Le Bossu de Notre-Dame
La Bande Originale du Film
Éditeur : Walt Disney Records Date de sortie USA : Le 28 mai 1996 Genre : Bande originale |
Durée : 57 minutes |
Liste des morceaux
01. The Bells of Notre Dame / Les Cloches de Notre-Dame - 6:25
(VO : Paul Kandel, David Ogden Stiers, Tony Jay et les choeurs, VF : Bernard Alane, Dominique Tirmont, Jean Piat et les choeurs)
02. Out There / Rien qu'un Jour - 4:24
(VO : Tony Jay et Tom Hulce, VF : Jean Piat et Francis Lalanne)
03. Topsy Turvy / Charivari - 5:34
(VO : Paul Kandel et les choeurs, VF : Jean Piat et les choeurs)
04. Humiliation / L'Humiliation - 1:40
(Alan Menken)
05. God Help the Outcast / Les Bannis ont Droit d'Amour - 3:42
(VO : Heidi Mollenhauer et les choeurs, VF : Claudia Benamou et les choeurs)
06. The Bell Tower / Le Clocher - 3:04
(Alan Menken)
07. Heaven's Light/Hellfire / Une Douce Lueur/Infernal - 5:23
(VO : Tom Hulce, Tony Jay et les choeurs, VF : Francis Lalanne, Jean Piat et les choeurs)
08. A Guy Like You / Un Gars comme Toi - 2:53
(VO : Jason Alexander, Charles Kimbrough, Mary Wickes et Mary Stout, VF : Perette Pradier, Bernard Alane et Michel Mella)
09. Paris Burning / Paris en Feu - 1:53
(Alan Menken)
10. The Court of Miracles / La Cour des Miracles - 1:27
(VO : Paul Kandel et les choeurs, VF : Bernard Alane et les choeurs)
11. Sanctuary! / Le Sanctuaire - 6:01
(Alan Menken)
12. And He Shall Smite the Wicked / Le Damné - 3:29
(Alan Menken)
13. Into the Sunlight / Sous les Projecteurs - 2:09
(Alan Menken)
14. The Bells of Notre-Dame (reprise) / Les Cloches de Notre-Dame (reprise) - 1:08
(VO : Paul Kandel et les choeurs, VF : Bernard Alane et les choeurs)
15. Someday / Un Jour - 4:18
(VO : All-4-One, VF : Ophélie Winter)
16. God Help the Outcast / Les Coeurs Sans Logis - 3:28
(VO : Bette Midler, VF : Maurane)
La critique
À film exceptionnel, bande originale audacieuse. Le Bossu de Notre-Dame est, à plus d'un titre, l'un des exemples les plus lumineux de la complémentarité que peut représenter un long-métrage d'animation entre son paysage sonore et musical. D'une richesse absolue, ce voyage musical démesuré et pessimiste, où se croise sans retenue un large panel d'émotions n'a, à ce jour, encore aucune équivalence chez Disney. En raison de l'époque, du défaitisme du script d'origine et des personnages lugubres qui interagissent, la décision a en effet très vite été prise d'appréhender respectueusement l’œuvre de Victor Hugo malgré la foultitude de changements entrepris.
Teinté d'arrangement religieux et d'une variation de chœur grégorien, le rendu détone et s'éloigne considérablement des précédentes productions, de surcroît lorsque celles-ci font suite à la renaissance des comédies musicales façon Broadway initiée par Howard Ashman et Alan Menken depuis La Petite Sirène.
