Zip-A-Dee-Doo-Dah
Oscar de la Meilleure Chanson Originale (1946)
L'article
Nous sommes à la fin de l'année 1946. Walt Disney passe à la radio pour promouvoir son dernier film sorti en salles au mois de novembre : Mélodie du Sud. Et il n'est pas venu seul. Les trois acteurs principaux de sa nouvelle production l'ont accompagné : James Baskett, qui interprète le rôle de l'Oncle Rémus, ainsi que les jeunes Bobby Driscoll et Luana Patten qui débutent une brillante carrière au sein des studios Disney. L'émission de radio est présentée par Johnny Mercer, interprète et auteur-compositeur prolifique qui a écrit les paroles de véritables tubes. Parmi ses oeuvres, on peut citer la chanson Hooray for Hollywood, du film Hollywood Hotel (1937), sur une musique de Dick Whiting, que vous entendrez certainement si vous vous promenez au Parc Walt Disney Studios, ou en Floride si vous avez l'occasion de parcourir The Great Movie Ride. En collaboration avec le compositeur Henry Mancini, on peut évoquer également la chanson It Had Better Be Tonight (1963) pour les fans de La Panthère Rose, ou encore Moon River (1961) si vous êtes plus attiré par le charme d'Audrey Hepburn que celui de Peter Sellers. Au cours de la décennie suivante, on retrouvera le nom de Johnny Mercer au générique d'une production Disney, puisqu'il aura composé une chanson pour Robin des Bois (1973) : The Phony King of England (Le Roi de Mauvais Aloi).
Mais revenons à notre émission de radio de 1946. Mercer demande à ses invités de révéler aux auditeurs leur chanson préférée du film. Une fois que chacun a fait son choix, c'est au tour de Mercer d'annoncer sa favorite. C'est pour lui la plus entraînante et insouciante de toutes et celle qui sera sûrement une des préférées d'Amérique. Il a d'ailleurs lui-même enregistré et interprété cette chanson en compagnie des Pied Pipers et de l'orchestre de Paul Weston pour Capitol Records, maison de disques qu'il a co-fondée en 1942. Cette chanson qui va devenir un standard et la deuxième du catalogue Disney à être récompensée d'un Oscar s'intitule Zip-A-Dee-Doo-Dah.
Walt Disney veut renflouer les caisses de sa société au lendemain de la guerre.
Il produit donc à cette époque une série de films moins coûteux que les
précédents longs-métrages d'animation. Cette série est essentiellement
constituée de films d'anthologie et de longs-métrages combinant animation et
prises de vues réelles.
Mélodie du Sud fait partie de la seconde
catégorie.
Mardi 12 novembre 1946. C'est la première mondiale du film au Loew's Grand
Theater d'Atlanta, sept ans après Autant en Emporte le Vent de Victor
Fleming. Si l'histoire, qui nous emmène dans une plantation de coton de Géorgie
à la fin de la Guerre de Sécession, peut paraître condescendante vis-à-vis de la
situation des Noirs après l'abolition de l'esclavage, Disney ne cherchait
certainement pas la polémique en voulant porter à l'écran les Contes de
l'Oncle Rémus de Joel Chandler Harris. C'est surtout parce qu'il adorait ces
histoires qu'on lui racontait enfant dans le Missouri. Et il n'était pas le seul
: l'ouvrage connut une grande popularité. Seulement, si les aventures de
Monsieur Lapin ont gardé leur fraîcheur avec les années, l'Amérique préfèrerait
en revanche oublier dans quelle condition sociale se retrouvait celui qui
contait ses histoires, et du coup enterrer le passé trouble plutôt que de
l'assumer. C'est ainsi que la Walt Disney Company a décidé de ne plus éditer le
film jusqu'à nouvel ordre.
Réjouissons-nous malgré tout de ne pouvoir en dire autant de la musique du film.
Son universalité lui a permis de franchir les barrières du politiquement
correct.
Mélodie du Sud est-il devenu, par la
censure, un film moins connu des nouvelles générations ? Une chose est sûre, ce
n'est pas le cas de Zip-A-Dee-Doo-Dah. Sa mélodie trotte toujours dans un
coin de notre tête, et ce en dépit de la couleur de notre peau. Retraçons
ensemble le chemin parcouru par cette chanson pour comprendre les raisons de
cette pérennisation.
