Titre original : The Falcon and the Winter Soldier Production : Marvel Studios Date de mise en ligne USA : 19 mars 2021 - 23 avril 2021 (Disney+) Genre : Fantastique |
Création : Malcolm Spellman Musique : Henry Jackman Durée : 304 minutes |
Liste et résumés des épisodes
1. New World Order
Un Nouvel Ordre
Genre : Épisode
Série : Falcon et le Soldat de l'Hiver
Saison 1 Épisode 1 Date de diffusion USA : Le 19 mars 2021Réalisé par : Kari Skogland Durée : 47 minutes Sam abandonne le bouclier que lui a offert Steve... |
2. The Star-Spangled Man
L'Homme à la Bannière Étoilée
Genre : Épisode
Série : Falcon et le Soldat de l'Hiver
Saison 1 Épisode 2 Date de diffusion USA : Le 26 mars 2021Réalisé par : Kari Skogland Durée : 47 minutes Sam et Bucky ont maille à partir avec le nouveau Captain America… |
3. Power Broker
Trafic d'Influence
Genre : Épisode
Série : Falcon et le Soldat de l'Hiver
Saison 1 Épisode 3 Date de diffusion USA : Le 2 avril 2021Réalisé par : Kari Skogland Durée : 51 minutes Sam, Bucky et Zemo poursuivent leur enquête à Madripoor… |
4. The Whole World Is Watching
Le Monde nous Regarde
Genre : Épisode
Série : Falcon et le Soldat de l'Hiver
Saison 1 Épisode 4 Date de diffusion USA : Le 9 avril 2021Réalisé par : Kari Skogland Durée : 53 minutes Sam et Bucky partent sur les traces des Flag Smashers en Europe de l'Est… |
5. Truth
La Vérité
Genre : Épisode
Série : Falcon et le Soldat de l'Hiver
Saison 1 Épisode 5 Date de diffusion USA : Le 16 avril 2021Réalisé par : Kari Skogland Durée : 57 minutes Sam doit prendre une décision cruciale… |
6. One World, One People
Un Seul Monde, Un Seul Peuple
Genre : Épisode
Série : Falcon et le Soldat de l'Hiver
Saison 1 Épisode 6 Date de diffusion USA : Le 23 avril 2021Réalisé par : Kari Skogland Durée : 49 minutes Les Flag Smashers lancent une ultime attaque… |
La critique
Annoncée un temps comme la toute première série de Marvel Studios produite pour Disney+, Falcon et le Soldat de l'Hiver est finalement contrainte de céder sa place à WandaVision à cause de la pandémie de COVID-19. Si la série emmenée par la Sorcière Rouge et son amant synthézoïde a emporté l'adhésion de millions de téléspectateurs à travers le monde grâce à son univers décalé, Marvel redevient bien plus sage avec sa seconde production télévisée centrée sur les aventures de Sam et Bucky, les acolytes de Captain America. Ce nouveau chapitre du Marvel Cinematic Universe fourmille certes de bonnes idées, avec un vrai regard critique sur la société étasunienne, des personnages principaux attachants et quelques bribes de scénario centrées sur la reconstruction d'un monde post-Éclipse mais, dans le même temps, et à force de multiplier les sous-intrigues pas toujours abouties, les six épisodes de Falcon et le Soldat de l'Hiver se révèlent quelque peu inégaux.
Plus les années passent et plus Marvel connaît un essor tentaculaire. Ce développement exponentiel est d'ailleurs loin de faire l'unanimité, y compris à Hollywood, où les voix de Jane Campion, Francis Ford Coppola, Ridley Scott ou encore Martin Scorsese se sont élevées pour critiquer, avec plus ou moins de véhémence, le genre super-héroïque. Il est toutefois un aspect du MCU qui semble presque inattaquable tant Kevin Feige, le Président de Marvel Studios, s'attache à apporter une cohérence presque parfaite à son univers partagé depuis les coulisses. Au cinéma, les films Marvel forment donc un ensemble fait d'histoires qui se répondent et s'entrecroisent. À la télévision, en revanche, c'est un tout autre son de cloche, sans compter que les téléspectateurs doivent se contenter des justifications plutôt confuses de la part d'un Kevin Feige qui n'aime guère parler des projets qu'il n'a pas lui-même supervisés.