Composée par ce même Alan Menken pour la musique et Stephen Schwartz aux paroles, tous deux ayant déjà collaboré à la bande originale de Pocahontas, une Légende Indienne, la partition du (Le) Bossu de Notre-Dame est une œuvre charnière qui a été inspirée selon les dires de Schwartz par les thèmes de la réclusion et de la dominance psychologique d'un être sur un autre. D'une puissance inédite pour un long-métrage d'animation, la musique de ce film profite d'une réussite quasi totale. Élaborée comme un hymne liturgique, s'éloignant du registre de la comédie musicale qui fit la renommée des studios, la beauté des compositions la hisse vers des sommets aussi hauts que ceux des tours de la cathédrale elle-même. Menken ayant déjà fait ses preuves à six reprises auparavant avec entre autres La Petite Sirène et La Belle et la Bête, il était évident qu'un projet aussi intrigant que celui d'une adaptation du chef-d’œuvre de Victor Hugo devait se retrouver entre ses mains. Force est de reconnaitre que bien lui en a pris au regard du prodigieux résultat. Depuis Blanche Neige et les Sept Nains, la musique chez Disney a, en réalité, toujours été élémentaire, et même si l'issue de la quasi-totalité de ses bandes originales a très souvent côtoyé l'excellence, certaines illustrent des tournants par leur finition et leur plus-value au projet final. Fantasia, Cendrillon, La Belle au Bois Dormant, Mary Poppins ou des décennies plus tard La Reine des Neiges sont comme autant de méticuleuses clés de voute qui élèvent de leurs qualités les films qu'elles défendent. Le Bossu de Notre-Dame fait partie de celles-ci, aux yeux même de certains comme la plus remarquable de toutes.
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, publié en 1831, pilier majeur de la littérature française, écrit de la seule plume d'un homme au tempérament de feu est encore aujourd'hui un formidable moteur créatif pour toutes les générations. Preuve en est la fréquence de nouveaux projets gravitant autour de ce monument littéraire. Ne se comptent plus les adaptations, souvent fameuses, des malheurs du brave Quasimodo, de l'obsession malsaine de son sombre tuteur, l'archidiacre Claude Frollo ou des persécutions de la désirable Esméralda. Cependant, de par son statut d’œuvre légendaire, elle provoque une réelle crainte. Une telle histoire doit être contée d'une manière irréprochable. Menken et Schwartz l'ont très bien compris, et ils ne sont pas là pour plaisanter à ce sujet. En raison de plusieurs modifications liées au roman mais aussi des sentiments qui habitent l'antagoniste principal entre autre, à savoir l'avidité sexuelle de Frollo pour Esméralda, Schwartz a la lourde responsabilité de devoir vêtir de double sens les désirs pervers de Frollo ou bien encore la soumission de Quasimodo. Enjeux d'autant plus ardus que le film doit être projeté aux yeux des plus jeunes sans avoir à les traumatiser ou sans être trop explicite. En raison d'une narration fleuve mais condensée, le choix de recourir aux dialogues directement dans les compositions permet aussi de gagner en fluidité. Un gain de temps non négligeable face à la démesure du script originel. Concernant la musique, Menken use à son habitude d'un orchestre symphonique en y incluant cette fois des éléments sacrés, insufflant à l'ensemble une majesté. Il incorpore pour la première fois dans son registre, un ensemble de choristes qui en accentue le prestige. Modernité oblige, et histoire d’éviter un fil musical lourd qui risquerait de lasser et gêner le public (une trop grande présence religieuse pourrait rebuter nombre de spectateurs), il « se contente » de mettre à jour l'ensemble pour mieux s'éloigner des poncifs du genre. Perfectionniste, il élabore un leitmotiv autour des personnages principaux : Quasimodo, Frollo, Esméralda et le plus important de tous, la cathédrale elle-même. A cela s'ajoutent des airs aussi populaires que celui des festivités liés à la Fête des Fous ou des bas-fonds de la Cour des Miracles. Tout cela s’entremêlent dans une harmonie qui inconsciemment dévoile les tréfonds et les retournements d'une histoire certes connue de tous mais palpitante.
