans “rien de spécial” est illustrée avec deux salles distinctes de la crèche de Maggie. Grinçant à souhait !
Si l’humour est au rendez-vous, les émotions ne sont pas laissées au second plan. Le spectateur partage il est vrai les joies et les peines de Maggie, que celles-ci soient d’ailleurs réelles ou feintes. Est ainsi présente une ambiance douce-amère entre plaisir de la découverte et peur, non pas de l’inconnue mais au contraire de la réalité dans ce qu’elle a de plus dur.
Dure Journée pour Maggie évoque en effet le monde de l’enfance en ce qu’il a d’effrayant, tout paraissant immense voire déformé aux yeux des chérubins. La cruauté dont font preuve certains enfants - thème récurrent de la série - est ici transposée aux bébés. Décuplés au plus jeune âge, les sentiments n’en sont alors que plus vivants. Néanmoins et comme toujours dans Les Simpson, l’espoir prévaut heureusement et la malice l’emporte sur le mal. La poésie se cache également dans la figure de la chenille évoluant en papillon, qui peut symboliser un espoir d’avenir pouvant exister pour un bébé placé dans la mauvaise salle de la crèche, voire de la vie.
Particulièrement réussie et ambitieuse pour un court-métrage, la musique de Dure Journée pour Maggie est composée par le célèbre Hans Zimmer, notamment connu pour les bandes originales du (Le) Roi Lion (1994) et de son remake de 2019, de la saga Pirates des Caraïbes, de 12 Years a Slave (2013) mais aussi - déjà - des (Les) Simpson - Le Film. En 2019, The Walt Disney Company lui remet ainsi pour son œuvre la récompense de Disney Legend. Sa composition est ici pleine de poésie et retranscrit les différentes émotions qui traversent Maggie durant sa journée à la crèche, de la joie à la découverte en passant par la peur.
Maggie s’autorise également durant quelques secondes une interprétation (muette, évidemment) du morceau Vesti La Giubba extrait de l’opéra Pagliacci, composé par l’Italien Ruggero Leoncavallo en 1892. Parfaitement lyrique même en l’absence de chant, la séquence est aussi drôle qu’elle sert l’émotion du moment.
Dure Journée pour Maggie est diffusé dans les salles de cinéma en avant-programme du long-métrage des Blue Sky Studios L'Âge de Glace 4 : La Dérive des Continents à partir du 13 juillet 2012 aux États-Unis et dès le 27 juin en France. Il est ensuite proposé en 2013 sur le petit écran, aux quatre coins du globe. Son exposition devient plus large des années plus tard, quand il est proposé sur Disney+ le 29 mai 2020, confirmant la vocation de la plateforme d’accueillir l’ensemble des œuvres concernant la franchise.
L’accueil critique est excellent, de nombreux journalistes préférant même le court-métrage au film qu’il accompagne. Ils soulignent notamment la prouesse signée par ses créateurs, parvenus en une durée très courte à insuffler de l’émotion tout en assurant l’aspect comique caractéristique de la série. Il n’est ainsi pas surprenant de le voir nommé pour l’Oscar du Meilleur Court-Métrage d’Animation, bien qu’il finisse par s’incliner avec les honneurs devant le chef-d'œuvre Paperman des Walt Disney Animation Studios.
Cette mise en lumière réussie de la discrète Maggie a inspiré les équipes créatives de la série. Aussi, le troisième épisode de la Saison 27 diffusé le 11 octobre 2015, Manque de Taffe, comporte une sous-intrigue au cours de laquelle le bébé des Simpson vit quelques péripéties en se liant d’amitié avec des animaux sauvages tels qu’un écureuil, un opossum, une chouette ou un perroquet.
Maggie fait ensuite son retour au cinéma le 6 mars 2020 dans Rendez-Vous Avec le Destin, un nouveau court-métrage au cours duquel elle vit sa première histoire d’amour avec un petit garçon rencontré dans une aire de jeux. Proposé dans les salles en complément du film des studios Pixar En Avant, il voit sa carrière dans les salles être prématurément arrêtée suite à l’arrivée du coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (ou SARS-CoV-2) menant à la maladie du coronavirus 2019 (ou COVID-19). Il est alors ajouté au catalogue de Disney+ dès le 10 avril suivant et bénéficie de l’exposition qu’il mérite. S’ensuit la diffusion le 19 avril de la même année sur Fox de l’épisode 18 de la Saison 31 des (Les) Simpson, The Incredible Lightness of Being a Baby, dont l’histoire de déroule dans la continuité de celle du court-métrage, Maggie retrouvant le bébé dont elle éprise.
Dure Journée pour Maggie, premier court-métrage dérivé des (Les) Simpson, est une véritable réussite quant à sa narration, son visuel et sa bande originale. Il met en lumière Maggie qui y exprime pleinement son potentiel, à nouveau exploité par la suite à la télévision comme au cinéma. Si son exposition auprès du grand public sur Disney+ est salutaire, il peut toutefois être regretté que le spectateur ne puisse profiter de sa conception originale en 3-D relief.