Remontons le temps jusqu'en 1942. Les productions Disney connaissent à cette époque des changements radicaux. On peut voir naître en effet dans un premier temps des films de propagande, des films visant le marché latino-américain ou liés, d'une manière ou d'une autre, à l'effort de guerre. Par ailleurs, avec les pertes occasionnées par Pinocchio, Fantasia et, récemment, Bambi, la fermeture des marchés étrangers et l'entrée en guerre des Etats-Unis, les studios s'attaquent à des productions plus modestes pour reprendre du poil de la bête. L'année 1942 marque également la fin d'une époque pour le département musique. Avec la mort de Frank Churchill et le départ de Leigh Harline, il ne nous reste plus qu'Oliver Wallace, Paul J. Smith et Charles Wolcott comme rescapés du premier âge d'or. Ces trois personnages sont, certes, d'immenses compositeurs, mais ils sont plutôt expérimentés dans l'écriture de la partition d'un film, ce qu'on peut appeler la musique de fond. Ce ne sont pas vraiment des spécialistes de la chanson. Pour Walt Disney, il est primordial d'avoir de bonnes chansons pour ses films, et il n' y a plus un Churchill pour écrire Qui craint le grand méchant loup ou Un jour mon prince viendra ni un Harline pour composer un Quand on prie la bonne étoile. Il va donc faire appel à des auteurs-compositeurs externes aux studios. Cette pratique durera une vingtaine d'années. Il faudra en effet attendre l'arrivée des frères Sherman dans les années 60 pour revoir un musicien signer un contrat d'exclusivité avec Disney.
Parmi les compositeurs et paroliers sollicités durant cette période se trouvent
Ray Gilbert et Allie Wrubel, les auteurs de Zip-A-Dee-Doo-Dah.
Ray Gilbert est parolier. Il arrive chez Disney en tant qu'adaptateur en 1944
pour Les Trois Caballeros. Il se
charge d'écrire les paroles en anglais de la ballade d'Ary Barroso Na Baixa
do Sapateiro qui devient Baia dans le film, un hommage à la ville
péninsulaire brésilienne, ainsi que la chanson mexicaine Solamente Una Vez
d'Augustin Lara qui est interprétée dans le film par Dora Luz sous le titre
You Belong to My Heart (La Chanson du Bonheur). Deux chansons des
Trois Caballeros existent en deux
versions, une espagnole et une anglaise : Mexico, sur une musique de
Charles Wolcott, et la chanson-titre, The Three Caballeros, sur une
musique de Manuel Esperón et des paroles espagnoles d'Ernesto Cortazar. Les
textes en anglais sont signés Ray Gilbert.
Ce dernier travaillera pour les studios Disney jusqu'en 1949. Notons sa
participation à trois autres films d'anthologie :
La Boîte à Musique (1946),pour les
séquences Blue Bayou, All the Cats Join In, Without You
(adaptation d'une ballade allemande d'Osvaldo Farrés et Ralph Maria Siegel),
Casey at the Bat (Casey, the Pride of Them All), Two Silhouettes
et Johnny Fedora and Alice
Bluebonnet ; Mélodie Cocktail
(1948), pour les séquences Once Upon a Wintertime et Blame It on the
Samba (à nouveau une adaptation d'une chanson brésilienne d'Ernesto Nazareth
cette fois-ci) ; et Le Crapaud et le
Maître d'École (1949) pour la séquence de La Mare aux Grenouilles (Merrily
on Our Way).
Notons enfin son travail d'adaptation pour le court métrage surréaliste né de la
collaboration entre Walt Disney et Salvador Dali dans les années 40 : Destino,
dont il écrit les paroles anglaises de la chanson d'Armando Domínguez.