Il faut dire que jusqu'en 2019, Marvel Studios s'est cantonné aux histoires de super-héros au cinéma, tandis que la filiale Marvel Television, elle, prenait la relève pour la petite lucarne. Au cours de ses quelques années d'existence, Marvel Television a proposé, souvent en partenariat avec ABC Signature, des programmes qui se voulaient intégrés à l'univers cinématographique même si de son côté, Marvel Studios n'a jamais véritablement reconnu leur existence sans toutefois renier explicitement le lien qui était supposé les unir. Les personnages de ces séries, un peu laissés-pour-compte, se contentaient alors d'évoluer en marge de l'univers, tout en glissant çà et là quelques références aux héros du grand écran. Pourtant, Marvel Television a offert à un public fidèle de formidables expériences télévisuelles sur des chaînes et des plateformes très diverses et ce, pour toutes les tranches d'âge. Pour Netflix le studio signe par exemple le quelque peu inégal cycle Defenders qui comporte plusieurs séries débordant de qualités, Daredevil (2015-2018) et Jessica Jones (2015-2019) en tête. Sur la chaîne ABC, c'est Phil Coulson et son équipe qui accompagnent les téléspectateurs pendant sept ans dans Les Agents du S.H.I.E.L.D. (2013-2020), tandis que FX, elle, plonge dans l'univers des Mutants avec Legion (2017-2019). Certes, plusieurs productions se prennent à l'occasion les pieds dans le tapis, comme la très dispensable Helstrom, produite pour Hulu en 2020 mais, dans l'ensemble, il faut saluer le talent de Jeph Loeb, le transfuge du milieu des comics qui a pris la tête du studio télévisuel en 2010. En 2019, tout change, puisque Kevin Feige devient Chief Creative Officer, ce qui signifie qu’il contrôle désormais toute la création chez Marvel Entertainment. Marvel Television perd son autonomie et se voit absorbée par Marvel Studios, en même temps que tous les futurs projets de la filiale sont annulés, comme la série Ghost Rider, qui devait être liée à Helstrom dans le cycle horrifique titré Adventure into Fear. Désormais, la cohérence est le mot d'ordre aussi bien au cinéma qu'à la télévision, ou plutôt sur Disney+, puisque la plateforme est appelée à devenir le second bastion du MCU avec les années. Les séries créées autrefois par Marvel Television pour les plateformes Netflix et Hulu ont elles aussi été conviées à s'installer sur Disney+, de quoi grandement faciliter le retour de certains personnages emblématiques pour les intégrer complètement à l'univers, maintenant que Kevin Feige a la mainmise sur l'ensemble de la production...
Un an plus tôt, en septembre 2018, les fans rongent leur frein en attendant Avengers : Endgame (2019) quand Variety rapporte en exclusivité que Marvel est en pleine préparation de la Phase 4 du MCU et que plusieurs séries super-héroïques viendront garnir l'offre de la future plateforme Disney+. La disparition de Marvel Television, ou du moins son absorption au sein de la machine Marvel Studios, n'est pas encore actée, mais une chose est d'ores et déjà certaine : les futures séries produites sous la houlette de Kevin Feige seront complètement liées au MCU, avec des personnages voyageant entre le petit et le grand écran. Wanda Maximoff et Loki, deux personnages adorés du grand public, sont alors les premiers pressentis pour apparaître dans leur propre série. Un mois plus tard, ce sont les deux meilleurs amis de Captain America, à savoir Sam Wilson/Falcon et Bucky Barnes/Le Soldat de l'Hiver, qui sont à leur tour cités dans les médias. Difficile pour les fans d'imaginer ce que la série pourrait bien raconter, d'autant qu'à l'heure où l'information est dévoilée, les personnages ont cessé d'exister à la suite d'Avengers : Infinity War (2018) sorti quelques mois plus tôt. Marvel semble en tout cas en être persuadé : le duo improbable, formé par deux héros plein d'animosité l'un envers l'autre, aura les épaules assez solides pour porter une mini-série.
À l'écriture et la création de Falcon et le Soldat de l'Hiver se trouve Malcolm Spellman, secondé par Kari Skogland, qui se charge de réaliser les six épisodes de la série.
