Titre original :
Eddie the Eagle
Production :
Marv Films
Saville Productions
Studio Balsberg
TSG Entertainment
Date de sortie USA :
Le 26 février 2016
Distribution :
20th Century Fox
Genre :
Comédie dramatique
Réalisation :
Dexter Fletcher
Musique :
Matthew Margeson
Durée :
105 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Depuis qu’il est enfant, Michael Edwards n’a qu’un rêve : concourir aux Jeux olympiques d’hiver. Malheureusement, il rate les qualifications nationales de ski alpin. Edwards décide alors d’axer ses efforts sur un autre sport pour lequel la Grande-Bretagne n’a aucun sportif, et donc pas de concurrents pour lui : le saut à ski. Le seul problème est qu’il n’a jamais sauté de sa vie.

La critique

rédigée par
Publiée le 17 octobre 2021

Lors des Jeux olympiques (JO) de 1908 à Londres, le Français Pierre de Coubertin, rénovateur des Jeux olympiques et fondateur du Comité international olympique, est invité à un dîner organisé par le gouvernement britannique le 24 juillet. Au cours de la soirée, et pour remercier ses hôtes, Coubertin tient un toast durant lequel il définit ce qu’est l’esprit olympique. “L’important dans la vie, ce n’est point le triomphe, mais le combat. L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu.” Pour lui, le résultat compte moins que le parcours, les épreuves vécues par l’athlète. De cette citation est née la célèbre apocryphe : “L’important, c’est de participer”.

Le monde du cinéma, lui, aime ces histoires, celles d’un David que personne ne donne vainqueur et qui malgré la tâche qui lui incombe tente l’impossible. Certains films se concluent en apothéose avec le triomphe du David, comme Miracle qui retrace le parcours jusqu’au titre de l’équipe américaine de hockey sur glace lors des JO de Lake Placid. Parfois, la victoire n’est pas la médaille ou la coupe, mais simplement de franchir un plafond de verre instauré par une entité “supérieure”, comme un entraîneur ou une fédération, ou simplement par la société. La conclusion du film Rasta Rockett en est un exemple parfait. Les quatre bobsleigheurs jamaïcains ne conquièrent pas de médailles ou de coupes, mais simplement des applaudissements, la reconnaissance du public et de leurs pairs. Dans ces récits, le succès importe donc que très peu ; l’effort, la volonté et la lutte sont au centre de l'œuvre, quel que soit l’objectif visé par les protagonistes.

Déjà site de l’incroyable aventure jamaïcaine de Rasta Rockett, les Jeux olympiques de Calgary présentent une autre histoire pleine de courage et d’abnégation : celle de Michael Edwards, surnommé "Eddie The Eagle", le premier sauteur à ski anglais de l’histoire des JO. Né à Cheltenham en Angleterre le 5 décembre 1963, Edwards découvre très tôt le ski de piste pour lequel il se passionne. Amateur, il rate de peu sa qualification pour la descente des Jeux olympiques de 1984. Par la suite, il migre à Lake Placid dans l'État de New York pour recevoir un meilleur entraînement. Toutefois, cette discipline pose deux problèmes à Edwards : premièrement, l’Angleterre compte beaucoup de skieurs compétents qui sont autant de concurrents pour les qualifications ; deuxièmement, le matériel et l’entraînement coûtent cher. Edwards décide donc de changer de discipline et choisit le saut à ski, moins coûteux et où il n’y a aucune concurrence, puisqu’il serait le seul athlète représentant son pays. Il s’entoure alors de deux entraîneurs : John Viscome et Chuck Berghorn. Il représente pour la première fois l’Angleterre aux Championnats du Monde de 1987, où il obtient la 55e place du classement. Edwards est en effet désavantagé par son poids (il pèse neuf kilos de plus que les autres sauteurs) et par des problèmes de vue qui l’obligent à porter des lunettes sous son casque. Malgré ce résultat mitigé, Edwards est qualifié d’office pour représenter son pays lors des Jeux olympiques de 1988 à Calgary. Il s’inscrit dans les deux catégories de la discipline : le saut au tremplin des 70 mètres et à celui du tremplin des 90 mètres. Son résultat : deux fois dernier !

