James et la Pêche Géante
Titre original : James and the Giant Peach Production : Walt Disney Pictures Skellington Productions Date de sortie USA : Le 12 avril 1996 Genre : Animation Image par Image / Film "Live" |
Réalisation : Henry Selick Musique : Randy Newman Durée : 79 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Le petit James Henry Trotter a été placé, après la disparition de ses parents, sous la garde de ses tantes, Éponge et Piquette, deux véritables mégères. Un soir, un vieil homme sorti de nulle part lui offre des langues de crocodiles lumineuses et magiques, capables de résoudre ses moindres problèmes. Par accident, elles font pousser un fruit gigantesque sur le pêcher des tantes qui profitent de l'aubaine pour en exploiter cupidement le phénomène... |
La critique
Après L'Étrange Noël de Monsieur Jack, James et la Pêche Géante est le deuxième long-métrage des studios Disney à utiliser majoritairement la technique de l'animation image par image. Si une bonne partie de l'équipe du premier film reprend le flambeau ; Tim Burton se contente, cette fois-ci, du simple poste de producteur. Ce positionnement explique, d'ailleurs, peut-être, la moindre puissance poétique de l'opus...
James et la Pêche Géante est une adaptation du livre éponyme de Road
Dahl.
Né à Cardiff, le 13 septembre 1916, de parents norvégiens, dans un milieu aisé,
l'auteur connait une jeunesse dorée mais mouvementée. Dès l'âge de 4 ans, il
perd, en effet, sa sœur aînée et son père. Sa mère décide alors d'installer
toute la famille en Angleterre. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il s'engage
en qualité de pilote de chasse dans la Royal Air Force. Les combats sont féroces
et il échappe miraculeusement, de nombreuses fois, à la mort. Le crash de son
avion en 1940, dans le désert saharien, a finalement raison de son désir de
lutte active contre les nazis en le rendant inapte à tout nouveau vol. Il est
alors envoyé en mission à l'ambassade britannique située à Washington.D.C. Il
met à profit cette période pour commencer à écrire. Pendant les années de
conflits, il signe ainsi son premier livre,
Les Gremlins (1943). Les recueils de nouvelles
Bizarre ! Bizarre ! (1953) et Kiss Kiss ( 1960) terminent d'assoir sa renommée
d'auteur de fiction. La Grande Entourloupe (1976) s'inscrit, d'ailleurs, dans le même
registre de contes sinistres, morbides et malsains à destination des adultes.
Entre temps, dès 1960, et après avoir publié pendant quinze ans des livres pour
grandes personnes, Roald Dahl débute dans la littérature enfantine.
D'abord à l'attention de ses propres quatre enfants, il invente des
histoires plus gaies et plus longues. Ses premiers succès sont James et la
Grosse Pêche (1961) puis Charlie et la Chocolaterie (1964). Suivront
d'autres best-sellers, parmi lesquels Le Bon Gros Géant, Danny le
Champion du Monde, Matilda, Fanstastique Maître Renard… Road
Dahl s'éteint le 23 novembre 1990 à l'âge de soixante-quatorze ans. Son œuvre
séduit encore aujourd'hui les petits et les grands qui ont, comme lui, su garder
une âme d'enfant.
Recul aidant, il est étonnant de voir que Walt Disney n'ait jamais adapté, de
son vivant, d'œuvres de Roald Dahl. Les deux hommes affichent, en effet,une
sensibilité artistique dont la compatibilité ne fait aucun doute, tant leurs
deux univers sont similaires. Le destin en a pourtant décidé autrement,
réduisant à néant leurs tentatives de collaboration.
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, partageant avec d'autres pilotes de la
R.A.F. les histoires mythiques de Gremlins, Roald Dahl s'intéresse de plus en
plus à ces petites créatures accusées de saboter les avions de chasse.
