Le Drôle de Noël de Scrooge
Le synopsis
Ebenezer Scrooge est un marchand de Londres connu pour sa dureté en affaires. Autant riche qu'avare, la vie qu'il s'est choisi en a fait un vieillard aigri et solitaire dont la seule obsession est l'inspection quotidienne de ses livres de comptes. Incapable de la moindre bienveillance, insensible à tout, rien ne parvient jamais à l'émouvoir, et surtout pas la mort de son associé, Marley, ou la pitoyable condition de son fidèle employé, Bob Cratchit ! Il rejette, en réalité, tout ce qui peut ressembler à de la bonté, à commencer d'ailleurs par les fêtes de Noël dont l'idée même l'insupporte. Pourtant, c'est, à cette période si particulière de l'année, que le destin décide de jouer, avec lui, les redresseurs de torts...
La critique
Troisième adaptation disneyenne du conte Un chant de Noël, deuxième collaboration de Robert Zemeckis avec les studios Disney et première réalisation de la toute nouvelle compagnie ImageMovers Digital, Le Drôle de Noël de Scrooge a, à l'évidence, sur le papier la capacité de bien faire.
Après Le Noël de Mickey (1983), un moyen-métrage d'animation mettant en scène leurs personnages emblématiques, Mickey et Picsou, et Noël chez les Muppets (1992), une adaptation "live" avec les fameuses marionnettes de Jim Henson, Le Drôle de Noël de Scrooge constitue d'abord la troisième version livrée par les studios Disney d'Un chant de Noël, un conte classique cher à son auteur, Charles Dickens. Issu d'une famille modeste, ce dernier a, en effet, beaucoup souffert, dans sa jeunesse, de sa situation sociale. A force de volonté, il parvient néanmoins à mener des études qui le conduisent, pour son premier poste, à entrer dans un cabinet juridique. Poussé par la grande curiosité intellectuelle qui le caractérisera toute sa vie, il fréquente assidûment les salles de lecture. Employé ensuite comme sténographe dans une revue, il fait ses premiers armes d'écrivain et ne tarde pas à créer l'évènement. Il signe ainsi, en 1837, Les Aventures de M. Pickwick, vite reconnu comme un chef-d'œuvre de l'humour anglais. Le succès lui souriant, il partage dès lors sa vie entre la littérature et les voyages. Il meurt ainsi, riche et célèbre, à cinquante-huit ans. Ecrivain engagé, Charles Dickens a su concilier tout au long de son existence - grâce à un talent de conteur indéniable - une féroce condamnation de la misère et de l'exploitation industrielle avec une description toujours juste et emplie d'humour de la vie quotidienne. Ses personnages caractéristiques et ses œuvres inoubliables (Oliver Twist, David Copperfield ou Un chant de Noël) ont fait de lui une figure centrale de la littérature anglaise du XIXe siècle.
Le Drôle de Noël de Scrooge marque ensuite la deuxième collaboration
de Robert Zemeckis avec les studios Disney. L'heureux réalisateur, en 1988, du
chef-d'œuvre, devenu depuis un classique du 7e art, Qui
Veut la Peau de Roger Rabbit revient en effet pour lui travailler avec
Mickey.
Né en 1952 à Chicago, il étudie d'abord à l'Université de l'Illinois puis passe
en 1973 une licence de cinéma à l'USC. Signant, en début de carrière, plusieurs
longs-métrages dont la qualité et les résultats commerciaux restent somme toute
anecdotiques, il doit sa première vraie reconnaissance du public à l'acteur et
producteur Michael Douglas qui lui confie la réalisation d'A la Poursuite du
Diamant Vert (1984), une comédie d'aventures dont Kathleen Turner et Danny
DeVito assurent les deux rôles vedettes. En 1985, il franchit une nouvelle étape
avec un blockbuster surprise, Retour vers le Futur, qui atteint en
première exclusivité 350 millions de dollars de recettes. En 1988, il renouvelle
l'exploit en signant Qui Veut la Peau de Roger Rabbit
le mélange le plus sophistiqué d'animation et de prises de vues réelles jamais
réalisé à cette date. Numéro 1 au box office, son film s'inscrit parmi les cinq
plus grands succès de l'histoire du cinéma ! Il enchaine ensuite avec deux
épisodes additionnels Retour vers le Futur II (1989) et Retour
vers le Futur III (1990), puis réalise la comédie fantastique La Mort
Vous Va si Bien (1992), avec Meryl Streep et Goldie Hawn, En 1994, le
triomphe critique et populaire de Forrest Gump lui ramène l'Oscar 1995 du
meilleur réalisateur, le Golden Globe et le Directors Guild Award tandis que son
comédien, Tom Hanks, décroche lui l'Oscar du meilleur acteur. Il signe ensuite
trois autres films "live" : l'adaptation du best-seller de Carl Sagan Contact
(1997), avec Jodie Foster ; le thriller Apparences (2000) interprété par
Harrison Ford et Michelle Pfeiffer, et la même année, Seul au Monde avec
Tom Hanks.