Après une enfance passée à Oakland, en Californie, Malcolm Spellman entame en 2010 sa carrière de scénariste en coécrivant La Guerre des Pères, un film réalisé par Rick Famuyiwa et distribué par Searchlight Pictures. Dès lors, l'homme, lui-même de descendance afro-américaine, va se faire un nom à la télévision en travaillant sur des programmes mettant en scène des personnages noirs forts. Pour la chaîne FOX, il écrit entre 2015 et 2017 plusieurs épisodes de la populaire série Empire produite par 20th Television, avant de travailler depuis 2019 sur Truth be Told : Le Poison de la Vérité pour Apple TV+ avec Octavia Spencer dans le rôle principal.
Kari Skogland, quant à elle, est une réalisatrice canadienne née en Ontario. Après avoir entamé une carrière dans le montage, Kari Skogland fait ses premières armes en tant que réalisatrice sur plusieurs clips de musique et des publicités. Elle produit également quelques films dont La Guerre de l'Ombre en 2008, porté par Ben Kingsley, mais c'est surtout à la télévision que son travail est reconnu et acclamé. Depuis 1994, la talentueuse réalisatrice a participé à quelques épisodes des séries les plus populaires, et elles sont nombreuses : Queer as Folk (2001-2003), The Borgias (2012-2013), Once Upon a Time in Wonderland (2014), Vikings (2014), House of Cards (2016), The Walking Dead (2016-2017), The Punisher (2017) ou encore The Handmaid's Tale - La Servante Écarlate (2017-2018) sont de celles-là.
Lorsque Marvel Studios invite plusieurs scénaristes à présenter un synopsis de la future série, Kevin Feige insiste sur la nécessité de fonder l'histoire sur la « dynamique amusante » qu'il existe entre Sam et Bucky. Dans cette optique, Falcon et le Soldat de l'Hiver se proclame l'héritière d'un genre très précis du cinéma, marqué par quantité de films culte : le « buddy movie » ou « film de potes ». Plus précisément, Malcolm Spellman, qui élabore son histoire en compagnie de Nate Moore, un exécutif de Marvel Studios, puise son inspiration dans des buddy movies qui ont la particularité de présenter un duo d'hommes aux ethnies différentes. Parmi ceux-ci, La Chaîne (1958), 48 Heures (1982), L'Arme Fatale (1987) et Rush Hour (1998) sont quelques-unes des références dont Spellman s'est nourri pour présenter à Kevin Feige l'histoire de ces deux héros que tout oppose, tout en mettant l'accent dans la série sur les questions d'ethnie et d'identité.
Avec son histoire, Spellman fait mouche auprès de Kevin Feige. Et il faut reconnaître que le chef d'orchestre de Marvel a eu du flair ; la relation qui se noue entre Bucky et Sam au fil des six épisodes de la série est réussie et donne à elle seule envie aux téléspectateurs de revenir chaque semaine suivre leurs aventures. Dans les premiers épisodes, c'est tout naturellement que le scénario joue avec le dédain qu'éprouvent les deux personnages l'un pour l'autre. Le scénariste aurait tout à fait pu s'égarer et en faire beaucoup trop, voire même écrire une version de six heures de la scène – amusante à petite dose – de la voiture dans Captain America : Civil War (2016), dans laquelle Sam refuse d'avancer son siège pour faire de la place à Bucky. Fort heureusement, Spellman fait preuve de davantage de finesse dans l'écriture de ses deux héros principaux. Les séquences, certes amusantes, où chacun tente d'avoir l'ascendant sur l'autre s'effacent donc à mesure que les deux hommes apprennent à se respecter et à travailler en équipe. Classique, mais efficace.