Discipline militaire oblige, il s'attache à obtenir l'autorisation de ses
supérieurs avant de publier. L'un deux, producteur dans le civil, lui souffle
alors
l'idée d'aller voir Walt Disney pour une adaptation cinématographique. Roald
Dahl se laisse convaincre et rencontre le papa de Mickey au cours de l'été 1942.
La réaction de ce dernier est tellement enthousiaste qu'il décide, avec son
frère Roy, en sa qualité de directeur financier, de négocier les droits des petits
personnages. Les studios Disney tâtonnent alors dans l'approche artistique du
projet. Il est ainsi envisagé, dans un premier temps, d'élaborer un film mêlant
acteurs réels et toons, seuls les petits personnages restant animés. Dans un
deuxième temps, au début de 1943, une décision de Walt Disney lui-même change complètement la donne : le long-métrage comportera 100% d'animation. Au milieu
de cette même année, un livre,
Les Gremlins, sort chez Random House, avec un
texte signé par le Lieutenant Roald Dahl, des copyrights enregistrés au nom des
studios Disney et des illustrations non créditées à l'époque, mais attribuées
depuis à Bill Justice. La situation d'impasse dans laquelle se trouve le projet
décide finalement Walt Disney d'arrêter la production à la fin de l'année 1943.
Il s'en explique à Roald Dahl, dans une longue lettre en date du 18 décembre
1943. Il insiste notamment sur le peu d'entrain des distributeurs à voir une
énième production sur le thème de la guerre, jugeant alors le marché saturé.
Cette mésaventure n'entache toutefois pas les relations de respect mutuel qui
prédominent entre les deux hommes. Pour autant, ils ne collaboreront plus de
leur vivant : il faudra en fait attendre leur décès respectif pour voir leurs
noms réunis au générique d'un film...
Henry Selick (connu pour son travail sur L'Étrange Noël de Monsieur Jack) est donc le réalisateur qui marque cet évènement avec James et la Pêche Géante. Né à Glen Ridge, dans le New Jersey le 30 novembre 1952, il est un artiste inné. Inventant très jeune des histoires qu'il réserve d'abord à ses proches, il passe l'essentiel de son temps libre d'adolescent à dessiner des personnages hauts en couleurs. Il entre logiquement à la California Institute of the Arts dans laquelle il côtoie d'autres grands noms en devenir de l'animation tels Brad Bird, John Musker, John Lasseter ou encore Tim Burton. Après un passage somme toute assez court chez Disney (période pendant laquelle il travaille sur l'animation de Peter et Eliott le Dragon, Le Petit Ane de Bethléem ou Rox et Rouky et sur les effets spéciaux des (Les) Yeux de la Forêt et d'Oz, Un Monde Extraordinaire), il reçoit une bourse pour réaliser son propre court-métrage expérimental Seepage, où il s'emploie à associer animation graphique et marionnettes grandeur nature. Il crée à sa suite sa propre société, Selick Projects (devenue ensuite Twitching Images), et produit avec elle des cartoons pour la chaîne MTV, qui parraine, d'ailleurs, en 1990, son court-métrage Slow Bob in the Lower Dimensions. Cette même année, Tim Burton lui confie la réalisation de L'Étrange Noël de Monsieur Jack, son premier long-métrage en stop-motion qui lui vaut l'Oscar des meilleurs effets visuels en 1993. En 1996, il signe James et la Pêche Géante qui combine l'animation image par image, prises de vue réelles et imagerie numérique. Après cinq ans d'absence, il revient en 2000 à la réalisation, pour la Fox cette fois-ci, avec Monkeybone mettant en scène Brendan Fraser et Bridget Fonda. Le film s'avère être un fiasco total, critique comme commercial. Meurtri, il se replie sur lui-même et s'expose moins : il collabore ainsi au film Touchstone de Wes Anderson, La Vie Aquatique (2004), "limitant" son intervention à la conception des fonds marins servant de décors au long métrage. Reprenant confiance, il rejoint alors la société de production Laika, distribuée par Universal, qui lui donne l'occasion de réaliser son quatrième long-métrage, Coraline (2009), premier film d'animation image par image conçu en 3D. Le succès est alors au rendez-vous.
