Maîtresse de Tous les Maux
L'Histoire de la Fée Noire
Titre original : Mistress of All Evil: A Tale of the Dark Fairy Éditeur : Hachette Heroes Date de publication France : Le 04 mai 2019 Genre : Disney Villains |
Auteur(s) : Serena Valentino Autre(s) Date(s) de Publication : Disney Press (US) : Le 03 octobre 2017 Nombre de pages : 294 |
Le synopsis
Bien des années plus tard, la princesse Aurore est tombée dans un profond sommeil, victime des sombres desseins de la Fée Noire. Pour s'assurer que l'héritière royale ne se réveillera jamais, Maléfique doit néanmoins se résoudre à aller demander l'aide des plus puissantes sorcières du monde. Ces retrouvailles risquent alors fort de raviver de vieilles blessures et de mettre en danger le précaire équilibre des royaumes...
La critique
Héraut des ténèbres, prêtresse du mal absolu, Maléfique fait assurément partie des Méchants Disney préférés du public. Il faut dire que la sorcière infernale, qui est apparue pour la première fois dans La Belle au Bois Dormant en 1959, est depuis quelques années très présente au cinéma comme à la télévision. De Once Upon a Time - Il Était une Fois (2011) à Descendants (2015), en passant par les films qui portent son nom, Maléfique (2014) et Maléfique : Le Pouvoir du Mal (2019), les nombreuses œuvres dans lesquelles la sombre fée apparaît n'ont cessé de réinventer les motivations et la personnalité du personnage culte. En 2017, c'est alors Serena Valentino qui plonge dans la psyché de la sublime et terrifiante méchante, pour revisiter son histoire dans Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire. Quatrième tome de la série littéraire à succès, Disney Villains, l'excellent roman propose alors au lectorat de découvrir la diabolique fée sous un angle inédit, en proie à son destin et aux fêlures qui rongent son cœur...
Serena Valentino est née le 7 avril 1970 à San Jose, dans l'État de Californie aux États-Unis. Élève appliquée, elle révèle très tôt un talent certain pour l'écriture, impressionnant d'ailleurs ses professeurs qui l'invitent à développer ses qualités littéraires. Elle n'en a pourtant cure et lorgne en effet bien davantage sur une carrière théâtrale. La jeune femme entreprend d'ailleurs des études dans cette direction, désireuse d'enseigner l’art du théâtre. Pour autant, elle n'a jamais abandonné complètement l'écriture. La vingtaine bien consommée, Serena Valentino fait découvrir à son ami, Ted Naifeh, une historiette qu’elle a écrite, empreinte d’une ambiance gothique et mettant en scène des personnages de contes de fées modernes. Charmé par le récit de la jeune auteure, il entreprend aussitôt de l’illustrer, persuadé que le genre du comics est parfait pour le raconter. De cette collaboration entre les deux artistes naît alors le premier des 28 numéros de la série de comics GloomCookie, éditée à partir de 1999 par Slave Labor Graphics.
En 2002, toujours chez le même éditeur, Serena Valentino signe une nouvelle série de comics, intitulée Nightmares & Fairy Tales, dont le personnage principal, Annabelle, est une poupée de chiffon racontant les histoires plus ou moins tragiques des personnes l'ayant possédée. Serena Valentino, au cours des 23 numéros que comporte la série, fait se côtoyer tour à tour des créatures mystiques issues du folklore et des personnages emblématiques de contes de fées, dans des histoires macabres teintées d'humour noir.
Impressionnés par les talents de conteuse de Serena Valentino après avoir lu la série de comics Nightmares & Fairy Tales, les éditeurs de Disney Press la contactent pour lui soumettre un projet de roman. Lui proposant d'écrire une histoire centrée autour d'un ou de plusieurs personnages issus des films des Walt Disney Animation Studios, l'auteure jette immédiatement son dévolu sur les méchants Disney, et plus particulièrement sur le personnage de la Reine Grimhilde. Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Reine sort alors dans les librairies étasuniennes le 18 août 2009. Prévu au départ comme un roman unique, son succès convaincra néanmoins rapidement Disney Press de poursuivre sa collaboration avec Serena Valentino, en lui proposant d'écrire un second roman explorant le passé d'un nouveau méchant. C'est alors la Bête qui, curieusement, est choisie par l'auteure pour figurer dans son deuxième livre, L'Histoire de la Bête, qui sort le 22 juillet 2014. Lié au roman précédent grâce à la présence de personnages inédits et récurrents, il faudra toutefois attendre le troisième tome, Pauvre Âme en Perdition : L'Histoire de la Sorcière des Mers, édité le 26 juillet 2016, pour que la série trouve une véritable unité au sein de la collection Disney Villains. C'est d'ailleurs depuis ce roman, présentant le passé de la terrible Ursula, que les histoires sont non seulement bien davantage connectées entre elles mais, surtout, que la publication des livres devient annuelle.