Entre temps, en 1998, il fonde avec Steve Starkey et Jack Rapke la société de
production ImageMovers pour sortir, sous son label, tous ses films. Parmi eux se
trouve Le Pôle Express avec Tom Hanks (2004), son tout premier
long-métrage à exploiter à fond la technique de la Motion Capture avant La
Légende De Beowulf (2007), mettant en scène, entre autres, Anthony Hopkins,
John Malkovich et Angelina Jolie.
Le Drôle de Noël de Scrooge est, enfin, le premier film issu d'une nouvelle compagnie financée en large partie par la Walt Disney Company : ImageMovers Digital. Dérivée d'ImageMovers, IMD (son acronyme officiel) est une firme entièrement dédiée au cinéma virtuel issu de la technique de la capture de mouvements. Alors que les œuvres précédentes sur le marché de la Motion Capture - Le Pôle Express et La Légende de Beowulf (réalisés par Zemackis) ainsi que Monster House (seulement produit par ses soins) - restent la propriété de leurs studios financeurs (respectivement Warner, Paramount et Sony), Le Drôle de Noël de Scrooge symbolise, à lui seul, la totale prise d'indépendance de Robert Zemeckis. Il possède, en effet, désormais une infrastructure adaptée au projet de cinéaste qui lui tient à cœur : le développement du cinéma d'animation basé sur le procédé "Mocap". La Motion Capture - ou capture de mouvements en français - désigne donc, de façon générique, les techniques permettant de capter les mouvements d'un élément réel afin de les renvoyer dans un univers virtuel : ils sont ainsi enregistrés puis restitués en temps réel vers d'autres systèmes. Cette technique est employée pour faire correspondre des mouvements du vivant à ceux d'un avatar ou d'une représentation conceptuelle.
S'il semble bien né, Le Drôle de Noël de Scrooge affiche bien vite un bilan fort décevant. Incroyable paradoxe : sa technique constitue d'abord son premier gros handicap ! La "MoCap" donne en effet un résultat oscillant sans cesse entre le meilleur et mauvais, le magnifique et la laideur. Elle vide ainsi tous les personnages de leur profondeur. Là où l'animation traditionnelle ou les prises de vues réelles restituent à merveille l'émotion d'un visage ou d'une attitude, la Motion Capture rend froid tout ce qu'elle est censée restituer. La question de sa maitrise peut d'ailleurs être posée, au regard de l'incroyable différentiel de qualité d'une scène à l'autre. Ainsi, tantôt, le rendu est bluffant, amenant sans mal le spectateur à oublier qu'il regarde, en réalité, de l'animation (les gros plans regorgent par exemple de détails incroyables), tantôt il est franchement insupportable donnant l'impression de revenir aux première heures de la 3D avec ses personnages "à la peau en plastique" (les plans éloignés sont la grosse faiblesse du film, les personnages secondaires y étant carrément maltraités). Il ne reste dès lors qu'à espérer que la technique s'améliore vite au risque de voir le public se détourner à jamais d'elle ! Il serait toutefois malhonnête de lui faire porter la seule responsabilité de ce fiasco qui ne dit pas son nom. Certaines décisions du réalisateur sont, en effet, à l'évidence fautives. Le cas le plus frappant reste la danse chez Fezziwig. Robert Zemeckis a visiblement voulu donner là, à son récit, une touche de magie qui, malheureusement, tombe à plat. Oubliant la devise de Walt Disney sur "Le Plausible Impossible", il tente, en effet, de faire tourner une femme à la façon de Mary Poppins, sauf qu'ici, la justification ne tient pas ! Point de magicienne en ce lieu, mais une simple vieille dame censée vivre, qui plus est, dans la réalité. Le spectateur n'y croit pas une seconde et rejette dès lors, en bloc, cette danse ivre et insipide. Lassé, il décroche souvent et connait, ça et là, les affres de l'ennui. Seuls les décors parviennent finalement à le retenir. Absolument superbes, dépaysants et magiques, sans aucune fausse note, ils constituent, en effet, le vrai point fort du film. Mis en valeurs par des mouvements de caméras assez incroyables, certaines séquences, plus encore quand elles sont découvertes en 3D, donnent un heureux tournis à la manière des meilleures attractions de Disneyland. La caméra bouge si vite dans le décor que le spectateur se prend à voler. C'est tout simplement saisissant ! Cela l'est d'autant plus que la musique est elle aussi l'autre bonne surprise du film. Robert Zemeckis, fait, pour elle, une nouvelle fois appel à Alan Silvestri qui livre, comme à son habitude, de magnifiques mélodies collant parfaitement à l'action ; Mention Spéciale doit d'ailleurs être donnée à Andréa Bocelli, l'interprète de la chanson God Bless Us Everyone...