Tim Burton participe à James et la Pêche Géante en tant que producteur. Son rôle est ainsi bien moins évident que celui tenu pour L'Étrange Noël de Monsieur Jack. En effet, alors qu'il avait, en plus de la production, écrit le script et créé l'univers de Jack à l'aide d'un nombre conséquent de dessins préparatoires, il se limite ici à produire l'opus. Ainsi, si sa touche personnelle est, ça et là, bien présente (la scène des pirates engloutis avec Jack Skellington en capitaine ramène, par exemple, directement à L'Étrange Noël de Monsieur Jack tandis que les traits de James Henry Trotter, le héros rappelle, eux, ceux de l'enfant torturé de Vincent, son œuvre de jeunesse...), elle reste, à l'évidence, au rang du saupoudrage.
Il n'empêche : l'association Selick-Burton fait des merveilles quand il s'agit de capter toute la force narrative d'un roman de Road Dahl pour le restituer à l'écran. Car s'il n'est pas chose aisée de traiter, à l'écrit, le thème de la maltraitance sur le ton de la fantaisie, la difficulté grandit encore lors de son passage à l'image, d'autant que la victime est ici un môme. La symbolique de la réduction du petit James par ses Tantes Eponge et Piquette au rang d'insecte est, en effet, bouleversante comme peut l'être également sa capacité à se lier d'amitié aves ses compagnons de galère, qui, magie aidant, lui apportent le salut.
La production hésite longtemps sur la technique de rendu du film ; tout "live" ou tout animé. La voie moyenne est finalement retenue, renforçant, par cette dualité, avec intelligence, l'opposition du réel et de l'imaginaire. Mieux, le contraste est saisissant avec le paradoxe qui fait que les deux adultes "live", les tantes Eponge et Piquette, se retrouvent au final être les personnages les moins humains. Le monde réel est terne et sans fantaisie avec des intervenants ressemblant à des montres tandis que l'imaginaire est coloré et joyeux. Le monde fantaisiste dans lequel évolue James, une fois la magie passée, est ainsi plein de couleurs, bien plus vivant et plus humain, que l'environnement réel de ses tantes. L'opposition de l'animation image par image et aux prises de vue réelles marche alors à plein tant la fluidité est encore plus remarquable que celle observée dans L'Étrange Noël de Monsieur Jack. Le monde animé devient un lieu d'aventures où James apprend à connaitre ses amis insectes, acquérant au fur et à mesure, une salutaire assurance...
La force du récit s'appuie alors sur une galerie de personnages
particulièrement bien définis.
James constitue assurément la pierre angulaire du casting. Paul
Terry, l'acteur humain qui le joue tout comme sa marionnette associée, sont, en
effet, chacun dans leur registre terriblement attachants. Sous sa forme "live",
James est ainsi poignant tant les malheurs qui s'abattent sur lui sont grands.
Ses apparitions soulèvent littéralement le cœur des spectateurs qui ont bien du
mal à retenir leurs larmes. Sa version marionnette rétablit fort heureusement
l'équilibre émotionnel en redonnant au personnage l'assurance nécessaire pour
affronter l'adversité. James devient alors presqu'instantanément le héros, chef
de clan, des habitants de la pêche. Il est le personnage essentiel du film : son
spectre de séduction s'étend, en effet des enfants aux adultes. Son succès se
mesure d'ailleurs à son processus de séduction qui fait que les spectateurs
s'attachent d'abord à sa personne pour se passionner ensuite pour son aventure.
Le voyage initiatique de James le conduit à rencontrer une flopée de personnages
tous identifiables par un trait de caractère dominant.