Paradoxalement, ces résultats attirent l’attention de la presse et des spectateurs qui le baptisent alors “Eddie The Eagle”. Plus il saute mal, plus les gens l’aiment. Il représente alors ce que certains appellent “l’échec héroïque”. Edwards est ainsi perçu, car il n’a pas les capacités de faire mieux, mais, malgré ses limites, il essaie encore et encore. Son attitude et son abnégation sont ainsi reconnues dès la cérémonie de clôture des JO par les membres du Comité olympique. Son président Franck King introduit la performance d’Edwards dans son discours : “Lors de ces Jeux, des concurrents ont gagné l’or, certains ont battu des records, et certains d’entre vous ont même volé comme un aigle.” Suite à ces JO, le même comité adopte une nouvelle réglementation : tout sportif qualifié aux JO doit faire partie des 50 meilleurs de sa discipline ou dans les premiers 30% pour se qualifier. Suite à cela, Edwards échoue dans sa quête des JO de 1992, de 1994 et de 1998.

Au milieu des années 2000, le cinéma commence à s’intéresser à l’adaptation de cette histoire mémorable. Trois studios décident alors de s’associer pour produire le film : Marv Films, qui est à l’origine des sagas Kick-Ass et Kingsman, Studio Babelsberg et Saville Productions. Les premières discussions entre les producteurs remontent à 2007 et conduisent à envisager d’engager l’Irlandais Declan Lowney à la réalisation et le comique anglais Steve Coogan, aperçu dans la saga La Nuit au Musée ou encore le décevant Le Tour du Monde en Quatre-Vingts Jours de 2004, dans le rôle-titre d’Edwards. Malgré ces premières pistes, le projet reste silencieux jusqu’en 2009, où, cette fois, Rupert Grint, le Ron Weasley de la saga Harry Potter, est pressenti pour jouer Michael Edwards. Le projet retombe toutefois rapidement dans l’oubli.

Il faut attendre le mois de décembre 2014 et une soirée cinéma de la famille Vaughn pour que le projet reprenne un peu de consistance. Entouré de ces enfants, Matthew Vaughn visionne le film Rasta Rockett, qui revient sur l’aventure de quatre bobsleigheurs jamaïcains aux JO de Calgary. Ses enfants adorent et le producteur déplore que les studios ne fassent plus de films comme celui-ci. Voyant les concordances entre l’histoire jamaïcaine et celle d’Eddie (un entraîneur déchu, des personnages sous-estimés mais conquérants), Vaughn s’inspire de l’adaptation cinématographique de la première pour vendre le deuxième projet aux studios. Et cela marche. En 2015, 20th Century Studios acquiert les droits de distribution du projet et le remet ainsi sur les skis. Et les producteurs débutent par un saut dans l’inconnu avec l’engagement de Sean Macauley et Simon Kelton pour écrire le scénario. Un risque important puisqu'aucun des deux hommes n'a déjà écrit un scénario. Macaulay a travaillé comme consultant sur le film Hitchcock en 2012, tandis que Kelton a prêté sa voix à divers projets, dont Le Drôle Noël de Scrooge pour Walt Disney Pictures en 2009. À la mise en scène, les studios pensent simplement à Vaughn qui a déjà réalisé Kick-Ass en 2010, X-Men : Le Commencement en 2011 et Kingsman : Services Secrets l’année précédente. Mais ce dernier refuse et propose son proche collaborateur et ami Dexter Fletcher. Après une carrière d’acteur qui lui vaut des seconds rôles dans des films comme Arnaques, Crimes et Botaniques de Guy Ritchie ou Kick-Ass de Matthew Vaughn, Fletcher passe derrière la caméra en 2011 avec Wild Bill, un film de gangsters dépeignant la relation entre un père tout juste sorti de prison et son fils de 15 ans. Il confirme en 2015 avec la comédie musicale Sunshine on Leith.

Une fois les scénaristes et le réalisateur sélectionnés, le studio part à la recherche de son aigle. Après plusieurs essais, leur choix se pose sur le Galois Taron Egerton. Né en 1989, Egerton grandit à Liverpool et fait ses premiers pas sur scène à l’âge de 15 ans. Il sort diplômé de la Royal Academy of Dramatic Art en 2012. Sa carrière sur grand écran débute deux ans plus tard dans le drame Mémoires de jeunesse, où il incarne Edward Brittain, le frère de l’auteur Vera Brittain. Egerton connaît la consécration en 2015 avec le film Kingsman : Services Secrets et sa suite Kingsman : Le Cercle d’Or, où il interprète Eggsy, un espion en formation, aux côtés de Colin Firth et Samuel L. Jackson. La même année 2015, il obtient un second rôle dans le film Legend. En 2016, il retrouve donc Marv Films et Matthew Vaughn pour le film Eddie the Eagle, avant d’incarner Robin des Bois, puis Elton John dans Rocketman.

