À la Poursuite du Diamant Vert
Titre original : Romancing the Stone Production : 20th Century Fox Date de sortie USA : Le 30 mars 1984 Genre : Aventure |
Réalisation : Robert Zemeckis Musique : Alan Silvestri Durée : 105 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
La romancière Joan Wilder peine à trouver l’amour dans sa routine quotidienne et vit sa vie par procuration au travers des aventures romantiques qu’elle dépeint dans ses ouvrages. Lorsque sa soeur, kidnappée par des ravisseurs, lui demande son aide, elle n’hésite pourtant pas une seule seconde à quitter son petit confort pour aller chercher la rançon demandée par les voyous : une mystérieuse carte menant à un diamant vert. Elle croise alors le chemin d'un aventurier, Jack Colton... |
La critique
Niché à mi-chemin entre les aventures d’Indiana Jones et la romance australienne de Crocodile Dundee, À la Poursuite du Diamant Vert est un curieux mélange bancal sorti en 1984 surfant sur le genre de l’aventure mais qui, contrairement à la croyance populaire, n’est pas un ersatz des (Les) Aventuriers de l’Arche Perdue. Produit par 20th Century Fox, il s’agit là du premier succès au box-office du réalisateur Robert Zemeckis qui lui permettra de transformer l’essai l’année suivante avec le premier opus de la trilogie Retour Vers le Futur. À la Poursuite du Diamant Vert devient dès lors un tremplin pour le réalisateur américain mais pas seulement : Kathleen Turner voit sa carrière décoller avec une récompense à la clé tandis que le film donne à Michael Douglas un rôle taillé sur mesure pour son retour sur le grand écran !
Début des années 80. Michael Douglas prend son repas au Coral Beach Cantina sur la Pacific Coast Highway à Malibu lorsqu’une serveuse, nommée Diane Thomas, lui tend un script qu’elle avait écrit à la fin des années 70 (certains le datent de 1979) racontant l’histoire d’une jeune romancière tombant amoureuse d’un aventurier comme celui de ses romans. Douglas hésite puis tombe sous le charme du scénario et lui propose 250 000 dollars et la production du film par sa société, Michael Douglas/IPC Films. Autour, la critique va bon train sur Douglas qui ose payer autant d’argent pour le premier script écrit par cette jeune serveuse. Sans tarder, Diane accepte : le développement et la réalisation d’À la Poursuite du Diamant Vert - Romancing the Stone en anglais, double référence à la romance irrésistible naissante entre les deux protagonistes et une expression de joaillerie signifiant la préparation d’une pierre précieuse avant son intégration en bijou - commencent.
Cette aventure romantique en pleine jungle colombienne n’aurait sans doute pas la même saveur sans son réalisateur, Robert Zemeckis. Né en 1952 à Chicago, Robert Zemeckis étudie d'abord à l'Université de l'Illinois puis passe en 1973 une licence de cinéma à l'University of Southern California. Signant, en début de carrière, plusieurs longs-métrages, Crazy Day (1978) et La Grosse Magouille (1980), dont la qualité et les résultats commerciaux restent somme toute anecdotiques, il doit sa première vraie reconnaissance du public à l'acteur et producteur Michael Douglas qui lui confie la réalisation d'À la Poursuite du Diamant Vert, son premier succès au box-office, qui lui permettra de réaliser en 1985 Retour Vers le Futur, qui atteint en première exploitation 350 millions de dollars de recettes. Mais le tournage d’À la Poursuite du Diamant Vert ne sera pas un long fleuve tranquille. Il avouera plus tard qu’il s’agissait d’un tournage « très, très dur » et que, s’il passait devant un autre script attestant des termes « Extérieur. Jungle. Boue. Pluie. », il ne serait pas de la partie !
Après un changement de plan concernant le lieu du tournage - les scènes extérieures devaient être tournées en Colombie, lieu du récit, mais des histoires de kidnappings ont contraint les équipes à se délocaliser - la production se dirige en effet vers les jungles verdoyantes et humides des États d’Hidalgo et du Veracruz au Mexique. Surtout humides. Les pluies torrentielles y sont continues et n’améliorent décidément pas les conditions de tournage. Pire encore, un glissement de terrain, qui valut à l’actrice principale une intervention chirurgicale (quelques points de sutures en somme), rappelle à toute l’équipe que le danger peut venir de toute part. L’acteur vedette manque aussi de se faire emporter par un alligator en se prenant deux coups de queue du reptile dans la figure ! Mais qu’importe la boue, les serpents et autres crocodiles, il s’agit d’un film d’aventure et aventures, il y aura ! Et pour cela, Zemeckis s’entoure d’un casting aux petits oignons.
