Conférence "Art de l'Animation"
Raiponce
L'article
Le 15 juin 2011 se tenait au Forum des Images (Paris) une conférence sur Raiponce, organisée par l'association ACM Siggraph. En présence des superviseurs de l'animation John Kahrs et Clay Kaytis, nous avons eu la chance d'assister à cette présentation, la dernière d'une longue tournée à travers le monde.
Originaire de l'Hudson Valley, John Kahrs commence sa carrière aux Studios Blue Sky, après avoir terminé ses études à Halifax. Il débute en travaillant avec le réalisateur Chris Wedge, sur des publicités et effets spéciaux, puis migre chez Pixar, où il officie comme animateur sur 1001 Pattes, Toy Story 2, Les Indestructibles et Ratatouille, puis animateur principal du monstre Sully de Monstres et Compagnie. En 2007, il se redirige sur Raiponce, pour les Studios Disney, afin de s'occuper de superviser l'animation aux côtés de Clay Kaytis et Glen Keane.
Quant à Clay Kaytis, après avoir fait ses classes pendant 16 ans comme animateur sur, entre autres, Fantasia 2000, La Planète au Trésor, ou encore Bienvenue chez les Robinson, il s'occupe de l'animation du personnage de Rhino dans Volt, Star Malgré Lui. Il rejoint ensuite les équipes de Raiponce pour non seulement superviser l'équipe d'animation des personnages et celle chargée des vêtements et cheveux, mais aussi collaborer avec le département sculpture pour construire les personnages.
Les deux artistes ont donc rejoint la production de Raiponce
sur ses deux dernières années, et suivi le processus de
création et modélisation des personnages.
La présentation fut appuyée d'une foultitude d'images,
croquis et tests d'animation en tout genre : de l'or en barre qui n'a pas manqué
d'impressionner les fans d'animations et les apprentis animateurs présents dans
la salle !
A l'aide de croquis d'animation tirés des films les plus célèbres des Studios
Disney, John et Clay avouent sans difficultés que ce qui a été
recherché dans les personnages de Raiponce
se trouve dans ces dessins :
la simplicité, le rythme, les lignes d'actions claires, des poses simples et
lisibles, et beaucoup de charme. Il fallait un design attirant pour le public.
Ainsi, les protagonistes de Raiponce se veulent
l'héritage de tous les personnages marquants issus de l'animation 2D tout au
long des 50 films. L'harmonie des formes est LE point essentiel.
Si l'on devine déjà l'influence de l'animation traditionnelle dans la CGI du film, cette présentation démontre que ce long-métrage est plus que jamais une collaboration parfaite entre le numérique et le traditionnel. On ne peut que s'émerveiller devant le foisonnement de croquis papiers qui ont constitué les recherches pour lui, particulièrement les esquisses de Glen Keane dont on mesure alors réellement toute l'ampleur du travail sur le film et l'animation. Si auparavant l'animation numérique cherchait à garder une certaine part de réalisme, Raiponce a voulu casser ces codes pour renouer avec les possibilités infinies de l'animation traditionnelle, et ne plus souffrir des limites de ce qui était possible ou non. Le film est très intéressant de ce niveau là, particulièrement sur la technique du Stretch and Squatch qui n'avait jamais été aussi bien utilisée dans un film en numérique. Cette technique très fréquente en animation traditionnelle se trouve difficile à exécuter en 3D car, jouant avec les codes de l'anatomie et du « possible », il est extrêmement délicat d'obtenir des ordinateurs une sortie des sentiers programmés. Cette fois, les personnages s'autorisent à devenir parfois aussi mous que de la pâte à modeler, sans pour autant perdre en crédibilité !
L'utilisation de sculptures aide aussi grandement les animateurs à appréhender leur animation et à programmer les structures de leurs personnages. Il y a ainsi sur le film une vraie symbiose entre les sculptures (très fréquentes pour l'animation traditionnelle afin de servir de référentiel en relief, pour pouvoir appréhender le personnage sous tous ses angles), les croquis papier et le travail sur l'ordinateur. Les artistes voulaient à tout prix éviter ce côté « figé » trop présent encore dans le travail numérique. Il leur fallait donc rendre leurs modèles 3D plus modulables.