Pour accompagner Egerton, les producteurs lui offrent un entraîneur inédit en la personne de Bronson Peary. Fictif, ce personnage se veut être un mixte entre les véritables entraîneurs d’Edwards, Viscome et Berghorn. Et pour l’interpréter, les studios portent leur intérêt sur Hugh Jackman, qui n’est pas inconnu au sein des studios 20th Century Studios. Débutant sa carrière en 1999, Jackman obtient une consécration publique en 2000, en enfilant le costume de Wolverine dans la saga cinématographique X-Men. Un personnage qu’il réinterprète à neuf reprises au cours des vingt années suivantes. Dont un petit caméo dans le film X-Men : Le Commencement réalisé par un certain Matthew Vaughn. Des grosses productions hollywoodiennes, Jackman passe aussi aisément dans des réalisations plus intimistes et saluées par la critique. Il joue ainsi devant les caméras de Woody Allen pour le film Scoop ou de Darren Aronofsky dans The Fountain, deux films sortis en 2006. Acteur de cinéma, il est aussi un chanteur talentueux ayant participé à plusieurs projets de musicals sur scène, dont l'adaptation australienne de La Belle et la bête dans le rôle du prétentieux Gaston en 1996. Pour le rôle de Peary, Vaughn n’a pas eu besoin de beaucoup de temps pour le convaincre de participer au film. Après lui avoir envoyé le script, un simple coup de fil suffit. En effet, Jackman était un fan de Eddie The Eagle durant sa jeunesse, allant jusqu’à reproduire les sauts de l’athlète depuis le toit de sa maison.

Avec l’engagement d’Egerton et de Jackman, les producteurs ont trouvé les acteurs incarnant les deux personnages principaux du film. Ce dernier débute donc en Angleterre, dans une petite maison en brique avec un Eddie retenant sa respiration dans une baignoire. Un très jeune Eddie, interprété par le jeune Tom Costello, qui démontre déjà son ambition : participer au Jeux olympiques, quelle que soit la discipline. Car il s’intéresse à l’apnée, à la course à pied, tout ce qui pourrait le conduire aux Jeux d’été. Dès les premières minutes, l'opus pose clairement le cadre familial dans lequel le jeune Eddie évolue et les soutiens qu’il peut trouver dans sa famille. Sa mère, Janette Edwards, est un peu dubitative, mais tient à soutenir son fils ; tandis que Terry Edwards tente de le faire redescendre sur terre en dénigrant son rêve. Peu connue du grand public, Jo Hartley, qui incarne la mère d’Eddie, est une actrice anglaise évoluant principalement dans le monde de la télévision britannique. Elle participe ainsi à quelques séries, avant de connaître une reconnaissance publique avec le film This Is England en 2004. Dans ce film dramatique, elle incarne Cynthia, la mère d’un jeune skinhead de 12 ans. Hartley reprend ce rôle majeur de sa carrière dans trois séries dérivées : This Is England ‘86, This Is England ‘88, et This Is England ‘90. Keith Allen, qui prête ses traits à Terry Edwards, se fait quant à lui remarquer dès le début des années 1980 dans le monde de la comédie et du stand-up. Au cinéma, sa carrière se contente toutefois de quelques seconds rôles, comme dans les films Trainspotting de Danny Boyle ou Twin Town de Kevin Allen. En 2004, il joue l’antagoniste de Frankie Muniz dans le film Cody Banks, Agent Secret 2 : Destination Londres. Deux ans plus tard, il devient le shérif de Nottingham pour la série de la BBC Robin des Bois.

