Cocoon
Titre original : Cocoon Production : 20th Century Fox Zanuck Brown Productions Date de sortie USA : Le 21 juin 1985 Genre : Science-fiction |
Réalisation : Ron Howard Musique : James Horner Durée : 117 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
En Floride, un groupe d’amis vivent retraités à Sunny Shores, un paisible centre pour personnes âgées où trois d’entre eux ont pris l’habitude de profiter d'une villa attenante avec piscine sans y être évidemment autorisés. Un jour, l'endroit est loué et la piscine prend l'apparence d'un aquarium géant accueillant des rochers qui ressemblent à des ”cocons”. Peu méfiants, Joe, Don et Ben s’y baignent malgré tout. L'extraordinaire se produit alors : l’eau leur attribue une régénérescence hors-norme… |
La critique
De gros diamants verts, de la guitare électrique, des robots savants, et des chaussures auto-laçantes… C’est ça le cinéma des années 80 ! Mais c’est aussi une période de crise économique pour les États-Unis qui subissent une forte inflation alors que la guerre du Vietnam est à peine terminée. Le mur de Berlin tremble et les satellites se multiplient dans l’espace. Hollywood, pourtant premier distributeur, doit alors faire face à la consommation de masse. Ce sont de nouveaux genres et de nouveaux objectifs qui prennent le relai, le public découvre ainsi E.T, L’Extra-Terrestre, S.O.S Fantômes, Mad Max, Star Wars : Le Retour du Jedi... Et ne cesse de les re-découvrir pour le meilleur (et pour le pire).
Acheter les droits d’un livre, puis l’adapter au cinéma n’est jamais une mince affaire, encore moins lorsque la date de publication et la date de sortie ont lieu la même année ! C’est pourtant ce qui arrive à David Saperstein, auteur de la future trilogie Cocoon qui, en 1985, voit sa première nouvelle fantastique, initialement publiée dans le New York Times, atterrir entre les mains du tout Hollywood. Malgré de fortes réticences quant au propos du récit, il déclare lui-même que ”personne ne voulait lire, encore moins voir une histoire sur des vieux. C’est donc précisément pourquoi j’ai écrit sur des vieux”. La production est assurée par Twentieth Century Fox tandis que Zanuck/Brown Company s’attellent à l’adaptation de Cocoon. À la réalisation, les studios pensent tout d’abord à Robert Zemeckis, jeune réalisateur de 32 ans qui a déjà fait ses griffes (pour ne pas dire ses dents) sur Crazy Day en 1978, dont le producteur exécutif n’était autre que... Steven Spielberg ! Un choix approprié qui correspond bien à l’ambiance de Cocoon puisqu'il mêle le genre de la comédie dramatique et celui de la science-fiction, une combinaison très en vogue à l’époque. Seule ombre au tableau, une suite de rumeurs vient couper l’élan de Zemeckis qui est accusé d’une mauvaise gestion sur À la Poursuite du Diamant Vert, son dernier film même pas encore sorti en salle. Le doute n’étant pas permis à Hollywood, il est tout simplement viré du projet et est aussitôt remplacé par… Ron Howard (Solo : A Star Wars Story) !
En 1974, Ron Howard, alors âgé de 12 ans, joue dans la série Love, American Style réalisée par Gary Marshall. Au même moment George Lucas cherche un adolescent pour American Graffiti, son nouveau film dont la sortie est prévue pour 1973, et son choix se porte sur le visage un peu premier de classe d’Howard afin de donner la réplique au bien moins candide Richard Dreyfuss. Ado star, ”Ronny” Howard enchaîne les rôles et apparitions télévisées. Mais en 1980 il quitte définitivement la série Happy Days, issue de Love, American Style pour se consacrer beaucoup plus sérieusement à la réalisation et au cinéma. Howard s’essaye d’abord avec le long-métrage Lâchez les Bolides en 1977, puis avec Les Croque-Morts en Folie en 1982. En 1984, il fait son premier coup d’éclat et sort Splash, première production de Touchstone. Le film enchante les critiques mais permet surtout au public de faire la connaissance de Tom Hanks et Darryl Hannah (jusqu’alors tous deux inconnus).