La galerie de personnages, Motion Capture oblige !, s'appuie sur des acteurs
réels. Certains d'entre eux ont visiblement pris du plaisir à se livrer à
l'expérience.
Jim Carrey, tout d'abord, joue un Scrooge convaincant. Il assume également les
Esprits des Noëls Passés, Présents et Futurs venus remettre sur le droit chemin
le vieil avare. Son interprétation ne souffre pas de critiques sauf à
devoir lui reprocher ça et là (et comme d'habitude !) de se laisser aller à
faire du Jim Carrey, sans oublier quelques unes de ses postures franchement de
mauvais gout, notamment quand, grimé en Esprit des Noëls Présents, il s'agit
de laisser apparaitre ses poils de torse dépassant du peignoir...
Gary Oldman assume, ensuite, les rôles de Bob Cratchit, de son jeune garçon Tiny
Tim, du fantôme de Joseph Marley ainsi que de Marley enfant. Sa performance pour
Bob Cratchit est une belle réussite, restituant à merveille, le capital
sympathie du personnage ; elle est moins heureuse avec le fantôme de Joseph
Marley, décidément trop effrayant, à l'extrême même, quand il se décroche la
mâchoire, une épreuve aussi inutile que dégoutante.
Colin Firth endosse, pour sa part, le costume du neveu de Scrooge, Fred.
Débonnaire et sympathique, il offre un personnage de qualité malgré des
mouvements peu naturels.
Enfin, Robin Wright Penn (Belle, l'amour de jeunesse de Scrooge, mais aussi Fan,
la sœur de l'avare) et Bob Hoskins (Fezziwig) livrent, quant à eux, des
prestations tout a fait honorables.
Déjà plombé par une technique majoritairement perfectible et un casting somme
toute peu ambitieux, Le Drôle de Noël de Scrooge pêche également par son
thème et son rythme. Traiter en 100 minutes une histoire dont
Le Noël de Mickey avait
démontré à merveille qu'elle se révélait en une demi-heure est un tour de force
impossible à éditer. Le temps supplémentaire mis au développement du récit
n'apporte rien, si ce n'est des redites et des longueurs. La scène de la
rencontre de Scrooge et du fantôme de son associé Marley est ainsi poussive et
laborieuse au point de laisser croire que le rythme s'accélère avec l'arrivée
des trois fantômes alors même qu'il ne s'agit là que d'un trompe l'œil. Le
spectateur s'ennuie !
La lenteur n'est d'ailleurs pas le seul problème du récit. Il en est un autre,
et de taille ! Le Drôle de Noël de Scrooge apparait au final comme un
long-métrage globalement effrayant ! Les enfants se font avec lui, et bien
malgré eux, de belles frayeurs. Son parti prix éditorial est tout à fait éloigné
de l'idée qu'une famille se fait d'un film de Noël, au ton léger et à la poésie
omniprésente. Le titre français comporte d'ailleurs un subtil avertissement ;
paraphrasant L'Etrange Noël de Monsieur Jack (dont
il n'arrive clairement pas à la cheville) il porte en lui son véritable
positionnement : Le Drôle de Noël de Scrooge est un film
d'Halloween, pas de Noël !
Dénué de la magie du (Le) Noël de Mickey, dépourvu de la folie du Noël chez les Muppets, oubliant son caractère de film de Noël, par trop effrayant et froid, Le Drôle de Noël de Scrooge ne vaut que pour ses superbes décors, sa belle 3D et sa musique somptueuse. C'est trop peu pour convaincre !