Malgré des problèmes aux genoux qui devraient l’empêcher de continuer dans la conquête de son rêve, Eddie, qui a désormais 15 ans et est joué par Jack Costello, le frère de Tom, tente encore et toujours de trouver sa voie dans le lancer de javelot ou la course d’obstacles. De nombreux essais et… tout autant d’échecs. Jusqu’au jour où il découvre le ski alpin. Et là, c’est la révélation ! Un sport qu’il aime et dans lequel il est doué. Et arrive l’année 1987 et les pré-sélections pour l’équipe anglaise de ski alpin. Et surtout la rencontre avec Richmond, un représentant du comité olympique anglais. Plus qu’une personne, ce personnage a le grand intérêt d’incarner un plafond de verre de la société anglaise, ou en tout cas du monde sportif anglais. Alors que les télévisions sont là pour interroger les futurs compétiteurs, Richmond prend Eddie à part, avant que ce dernier puisse arriver devant les caméras. Bien que les résultats d’Eddie soient équivalents à ceux de ses camarades, Richmond l’informe qu’il ne sera pas gardé pour la suite de l’aventure. C’est une phrase d’Eddie qui met en lumière la raison véritable de sa mise à l’écart : "Il faut surtout faire partie de l’élite."
Mais de quelle élite Eddie parle-t-il ? Le film critique ainsi une approche et une vision du sport professionnel que certains dirigeants peuvent avoir. Le ski, perçu comme un sport noble et coûteux, devrait ainsi être réservé à une élite sociale. Eddie, malgré ses performances, ne fait pas partie du même monde que ses camarades et donc n’est pas considéré comme un potentiel candidat pour représenter la Grande-Bretagne aux Jeux. La classe sociale prévaut ainsi sur les qualités sportives. Et cela ne pouvait être une plus grande erreur. Puisque lors des épreuves de ski alpin de ces Jeux de 1988, seul un Britannique a réussi à entrer dans les quinze meilleurs d’une épreuve : Martin Bell qui a atteint la huitième place en descente.

Dans le cadre sportif international, la remarque d’Eddie sur l’élitisme de sa fédération pourrait faire référence à une décision que le Comité international olympique a pris après les Jeux de Calgary. Tout athlète aux Jeux devra être professionnel et avoir obtenu un certain nombre de résultats au cours des mois précédents pour pouvoir participer. Ainsi, il y a bien une élite qui se met en place, une élite qui de facto évince les amateurs tels qu’Eddie. Le personnage de Richmond incarne donc ce plafond de verre que la fédération anglaise puis le CIO instaurent. Mark Benton prête ses traits à ce personnage, qui se rapproche le plus d’un antagoniste pour Eddie. Principalement inconnu du public international, Benton est pourtant un acteur récurrent du petit écran anglais, où il participe à de nombreux téléfilms et à des séries, dont la sitcom Barbara dans laquelle il joue Martin Pond.

Penser que cette mise à l’écart de la fédération de ski alpin arrêterait Eddie de prétendre à participer aux Jeux serait une grosse erreur. Plutôt que de se morfondre et abandonner, le jeune anglais choisit en effet un autre sport, dans lequel personne ne pourra lui voler son rêve puisqu’il n’y a aucun concurrent : le saut à ski. Un sport dont il ne connaît absolument rien. Eddie se rend ainsi à Garmisch-Partenkirchen en Allemagne de l’Ouest, où se retrouvent les sauteurs à ski les plus aguerris, dont l’équipe nationale de Norvège et son champion Matti Nykanen. Il y rencontre deux personnes qui vont le guider dans sa préparation : Petra, une locale interprétée par l’Allemande Iris Berben et qui tient une buvette en bas des pistes, et Bronson Peary, joué par Hugh Jackman. Peary est un ancien champion américain de saut à ski qui s’est retiré de la compétition et est désormais chargé de déneiger les pistes sur lesquelles Eddie s’entraîne. Il a quitté la compétition suite à un conflit avec son ancien entraîneur, Warren Sharp, qui est incarné par Christopher Walken. Icône du cinéma américain avec une filmographie s’étendant sur près d’un demi-siècle, Christopher Walken a souvent été cantonné dans des rôles de méchants comme celui de Max Zorin pour le James Bond de 1985 Dangereusement Vôtre ou celui de Max Shreck dans Batman : Le Défi de Tim Burton. Malgré son expression inquiétante, Walken s’est aussi essayé à la comédie, que cela soit sur le plateau du Saturday Night Live ou dans des films plus ou moins aboutis comme Première Sortie de Hugh Wilson, Y a-t-il un Parrain pour Sauver la Mafia ? de Lyndon Chubbuck ou encore Kangourou Jack de David McNally. Pour The Walt Disney Company, il a participé à de très nombreux projets allant de sa participation dans le regrettable Les Country Bears, qui lui vaut une nomination aux Razzie, à la voie du Roi Louis dans le remake live-action du (Le) Livre de la Jungle en 2016, en passant par Pulp Fiction de Quentin Tarantino ou Man On Fire de Tony Scott. Eddie et Bronson partagent donc un passé sportif similaire, en ayant eu des figures supérieures qui ne croyaient pas en eux. Ce lien et l’entêtement de Eddie les rapprochent et convainquent Bronson d’aider le jeune sauteur à atteindre son objectif.