Allie Wrubel commence sa carrière hollywoodienne comme compositeur de chansons pour le catalogue Warner avec lequel il est sous contrat dans les années 30. Disney le sollicite en 1945 pour La Boîte à Musique. C'est ainsi que le tandem Allie Wrubel-Ray Gilbert se forme avec la ballade de la séquence Johnny Fedora and Alice Bluebonnet (Johnny Fedora & Alice Blue Bonnet) interprétée par les Andrews Sisters, et en France par Edith Piaf et les Compagnons de la chanson. Après son travail remarquable sur Mélodie du Sud, Allie Wrubel fait une fois de plus chanter les Andrews Sisters sur sa musique qu'il écrit en solo cette fois-ci pour la séquence Little Toot de Mélodie Cocktail.
Ray Gilbert et Allie Wrubel écrivent dès 1945 deux chansons pour
Mélodie du Sud : Ev'rybody Has a
Laughing Place (Chacun de nous a son p'tit coin de bonheur) et
Zip-A-Dee-Doo-Dah.
Cette dernière est chantée deux fois dans le film : elle sert d'abord de fil
conducteur à la première séquence animée, quand l'Oncle Rémus (James Baskett)
raconte à Jeannot (Bobby Driscoll) sa première histoire, alors que celui-ci
s'apprête à fuguer de la plantation pour rejoindre son père à Atlanta.
L'histoire est celle de Monsieur Lapin qui, comme Jeannot, veut s'enfuir de chez
lui, en croyant à tort échapper à ses ennuis. Rémus est non seulement narrateur
mais aussi acteur de ses propres histoires. C'est donc tout naturellement qu'on
le retrouve se promenant dans son monde imaginaire symbolisé par le dessin
animé. La magnifique journée lui donne une envie irrésistible de fredonner, et
ce ne seront ni les taupes, ni les colibris, ni les abeilles, ni même l'Oiseau
bleu sur son épaule qui l'en empêcheront. Toujours par groupe de trois (du fait
d'une harmonisation à trois voix au-dessus du soliste), les animaux
l'accompagnent dans cette exaltation vocale. La chanson est ensuite reprise par
Monsieur Lapin puis par Frère Ours.
Zip-A-Dee-Doo-Dah fait partie de ces mots inventés du répertoire Disney, au même
titre que les futurs Bibbidi-Bobbidi-Boo ou Supercalifragilisticexpialidocious
qui résument à eux seuls un état d'esprit, une situation. Dans ce cas, le mot
nous rappelle bien une chanson qu'on fredonne (dee-doo-dah) et l'entrain (zip en
anglais) qui nous conduit à fredonner. Les auteurs ont voulu traduire ce mot
musicalement parlant de manière la plus simple qu'il soit : en donnant un
caractère éclatant et un rythme pointé nous faisant immédiatement penser au
sautillement, à l'allégresse. La simplicité formelle de la chanson nous rappelle
également l'insouciance du moment : nous avons une courte structure en trois
parties, avec une troisième partie reprenant le conséquent (période conclusive)
de la première, le tout chanté en boucle et à volonté.
Par son caractère enjoué, la chanson est réutilisée pour illustrer la fin
heureuse du film. Elle est chantée cette fois-ci par les trois enfants : Jeannot
(Bobby Driscoll), Ginette (Luana Patten) et Toby (Glenn Leady) qui sautillent en
la fredonnant, le mouvement étant ainsi lié à l'idée musicale. Ils seront
rejoints par Monsieur Lapin, l'Oncle Rémus, Frère Grenouille (Br'er Frog) et un
choeur enchaînera avec la chanson-titre du film (Chanson du Sud, composée par
Arthur Johnston et Sam Coslow) pour un final à la hauteur de toute œuvre
disneyenne d'envergure.
Si James Baskett ouvre le bal par son interprétation de la chanson dans le film, Zip-A-Dee-Doo-Dah va être intégrée au répertoire de beaucoup d'artistes par la suite. Johnny Mercer enregistre aussitôt sa propre version pour Capitol Records. Le single sort en décembre 1946 et devient un hit. Pour le même label, les trois histoires de Monsieur Lapin racontées dans le film sortent dans un album intitulé Tales of Uncle Remus. On retrouve les voix originales du film ainsi que Johnny Mercer et les Pied Pipers, avec l'orchestre de Billy May cette fois-ci. À Walt Disney qui le complimenta sur l'album qu'il venait d'entendre et qu'il trouva merveilleux, Mercer lui répondit : "Merci, Monsieur D. J'espère qu'il deviendra un objet de collection". Comme le précise Christian Willis, webmaster du site SongoftheSouth.net : "Si seulement il savait..."
