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L'Usage des Langues à Disneyland Paris

L'article

Publié le 21 janvier 2017

À l'ouverture de Disneyland Resort en Californie en 1955, Walt Disney n'a pas eu à se poser de question quant à la langue à utiliser dans son Parc ; l'écrasante majorité de ses visiteurs étant anglophone. La même situation se reproduit en 1971 avec Walt Disney World Resort, en Floride. En 1983, Disney ouvre son premier Resort en dehors des États-Unis : Tokyo Disney Resort. La quasi-totalité des visiteurs du Resort étant composée de locaux, là encore, il n'y a aucun doute sur la langue à utiliser. Tous les dialogues des attractions sont adaptés en japonais, de même que la nomenclature (bien qu'elle continue d'exister en anglais pour les visiteurs étrangers, notamment sur les panneaux de direction, les services utiles ou encore les menus des restaurants). Avec le temps, les Parcs américains auront également droit à quelques rares touches d'espagnol afin de s'adapter à la clientèle d'Amérique latine, notamment en Californie, un état frontalier du Mexique où la communauté hispanique est foisonnante. Par ailleurs, la Chine accueillera également deux Resorts : l'un à Shanghai (où les visiteurs sont quasi exclusivement des locaux parlant le mandarin), l'autre à Hong Kong (qui se veut plus international et jongle avec le cantonais, le mandarin et l'anglais constituant par là le Resort à la situation la plus proche de celle de Disneyland Paris).

Quand Disneyland Paris ouvre en 1992, la situation est toute différente. L'Europe a, en effet, pour particularité d'être composée de nombreux pays ayant chacun une langue nationale propre. Et il ne faut pas non plus vexer le pays hôte, la France, dont l’intelligentsia voit décidément d’un mauvais œil l’arrivée d’un complexe jugé alors comme une manifestation crasse de l’impérialisme américain, un sentiment résumé dans une formule restée célèbre depuis : le Tchernobyl culturel. Les concepteurs du Resort français marchent donc sur des œufs et le choix du premier nom de la destination n’est, lui-même, pas anodin : Euro Disney Resort sonne, il est vrai, français dans son ton et (vieille) Europe dans son sens. Mais voilà, le pragmatisme économique aura raison de l’effort linguistique initial. Mal compris par les Européens qui n’arrivent pas à situer la destination en France et qui ne rêvent pas non plus à sa seule évocation, son nom se muera, par étapes, jusqu’à devenir Disneyland Paris. La localisation géographique se fait désormais par l’évocation de la Ville lumière et le rêve est amené par la référence au Parc américain original.

Bien avant cela, ne souhaitant déjà pas freiner les envies de visite de la clientèle des autres pays, le Resort se choisit six langues officielles : le français, l'anglais, l'espagnol, l'allemand, l'italien et le néerlandais. Ainsi, par exemple, les plans des Parcs sont toujours proposés dans ces six langues. Bien plus tard, le russe et le japonais seront officieusement ajoutés à cette liste avec l'édition de plans traduits à réclamer auprès d'un Cast Member. Ceux-ci sont d'ailleurs tenus de parler le français et de maîtriser les bases de l'anglais voire une troisième langue s'ils souhaitent travailler au contact des visiteurs. Des drapeaux épinglés à leurs costumes, à côté du prénom, permettent d'un seul coup d'œil de savoir qui parle quoi. Seuls les interprètes de la division Spectacles échappent à cette règle.

Les Imagineers ont donc pour défi de concevoir un Parc à thème qui soit agréable à visiter quelque soit la langue parlée (qu'elle fasse partie des six officielles ou non), tout en respectant la thématisation des Lands (Main Street, U.S.A. et Frontierland rappellent les États-Unis, Fantasyland et Discoveryland majoritairement l'Europe, et Adventureland des contrées plus exotiques telles que le Moyen-Orient, l'Afrique, l'Inde et les îles du Pacifique sud et des Caraïbes). Ainsi, la nomenclature et les textes thémés de Main Street, U.S.A. et de Frontierland sont logiquement en anglais, afin de contribuer à l'illusion. Fantasyland est subdivisé en zones représentant des pays différents et cette donnée a été prise en considération lorsqu'il s'est agi de nommer les différentes activités : par exemple, Le Château de la Belle au Bois Dormant, l'Auberge de Cendrillon et Le Carrousel de Lancelot en France, Peter Pan's Flight, Alice's Curious Labyrinth en Angleterre, La Bottega di Geppetto, Pizzeria Bella Notte et Fantasia Gelati en Italie. À Discoveryland et Adventureland, les noms peuvent co-exister en deux langues (Buzz Lightyear Laser Blast / Buzz l'Éclair Bataille Laser, Chérie, J'ai Rétréci le Public / Honey, I Shrunk the Audience), être transparents (Constellations), inventés (Orbitron, Machines Volantes, Autopia, Videopolis) ou bien intégralement dans l'une ou l'autre (Pirates of the Caribbean, Star Wars Hyperspace Mountain et Adventure Isle en anglais, Les Mystères du Nautilus, La Cabane des Robinson et Le Passage Enchanté d'Aladdin en français).