Si les producteurs ont trouvé leur équipe d’acteurs, ils doivent faire face à une difficulté importante pour un film sur le saut à ski : qui va tourner les sauts ? Bien entendu, il est impossible que les acteurs puissent les réaliser. En janvier 2015, quelques semaines avant le tournage, il est mentionné dans les médias que Michael Edwards lui-même pourrait réaliser les sauts. Ces dires restent toutefois au stade de rumeurs. Le réalisateur Dexter Fletcher se confronte lui à un autre casse-tête : comment rendre les sauts intéressants et stressants ? Avec une quinzaine de sauts dans le film, Fletcher et son directeur de la photographie durent trouver un moyen de les rendre plus prenants. Si l'un des moyens fut le recours aux images de synthèse, le directeur utilise aussi des caméras placées sur les casques des sauteurs pour créer le sentiment de vitesse et impliquer le spectateur dans le saut. Tournant sur de vrais tremplins de 70 mètres et de 90 mètres, l’équipe a construit plusieurs plateformes autour de ceux-ci pour avoir un nombre important de vues différentes. Ainsi, chaque saut présent dans le film est "unique", crédible, mais surtout saisissant.

Si Michael Edwards n’est pas "pris" pour réaliser les sauts du film, il est toutefois consulté par l’équipe avant le tournage, notamment par Taron Egerton qui le rencontre pour se familiariser avec sa personnalité et sa gestuelle. L’acteur sort tout juste du tournage de Kingsman : Services Secrets dans lequel il interprète un jeune agent secret et doit radicalement changer de jeu pour incarner le sauteur anglais. À la suite de cette rencontre, Egerton décide de lui-même de suivre un régime draconien pour ressembler le plus possible à Edwards. Un régime compliqué : manger de la crème glacée et des chips ! Il prend ainsi pas loin de douze kilos pour le rôle ! Son implication est évidemment remarquée par la presse à la sortie du film mais elle n’est toutefois pas comprise, Edwards n’étant pas particulièrement hors de forme lors des Jeux de Calgary.

Les premiers tours de manivelle sont prévus pour le 9 mars 2015 à Garmisch-Partenkirchen en Allemagne, où l’équipe y tourne une bonne partie de la séquence d’entraînement d’Eddie. Mais dès son arrivée sur le site, le réalisateur découvre un problème majeur : il n’y a pas de neige ! Le tournage prenant place à la fin d’un hiver doux et au printemps, la neige a quasiment disparu de la station. Et cela est d’autant plus frappant pour Fletcher, lorsqu’il doit tourner une scène située tout en haut du tremplin de 70 mètres. En regardant la zone d'atterrissage, il y voit que du vert, de l’herbe. Afin de combler ce problème, la production fait venir des camions remplis de neige venant des sommets voisins. Les séquences de saut peuvent ainsi être tournées sans difficultés. À Garmisch, l’équipe tourne toutes les scènes incluant la préparation et les entraînements d’Eddie ainsi que les sauts de qualifications. Le tournage respecte donc bien le scénario, en tournant les scènes de Garmisch à... Garmisch. Même la buvette de Petra n’est pas une invention du script et se situe au bas de l’air d’arrivée, sous le nom d’Olympiahaus. Toutefois, ce choix scénaristique contredit la "réelle" histoire de Michael Edwards. Ce dernier ne s’est en effet jamais entraîné en Allemagne, mais a traversé l’Atlantique pour s’installer à Lake Placid dans l'État de New York. L’entraînement lui-même est d’ailleurs largement simplifié pour le film, puisque Michael, faute de moyens, dormait dans sa voiture, dans des étables, voire un hôpital psychiatrique. Plus que cela, l’Anglais était assailli par le doute et la crainte que le prochain saut puisse être son dernier. Sentiments qui n’apparaissent que très peu dans le film de Fletcher.