Sam Wilson, alias Falcon, est donc de retour dans sa propre série, toujours campé par un Anthony Mackie très à l'aise dans son rôle. Sans se départir de son malicieux sourire en coin, Sam trouve ici une toute nouvelle profondeur, à mesure que filent les épisodes. Six mois après l'Éclipse, il travaille désormais pour l'Air Force, mais il a aussi renoué avec ses racines en Louisiane. Très affecté par la décision prise par Steve Rogers à la fin d'Avengers : Endgame, Sam n'a jamais pu se résoudre à devenir le nouveau porteur du bouclier que lui a légué son meilleur ami. À l'occasion d'un hommage rendu à Steve, il remet donc l'objet chargé d'histoire au musée, après un discours poignant dans lequel il salue une dernière fois son ami. Bien mal lui en a pris, car le gouvernement va s'empresser de récupérer le bouclier pour forger de toutes pièces un nouveau Captain America.
Falcon et le Soldat de l'Hiver joue beaucoup avec la question de la symbolique du bouclier au cours de ses six épisodes. Il faut dire que la série, et plus généralement la Phase 4 du MCU, entend s'articuler autour du thème de l'héritage. Dès son apparition au bras de Steve Rogers durant la Seconde Guerre mondiale, le bouclier a représenté un rempart contre l'extrémisme, mais il est aussi, à travers son porteur, devenu l'emblème des sacro-saintes valeurs américaines. Pourtant, dans un monde où le racisme est loin d'avoir disparu, Sam, au demeurant très fier de son pays, voit dans cette identité américaine et ses symboles une certaine forme d'hypocrisie, tant la haine rampante continue de faire des ravages au sein même de sa patrie. Évoluant de mains en mains, de celles de Steve à celles de Sam, en passant par John Walker, le nouveau Captain America, le bouclier interroge donc ces fameux idéaux et les valeurs de celui qui le brandit. Le patriotisme, le racisme, l'interventionnisme ainsi que l'American Dream ou encore le complexe de Dieu sont de ces sujets que la série se permet d'aborder avec, il est vrai, une certaine inégalité. Parfois, le scénario surprend en livrant d'excellentes scènes au sous-texte poignant, mais il en est d'autres où, à l'inverse, le message est délivré au bazooka, et tant pis pour la subtilité. Les épisodes défilent, et c'est finalement le portrait d'une Amérique pleine de contradictions qui se dessine dans Falcon et le Soldat de l'Hiver, qui offre un regard critique plus poussé sur la société que la majorité des autres œuvres du MCU.
Comme quantité d'autres studios hollywoodiens, Marvel Studios s'est, à plusieurs reprises, associé avec le Département de la Défense américain ; cela n'a d'ailleurs pas échappé aux plus virulents détracteurs de la Maison des Idées, qui voient dans ce partenariat financier de la propagande militaire pure et simple. Il faut dire que l'approbation de l'armée américaine, et l'argent qui va avec, s'accompagnent d'un regard sur le scénario : en cas de veto du Pentagone, les producteurs se voient refuser tout soutien à moins d'effectuer des changements dans le script. Pas question donc de dépeindre les forces armées de façon négative, pourtant, Marvel s'est toujours débrouillé pour critiquer les dirigeants dans le sous-texte de ses œuvres, et ce même lorsque le scénario était approuvé par le Pentagone. C'est ainsi qu'Iron Man (2008) et sa suite, malgré leur critique de l'armement à l'étranger, ont bénéficié d'un soutien militaire conséquent : l'équivalent d'un milliard de dollars de matériel a ainsi été filmé par Jon Favreau. De même, Captain America - First Avenger (2011) et Captain America : Le Soldat de l'Hiver (2014) ont également reçu l'appui du gouvernement ; la seule présence de Steve Rogers, héros patriotique à la bannière étoilée, a semble-t-il suffi à faire passer les critiques en sous-marin esquissées à l'égard des puissants. À l'inverse, Marvel's Avengers, en 2012, a laissé un goût amer au Pentagone, qui s'est désolidarisé du projet en cours de route à cause de la puissance autonome du S.H.I.E.L.D., qui ne répond guère aux institutions gouvernementales. Enfin, Captain Marvel (2019) a évidemment bénéficié de l'aide de l'Air Force pour filmer l'équivalent de milliards de dollars de véhicules volants. Falcon et le Soldat de l'Hiver, elle aussi, a reçu l'appui du Département de la Défense et de l'Air Force, ce qui aurait pu laisser présager d'une exploration un peu timide des thèmes sociétaux abordés dans la série. Pourtant, la critique à l'égard des décisionnaires hauts placés se fait plus frontale qu'auparavant, en même temps que la série pose un triste regard sur le sort réservé aux vétérans noirs et le traitement accordé aux migrants. Politiquement ambitieuse, Falcon et le Soldat de l'Hiver ne fait aucune concession et aurait d'ailleurs très bien pu se passer du soutien du Département de la Défense tant les scènes filmant du matériel militaire sont finalement peu nombreuses ; si c'est cela le visage de la propagande, Marvel est loin d'exceller dans le domaine.