Le premier plan de Cocoon est un panoramique important, qui amorce l’idée générale du film : le jeune David (Barrett Oliver) observe la lune à travers son télescope. Un léger travelling avant dégage un peu plus la voie du paranormal pour faire place au titre du film, et bien que le premier personnage introduit soit David, c’est son grand père Ben Luckett, interprété par Wilford Brimley, qui conduit tout le fil de l’histoire, née de l’imaginaire de David Saperstein.
Afin de rendre à David ce qui appartient à David, Howard s’assure d’un casting digne de ce nom, capable de crédibiliser les huit personnages principaux : la directrice de casting (Penny Perry) est chargée en quelque sorte de remettre au goût du jour l’eau de Cologne et les pastilles de Vichy, autrement dit de miser sur des acteurs largement aguerris.
Âge total des acteurs principaux retenus : 669 ans. Ensemble ils réunissent pas moins de 503 prestations sur scène et à l’écran ! Wilford Brimley, lui, totalise pas moins de 49 apparitions dans des films et 23 apparitions télévisées. Acteur de grand talent et profondément humain, plus connu pour de petits rôles et très apprécié à la télévision américaine, son jeu d’acteur est naturellement réaliste et transparent. Brimley déclare juste essayer d’être lui-même lorsqu’il joue. Et à 50 ans, il décroche le rôle principal de Cocoon, celui de Ben, qui lui va si bien. Il est par ailleurs le premier à croire en Howard qu’il épaule, en l’aidant par exemple à se faire respecter du reste du casting…
Au beau milieu de l’océan, non loin des côtes de la Floride, un étrange faisceau lumineux transperce le ciel : pourtant le lendemain, rien de suspect à Sunny Shores, où comme tous les matins du monde, Ben Luckett et ses amis s’adonnent à des occupations des plus tranquilles. Bess, par exemple, y livre quelques cours de danse. Interprété par l’actrice Gwen Verdon, ce personnage lui sied à merveille puisque Verdon, en plus d’être actrice, est justement une danseuse professionnelle tandis que se distinguent parmi ses anciens élèves Marilyn Monroe, Fernando Lamas, Rita Hayworth, Betty Grable… Elle est en outre couronnée par quatre Tony Awards pour des comédies musicales : d’abord en 1954 dans le meilleur second rôle féminin dans Can-Can de Cole Porter, puis en 1956 pour la meilleure actrice dans Damn Yankees. En 1958 elle en reçoit un troisième grâce à New Girl in Town, issue du livre de George Abbott et enfin en 1959, pour la meilleure actrice dans une comédie musicale toujours, avec Redhead d’Herbert Fields. Gwen Verdon a, au total, joué dans 24 films, 8 pièces de théâtre et 25 programmes de télévisions. Pourtant, c’est une toute petite Gwen qui durant son enfance doit porter des bottes correctrices et des broches orthopédiques aux jambes en raison d’une forme de rachitisme. Mais sa mère la sauve in extremis en l’inscrivant à des cours de danse classique dès ses 3 ans. Gwen grandit alors dans un environnement musical et cinématographique. En 1953 le nom de Verdon retentit à Broadway pour la première fois : elle rejoint Can-Can, la nouvelle comédie musicale de Cole Porter et fait un véritable triomphe. Au point que lors d'une représentation, Verdon finit même se présenter sur scène en serviette de bain pour saluer le public dont la standing ovation dure près de 7 minutes. Verdon est aussi connue pour sa relation avec Bob Fosse, l’un des plus célèbres chorégraphes et metteurs en scène de Broadway. Leur histoire est même adaptée à la télévision dans la série Fosse/Verdon de Lin-Manuel Miranda en 2019. Cependant le premier rôle important de Verdon au cinéma est celui de Tish Dwyer dans The Cotton Club, en 1984 (réalisé par Francis Ford Coppola en personne). Y sont présents Richard Gere, Nicolas Cage, Diane Lane ou encore Tom Waits… Un an plus tard, c’est Ron Howard qui fait donc appel à son talent pour interpréter la passionnée Bess dans Cocoon… Elle a alors 60 ans et livre une remarquable performance.