Après Garmisch-Partenkirchen, l’équipe se déplace sur un autre tremplin de la célèbre Tournée des quatre tremplins : le Schattenbergschanze d’Oberstdorf, situé en Bavière. L’équipe doit y tourner les séquences se déroulant lors des Jeux olympiques, et notamment les sauts d’Eddie. Le tournage se déroule ensuite dans le Tyrol autrichien, à Seefeld in Tirol précisément, puis finit en Angleterre, aux Pinewood Studios et à Londres. Il se termine le 3 mai 2015. En octobre, le studio Lionsgate annonce la date de sortie du film au Royaume-Uni : le 1er avril 2016.

Une fois les séquences mises en boîte, le travail de post-production peut débuter, et notamment celui de Matthew Margeson, le compositeur de la musique du film. En 2015, Margeson n’a pas encore pleinement montrer son potentiel, puisqu’il a écrit la musique pour quelques courts-métrages et des jeux vidéo. Son association avec Henry Jackman lui vaut de travailler sur deux films de Marv Films, Kick-Ass 2 et Kingsman : Services Secrets. Ces travaux lui ouvrent les portes de la prochaine réalisation du studio : Eddie the Eagle. Margeson a là une très lourde tâche : par sa musique, il doit pouvoir accentuer la tension des sauts du film. Et le jeune compositeur (il a 35 ans à l’époque) y parvient de fort belle manière. Notamment dans l’accompagnement du dernier saut d’Eddie aux Jeux. Alors que la séquence est faite de gros plans sur Eddie et Peary, la musique instaure un stress en jouant sur quelques notes répétitives de synthétiseur. L’arrivée de la guitare rajoute une couche alors qu’un autre concurrent prend son envol, toujours filmé en plans serrés. La musique accompagne ainsi majestueusement le sauteur anglais, rempli de doute et de stress. Puis Margeson se fait plaisir avec Eddie Jumps the 90 m et l’arrivée de l’orchestre lors des plans larges sur le tremplin. Toute la beauté et la grandeur du lieu sont renforcées par la partition, rappelant celles de Vangelis. Juxtaposant la grandeur de la musique avec l’orchestre et des moments plus "intimes", avec seulement quelques instruments, le compositeur caresse parfaitement le ressenti du spectateur face à la découverte des images. Puis Eddie s’envole et l’orchestre, accompagné d’un chœur, reprend une dernière fois de manière magistrale le thème du film. La partition de Margeson est entrecoupée de chansons des années 1980, voulant accentuer l’inclusion du spectateur dans cette époque. Taron Egerton et Hugh Jackman donnent même de leur personne dans la chanson Thrill Me aux côtés de Orchestral Manoeuvres in the Dark. Quant à la chanson Jump de Van Halen, elle vient parfaitement mettre un terme au parcours olympique d’Eddie.

Alors que le tournage est tout juste bouclé, le film reçoit un bon coup de main de Michael Edwards lui-même, mais aussi un petit coup derrière la tête. Dans divers interviews, Edwards vante ainsi le travail des producteurs et de Taron Egerton. Selon lui, les producteurs ont fait un très bon travail, tandis qu’il considère qu'Egerton a parfaitement réussi à représenter sa gestuelle et son comportement. Mais, le 6 juin 2015, le sauteur donne une interview à la BBC et remet en question la campagne publicitaire des studios. Le film est, en effet, vendu comme un film sportif biographique retraçant le parcours de Michael Edwards. Or, ce dernier informe qu’environ 90% du film est complètement inventé ; la création du personnage de Peary et la manière de représenter l’entraînement de Eddie péchant notamment.

Prévu pour une sortie le 1er avril 2016, le film voit sa date avancée au 26 février aux États-Unis et au 28 mars au Royaume-Uni. La première du film a lieu le 26 janvier dans le cadre du Sundance Film Festival, lors d’une projection surprise. L'opus est perçu comme une concentration de clichés des films mettant en scène des outsiders : un athlète en qui personne ne croit, un entraînement intensif et une forte progression, et enfin l’adhésion du public à sa cause. Toutefois, selon les critiques, les spectateurs peuvent apprécier l’histoire d’Eddie grâce à son message, sa douceur et sa sentimentalité. Le film récolte ainsi un peu plus de 46 millions de dollars et devient le film britannique le plus rentable de 2016.