Sebastian Stan rempile lui aussi dans le rôle de Bucky Barnes, appelé le Soldat de l'Hiver par les uns, et le Loup Blanc par les autres. Et c'est un Sebastian Stan en forme qui revient dans Falcon et le Soldat de l'Hiver, puisque le scénario de la série et sa durée permettent à l'acteur de se laisser aller à plus d'émotions que par le passé, pour un résultat assez convaincant. Après avoir été dépeint comme une machine à tuer sans pitié, puis comme un allié de Steve et des autres Avengers pour sauver le monde face à Thanos, Bucky a pour la première fois droit à un repos bien mérité, même si le héros a du mal à en profiter. Obligé de voir une thérapeute pour faire le point sur son passé meurtrier et tenter de soigner ses traumatismes, Bucky s'efforce de faire le « deuil » de Steve, mais Sam va grandement lui compliquer la tâche en cédant le bouclier, le seul lien qui subsistait de sa relation avec son meilleur ami. Là où Kari Skogland filme souvent Sam en plan large dans les premiers épisodes, pour le situer dans l'espace et lui donner une présence forte qui domine l'image, la réalisatrice multiplie les gros plans sur le visage de Bucky durant ses séances chez sa thérapeute, comme pour entrer dans la tête d'un personnage encore hanté par les actions commanditées par l'HYDRA. Ces astuces de réalisation, bien que classiques, remplissent leur fonction et préfigurent du destin des personnages dans la série : Sam va devoir trouver sa place quand Bucky, lui, s'embarquera dans une quête plus intime de réconciliation avec son passé.
De manière plutôt maligne, le scénario de la série fait également intervenir le Wakanda dans l'histoire à travers le personnage d'Ayo, la Dora Milaje qui emprunte ses traits à l'actrice Florence Kasumba. C'est que Bucky est intimement lié au pays de Black Panther. Laissé sur place à la suite des tragiques affrontements de Captain America : Civil War, Bucky a commencé lentement mais sûrement à se reconstruire au Wakanda auprès d'Ayo, qui a été une précieuse alliée pour lui. Sam, lui aussi, va se faire des amis au Wakanda ; en tant qu'homme noir, il pourrait d'ailleurs établir une relation très symbolique entre son propre pays et la contrée africaine grâce au bouclier fait de vibranium, l'héritage du peuple wakandais.
Outre Ayo, Falcon et le Soldat de l'Hiver en profite également pour faire revenir deux autres personnages bien connus du MCU. L'actrice Emily VanCamp prête ainsi une nouvelle fois ses traits à Sharon Carter, l'ancienne agente du S.H.I.E.L.D. et de la CIA qui a été forcée de s'exiler après avoir aidé Captain America durant la guerre civile des super-héros. Après une romance fugace avec Steve Rogers sans grand intérêt, Falcon et le Soldat de l'Hiver redresse un peu la barre en lui offrant un rôle qui pourrait s'avérer déterminant dans les prochaines productions signées Marvel. Le développement de Sharon, couplé à l'introduction de Valentina Allegra de Fontaine, incarnée par une Julia Louis-Dreyfus (Saturday Night Live, En Avant, 2020) hilarante comme à son habitude, annoncent donc des changements de dynamique qui mettent l'eau à la bouche, à condition que Marvel réussisse à sortir de sa zone de confort avec ces deux personnages.