Dans les attractions en elles-mêmes, les messages relatifs à la sécurité sont toujours annoncés en français et en anglais. Puis, en ce qui concerne les langues utilisées au cours de la visite en elle-même, il convient d'expliciter plusieurs cas. Ont été exclues les attractions qui n'utilisent aucune langue en particulier en dehors des messages de sécurité.

Les attractions en véhicule

  • Six proposent des dialogues en français : Phantom Manor, Blanche Neige et les Sept Nains, Les Voyages de Pinocchio, Peter Pan's Flight, Star Tours : L'Aventure Continue et Star Wars Hyperspace Mountain ;
  • Treize proposent des dialogues dans les deux langues, équitablement, comme suit :
  • Une avec les textes uniquement en français : Le Pays des Contes de Fées ;
  • Une avec deux versions possibles en fonction des visiteurs, la française étant programmée par défaut et donc majoritairement utilisée : The Twilight Zone Tower of Terror - Un Saut Dans la Quatrième Dimension.
Les visites guidées

Deux attractions en français avec possibilité de traduction dans d'autres langues : Art of Disney Animation (casques audios) et Armageddon : Les Effets Spéciaux (sous-titres sur écrans). La priorité est donnée là au français avec alternative pour les autres langues européennes. À noter qu'en cas de forte majorité de visiteurs étrangers, la visite d'Armageddon : Les Effets Spéciaux peut exceptionnellement se faire en anglais.

Les parcours à pied

  • Une avec les dialogues dans les deux langues : Les Mystères du Nautilus ;
  • Une avec les textes en français uniquement : Le Château de la Belle au Bois Dormant ;
  • Six attractions avec les textes dans les deux langues : Discovery Arcade, Liberty Arcade, Legends of the Wild West, Adventure Isle, La Cabane des Robinson et Le Passage Enchanté d'Aladdin ;
  • Une attraction avec les dialogues en français et textes en anglais : Alice's Curious Labyrinth.

L’équilibre est ici quasi-parfait pour cette catégorie avec un petit avantage pour la langue française.

Les spectacles

  • La majorité des spectacles met en scène des Personnages s'exprimant dans des langues différentes, le dialogue étant écrit de telle manière que l'histoire se comprend même en ne maitrisant qu'une seule des deux, un Personnage répondant à un autre reprenant systématiquement les éléments de la question pour formuler sa réponse. Quelques exemples : Mickey et le Magicien, Moteurs... Action ! Stunt Show Spectacular, Disney Dreams!, La Forêt de l'Enchantement - Une Aventure Musicale Disney. Une autre possibilité consiste à voir les personnages eux-mêmes ne pas se comprendre à cause de la barrière de la langue, l'histoire tenant compte de cet élément dans sa narration ; c'est le cas de CinéMagique.
  • Un spectacle est entièrement proposé en français : il s'agit de Star Wars : Path of the Jedi donné au Discoveryland Theatre. Il est ainsi le parfait contraire de l'un de ses prédécesseurs, Captain EO, joué au même endroit et qui lui était entièrement en anglais et sans sous-titres qui plus est ; Star Wars : Path of the Jedi disposant lui de sous-titres en anglais.
  • Certains spectacles sont présentés dans deux versions différentes, le spectateur pouvant choisir celle qu'il préfère en fonction de la langue : Stitch Live!, Disney Junior Live on Stage! (également une troisième version en espagnol), Chantons La Reine des Neiges, Star Wars : La Célébration Galactique. La quantité de spectacles présentés dans telle ou telle langue est fonction du profil des visiteurs attendus ce jour. Par exemple, le français est particulièrement privilégié les weekends, jours fériés et durant les vacances scolaires.
  • Lors des parades : soit il n'y a aucun dialogue mais une seule chanson en fond sonore et celle-ci est majoritairement en anglais ; soit les Personnages s'expriment depuis leurs chars et les deux langues sont utilisées selon le Personnage, certains utilisant le français, d'autres l'anglais.