Le 3 octobre 2017, Maléfique fait ainsi une entrée fracassante dans la collection, avec Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire, précédant Mère Gothel qui, le 7 août 2018, voit à son tour son passé exploré dans N'Écoute que Moi : L'Histoire de la Vieille Sorcière. Le 2 juillet 2019, enfin, le sixième tome, Les Étranges Sœurs : L'Histoire des Trois Sorcières, se concentre pour la première fois non pas sur un méchant emblématique de Disney, mais plutôt sur les personnages inédits imaginés par Serena Valentino et présents depuis le premier tome de la collection. Face au succès tant critique que public de la série Disney Villains, trois nouveaux romans sont prévus dès l'été 2019, dont le premier, centré sur le personnage de Cruella d'Enfer, est annoncé pour sortir au mois de juillet 2020 aux États-Unis.
Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire s'ouvre par un prologue narrant la scène durant laquelle Aurore est victime de l'affreuse malédiction de Maléfique ; la jeune princesse, hypnotisée par les injonctions de la cruelle sorcière, ne peut en effet s'empêcher de toucher la pointe d'une quenouille. L'héritière royale précipitée dans un sommeil profond, la Fée Noire semble alors avoir définitivement gagné. Toutefois, Maléfique ne sait que trop que les pires sortilèges peuvent être brisés par le pouvoir de l'amour véritable. Aussi, et même si le Prince Philippe est prisonnier de ses geôles dans le château de la Montagne Interdite, elle s'empresse d'aller quérir l'aide de puissantes sorcières, les seules capables de lancer un sort garantissant qu'Aurore ne se réveillera jamais plus.
Dès ce prologue, le lecteur appréciera sans aucun doute le changement de narration opéré par l'auteure dans la série Disney Villains, et qui était d'ailleurs déjà amorcé dans le précédent tome. Les deux premiers romans se concentraient en effet majoritairement sur le passé des méchants emblématiques, puis finissaient ultimement par reprendre, de façon très accélérée, les événements des films d'animation de Disney tels que le lectorat les connaît. Le troisième tome, consacré à Ursula, avait au contraire pris le parti de faire se dérouler l'action du roman en même temps que celle de La Petite Sirène. Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire, lui, débute presque à la fin de l'histoire de La Belle au Bois Dormant, si bien que très peu des éléments du film, en dehors de la malédiction et du combat final, sont repris par l'auteure. Très cohérent au demeurant, le récit se permet ainsi de multiplier les intrigues dans ce roman assurément ambitieux, puisque se succèdent au fil des chapitres les péripéties de plusieurs groupes de personnages, les scènes racontant la jeunesse de Maléfique et la propre quête de la Fée Noire, dans le présent.
Fort de cette narration parfaitement maîtrisée, Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire se dévore plus vite qu'aucun autre roman Disney Villains l'ayant précédé. L'univers imaginé par Serena Valentino prend il est vrai un véritable essor dans ce nouveau tome, en emmenant tour à tour le lectorat dans le château des Morningstar jusque dans l'éblouissante Terre des Fées, en passant par la mystérieuse Terre des Rêves, où Aurore est retenue prisonnière. À cette géographie en pleine expansion s'ajoutent en outre, pour la première fois, de véritables considérations chronologiques. Le lectorat apprend alors que l'histoire de la Fée Noire se passe de très nombreuses années après le récit de la Reine Grimhilde, puisque c'est une Blanche Neige assez âgée qui vient prêter main forte à la sorcière Circé dans ce nouveau tome.