À l'instar de Johnny Mercer, deux autres grands crooners vont associer leur nom à Zip-A-Dee-Doo-Dah en interprétant la chanson dans leur propre show radio : Frank Sinatra, pour son émission du mercredi soir sur CBS, Songs by Sinatra, au moment des Thanksgiving et Noël de l'année 1946, en compagnie des omniprésents Pied Pipers et de l'orchestre dirigé par Axel Stordahl, et Bing Crosby, lors de sessions diffusées les 8 et 22 janvier 1947 sur ABC dans le cadre de son émission Philco Radio Time, avec l'orchestre de son directeur musical John Scott Trotter.
Durant cette même année 1947, pas moins de six autres versions de Zip-A-Dee-Doo-Dah
sont enregistrées pour différentes maisons de disques : The Clooney Sisters &
Tony Pastor pour Cosmo, les Modernaires avec Paula Kelly pour Columbia, Connie
Boswell pour Decca, George Olsen et son orchestre pour Majestic, Dick "Two Ton"
Baker et ses Music Makers pour Mercury, Sammy Kaye pour RCA Victor.
Le samedi 20 mars 1948, c'est la consécration. Durant la vingtième cérémonie des
Oscars qui se déroule au Shrine Civic Auditorium de Los Angeles, Zip-A-Dee-Doo-Dah
est récompensée dans la catégorie de la meilleure chanson originale. Mais
n'était-ce pas prévisible ? Mercer, Sinatra, Crosby, une version pour chaque
maison de disque... À ce stade, la chanson avait déjà dépassé le cadre strict du
film, et atteint un degré de popularité exceptionnel. Mais l'histoire ne
s'arrête pas là.
Au début des années 50, les nouvelles versions seront plus à destination du
jeune public.
En 1951, la chanson sort chez Golden Record. Elle est interprétée par The
Sandpipers et le Golden Orchestra dirigé par Mitchell Miller. On trouve
également dans cette édition l'histoire du "Coin de Bonheur" ("Laughing Place"),
un des contes de l'Oncle Rémus, racontée par Art Carney. Cette version va
connaître plusieurs rééditions dont une fera partie des exclusivités de
l'Official Mickey Mouse Club en
1955. Elle sera intégrée également dans une compilation en 1957 : Walt
Disney's Song Parade.
Dans la même période, le label Cricket sort en 1953 une version arrangée par Warren Vincent et interprétée par les Cricketones, et dans la collection Official Mickey Mouse Club, la version de Jimmie Dodd & The Executives vient côtoyer celle des Sandpipers en 1955.
Mélodie du Sud réapparaît sur les écrans en 1956. Il est grand temps de sortir la bande originale du film. Jusqu'à présent, on ne pouvait entendre James Baskett chanter Zip-A-Dee-Doo-Dah qu'en allant voir le film. Le public va maintenant pouvoir l'écouter dans son doux foyer, grâce à Disneyland Records. Le jeune label proposera cette version plutôt qu'une autre dans les nouvelles sorties des histoires de l'Oncle Rémus ou dans différentes compilations.
À partir des années 60, Zip-A-Dee-Doo-Dah revient sur le devant de la
scène dans différents styles musicaux et pour toutes les générations.
Connie Francis enregistre la chanson en avril 1962 pour MGM. On retrouve
également When You Wish Upon a Star dans son album
Connie Francis Sings Award Winning Motion Picture Hits.
À la fin de la même année, Bob B. Soxx & The Blue Jeans, trio produit par Phil
Spector et composé de Bobby Sheen, Darlene Love et Fanita James, enregistre la
chanson dans une version rhythm & blues arrangée par le compositeur Jack
Nitzsche pour Philles Records. Celle-ci se classe huitième au hit-parade en
1963. On retrouve le même arrangement dans le premier album de Dionne Warwick
sorti la même année : Presenting Dionne Warwick.
Les Etats-Unis ont connu dans les années 60 la British Invasion,
c'est-à-dire des artistes britanniques, à l'image des Beatles, qui devinrent
populaires outre-Atlantique. C'est le cas des Dave Clark Five. Ces derniers ont
inclus Zip-A-Dee-Doo-Dah à leur premier album sorti en 1964 chez Columbia
: A Session with the Dave Clark Five.