Grand favori des fans, le Baron Zemo revient lui aussi donner de ses nouvelles, grâce à l'excellent Daniel Brühl. Emprisonné à la suite de Captain America : Civil War, Zemo ne semblait pas destiné à revenir dans le MCU, et encore moins dans cette nouvelle version du personnage, beaucoup plus comique. D'une certaine façon, le développement de Zemo n'est pas sans rappeler celui de Loki. À travers son évolution, Marvel souhaite en faire, sinon un anti-héros, au moins un vilain dont les sombres desseins sont en partie atténués par une personnalité amusante et un charisme indéniable. Force est de constater que le résultat est réussi, car si ses idéaux comme ses méthodes demeurent extrêmes, son charme presque polisson lui permettent d'emporter – un peu – l'adhésion du public. Il faut aussi noter que la promotion de la série s'est en partie appuyée sur la présence du personnage dans un costume inspiré des comics, dont sa mythique cagoule violette. Au final, ce petit clin d'œil appuyé aux lecteurs, certes sympathique, ne dépasse pas le stade de l'hommage, puisque Zemo n'enfile sa cagoule que durant quelques secondes, à l'inverse du très seyant manteau orné de fourrure qu'il porte durant une bonne partie de la série.
WandaVision, à travers le personnage de Monica Rambeau, a montré de manière succincte à quel point le retour de la population a été chaotique. Falcon et le Soldat de l'Hiver, elle, a choisi une approche différente, en situant son action environ six mois après la réapparition de la moitié de l'humanité. Les tensions ont eu le temps de s'apaiser au niveau international, tant socialement qu'économiquement, mais un groupuscule composé de Déplacés – le nom donné aux survivants qui ont trouvé refuge dans un autre pays – entend bien se battre pour les droits des immigrés. Ceux qui se font appeler les Flag Smashers se présentent, au début de la série, comme des Robin des Bois des temps modernes, volant de la nourriture et des ressources pour assurer la sécurité des plus démunis tout en combattant férocement le Conseil Mondial de Rapatriement (ou CMR), qui souhaite relocaliser tous les Déplacés dans leurs pays d'origine, de gré ou de force. Et c'est là que la série perd en partie pied, car Falcon et le Soldat de l'Hiver n'arrive pas à rendre suffisamment intéressant ce pan de l'histoire, pas plus que les nouveaux antagonistes qui sont censés le porter d'ailleurs. Il y avait pourtant de quoi lancer des intrigues politiques plus ambitieuses avec une histoire aussi importante que celle de l'Éclipse et ses implications, d'autant que, pour l'instant, les spectateurs n'ont guère eu droit qu'à des miettes d'histoire concernant la situation mondiale durant ces évènements. Dommage donc que les fascinantes répercussions qu'auraient logiquement dû engendrer l'Éclipse et le retour de quelque 3,9 milliards de personnes, ou même la manière dont les gouvernements mondiaux se sont organisés pour répondre à la crise, soient des sujets que la série ne fait qu'effleurer.
À la tête des Flag Smashers se trouve Karli Morgenthau, interprétée par la jeune Erin Kellyman apparue avant cela dans Solo : A Star Wars Story (2018). Dans les comics, c'est un homme, Karl Morgenthau, qui opère sous le nom de Flag-Smasher. Né dans Captain America (Vol. 1) #312 de la plume de Mark Gruenwald et des pinceaux de Paul Neary, Flag-Smasher est un vilain de seconde zone qui, en s'attaquant avec violence aux symboles du nationalisme, souhaite mettre un terme à l'hypocrisie des nations qui, selon lui, promeuvent un message d'unicité et de paix tout en se barricadant derrière leurs frontières.