Moins passionnée mais tout aussi vive, Mary Luckett, la femme de Ben, est interprétée par Maureen Stapleton, une autre pointure qui représente plus de 25 rôles dans des séries télévisées, 19 téléfilms et 29 prestations filmiques. Quelques-uns des prix les plus honorifiques récompensent son parcours : en 1959 un Oscar de la meilleure actrice lui est attribué pour son second rôle dans Coeurs Brisés de Vincent J.Donahue. Elle reçoit aussi un BAFTA Award de la meilleure actrice dans un second rôle en 1982 grâce au rôle d’Emma Goldman dans Airport de George Seaton. Elle apparaît aux yeux de tous sur les planches de Broadway en 1946 dans Le Baladin du Monde Occidental, une pièce écrite par J.M Synge. Elle participe par la suite à une dizaine de séries télévisées jusqu’en 1958 où elle décroche un rôle phare dans Coeurs Brisés. En 1959, Stapleton fait la rencontre de Marlon Brando sur le tournage de L’Homme à la Peau de Serpent dans lequel elle joue brillamment le rôle de Vee Talbot, une femme de shérif lassée de son mariage qui tombe amoureuse d’un autre homme. En 1961, elle figure au casting de Vu du Pont de Raf Vallone, puis côtoie Dick Van Dyke (Mary Poppins) dans Bye-Bye Birdie en 1963. Tout lui réussit, même les critiques les plus difficiles l’acclament. En 1978, c’est sous la direction de Woody Allen qu’elle joue dans Intérieurs, puis dans Reds du merveilleux Warren Beatty en 1981. En 1985, Cocoon lui permet de camper le rôle de Mary Luckett, l’adorable grand-mère du jeune David. En parlant du jeune réalisateur, Maureen déclare ”Il a commencé à travailler à l’âge de 4 ans. Il en a 30 aujourd’hui, donc il a l’expérience d’une personne de 60 ans ! ”.
Un autre des titans du film est Hume Cronyn, ”Joe” Finley dans Cocoon, un personnage joyeux et friand de parties de pêche. Né en 1911 à London au Canada, Hume Cronyn grandit dans une famille de notaires et subit à l’école les moqueries des autres élèves à cause de son physique de poids-plume. Mais son talent dépassant rapidement les critiques alentour, il figure dans plus de 62 longs-métrages, écrit 3 scénarios et se fait également producteur. Certains des films sur lesquels il a travaillé figurent parmi les plus connus de l’histoire du cinéma. En 1934, Cronyn monte officiellement sur les célèbres planches de Broadway en jouant un concierge dans la pièce Hipper’s Holiday. En 1942, il se rend au Théâtre Biltmore pour voir son ami Alex Knox, qui joue sur scène Jupiter Laughed, pièce dans laquelle campe celle qui deviendra sa future partenaire de vie comme à l’écran, Jessica Tandy. Elle est belle, elle est jeune et comme lui, elle est talentueuse. Tandy, elle, récolte près de 100 films et pièces de théâtre au cours de sa carrière. Elle naît en 1909 à Londres, au Royaume-Uni. Sa première expérience remonte à ses 16 ans avec Manderson Girls, puis dans la comédie britannique Indiscrétions, réalisée par Carl Lewis et sortie en 1932. Elle préfère la scène au cinéma, mais joue en 1937 dans le film Murder in the Family d'Albert Parker. Vient l'année de sa rencontre avec Cronyn : ils tournent souvent ensemble. En 1942, ils sont tous deux au casting de La Septième Croix de Fred Zinnemann. En 1947, ils produisent sur scène le chef d'oeuvre incontesté de Tenessee Williams, Un Tramway Nommé Désir. De plus en plus demandée, elle interprète la sublime Lucie Rommel dans Le Renard du Désert d'Henry Hataway en 1951 avant de jouer dans Les Oiseaux d’Hitchcock en 1963. En 1978, elle remonte sur scène dans Gin Game de D.L Coburn, toujours aux côtés de son mari. En 1985, le couple se retrouve à l'affiche de Cocoon et livre, main dans la main, une prestation des plus sincères.