La même année, l'actrice et chanteuse Doris Day l'interprète avec deux autres
chansons du catalogue Disney dans son album With a Smile And a Song.
Durant l'année 1967, c'est au tour du label Motown d'entrer en jeu. Diana Ross &
The Supremes enregistrent toute une série de chansons du catalogue Disney dans
le but de sortir un album intitulé Diana Ross & The Supremes Sing Disney
Classics. Cet album ne verra jamais le jour. Si certains titres se
retrouvent dans des compilations sorties ultérieurement, Zip-A-Dee-Doo-Dah
fait partie de ceux qui restent encore inédits. Mais la Motown n'a pas dit son
dernier mot. Elle va sortir ce qu'elle n'imagine pas être sa meilleure carte,
puisqu'il s'agit d'un groupe encore inconnu : les Jackson 5.
Jackie, Tito, Jermaine, Marlon et Michael interprètent Zip-A-Dee-Doo-Dah
en ouverture de leur premier album produit par Bobby Taylor et paru en décembre
1969 : Diana Ross Presents The Jackson 5.
La chanson ressort dans une compilation éponyme du label Music For Pleasure en
1979. Après Bobby Sheen et Dionne Warwick, le titre s'intègre bien dans les
standards de la musique soul.
En 1968, une autre pointure s'attèle au répertoire Disney. Dans les dernières
années de sa vie, Louis Armstrong enregistre entre février et mai une dizaine de
chansons du catalogue. Le titre de l'album réunissant ces titres annonce bien le
style unique de l'artiste : Disney Songs The Satchmo Way (les chansons
Disney à la manière de Satchmo). Armstrong réinterprètera Zip-A-Dee-Doo-Dah
le 29 mai 1970 à Philadelphie, pour le show TV de Mike Douglas.
C'est une aubaine de pouvoir suivre l'évolution d'une chanson. Il faut pour
cela qu'elle connaisse le succès à chaque époque. Ainsi, elle s'imprègne des
différentes modes, des différents styles musicaux, et à travers elle, c'est
toute l'histoire de la musique moderne, et notamment de la pop music, qui va
s'écouler dans nos oreilles. Zip-A-Dee-Doo-Dah fait partie de ces
chansons qui ont réussi à évoluer et à résister aux chocs des générations.
Avec Mike Curb Congregation, on franchit un nouveau cap pour arriver au son des
seventies. En 1973 sort chez Buena Vista Records l'album It's A Small World,
Walt Disney's Greatest Hits qui contient la chanson de l'attraction de
Disneyland composée par les
frères Sherman ainsi que dix autres titres, tous tirés du catalogue Disney, la
plupart arrangés par Don Costa.
En 1979 sort l'album Mickey Mouse Disco : tout un programme. Mickey est
bien en phase avec la fin de la décennie, et la version de Zip-A-Dee-Doo-Dah
interprétée par les Disney Singers aussi. L'album fait un carton : il atteint la
trente-cinquième place au classement du Billboard Pop.
Hal Willner, spécialisé dans les albums-hommage, produit en 1988 Stay Awake : Various Interpretations of Music from Vintage Disney Films, album regroupant de nombreux artistes d'univers musicaux différents, interprétant les chansons des films Disney sortis entre 1937 et 1967. Nous avions vu lors d'un précédent billet que l'ex-batteur des Beatles Ringo Starr s'était chargé de When You Wish Upon a Star. Zip-A-Dee-Doo-Dah, quant à elle, se voit confiée à Harry Nilsson. La même année, Steve Miller réalise son premier album solo intitulé Born 2 B Blue. Zip-A-Dee-Doo-Dah, interprétée dans un style jazz remis au goût du jour, en est le premier titre.
Dans un style plus classique, le chef d'orchestre Erich Kunzel
sort en 1989 un album intitulé A Disney Spectacular. Zip-A-Dee-Doo-Dah
est la première chanson du Disney Fantasy Medley interprété par trois chœurs
(Indiana University School of Music Singing Hoosiers, School for Creative &
Performing Arts Children's Chorus, May Festival Chorus) et le Cincinnati Pops
Orchestra.