Pourtant, l'histoire d'une belle princesse endormie gardée par un dragon cracheur de feu avait été racontée à la toute jeune Blanche Neige dans Miroir, Miroir : L'Histoire de la Méchante Reine. Et puisque Serena Valentino ne se doutait pas, lors de la rédaction de ce premier tome en 2009, qu'une série de romans viendrait des années plus tard enchanter son lectorat, l'auteure a dû trouver une parade pour mettre un peu d'ordre dans son récit. Et le tour de passe-passe est habile ! Valentino parvient sans mal à convaincre ses lecteurs, avec un soupçon de magie et une écriture toujours aussi dynamique et fluide, qu'elle avait tout prévu depuis le début.
Contrairement aux autres méchants précédemment apparus dans la série Disney Villains, Maléfique avait déjà vu son passé largement exploré, au moment de la rédaction du roman, dans le film éponyme sorti en 2014, avec Angelina Jolie dans le rôle-titre. Valentino avait donc la délicate tâche de trouver une toute nouvelle origine à Maléfique, qui ne trahirait pas le personnage du long-métrage d'animation tout en s'insérant parfaitement dans l'univers sombre de la série littéraire. Exit, donc, la romance de la jeune femme avec le futur roi Stéphane et l'amputation de ses ailes, l'auteure faisant du personnage une petite fée née sans ailes, abandonnée et crainte de ses consœurs magiques. Son apprentissage de la magie et l'amour que lui porte sa mère adoptive, qui l'a trouvée dans les bois, semblent promettre toutefois un futur radieux à l'extraordinaire Maléfique au début de l'histoire, mais c'était sans compter sur sa rencontre avec les Étranges Sœurs, qui mettront une fois de plus en branle l'implacable machine du destin. Particulièrement convaincants, les flash-back mettant en scène la vie de la jeune Maléfique dans la Terre des Fées offrent à la méchante une origine tout à fait cohérente, en plus de se démarquer grandement de toutes les autres histoires racontées jusqu'alors à propos de la fée.
Les motivations de Maléfique et la raison pour laquelle elle a jeté une malédiction sur Aurore ne sont expliquées que tardivement dans le roman, dans un rebondissement scénaristique particulièrement inattendu pour qui n'aurait pas prêté attention aux indices parsemés dans les premières pages du livre. Loin de la relation que partagent la princesse et la Fée Noire dans le film Maléfique, le lien qui unit les deux femmes dans le roman de Serena Valentino ne laissera à coup sûr pas le lectorat indifférent, tant le retournement est ingénieux.
Plus que jamais, Valentino multiplie les personnages et les scènes d'action dans Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire. Certains sont alors fatalement sous-utilisés et les chapitres les mettant en scène ne présentent qu'un intérêt limité. C'est notamment le cas du Prince Mirliflore et de la Princesse Tulipe Morningstar ; placée au cœur de l'intrigue du roman précédent, la jeune héritière bénéficie de la jolie évolution de son personnage dans Pauvre Âme en Perdition : L'Histoire de la Sorcière des Mers mais n'a qu'une utilité somme toute relative à l'intrigue de ce quatrième tome, en dehors de quelques scènes de dialogues.
La princesse Aurore, prisonnière de la Terre des Rêves, n'a elle aussi qu'un rôle mineur, bien que plus conséquent que ceux qu'ont joué Blanche Neige, Belle et Ariel avant elle. Il faut néanmoins saluer l'inventivité de l'auteure, qui la rend actrice de l'action alors même qu'elle est profondément endormie.
Nounou, dont le personnage est décidément l'un des meilleurs de la saga littéraire, continue tout à l'inverse d'étonner le lectorat. Vaillante et forte, maîtrisant la magie comme peu de sorcières avant elle, la gouvernante n'est cependant pas exempte de défauts. Sa confrontation avec Maléfique va d'ailleurs raviver des plaies béantes jamais cicatrisées, et son masque d'apparente perfection volera définitivement en éclats, ce qui la rendra ultimement plus humaine et plus attachante encore.
Les Étranges Sœurs, laissées en bien mauvaise posture à la fin du troisième tome, sont cependant celles qui interloquent le plus le lecteur. Qu'il est loin le temps où les mégères parvenaient à insupporter leur auditoire à la moindre parole ! Si leurs actions sont très limitées durant les événements qui se déroulent dans le présent, c'est bien dans les flash-back que le trio infernal brille véritablement. De leur première rencontre avec Maléfique, jusqu'à une révélation qui pourrait bien être la pierre angulaire de la saga dans son intégralité, et qui explique en grande partie pourquoi elles sont si cruelles, Lucinda, Ruby et Martha sont désormais au cœur de la série Disney Villains pour les bonnes raisons. Un vrai retournement de situation !