Il convient de distinguer les humains des animés.
Parmi ces derniers, Monsieur le Mille Pattes (doublé en anglais par Richard
Dreyfus) est le personnage "gros bras" sûr de lui, vantard et affabulateur.
S'inventant des exploits remarquables, s'attribuant des mérites imaginaires, sa
beaufitude le rend inconscient du danger que peuvent représenter les conséquences
de ses mensonges.
Monsieur la Sauterelle est le parfait contraire de Monsieur le Mille Pattes.
Noble anglais, musicien à l'air dandy, instruit, sensé et réfléchi, il est le
bon conseil, référent de toute la bande.
Madame la Coccinelle est la figure maternelle de la troupe. Avec son petit sac,
elle prend des airs de nanny anglaise, ce qui ne l'empêche pas de prendre part
au combat quand la nécessité se fait sentir.
Monsieur le Ver de Terre est le peureux de la bande. Le paradoxe veut qu'il a
souvent la malchance de se retrouver exposé dans des situations périlleuses,
allant, par exemple, jusqu'à servir d'appât aux mouettes.
Mademoiselle l'Araignée (doublé merveilleusement par Susan Sarandon) est un
personnage un peu effrayant au premier abord. En conflit permanent avec Monsieur
le Mille Patte dont elle exècre le comportement, elle est en revanche très
attaché à James qu'elle protège presque jalousement.
Madame la Luciole est un personnage technique (elle sert de lampe pour éclairer
l'intérieur de la pèche !). Assurément anecdotique, elle est la seule du récit à
ne pas disposer de scènes avec James. Elle ne sert que de faire-valoir et
accessoirement à allumer l'intérieur de la pèche.
Côté humain, le principe du casting reste le même. Les personnages sont, en
effet, également réduits à un seul trait de caractère. Si les parents de James,
entraperçus au début du récit, sont ainsi la gentillesse faite homme, ses tantes,
au contraire, symbolisent, elles, la méchanceté à tout crin. Tantes Piquette et
Eponge, jouées respectivement par Joanna Lumley et Miriam Margolyes, sont ainsi
vilaines dans tous les sens du terme. Elles caractérisent l'adulte dans ce qu'il
peut avoir de plus laid et de plus révoltant. Censées représenter le monde réel,
elles sont paradoxalement dépourvues toute humanité.
James et la Pêche Géante, fort de son récit prenant et de sa galerie de personnages enthousiasmante, bénéficie, pour sa bande originale, des talents du compositeur Randy Newman, un artiste bien connu des fans de Disney pour avoir travaillé sur Toy Story (1995), Monstres & Cie (2001) et La Princesse et la Grenouille (2009). Il écrit ici cinq chansons (My Name Is James, That's The Life, Eating The Peach, Family et Good News) somme toute peu inspirées et plutôt "passe plats", à l'exception notable de Good News, elle, véritablement punchie et entrainante. Randy Newman, qui n'égale pas, à l'évidence, le travail de Danny Elfman sur L'Étrange Noël de Monsieur Jack (auquel il est fatalement comparé), se console néanmoins par une nomination pour l'Oscar de la Meilleure Musique.
Accueilli avec bienveillance par la Critique (et la veuve de Roald Dahl qui salue, en l'espèce, le respect de l'œuvre de son mari), James et la Pêche Géante ne fait pas d'étincelles au box office. Son parcours en vidéo est en revanche plus qu'honorable.
James et la Pêche Géante souffre visiblement à plein de sa comparaison - devenue habituelle - à L'Étrange Noël de Monsieur Jack : une situation terriblement injuste tant il dispose des atouts suffisants pour exister par lui-même. Dès lors, il ne reste qu'à se laisser convaincre de l'envisager seul... Et la magie opère !
A noter :
Le film ne fut pas distribué en France par Disney mais par Tamasa Distribution.
Par contre, Disney France s'est chargée de sa distribution en vidéo.