Falcon et le Soldat de l'Hiver reprend donc les bases du personnage tout en le modernisant. Dopés au sérum de Super-Soldat grâce au Power Breaker, les Flag Smashers estiment que les habitants étaient plus heureux et solidaires avant le retour de la moitié de la population, aussi décident-ils de tout faire pour forcer les autorités à conserver une sorte de statu quo. Le combat des Flag Smashers paraît plutôt juste, au moins au début de la série ; de nombreux survivants ont fui leurs pays d'origine et aidé à rebâtir leur nouvelle terre d'accueil, en même temps qu'ils ont reconstruit leurs vies. Mais depuis le retour de la moitié de la population, les gouvernements ont commencé à délaisser les immigrants, dont beaucoup ont atterri dans des camps de fortune, livrés à eux-mêmes. Le problème, c'est que les téléspectateurs ne sont presque jamais confrontés au quotidien de ces personnages, en dehors de quelques brèves scènes, ce qui n'aide pas vraiment à susciter l'empathie de l'auditoire. Karli fait partie de ces antagonistes qui doivent émouvoir le public par leur histoire et ce, malgré des actions répréhensibles. Malheureusement, le personnage souffre de faiblesses d'écriture et il est trop peu présent à l'écran, au point que la jeune femme finit par être dépeinte comme une brebis égarée qui se laisse déborder par sa colère, sans que la série ne propose jamais de solution alternative à son combat. Falcon et le Soldat de l'Hiver questionne finalement assez peu les motivations profondes des Flag Smashers, au point que les antagonistes sont surtout utilisés pour donner à Sam l'occasion de briller et de devenir, lui-même, la voix des opprimés. En jouant sur les deux tableaux, la série n'arrive qu'à gâcher en partie une intrigue qui avait un beau potentiel, et ce n'est pas la talentueuse Erin Kellyman qui parviendra à sauver cet arc narratif qui ne demandait qu'à être développé avec plus de finesse.
Pour faire face à la menace des Flag Smashers, ainsi qu'à la pénurie de super-héros habillés de bleu, de blanc et de rouge, le gouvernement américain décide de récupérer le bouclier abandonné par Sam pour l'offrir à un tout nouveau Captain America : John Walker. Apparu en 1983 dans Captain America (Vol. 1) #323 et créé, comme Flag-Smasher, par Mark Gruenwald et Paul Neary, John Walker se présente d'abord au public en tant que Super-Patriote, un homme qui souhaite devenir le nouveau porte-étendard de l'Amérique en opposition à un Captain America qu'il juge dépassé. Quelque temps plus tard, la Commission aux Activités Surhumaines, manipulée par Crâne Rouge, retire à Captain America son bouclier, avant de le transmettre à John Walker. Le nouveau Captain America ne parvient toutefois pas à se montrer digne de son nouveau rôle ; rapidement, Walker est destitué et opère ensuite sous le nom de U.S. Agent, un rôle qui lui sied davantage.
C'est à l'acteur Wyatt Russell (22 Jump Street, 2014, La Femme à la Fenêtre, 2021) qu'est confié le rôle de John Walker qui, ironie du sort, avait auditionné en 2010 pour jouer... Steve Rogers ! Dès ses premières apparitions, les multiples oppositions entre John Walker et Steve Rogers sont esquissées : si Steve a été choisi à l'époque pour sa bonté d'âme, son courage et sa bravoure, John, lui, a été sélectionné pour ses hauts faits militaires et sa tendance à exécuter les ordres, même les plus discutables. À travers ce personnage, Falcon et le Soldat de l'Hiver entend dénoncer, toujours avec de gros sabots, l'interventionnisme américain dans les pays du Moyen-Orient, mais la série s'attarde aussi de façon plus subtile sur la question des symboles et de l'héritage ; le final du quatrième épisode, qui déploie une imagerie très forte, laissera plus d'un téléspectateur bouche bée. Face à la pression de devoir incarner le tout nouveau représentant des États-Unis, John Walker, qui avait l'air parfait pour le rôle, va peu à peu s'embourber dans une spirale de doutes et de violence, en même temps que plane au-dessus de lui l'ombre de Steve Rogers, qu'il ne saurait égaler. Accompagné de son fidèle ami Lemar Hoskins, alias Battlestar, joué par Clé Bennett (Jigsaw, 2017), John est une très bonne addition au MCU qui apporte avec lui des débats sur l'incursion des gouvernements dans les affaires super-héroïques et les fausses idoles.
Falcon et le Soldat de l'Hiver, si elle fait la part belle à l'action, est aussi une série qui traite du difficile sujet du racisme. Outre les interrogations de Sam et le racisme systémique dont il est plusieurs fois victime dans la série, la question est également explorée à travers le très touchant personnage d'Isaiah Bradley, imaginé par Robert Morales et Kyle Bake en 2002 pour la mini-série Truth : Red, White & Black. En 1942, un groupe hétéroclite d'hommes afro-américains est réuni au Camp Cathcart, dans le Mississippi ; ce que ces soldats de fortune ne savent pas, c'est que le gouvernement s'apprête à leur faire subir d'horribles expériences dans le plus grand des secrets pour se constituer une armée de Super-Soldats.