Rempli de clichés ou respectant les codes du genre ? Eddie the Eagle présente très clairement l’histoire d’un outsider rencontrant le "succès", comme cela avait été voulu dès le départ du projet. Cela impose donc quelques choix scénaristiques et une liberté mal assumée quant à la source d’origine, l’histoire de Michael Edwards. Là où le film pose souci est dans son lien très étroit, voire trop étroit, avec un autre film des Walt Disney Studios : Rasta Rockett. Matthew Vaughn l’a confirmé : il s’est attaché au projet après avoir vu l'opus de John Turteltaub avec sa famille. Tous deux mettant en avant des outsiders, les films présentent des similitudes liées à ce genre d’histoire : des athlètes sous-estimés, un plafond de verre à briser et la reconnaissance du public. Toutefois, d’autres éléments du scénario d'Eddie the Eagle laissent penser que les scénaristes se sont trop inspirés de Rasta Rockett. Des conflits avec les différents fédérations (le comité olympique jamaïcain et l’instance internationale de bobsleigh dans Rasta Rockett, le comité olympique anglais pour Eddie the Eagle), un coach déchu et en conflit avec un de ses pairs, des athlètes surprenant et joyeux qui conquièrent le public à leur cause, les règles de qualification qui changent au dernier moment, les problèmes d’argent des athlètes. Des séquences sont d’ailleurs étrangement similaires entre le film de Turtletaub et celui de Fletcher. Par exemple, le passage dans lequel Eddie se voit refuser sa qualification pour les Jeux, événement qui ne s’est jamais produit dans la réalité. Dans Rasta Rockett, afin de participer au concours principal des Jeux, l’équipe jamaïcaine de bobsleigh doit réaliser un temps en deçà d’une minute et deux secondes. Juste avant la course, l’instance dirigeante réduit le temps à une minute, comme pour s’assurer que les Jamaïcains ne puissent pas concourir. Leur temps à l’arrivée : 59 secondes et 46 centièmes. Ils sont donc qualifiés, puis disqualifiés par le comité. S’ensuit une discussion entre leur entraîneur et les membres du comité sur la performance de l’équipe et l’image de quatre Jamaïcains sur un bobsleigh. Dans Eddie the Eagle, Edwards effectue un saut sur un tremplin à Garmisch-Partenkirchen lui permettant de se qualifier pour Calgary. En réunion avec le comité de sécurité, son résultat est annulé car la règle a changé : désormais, il doit faire 61 mètres au moins lors d’une compétition reconnue par le Comité olympique britannique. La discussion qui suit mentionne les sponsors et donc principalement l’image que renvoie Edwards auprès du public. Les deux séquences proposent le même twist scénaristique et les antagonistes avancent les mêmes arguments pour défendre leur position. Et la résolution de ce problème est la même : l’instance dirigeante revient sur sa décision, alors que tout espoir semblait perdu. Cette ressemblance entre Rasta Rockett et Eddie the Eagle se retrouve aussi dans la caractérisation des personnages (Irving Blitzer avec Bronson Peary, Kurt Hamphill avec Richmond et Whitby Bevil Senior avec Terry Edwards). En se distanciant de sa source d’inspiration cinématographique et en respectant plus son matériel de départ, Eddie the Eagle aurait pu éviter de recevoir cette critique qui le définit comme un ramassis de clichés et de copiés-collés.

Mais, tout comme Rasta Rockett, le film propose une légèreté rafraîchissante avec des messages forts : l'équité, le travail, l’égalité, l’inclusion, la persévérance et le respect. Toutes ces valeurs qui sont à la base même de ce qu’est le sport. Et ces messages sont portés par un groupe d’acteurs, et principalement Egerton et Jackman, jouant toujours juste et de manière mesurée. Leur enthousiasme et leur plaisir communicatifs conquièrent rapidement le spectateur qui s’attache profondément à ces personnages, parfois maladroits, parfois bougons, mais toujours honnêtes et respectueux. S’ajoute à cela une très bonne réalisation de Fletcher avec un montage particulièrement réussi lors des séquences de sauts, tandis que le travail de Richmond sur le cadrage et la lumière rehausse la qualité des images.

Prenant comme point d’ancrage une histoire véridique et reprenant les codes des underdogs stories, Eddie the Eagle ne révolutionne pas le genre mais offre un très beau divertissement sur un sport souvent méconnu et peu représenté au cinéma. Tout en restant une comédie, le film a le courage de questionner la vision du sport dans son ensemble et l’élitisme de certains dirigeants. Ceux-là mêmes qui ont oublié les mots de Coubertin : "L’important dans la vie n’est pas le triomphe, mais le combat." Au contraire de Eddie the Eagle qui l’illustre parfaitement.

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