Toujours au rayon musique classique, on peut trouver la version de Barbara
Hendricks avec l'album sorti en 1996 intitulé When You Wish Upon a Star :
Barbara Hendricks Sings Disney. La soprano est accompagnée des London Voices
et de l'Abbey Road Ensemble sous la direction de Jonathan Tunick. Fait plutôt
rare pour le souligner, Barbara Hendricks chante notre chanson en français dans
l'adaptation de Louis Sauvat, celle de la version française de
Mélodie du Sud.
Au rayon new age, on peut trouver l'album sorti en 1999 et produit par Chip
Davis : Mannheim Steamroller Meets the Mouse.
Au rayon reggae, nous avons l'album Reggae for Kids : Movie Classics paru
en 2001. Zip-A-Dee-Doo-Dah est interprété ici par une référence du roots
: Don Carlos.
Au rayon jazz, le pianiste Gil Goldstein a sorti en 2001 Gil Goldstein &
Friends : Disney Meets Jazz – Tribute to Walt Disney. Les amis dont il est
question pour Zip-A-Dee-Doo-Dah sont John Patitucci à la contrebasse,
Billy Kilson à la batterie et Randy Brecker à la trompette. L'album vient d'être
récemment réédité dans la collection Disney Adventures In... Celui-ci est
l'album Jazz.
Au rayon country music, nous avons l'album O Mickey, Where Art Thou ? The
Voices of Bluegrass Sing the Best of Disney sorti en 2003. Zip-A-Dee-Doo-Dah
est interprété par Elizabeth Cook. L'album a également été réédité dans la
collection Disney Adventures In... Celui-ci est tout naturellement
l'album Bluegrass. Les deux autres albums de la collection, Bossa Nova et
Country, n'ont pas intégré la chanson à leur set-list.
Au rayon comédie musicale, nous avons l'album tiré du spectacle Disney's On
the Record paru en 2005. On y retrouve Andrew Samonsky, Brian Sutherland,
Kaitlin Hopkins et Ashley Brown (rendue célèbre pour avoir tenu les rôles de
Belle et Mary Poppins à Broadway). Zip-A-Dee-Doo-Dah a été intégré à un
medley intitulé Silly Symphony et regroupant quelques titres fantaisistes
du catalogue Disney : Higitus Figitus, Bibbidi-Bobbidi-Boo,
Supercalifragilistic, Hi-Diddle-Dee-Dee, le "Tee Dum Tee Dee"
de la chanson Following the Leader chantée par les frères Darling et les
enfants perdus dans Peter Pan...
Il est évident que Zip-A-Dee-Doo-Dah a connu un nombre considérable d'interprètes. Pour essayer de comprendre les raisons de ce succès d'un point de vue autre qu'esthétique, on peut se demander si Zip-A-Dee-Doo-Dah a su se démarquer de Mélodie du Sud. Les auditeurs associent-ils la chanson au film dès qu'ils l'entendent ? Les interprètes eux-mêmes font-ils systématiquement la relation entre les deux ? Difficile à croire vu le nombre d'artistes afro-américains ayant pris plaisir à interpréter la chanson (ou alors ne jugent-ils pas le film comme ayant une connotation raciste, et dans ce cas, stoppons vite la censure).
Rapidement, Zip-A-Dee-Doo-Dah gagne son indépendance. En
effet, elle ne décrit ni un personnage ni l'intrigue du film, et donc ne lui est
pas indéfectible. Elle exprime le plaisir de passer une "belle et radieuse
journée". C'est un hymne à la joie et la bonne humeur. À ce titre, la chanson a
pu rejoindre les autres hymnes du catalogue et être utilisée comme telle.
Dès 1948, dans le cartoon À la Soupe !, Donald cuisine une dinde pour ses
neveux et lui. Le plaisir du moment est retranscrit non seulement par
l'animation mais aussi par la chanson qu'il fredonne.
Comme tout hymne Disney qui se respecte, Zip-A-Dee-Doo-Dah
va intégrer les medleys des génériques d'émissions télévisées comme
The Wonderful World of Disney dans
les années 70 sur NBC, ainsi que ses multiples déclinaisons, ou encore Le
Disney Channel sur FR3 dans les années 80.