Pour réaliser cette entreprise, Disney fait appel à pas moins que Wolfgang Amadeus Mozart lui-même pour interpréter Quasimodo ! En effet, c’est l'acteur principal Tom Hulce du film Amadeus réalisé par Milos Forman qui est en charge d’insuffler une âme et une voix au bossu, qui dans le livre demeurait sourd et muet. La version française est, elle, attribuée au chanteur de variété Francis Lalanne qui lui donne, contre toute attente, conviction et justesse. Frollo est originellement joué par Tony Jay qui réitère là après avoir déjà confié son organe au cruel personnage de La Belle et la Bête, Monsieur d'Arque. En France, la voix très charismatique de Jean Piat fait des merveilles et comme celle de son confrère, a déjà fait trembler les tympans des spectateurs en incarnant Scar dans Le Roi Lion. La belle Esméralda est assumée dans le pays de l'oncle Sam par la chanteuse de piano-bar Heidi Mollenhauer, qui hélas ne connaîtra la lumière des projecteurs qu'à travers cette seule et unique participation, tandis que l'hexagone jouit du talent de Claudia Benamou qui partagera la même déconvenue que sa compatriote américaine. La narration revient pour sa part à l'acteur de Broadway Paul Kandel sous les traits de Clopin, qui signe ici son unique collaboration avec les studios, là où la voix de Bernard Alane cultive un fructueux partenariat avec les doublages de Disney en France avec entre autre ses participations aux films Mélodie Cocktail, Aladdin, 1001 pattes (a bug's life) et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Enfin, pour clore cette distribution, les trois gargouilles vivent au travers des talents de Jason Alexander, Charles Kimbrough, Mary Wickes en version originale, et de Bernard Alane, qui incarne donc deux personnages dans le film, Michel Mella et Perette Pradier en version française.
La bande originale s'ouvre sur ce qui s'avère être son joyaux : Les Cloches de Notre-Dame. D'une importance primordiale pour le récit, elle englobe à elle seule la genèse et la raison qui ont poussé Quasimodo à se lier à son tortionnaire depuis vingt ans. Riche et tourmentée, rarement une ouverture aura été aussi émotionnelle.
Dès les premières notes, l'auditeur comprend qu'il s'apprête à pénétrer dans un monde crédible. Désireux de fournir un maximum d'autorité, la première piste s'ouvre sur un chœur grégorien chantonnant un olim, un chant dérivé d'un cantique médiéval. L'accent est donc porté sur une forme de recueillement, comme pour évoquer l'ouverture d'un grimoire. S’ensuit le tintement lointain des cloches. Le spectateur est donc plongé en plein cœur du Moyen-Âge. Après ces quelques secondes introspectives, le thème de Notre-Dame résonne. Personnifiée par un chœur semblable à ceux d'un Dies Irae, la Dame de Pierre est ainsi incarnée par des voix mixtes. En latin, littéralement « Jour de Colère », et partiellement apocalyptique, un Dies Irae est censé figurer la colère de Dieu au dernier jour du jugement dernier. Logiquement, Menken assigne ici une musique opulente à la démesure du monument. Notre-Dame est, en effet, l’héroïne du long-métrage et il compte bien le faire entendre. Afin de planter les évènements passés, le narrateur, sous les traits de Clopin, s'attelle en un bref résumé à expliquer qui fait sonner les cloches de Notre-Dame, pour ensuite dévoiler le passé du héros. Le thème de la cathédrale est de la sorte repris pour annoncer celui d'un personnage maléfique, celui du Juge Claude Frollo. Il sera noté que ce dernier a troqué sa soutane pour l'habit d'un juge de loi afin de ne pas heurter la communauté catholique très influente aux États-Unis. À l’instar de la cathédrale, il partage les chœurs grégoriens enrichis cette fois d'un orgue glaçant, qui annonce son funeste destin mais surtout sonne comme un rappel à son véritable statut d'ecclésiastique. Tout cela permet d’indiquer aussi que son sort dépendra bien plus de Notre-Dame que de celui de l'enfant qu'il emprisonnera en son sein. L'introduction se conclut alors en un crescendo porté par la voix de Clopin et des chœurs qui tiennent une note aigüe appuyée par un orchestre symphonique. Définitivement, l'auditeur est conquis.