Isaiah voit donc le jour dans un comics très orienté politiquement, et c'est avec un ton similaire que le personnage est introduit dans Falcon et le Soldat de l'Hiver. La série n'est jamais aussi bonne que lorsqu'elle s'arrête un moment pour respirer et donner l'occasion à ses personnages de parler de leurs traumatismes, mais aussi de leurs rêves et de leurs espoirs de lendemains meilleurs. En plus de dénoncer le sort qui a longtemps été réservé aux vétérans afro-américains, l'histoire est aussi une allégorie des expériences inhumaines menées sur des patients noirs jusqu'au milieu du XXe siècle. De fait, Sam voit en Isaiah la personnification de tous ses doutes : les États-Unis sont-ils prêts à accepter que leur plus grand symbole, l'étendard de la liberté, soit noir ? Et lui, est-il prêt à représenter un pays pétri de contradictions, un pays dont une partie de la population le haïrait pour avoir osé brandir le bouclier ? Dans un contexte social toujours extrêmement tendu aux États-Unis, comme en témoigne la résurgence du mouvement Black Lives Matter, la question mérite d'être posée, et Falcon et le Soldat de l'Hiver l'aborde avec beaucoup de justesse.
Durant sa production, Falcon et le Soldat de l'Hiver joue de malchance. D'abord, à cause des tremblements de terre qui ont eu lieu à Porto Rico au début de l'année 2020, les scénaristes de la série sont contraints de retravailler le script pour garantir la sécurité des équipes de tournage. Des décors, déjà construits sur place, sont rapatriés en urgence et le tournage se délocalise à Prague au début du mois de mars 2020, une semaine seulement avant que les frontières ne soient fermées en raison de la pandémie de COVID-19. Prévue à l'origine pour ouvrir la Phase 4 du MCU, la série cède finalement sa place à WandaVision. Les équipes affectées aux effets spéciaux mettent à profit les quelques semaines glanées pour polir les effets visuels de la série, et le résultat est convaincant, comme en témoigne la scène d'action dans les airs qui aboutit à une bataille dans les canyons, cinématographique à souhait. Il faut également souligner le travail opéré par Kari Skogland sur plusieurs scènes d'intérieur. Qu'il s'agisse de l'appartement de Riga du quatrième épisode ou de l'entrepôt qui est le théâtre d'une bataille effrénée dans le cinquième, la réalisatrice fait bon usage des fenêtres et autres interstices pour jouer avec la lumière et l'atmosphère de ses décors. À l'inverse, les scènes de nuit sont beaucoup moins bien réussies ; c'est notamment le cas du sixième épisode dont la photographie est fade et triste. Côté musique enfin, le réalisateur Henry Jackman revient en forme, après avoir composé les musiques des deux derniers films Captain America. Lui aussi profite allégrement du thème de l'héritage que développe la série, en reprenant quelques-uns de ses thèmes et en les adaptant à l'évolution qu'ont connue les personnages avec les années. Sa plus belle composition, Louisiana Hero, est une belle reprise du thème classique de Sam Wilson, à laquelle le compositeur a ajouté un accent blues. Le morceau musical accompagne également le générique de fin de chaque épisode.
Falcon et le Soldat de l'Hiver est définitivement une série imparfaite. D'un côté, elle est l'œuvre la plus politique signée Marvel Studios, mais de l'autre, la série ne saurait rester durablement dans les esprits, à cause de ses méchants peu convaincants, de son discours parfois confus et d'un manque global de prise de risques. Davantage qu'une série, Falcon et le Soldat de l'Hiver donne surtout le sentiment d'être un Captain America 3.5 découpé en six parties inégales, comme une sorte de passage obligatoire pour les personnages avant de débarquer à nouveau au cinéma dans Captain America : New World Order. Les téléspectateurs ne doivent cependant pas bouder leur plaisir, car le développement de Sam, de John Walker et de Bucky – bien qu'un peu en retrait durant la seconde partie de la saison –, ainsi que les thématiques sociales abordées sans détour justifient que les téléspectateurs profitent du voyage que la série a à offrir.