Le constat est là : toutes les attractions de Disneyland Paris sont compréhensibles aux francophones et la majorité l'est également aux anglophones. Il est à remarquer que celles-ci sont toujours pensées de telle manière qu'elles restent abordables à tous, y compris à ceux qui ne comprennent aucune de ces langues. Comme un Européen appréciera une attraction intégralement en japonais à Tokyo Disney Resort, celles de Disneyland Paris seront accessibles à tous grâce à une narration très visuelle et un travail d'orfèvre sur les atmosphères recréées. Un bon exemple est le cas de Phantom Manor, inspirée de Haunted Mansion, une attraction populaire des autres Parcs Disney. Les différents manoirs sont tous extérieurement accueillants, Walt Disney ayant lui-même dit qu'il fallait qu'ils le soient et que c'était à l'intérieur que devaient se révéler les phénomènes surnaturels et inquiétants. Pour Disneyland Paris, il a été décidé de concevoir un Phantom Manor qui donne le ton également de l'extérieur, depuis les jardins lugubres jusqu'à la façade de la demeure en elle-même. Qu'importe la langue parlée, quiconque apercevra ce manoir perché sur sa colline comprendra qu'il vaut mieux y réfléchir à deux fois avant de s'y risquer.

Néanmoins, quelques regrets sont parfois à exprimer concernant certains spectacles. Si les deux langues sont effectivement utilisées dans le spectacle nocturne Disney Dreams!, l'avantage va à l'anglais. Si deux versions coexistent pour Star Wars : La Célébration Galactique, les soirs où une seule représentation a lieu, elle l'est en anglais (quand bien même il s'agit de soirs où la présence de francophones est réduite, les voilà alors plus désavantagés que si une seule version mêlant les deux langues avait été produite). Et que dire du cas particulier de Captain EO, à Discoveryland, film en 4D aujourd'hui fermé, qui, de 1992 à 1998 puis de 2010 à 2015, n'était présenté qu'en anglais uniquement sans sous-titres ni casques de traduction. Une aberration qu'il n'est pas souhaitable de voir se reproduire à l'avenir et qui se constate toujours malheureusement dans La Légende de Buffalo Bill... avec Mickey et ses Amis ! à Disney Village.
Les amateurs de musique francophone ne trouveront pas facilement leur bonheur à Disneyland Paris : Yo Ho (A Pirate's Life For Me) et Grim Grinning Ghosts ne sont interprétées qu'en anglais alors même que des versions françaises existent et ont été créées pour la collection vidéo Chantons Ensemble : Yo Ho (Vive la Piraterie) et Le Joyeux Royaume des Fantômes. Il existe également d'autres versions sobrement intitulées Fantômes et Pirates pour le spectacle Euro Disney : C'est Magique (les refrains y chantent "les revenants font leur étrange musique" et "yo ho, vive la vie de pirate").
Lors des parades, le constat n'est pas bien meilleur avec des chansons principalement en anglais (Dancin' A Catchy Rhythm, All Around the World, Halloween-Halloween, Just Like We Dreamed It, Magic Everywhere ou même les trompeuses Chante, C'est Noël ! et Vive la Vie qui sont interprétées en anglais en dehors de la phrase titre). Cependant, les chansons créées pour les spectacles sur scène existent généralement en deux langues mais toujours avec une préférence pour l'anglais (Claque des Doigts / Just a Snap, La Fête Magique de Mickey / Mickey's Magical Party Time, Comme une Étincelle / Let the Magic Shine). Enfin, celles provenant de productions Disney sont réinterprétées pour le Resort parfois en français, parfois en anglais mais, là encore, la langue de Shakespeare conserve souvent l'avantage.

Disneyland Paris prend son statut de première destination européenne au sérieux et s'attache à être accessible au plus grand nombre. Ainsi, la question de la langue est constamment étudiée pour chaque projet. Le français est évidemment utilisé majoritairement et, en dehors de certaines parades, toutes les attractions l'utilisent. En deuxième position arrive l'anglais qui présente l'avantage d'être étudiée par la plupart des Européens. Les informations d'importance (services, hôtellerie, menus des restaurants) sont proposées en six (voire huit) langues. Le Resort est exemplaire en la matière malgré quelques cas de favoritisme vis-à-vis de l'anglais notamment dans le domaine de la musique et des spectacles. Et puis, après tout, Disney étant universel dans ses thèmes et les émotions apportées, il suffirait juste d'ouvrir grand les yeux pour apprécier, quelque soit son origine, le baiser d'une princesse, la bonhommie d'un pirate, la lugubrité d'un fantôme, l'adrénaline d'un voyage spatial ou, bien entendu, le câlin d'un enfant à son personnage favori.

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