Glen Keane réalise alors énormément de références pour les expressions des personnages, principalement celles de l'héroïne, ainsi que pour sa façon de se mouvoir, et la façon dont fonctionne son corps. Il en résulte notamment une série de croquis très étonnante où Keane, inspirée par sa femme faisant du yoga (décidément, Mme Keane pourra se targuer de lui avoir inspiré bien des personnages mythiques, d'une certaine sirène jusqu'aux orteils d'un homme-singe!) livre toute une planche de dessins où notre jeune princesse exécute une gymnastique très poussée! On ne peut qu'être admiratif devant la vitalité de ces dessins ; Keane y ajoutant pour certains une sorte de structure en « cylindres » afin de présenter la 3D du personnage, bien qu'elle ne soit que sur papier. Il fait également ce même genre de recherches pour Flynn Rider... Ces croquis furent d'une aide extrêmement précieuse pour les animateurs !
Suite à des soucis de santé, Glen Keane s'absente du studio pour environ six
mois. Mais il laisse derrière lui des bases solides et
des références assez nombreuses pour permettre aux animateurs de continuer à
avancer.
A de son retour, une réunion est logiquement organisée
afin de faire le point sur l'avancée du projet. Cette réunion se transforme en
véritable Master Class. Glen Keane reprend alors énormément de plans d'animation
numérique pour croquer les personnages sur papier dans des poses et expressions
similaires, afin d'apporter une autre vision pour les améliorer. Nous avons donc
droit à une grande série de ces « redessinages » , et, si l'on peut se
réjouir que Raiponce soit le film
le plus abouti en matière d'expressivité et d'émotion dans les personnages,
force est de constater, avec un petit pincement au cœur, que malgré tous les
efforts du numérique, rien ne vaut le simple papier et le crayon pour
transmettre une émotion. Le parallèle des deux versions met, en effet, en valeur cette différence de façon frappante, ce qui
n'a pas échappé à la salle... Et l'on peut se demander encore une fois à quoi
aurait pu ressembler le film s'il avait été réalisé en animation traditionnelle
?!
C'est ainsi que Glen Keane assiste les équipes tout au long du film, apportant son expérience et son savoir-faire de l'animation traditionnelle afin d'enrichir l'animation numérique. Nous avons eu droit à quelques courtes séquences animées, dont une scène de Raiponce courant et jouant avec ses cheveux, certes très brouillonne, mais pleine de vie et de dynamisme. Glen Keane réinterprète également certaines séquences animées pour les enrichir, et y développer au mieux les mouvements et l'intensité du jeu des personnages. C'est un régal de voir alors ces scènes littéralement réanimées sur papier, et d'avoir un aperçu de la version 2D de Raiponce ! (On retient également cette petite vidéo de Glen Keane grimaçant à outrance tandis qu'il dessine, adoptant l'expression de son personnage, une manie très amusante dans laquelle se reconnaissent beaucoup de dessinateurs!)
L'emphase est faite également sur les yeux des personnages,
car les équipes ont tôt fait de remarquer que c'était un des points sur
lequel Keane insistait le plus. Malheureusement, malgré tous leurs efforts, on
ne peut que constater encore une fois que l'émotion transmise sur papier a bien
du mal à exister sur ordinateur...
Mais le rôle de l'animation 2D sur Raiponce
ne s'arrête pas là,
puisque chaque personnage, modèle, décor, est d'abord dessiné à la main avant
d'être modélisé sur ordinateur, du simple oiseau jusqu'aux personnages
principaux. Même les habitants du village ont chacun droit à leur esquisse!
La présentation se termine sur un hommage émouvant sans être larmoyant de la part de Kaytis et Karhs à leur équipe d'artistes, une simple petite vidéo montée montrant la plupart des animateurs ayant participé au film. Pour ne pas oublier que, derrière les ordinateurs, se tiennent des humains passionnés et enthousiastes qui insufflent la vie à des personnages tant aimés.