La chanson intègre également les parcs à thèmes. Elle est jouée par les
différentes formations (Disney Big Band, Disneyland Band, Walt Disney World
Band...) qui l'associent à d'autres tubes de la firme aux grandes oreilles :
Sifflez en travaillant, The Mickey Mouse Club March, La Marche des
Jouets de Babes in Toyland. On peux
l'entendre aux expositions de la Disney Gallery de
Disneyland depuis 1994 dans une
version bucolique jouée par un clavecin et un quintette à vents (flûte,
hautbois, clarinette, cor, basson), ou encore au Walt's à
Disneyland Paris dans une
version plus cartoonesque jouée par un ensemble de cordes et un piano.
Le chef d'orchestre Frank Chacksfield a enregistré un double album intitulé
Hollywood Almanac regroupant les chansons récompensées aux Oscars, dans un
nouvel arrangement orchestral. Ainsi, on retrouve Zip-A-Dee-Doo-Dah joué
en cha-cha-cha et
When You Wish Upon a Star dans un style lounge très
soirée cocktail. L'album a été en partie réédité sous le titre Thanks For the
Memories – The Academy Award Winners : 1934-1955. Les deux chansons Disney
de cet album ont longtemps pu être entendues à l'entrée des parcs américains
Disneyland en Californie et
Magic Kingdom en Floride (entre 1971
et 1992).
À l'ouverture du deuxième parc de Walt Disney World,
E.P.C.O.T., en 1982, existait un
pavillon nommé World of Motion qui accueillait l'attraction du même nom dans
laquelle on parcourait l'histoire du mouvement et du transport. À l'extérieur du
pavillon, on pouvait entendre le thème principal de l'attraction composé par
Buddy Baker, It's Fun to Be Free, mêlé de temps à autre avec d'autres
tubes Disney, dont Zip-A-Dee-Doo-Dah. Le loop s'arrêta en 1996 avec
l'attraction quand celle-ci fut remplacée par Test Track.
En 1988, le land Bear Country de
Disneyland se voit renommer en
Critter Country pour accueillir Splash Mountain, parcours scénique
effectué en tronc d'arbre sur l'eau relatant les aventures de Monsieur Lapin et
finissant en plongeon sensationnel. Du coup, le loop musical de la zone se voit
modifié aux couleurs de la nouvelle attraction. Toutes les chansons de
Mélodie du Sud y sont intégrées avec un
nouvel arrangement orchestral qui privilégie douceur et grande variété de
timbres. Les mélodies sont mises en valeur par les instruments à vent. Pour
Zip-A-Dee-Doo-Dah, sont utilisés la trompette bouchée, la flûte en duo avec
le hautbois, la petite clarinette en mi bémol, le tout enrobé par les cordes qui
tantôt accompagnent en pizzicatos, tantôt répondent à la mélodie. Quelques
idiophones ajoutent une touche de légèreté, ainsi que le trio rythmique piano,
basse, batterie, réduit au rôle de soutien. De cette façon, l'illustration
sonore répond à l'ambiance forestière du lieu. Pour Splash Mountain,
trois chansons sont utilisées : How Do You Do ? (Comment Ça Va ?),
Ev'rybody Has a Laughing Place (Chacun de Nous a son Petit Coin de
Bonheur) et Zip-A-Dee-Doo-Dah. Cette dernière est chantée par des
animaux sur un bateau à aubes venus nous accueillir après la chute vertigineuse.
En 1992, une réplique de l'attraction voit le jour en
Floride. Elle est située cette
fois-ci à Frontierland, et pour coller avec l'ambiance Far West, la musique a
été légèrement modifiée et réorchestrée. Ainsi, banjo, fiddle et harmonica sont
mis en avant. Sur le bateau à aubes, le Zip-A-Dee-Doo-Dah est chanté
façon gospel. Notons également que pour les deux versions de l'attraction, la
chanson a été adaptée à la storyline. L'histoire de Monsieur Lapin se voit du
coup incluse aux paroles, scellant ainsi le lien avec l'attraction, ce que ne
faisait pas la chanson à l'origine avec le film.