Sous les traits de l’introvertie romancière Joan Wilder, qui ne s’aventure jamais bien loin des quatre murs de son appartement new-yorkais et de son chat, se cache l’actrice Kathleen Turner. Le rôle avait pourtant été proposé à Debra Winger, actrice américaine ayant notamment tourné dans Urban Cowboy aux côtés de John Travolta, qui, selon la légende, lors d’un dîner au restaurant avec Michael Douglas qui lui parla ainsi du rôle, l’aurait littéralement mordu, décidant Douglas à choisir définitivement Turner. L’actrice est alors essentiellement connue pour son rôle de femme fatale, Mathy Walker, dans La Fièvre au Corps (1981) de Lawrence Kasdan. Alors dans la peau de Joan Wilder, timide, maladroite, peu maquillée et ayant pour seule compagnie son chat, elle réussit à casser cette image de séductrice, et ce avec brio. Son rôle lui va comme un gant et prouve qu’elle n’est absolument plus cette femme-objet par laquelle le cinéma l’a faite découvrir. Elle dira pourtant que le tournage avec Zemeckis est un vrai cauchemar, leurs techniques de travail respectives étant vraisemblablement diamétralement opposées. Elle forme par ailleurs un couple touchant dans les bras de Michael Douglas.
Ainsi, le ténébreux Jack Colton est interprété par Michael Douglas. Même si l’acteur avait acheté le scénario à Thomas, il ne fut pas pour autant le premier considéré pour le rôle : Clint Eastwood (L’Inspecteur Harry, Million Dollar Baby), Burt Reynolds (Cours Après Moi Shérif), Christopher Reeve (Superman, Le Village des Damnés) ou encore Jack Nicholson (Shining, Batman) ont été approchés avant lui pour prendre les traits du rustre aventurier. C’est aussi le cas de Paul Newman (La Chatte sur un Toit Brûlant) qui trouva le scénario inutilement violent ou Sylvester Stallone (Rocky, Rambo) qui avoue encore aujourd’hui regretter d’avoir décliné l’offre pour jouer dans New York Cowboy. Mais les traits de Colton seront indéniablement ceux de Douglas dans l’inconscient collectif qui, grâce à ce film, marque son grand retour après plus de trois ans loin des projecteurs ; l’acteur avait en effet été victime d’un grave accident de ski en 1980, l’obligeant à se retirer de ses obligations de star d’Hollywood. Force est de constater qu'il n’a perdu aucun de ses talents tant le rôle de Colton est taillé sur mesure : c’est pourtant son premier film d’action ! Irrévérencieux, méchamment drôle et brigand sur les bords, il sait charmer son auditoire et Joan avec.
Autour du couple dont l’alchimie n’est plus à prouver, quelques rôles secondaires gravitent, certains plus convaincants que d’autres. Dans le rôle du méchant, Manuel Ojeda sert une prestation bien fade. Loin d’être un méchant emblématique, il ne convainc personne et pas même le reptile qui lui engloutit le bras. L’acteur mexicain est pourtant l’un des plus actifs de son pays avec plus de 260 films au compteur (L’Étalon de Guerre). Sa prestation de Zolo ne sera cependant pas celle qui sera retenue de sa prolifique carrière.
Ralph, voleur maladroit, est quant à lui interprété par l’indéboulonnable Danny DeVito (La Guerre des Rose, Mars Attacks!, Dumbo). L’acteur et producteur américain signe ici une prestation fidèle à ses autres personnages nerveux mais quelque part attendrissants, un rôle que Bob Hoskins (Qui Veut la Peau de Roger Rabbit) avait dû décliner. L’année 1984 sera d'ailleurs productive pour DeVito qui est à aussi l’affiche de Johnny le Dangereux, toujours produit par 20th Century Fox mais au succès mitigé. À ses côtés, Zack Norman (Ragtime, Cadillac Man) qui joue le malfrat Ira, fait en revanche bien pâle figure.
Avec ce casting première classe et malgré un tournage chaotique, Robert Zemeckis se rend dans les bureaux de 20th Century Fox afin d’en présenter un premier rendu. Les dirigeants visionnent donc cette première mouture et en ressortent très mécontents, persuadés que si le film sort ainsi, l’échec commercial et critique est assuré. Pire encore, alors que Zemeckis était pressenti pour réaliser un autre film des Studios intitulé Cocoon, il se voit renvoyé de la production à la faveur d’un Ron Howard (réalisateur du réussi Splash ouvrant le champ des possibles chez Touchstone Pictures, le tout jeune studio adulte de The Walt Disney Company) qui raflera avec ce film deux Oscars en 1986 (Meilleur Acteur dans un Second Rôle pour Don Ameche et Meilleurs Effets Visuels pour Industrial Light & Magic). Ni une ni deux, Zemeckis fait les changements nécessaires afin d’améliorer ce qu’il avait jusque là réalisé : le film est considérablement raccourci, les scènes d’introduction et finale sont réécrites et d’autres sont retournées comme celle du rapprochement des deux acteurs phares dans les restes de l’avion écrasé. Mais le studio hollywoodien s’était prononcé trop vite : À La Poursuite du Diamant Vert est un véritable succès auprès du public et devient la huitième production la plus rentable de l’année 1984 ! Avec un budget initial de 10 millions de dollars, l’opus en récolte plus de 80, devenant le seul succès de 20th Century Fox de l’année 1984. Le public, alors assoiffé d’aventure depuis la sortie des (Les) Aventuriers de l’Arche Perdue sorti quelques années auparavant (en 1981) n’a pas boudé ce qu’il considère pourtant comme un plagiat non dissimulé de l’archéologue au fedora… alors même que le scénario d’À la Poursuite du Diamant Vert eut été écrit avant la sortie du premier opus de la franchise Indiana Jones ! L'année suivante, un autre explorateur du genre de la société Cannon Group, Allan Quatermain, chasseur joué par Richard Chamberlain, dans sa première aventure Allan Quatermain et les Mines du Roi Salomon n'accèdera pas au même succès critique et commercial.