La seconde piste est extrêmement intéressante à plus d'un titre due une scission dans sa composition. Triste dans son commencement, la chanson Un Jour s'attarde sur le lien qui lie Quasimodo et son père de substitution. Malsaine et fondée sur la peur, Frollo fait avouer avec cruauté à Quasimodo les infirmités qui l'enchaînent. La musique transpose ce malaise tandis que le bossu répète, soumis à son maitre, chaque mot qui à ses yeux le définit. Cependant, le second acte est tout à fait différent. Le rythme s'accélère légèrement et donne l'opportunité au héros de s'exprimer avec une plus grande liberté. Aérienne et à mille lieux de la chanson précédente, l'hymne de Quasimodo est gonflée de bienveillance et annonciatrice d'un nouvel espoir, à savoir sa participation au festival des fous. Il s'agit, là, de la piste la plus optimiste de l'ensemble de la bande originale et offre une belle occasion de s'éloigner de l'infortune qui va s'en suivre.
Charivari est le troisième morceau. Au début solennel, elle accompagne le grand carnaval qui met en liesse l’Île de la Cité et va être témoin de la rencontre des quatre personnages principaux. Enjouée, elle simule à merveille le grand capharnaüm qui abonde sur le parvis de Notre-Dame lors de la célébration du 6 janvier. Une nouvelle fois, Clopin en est l'interprète. Composé comme une fanfare de grelots, d'accordéons et de cuivres sur un rythme soutenu jusqu'à l'apparition de Frollo, son retour musical est plus cérémonieux et intronise un air sublimant la performance d'Esméralda. Le thème de Quasimodo se fait aussi entendre un instant pour témoigner de son malaise lorsque son visage est à découvert face à la foule lors de l’élection du roi des fous.
Humiliation est une partition de transition. Sans interprètes directs et relativement courte elle est pourtant essentielle. En effet, elle intervient lorsqu’Esméralda prend parti et défend contre tous la pauvre créature humiliée aux yeux du public brutal et agressif. La relation qui les unit est alors représentée par une astucieuse combinaison de chœur juvénile, personnification de la pureté et du désintérêt d'Esméralda, qui reprend quelques notes de son futur thème musical, mélangé à celui de Quasimodo.
Les Bannis ont Droit d'Amour est une chanson qui délivre une souffrance. Très religieuse, il s'agit d'une prière ouverte à l'attention de Dieu. Recluse dans la cathédrale, prétextant un droit d'asile après la rébellion à l'égard de Frollo, Esméralda laisse libre court à ses peines face à la condition de son peuple, et par la même occasion, à celle du sonneur de cloches. Introspective par l'apport des cordes, cette musique est une réflexion mais surtout une vitrine de ce que renferme la cathédrale, c'est-à-dire un lieu pieu et paisible, contrastant littéralement avec son thème musical. Notre-Dame gagne ainsi en douceur et en « humanité », au-delà de sa nature faite de pierre et de verre. En amont, il est bon de remarquer le décalage des paroles segmentées entre les couplets de la gitane et ceux des croyants venus prier le saint Père. Esméralda partage davantage les valeurs religieuses que ceux des fidèles qui entonnent un refrain arguant l'or et la gloire. La païenne invoque elle un amour et une reconnaissance céleste pour les miséreux. Écrite comme une complainte, cette chanson est dans sa thématique très proche d'un plaidoyer et plus précisément d'un Kyrie, c'est à dire un chant religieux grec repris par l'église qui se traduit littéralement par « Seigneur, prend pitié ». D'où une astucieuse alliance païen-chrétien dans la composition même du titre.
Le Clocher est une variation sur le même thème. Cristalline, avec l’apparition d'Un Jour, elle est la parfaite illustration de la candeur et du respect qu'entretiennent mutuellement Esméralda et Quasimodo. Elle atteste aussi d'un désir de révolte passive.