Herta Ware incarne, quant à elle, le personnage aussi fragile que fort de Rose Lefkowitz, atteinte dans le film de la maladie d’Alzeihmer. Elle a participé à 22 films mais aussi 27 séries télévisées (dont la série à succès Les Craquantes en 1988). De 1935 à 1936, Ware se produit dans Let Freedom Ring, une pièce qui fait référence à la vie de Martin Luther King. En 1936, elle s’épanouit à Broadway et partage entre autre avec son mari la célèbre pièce Bury the Dead d’Irwin Shaw et 200 Were Chosen. S’enchaînent pour elle les contrats : sur scène dans Journeyman en 1938, puis dans Six O'Clock Theatre en 1948. Herta fait ensuite son premier essai à la télévision en 1978 dans A Question of Guilt, un film de Robert Butler dans lequel elle interprète le rôle secondaire d’une mère dévouée. L’expérience lui plaît et elle se met au cinéma en 1980 où elle joue sans égale la Grande Duchesse dans Black Marble, un film d’Harold Becker.
Jack Gilford, qui incarne de son pur génie le personnage de Bernie Lefkowitz, le mari de Rosie, connait aussi un parcours dense puisqu’il compte à son actif près de 19 pièces de théâtre, 23 films et 8 participations à la télévision. Né en 1908 à New York City, c’est en étant employé dans une pharmacie que Gilford se fait repérer par le célèbre acteur, compositeur et réalisateur Milton Berle. Avec un mentor pareil, Gilford finit par développer son incroyable capacité à observer, mimer, reproduire et parvient à se forger un réel talent de tragicomédien… Gilford, très présent aussi sur le plan politique, se rend à un meeting en 1947 où il rencontre l’actrice Madeline Lederman. Ils se marient deux ans plus tard… jusqu’à ce que la mort les sépare ! Il livre sa première apparition à l’écran dans le film de Fred Waller, Midnight Melodies, en 1936. En 1959, Gilford se fait également remarqué dans Le Milliardaire, avec Yves Montand et Marilyn Monroe. Mais c’est en 1959 qu’il décroche certainement son rôle le plus impressionnant : celui de Roi Sextimus dans Once Upon a Time a Mattress, une pièce jouée à Broadway et issue du livre de Jay Thomson. Dans ce rôle, Gilford pantomime entièrement un roi silencieux. En 1966, il interprète le personnage d’Hysterium dans la nouvelle comédie de Richard Lester, Le Forum en Folie en 1966, et dans lequel joue également l'immense Buster Keaton. En 1974, Gilford donne la réplique à un autre géant des salles obscures, en l’occurrence Jack Lemmon dans Sauvez le Tigre. En 1985, il finit par intégrer le casting de Cocoon dans lequel il obtient le rôle de Bernie Lefkowitz, un personnage au caractère individualiste mais néanmoins poignant d’humanité… Au début du film, Bernie lance en parlant de sa femme Rosie que tout ce qui compte ”c’est qu’elle se souvienne de moi”…
Art Selwyn, seul homme célibataire de la bande, aime tout simplement passer du bon temps, que ce soit au golf avec ses compères, ou bien plus tard dans le film en compagnie de Bess. C’est Don Ameche, surnommé le ”latin lover” qui se glisse dans la peau de ce personnage avec brio. Ameche représente à lui seul 23 séries télévisées, 11 téléfilms, et 1 long-métrage réalisé par ses propres soins. Don est grand mais surtout Don a encore du charisme à revendre, et de la poigne : la preuve en est, Cocoon lui offre l’Oscar du meilleur second rôle et en prime une standing ovation devant laquelle il fait un discours de moins d'une minute mais qui s’élève avec sobriété et élégance au delà du commun des acteurs. Ameche est né en 1908 à Kenosha dans le Wisconsin où il grandit dans une famille de huit enfants. Aussi appliqué qu’impliqué, Don est un acharné du travail : il joue dans quinze films en l'espace de trois ans entre 1935 et 1938. En 1939, il marque les esprits au fer rouge en interprétant l’inventeur du téléphone dans Et la Parole Fût de Irving Cummings, une comédie dramatique retraçant l’histoire de l’inventeur du téléphone, et qui reste à ce jour son rôle le plus populaire. En 1943, il excelle dans la comédie américaine Le Ciel Peut Attendre d’Ernst Lubitsch. En 1983 c’est au jeune Eddie Murphy qu’Ameche donne la réplique dans Un Fauteuil pour Deux réalisé par John Landis, connu pour avoir réalisé les Blues Brothers sorti en 1980. En 1988, Ameche réanime Art Selwyn dans Cocoon : Le Retour, un épisode malheureux pour l’auteur David Saperstein puisque l’adaptation, surbridée par Twentieth Century Fox, prend ses distances et s’éloigne du roman initial.