S'il est vrai que les ressemblances sont multiples comme la quête d’un trésor caché ou la mise à l’écran d’un duo homme/femme, tous deux aux caractères bien trempés et semblant incompatibles, les différences le sont tout autant. La plus flagrante est certainement celle du public visé : quand George Lucas cible une audience plutôt familiale à la recherche d’une aventure tout public, Zemeckis prend le contrepied et propose une épopée résolument romanesque où le thème central - la recherche de l’amour idéal et idéalisé - est sans aucun doute à destination d’un auditoire plus adulte.
La critique reconnaîtra la qualité intrinsèque du film en lui décernant deux Golden Globes, l’un en tant que Meilleur Film Musical ou Comédie et l’autre pour la prestation de Katleen Turner comme Meilleure Actrice dans un Film Musical ou Comédie. Franck Moriss et Donn Cambern auront aussi droit à une nomination aux Oscars 1985 pour Meilleur Montage, raflé par Jim Clark pour La Déchirure de Roland Joffé. Diane Thomas, auteure du scénario vit alors son premier succès mais aussi le dernier : elle se tuera dans un accident de voiture en octobre 1985, à l'âge de 39 ans, dans une Porsche Carrera que Douglas lui avait offert pour son travail acclamé par le public. La suite sortie la même année, Le Diamant du Nil, lui est dédiée. Un documentaire édité en 2006, intitulé Rekindling the Romance: A Look Back at 'Romancing the Stone' revient sur les difficultés du tournage, les différents choix scénaristiques et quelques secrets de la production.
À la Poursuite du Diamant Vert signe aussi la première d’une longue collaboration entre Alan Silvestri et Zemeckis. Le compositeur américain d’origine italienne, qui enchantera plus tard le public avec les mythiques notes de Retour Vers le Futur ou bien plus tard sera l’auteur de la bande-originale de Lilo & Stitch, du thème de Captain America : First Avenger et de celui de Marvel's Avengers et ses suites, ne brille pourtant pas vraiment dans cette aventure romantique. À dire vrai, Zemeckis demanda simplement à Silvestri de composer ce qui est communément appelé une musique temporaire ou temp track, un morceau de musique préexistant essentiellement utilisée lors du montage de film permettant de donner le tempo et le rythme sans pour autant avoir pour but d’habiller l’ensemble. Ce type de musique fait face frontalement à la musique originale, créée ex-nihilo par les auteurs. Mais voilà, pour le premier opus des aventures de Jack Colton, Zemeckis adhère tellement à la temp track qu’il l’adopte et en fait la musique du film… ce qui explique certainement qu’aucune sonorité ne sorte du lot pour rentrer dans les mémoires ! À la différence d’un Indiana Jones reconnaissable aux inoubliables notes d’un John Williams inspiré, Colton n’a aucun thème auquel l’identifier, un vrai manque dans ce qui constitue la portée de l’aura d’un personnage de ce type. Pire encore, la chanson-titre, Romancing the Stone, interprétée par Eddy Grant, originellement destinée pour le film, n’est pas du tout utilisée ! Commandée par l’équipe de production, ils décidèrent en dernier recours de ne point l’utiliser : Grant décide alors de la sortir indépendamment sur son album Going For Broke en mai 1984 et rencontre un véritable succès ! Le seul lien alors avec À la Poursuite du Diamant Vert peut se retrouver, en plus du titre qu’ils partagent en anglais, dans le clip montrant par-ci par-là des extraits du film, dans lequel elle ne figure même pas ! Seul le solo de guitare peut, en fait, s’entendre en fond musical dans la scène où le couple d’aventuriers rentre dans la maison de Juan : une bien trop faible exposition pour en faire un réel hymne de l'opus.
Surfant sur le genre de l’aventure dont les codes ont été réécrits avec succès par un Harrison Ford au fouet agile quelques années auparavant, À la Poursuite du Diamant Vert souffrira d’une comparaison légitime avec l’archéologue de Lucasfilm. Pourtant, il rencontre son public, un auditoire plus adulte avide d’aventure et de romance. Avec le temps, ce premier opus restera dans l’inconscient collectif comme un classique à savourer pour sa patine rétro et son atmosphère emplie de nostalgie mais manquant cruellement d’un thème musical profondément marquant. Cela ne sera pas suffisant pour créer une véritable franchise autour du personnage de Jack Colton, une seule suite ratée existant au compteur et la rumeur toujours vivante d’un potentiel troisième opus. Il faut lui reconnaître cependant une raison essentielle à son existence : celle d’avoir permis à Zemeckis de connaître le succès et d’enchaîner alors sur l’une des meilleures sagas cinématographiques de tous les temps : Retour Vers le Futur !