On retrouve enfin Zip-A-Dee-Doo-Dah dans les différents arrangements
musicaux des parades et spectacles. En cherchant dans les productions des vingt
dernières années, on peut l'entendre dans le final de C'est Magique
(1992-1994) ou encore dans En Scène S'Il Vous Plaît (1995-2000),
spectacles du Fantasy Festival Stage de
Disneyland Paris.
À Disneyland en Californie, sous
la direction de Bruce Healey, on peut l'entendre en ouverture du classique feu
d'artifice Fantasy in the Sky ou de la tout aussi classique Very Merry
Christmas Parade.
À Walt Disney World en Floride, sous la direction de Dan Stamper, la chanson est
mêlée au thème Remember the Magic pour la parade du vingt-cinquième
anniversaire du Magic Kingdom
(1996-1997) dont l'arrangement musical a été assuré par Gordon Goodwin. Le
tandem a créé également la musique de la parade du parc
Disney-MGM Studios : Disney
Stars and Motor Cars Parade (2001-2008). Pour le final, plusieurs tubes
Disney s'enchaînent avec le thème principal Spotlight on a Dream. En
prêtant attentivement l'oreille, on peut retrouver The Wonderful World of
Color, It's a Small World, Zip-A-Dee-Doo-Dah, The Mickey
Mouse Club March et
When You Wish Upon a Star. Ce final musical a été
repris pour la version du parc
Walt Disney Studios en France créée en 2009 : Disney's Stars'n'Cars.
Toujours à Walt Disney World, sous la direction musicale de Ted Ricketts cette
fois-ci, la chanson a été utilisée pour la parade du
Magic Kingdom créée pour la
célébration des 100 Ans de Magie : Share A Dream Come True Parade
(2001-2006), présentant des chars surmontés de snow globes, sur un arrangement
musical de David T. Clydesdale. Zip-A-Dee-Doo-Dah passait au moment du
char "As Long As There's Imagination Left in the World" avec Peter Pan à son
bord.
À Disneyland Paris, pour le
passage du char de Mickey, le directeur musical Vasile Sirli emploie
systématiquement un ou plusieurs thèmes associés à la souris (Steamboat Bill,
Minnie's Yoo Hoo, The Mickey Mouse Club March) ainsi que des
thèmes qu'il appelle génériques. Ces thèmes génériques sont, à l'image de
Zip-A-Dee-Doo-Dah, des musiques "tellement universelles qu'elles ont la
capacité de s'affranchir de leur film d'origine". Notre chanson apparaît donc
avec les personnages pionniers dans la Parade Classique (1992-1997), la
Disney ImagiNations Parade (1999-2001) et la Parade des Rêves Disney
(2007).
D'après l'interview du compositeur réalisée par Jérémie Noyer (qu'on peut
retrouver sur
Media Magic), Vasile Sirli utilise Zip-A-Dee-Doo-Dah pour son côté
festif. La chanson est selon lui plus associée aux parcs, "à la journée
magnifique que l'on peut y passer", qu'à
Mélodie du Sud. Ce point de vue rejoint
le fait que la chanson a su gagner son indépendance par rapport au film. Par
ailleurs, les longs métrages Disney de la période 1943-1949, qu'on pourrait
qualifier d'entre-deux-âges-d'or, ne sont pas les plus connus du grand public.
Il n'est donc pas rare qu'une personne lambda puisse associer la chanson à la
firme aux grandes oreilles sans pour autant en connaître son origine.
Après plus de soixante années d'un parcours sans fautes, Zip-A-Dee-Doo-Dah
est au meilleur de sa forme. La chanson est ancrée dans l'inconscient collectif.
De nouveaux artistes la font découvrir aux jeunes générations, avec notamment la
collection DisneyMania : Stevie Brock en 2004, Aly & AJ en 2005 et Miley
Cyrus en 2006. Cependant, il reste une ombre au tableau.
La Walt Disney Company permettra-t-elle à ses futurs adeptes de se forger leur
propre opinion en réintégrant un de ses hymnes dans son contexte d'origine ?
Pour plus d'informations (en anglais) sur Zip-A-Dee-Doo-Dah et Mélodie du Sud, allez donc faire un tour du côté de chez Song of the South.net.