La piste suivante Une douce lueur / Infernal, est assurément l'une des plus captivantes. Élaborée en dualité, son premier acte se focalise sur Quasimodo et est composé comme une berceuse. Défaitiste puis bienveillante, elle est une réponse directe au début de la chanson Un Jour. Reprenant les arguments dictés par Frollo, quant à son apparence et la peur qu'il provoque, Quasimodo s'interroge sur la véracité de ces accusations. Sa rencontre avec Esméralda et l'amitié qui les lie agissent en lui comme une sirène d'alarme. Il se découvre alors l'envie d'un avenir hors des tours, loin de sa solitude. Cet espoir est souligné par une variation carillonnante du thème principal. Dévêtu de son emphase, les cloches de Notre-Dame deviennent alors angéliques pour illustrer les rêves de son prisonnier. Le second acte dégage une toute autre atmosphère. Occulte, il est l'exact contraire du précédent. Reprenant une liturgie latine à la gloire de Marie, là où la tzigane s’adressait devant l’Éternel, le thème de Frollo est une menace à l'encontre d'Esméralda. Il est ainsi par définition aux antipodes du message véhiculé par la bohémienne dans la chanson Les Bannis Ont Droit d'Amour, qui lui, prêchait un propos altruiste. Frollo se révèle vil, fourbe et égoïste car persuadé de sa légitimité et de sa suprématie. La mélodie se conclut par une reprise du thème de Notre-Dame, une fois de plus pour appuyer la fatalité qui attend le juge mais aussi et surtout pour souligner le futur duel de ce dernier contre la cathédrale. Le thème de Frollo est une vraie prouesse. Il fallait, en effet, pour lui, retranscrire de façon inconsciente le désir charnel qui se loge au plus profond de son âme. Schwartz use pour cela d'un champ lexical lié au feu, additionné à l'orge et à l'interprétation des doubleurs pour traduire sans demi-mesure une obsession morbide qui ne laisse aucun doute quant à l'appétence du Juge pour sa victime.
Un Gars Comme Toi tranche par sa légèreté. Anachronique et jouant sur le cliché parisien officiant à la fin du XIXème siècle et qui, toujours aujourd'hui, définit les codes d'un Paris fantasmagorique, cette chanson est un stéréotype de la conquête de l’héroïne par le héros. Clairement composée à l'attention des plus jeunes (l'interprétation est prise en charge par les trois gargouilles), cette œuvre est une succession de poncifs français. Accordéon, mélodie d'amour distrayante, accentuation de l'accent parisien, référence à la gastronomie et au cabaret : tout y est ! Sans doute dispensable, elle n'est présente que comme ressort comique et n'a pas la prestance des compositions antérieures. Souffrant de la comparaison avec l'ensemble, elle reste agréable mais hélas demeure totalement hors-sujet car trop puérile. En outre, elle souffre également d'une comparaison pas si fortuite, aussi bien thématique que mélodique, avec la chanson C'est la Fête du film La Belle et la Bête, écrite par le même compositeur. En d'autres termes, sa présence n'est justifiée que par sa jovialité, apportant une naïveté faisant retomber l'intensité dramatique, même si elle égratigne l'unité de l’œuvre.
Paris en Feu est au contraire une piste très sombre totalement imprégnée de la noirceur de Frollo. L'orgue, toujours attribut principal du juge, hante une reprise du Dies Irae entendu auparavant dans la chanson Les Cloches de Notre-Dame. L'amalgame est alors total. Frollo se prétend tout puissant et en croisade dans la commune de Paris. Délirant, il n'épargne rien ni personne pour assouvir son objectif : la capture d'Esméralda. La musique a donc un rythme militaire et colérique. Pour mieux rappeler également le virage que prend ici l'histoire, les notes du thème de la cathédrale interviennent judicieusement, prophétisant un dénouement qui prendra place dans son sanctuaire.
La Cour des Miracles, chantonnée par Clopin et ses acolytes, n’a quant à elle pour autre but que de présenter brièvement l'anarchie ambiante propre à la cachette des gitans. Nuancée de folie, elle est la résultante de la persécution à laquelle sont confrontés au quotidien les tziganes. Le thème se veut aussi malsain que divertissant en s'appropriant les instruments qui rappelle beaucoup ceux utilisés pour composer un chant de piraterie. En outre, elle dévoile la ruse des gitans qui se font passer pour des éclopés et autres handicapés alors que ce sont des voleurs qui se griment en infirmes.