Les cousines Circé et Blanche Neige, elles, forment un duo plutôt improbable mais qui fonctionne au final admirablement bien. Lancées dans une grande enquête sur le passé de Maléfique et des Étranges Sœurs, les deux femmes font des découvertes qui changeront à jamais leur univers tout entier. Les scènes qu'elles partagent, et qui ont en commun leur bonté, permettent également au lecteur de reprendre son souffle en deux chapitres remplis d'action.
Les autres personnages présentés dans le roman sont enfin les habitants de la Terre des Fées. Évidemment, Flora, Pâquerette et Pimprenelle sont de la partie, avec une personnalité toutefois très différente de celle que leur connaît le spectateur de La Belle au Bois Dormant. Véritables pestes dans leur jeunesse, elles n'ont à l'égard de Maléfique que terreur et mépris, et c'est ici curieusement Pimprenelle, et non Flora, qui endosse le rôle de « chef de la bande ». La jeune fée téméraire parle en effet souvent pour ses deux amies, et c'est elle qui maintient une cohésion dans leur petit groupe de pimbêches. D'autres fées, issues de plusieurs films des Walt Disney Animation Studios font également une apparition, pour le plus grand plaisir du lectorat qui a plus que jamais l'impression d'assister à la mise en place d'un véritable univers partagé, dans la droite lignée de ce qu'avait proposé Once Upon a Time : Il Était une Fois ou encore la série de comics Fables lancée en 2002 par l'éditeur Vertigo.
Ce quatrième tome, fort de ses nombreux personnages et des multiples intrigues qui s'entremêlent pour raconter l'histoire de Maléfique et celle des Étranges Sœurs est donc, à plus d'un titre, franchement réjouissant. Toutefois, et malgré une écriture toujours aussi fluide, l'auteure a parfois recours à quelques facilités scénaristiques, quand elle ne verse pas carrément dans des dialogues aux relents de mauvaise fan-fiction. Il est terriblement frustrant pour le lectorat de voir des personnages tenir parfois des dialogues qui n'ont pour seul but que de faire avancer l'intrigue, quitte à ce que ces mêmes personnages aient des propos quelque peu incohérents compte tenu de leur bagage émotionnel ou affectif, alors qu'une description aurait rempli la même fonction de façon plus subtile.
D'autre part, l'auteure inclut un discours profondément féministe dans son roman, et il est difficile de comprendre si ce dernier est simplement mal amené ou au contraire au service de l'ironie dramatique. Valentino saisit en effet l'occasion de moquer, à travers la bouche de Maléfique, le poncif qui consiste à laisser le prince réveiller une belle princesse endormie, totalement passive, par un baiser. Seulement voilà, et puisque la machine infernale du destin joue un rôle prégnant dans l'histoire de Maléfique, ces réflexions tombent ultimement à plat à la fin du roman, l'auteure se devant de respecter scrupuleusement la fin de l'histoire dépeinte dans les films d'animation dont elle s'inspire. Les autres réflexions de Valentino sur le patriarcat et la condition sociale des femmes, mais également sur le rejet que Maléfique et Ursula ont dû subir en raison de leur apparence, jugées monstrueuses par leurs pairs comme par les hommes et les personnages de pouvoir, sonnent en revanche beaucoup plus justes.
Maîtresse de Tous les Maux : L'Histoire de la Fée Noire est sûrement l'un des meilleurs romans de la saga Disney Villains. De ce quatrième tome, le lectorat retient surtout l'impression de plonger dans un monde où la féerie n'a plus aucune limite, tant les personnages des plus célèbres histoires de Disney voient leurs destins se croiser avec une cohérence parfaite. L'histoire de Maléfique telle qu'imaginée par Valentino, victime de son destin comme de nombreux méchants l'ont été avant elle, est des plus touchantes, et seules quelques maladresses d'écriture, décidément l'un des seuls défauts de l'auteure, entacheront un peu le plaisir du lectorat, qui dévorera malgré tout ce quatrième tome avec une seule envie : lire la suite !