Le Sanctuaire est la constante de Paris en Feu. Aussi équivoque, elle use de puissants chœurs pour souligner la dangerosité de la situation à laquelle font face les trois héros contre leur Némésis. Très longue, elle reprend une nouvelle fois le thème omniprésent mais déterminant de la cathédrale. Offensive, elle est le point culminant de la brutalité de l'ensemble de la bande originale car elle est utilisée lors de l'attaque de Notre-Dame par Frollo et ses sbires mais aussi pendant la condamnation au bûcher d'Esméralda. Elle est en outre indissociable de la piste suivante intitulée Le Damné. Fragmentée en deux parties, il s'agit néanmoins d'un seul et même morceau qui avise de la fin. Le lien qui lie Quasimodo à Esméralda est une seconde fois symbolisé par le chœur juvénile qui fait écho à leur première rencontre sur la place publique entendu dans la chanson Humiliation. Véritable parenthèse enchantée, ces quelques secondes sont salvatrices tant la tonalité est assurément grave et les choristes déchaînés par la suite. Elle se conclut par la chute de Frollo au sens propre comme figuré.
Sous les Projecteurs, la dernière musique entièrement dédiée à l'instrumentalisation est utilisée pour accompagner la scène où, vainqueur, Quasimodo pénètre pour la première fois en tant qu'individu libre hors de l'enceinte de la cathédrale. Reprenant son thème musical et usant du chœur préalablement utilisé dans l'intimité affective qu'il partageait avec Esméralda, ce chant du cygne prédit un lendemain radieux pour le sonneur de cloches d'autant plus qu'il annonce de nouvelles relations d'amitié entre lui et les citoyens de Paris. Quasimodo a sauvé la capitale de la mainmise de Frollo !
La dernière véritable piste de la partition est la reprise des (Les) Cloches de Notre-Dame par Clopin. Réplique de l'ouverture, elle s'achève par le thème de Notre-Dame dans un tempo plus rapide avec une répétition du final et une tonalité un soupçon plus haute, comme pour asseoir le commencement d'une nouvelle ère. Menken, dans la maitrise totale de son art, achève ainsi cette aventure par un morceau qui calque son génie sur d'autres thèmes finaux entendus dans ses réalisations antérieures, telles que Partir Là-Bas (final) dans La Petite Sirène, ou Histoire Éternelle (final) dans La Belle et la Bête.
Protocole oblige, Disney ne pouvait s’éviter une composition destinée au marché du disque afin de promouvoir le film lors de sa sortie sur les écrans. Sobrement titrée Un Jour dans la langue de Molière et chantée par Ophélie Winter, une chanteuse de variété officiant majoritairement durant les années 90, ou Someday en version originale, interprétée par le boys band R'n'B All-4-One, cette ballade est une ode à la tolérance. Irritant à souhait et lésé de tout attrait, ce pur produit commercial n'a d'autre but que de trahir la montagne de travail qui a été fourni par Alan Menken et Stephen Schwartz. Instrumental mou, vocalises niaiseuses et de manière générale sans inspirations, il est plus que dispensable : il est à oublier !
Les Cœurs Sans Logis, d’après Les Bannis Ont Droit d'Amour, au contraire, apporte sa pierre à l'édifice même si l'arrangement synthétique et suranné est loin d'être aussi pertinent que sa version cinématographique. Sa véritable force provient de l'alliance de paroles sincères, jouant sur des rimes peu évidentes non sans pointes d'humours et de la voix de la chanteuse belge Maurane qui apporte douceur et franchise à l'ensemble en version française. Quant à la version américaine, God Help The Outcasts par Bette Midler, malgré quelques qualités, s'avère en dessous de la mouture francophile. Faisant office de titres bonus, elle accompagne le générique de fin du film.
De l'ensemble des bandes originales composées au service des grands classiques Disney, celle du (Le) Bossu de Notre-Dame fait, à juste titre, figure de prouesse. Sans doute moins populaire que beaucoup d'autres compositions dû à une certaine réserve des studios Disney à mettre en avant une de leur œuvres les plus mélancoliques, rarement auparavant un tel lyrisme, une telle virtuosité furent déployés pour une œuvre d'animation. Mais ce qui retient l'attention du spectateur est sans nul doute la capacité de la bande-son à soutenir remarquablement le souffle de la narration.
Production pharamineuse aux compositions ambitieuses, récit exceptionnel aux textes intuitifs, Le Bossu de Notre-Dame figure au panthéon du savoir-faire musical de Disney.