Difficile alors d’égaler de telles figures du cinéma hollywoodien d'autant que les personnages secondaires n’ont que (très) peu de dialogues et tout juste un certain intérêt. Jack Bonner, un capitaine un peu raté et endetté, est ici joué par Steve Guttenberg, a.k.a Cadet Carey Mahoney de Police Academy (premier film d’une longue série) sorti en 1984. Gutenberg reste néanmoins connu des fans Disney pour avoir joué dans Trois Hommes et un Bébé, un remake américain de Trois Hommes et un Couffin, sous la direction de Leonard Nimoy en 1987 et enfin pour tenir le rôle principal du téléfilm La Tour de la Terreur, dont la trame est directement inspirée de l’attraction du Parc Disney's Hollywood Studios. Dans Cocoon, le personnage de Jack Bonner ne sert pratiquement qu’à offrir un moyen de transport. En particulier dès le début de l’histoire, lorsque quatre étrangers débarquent sur son port dans un moment critique. L’un d’entre eux, Walter (Brian Denehy) propose de lui louer son bateau pendant 27 jours, laissant le spectateur en suspens et le personnage de Jack miraculeusement sauvé de ses dettes.
Art, Ben et Joe font eux aussi des cachotteries à leurs proches. Ils quittent régulièrement Sunny Shores pour aller s’introduire clandestinement dans la piscine d’une villa inoccupée. Mais un jour, ils manquent presque de se faire surprendre par les nouveaux locataires des lieux, les nouveaux clients de Jack Bonner. Piqués de curiosité, les trois vieux amis observent ces derniers sur terre comme sur mer, mais chacun finit rapidement par reprendre son train-train quotidien.
Difficile pourtant de perdre ses habitudes : Ben, Art, Joe et leur nouvelle recrue Bernie, guettent donc l’absence des quatre vacanciers pour jouir à nouveau de leur chère piscine. Loin d’être craintifs, la présence de rochers qui gisent au fond de l’eau ne les rebute pas - à l’exception de Bernie - et sans comprendre pourquoi, les trois baigneurs découvrent avec stupéfaction qu’ils bénéficient d’une énergie et d’un bien-être inexplicables. La musique change alors drastiquement. Jusqu’ici, une suite de mélodies douces, assez mélancoliques et aux sonorités paranormales défilent les unes après les autres pour maintenant faire place à du pur électro-rock des 80’s. Et c’est le jeune maestro en herbe James Horner qui est aux commandes de la bande originale du film.
En 1985, les compositeurs de musique de films sont jeunes et assommants de talents : Ennio Morricone, James Newton Howard, Hans Zimmer, Edward Shore, Danny Elfman… En contant son expérience, James Horner explique ”Il y a un avant et un après Cocoon car Steven Spielberg a aimé ce film et ma musique. Ma carrière a vraiment décollé avec Cocoon et Fievel et le Nouveau Monde. Je suis entré dans la tradition d'Hollywood à ce moment là”. Et le parcours d’Horner vaut son pesant d’ondes : né d’un père chef décorateur de plateau, directeur artistique et accessoirement réalisateur de films, et d’une mère qui lui transmet la passion de la musique, il naît à Los Angeles en 1953 et a un frère Christopher, écrivain et réalisateur de documentaires. Dès son plus jeune âge, il étudie la musique, commençant le piano à 5 ans. À la fin des années 70, Horner donne des cours théoriques de musique à l’Université de Californie avant de devenir compositeur de musiques de films. Son tout premier thème musical est celui de Battle Beyond the Stars de Roger Corman en 1980. Le succès est tel qu’en 1982, Horner remplace Jerry Goldsmith sur Star Trek 2 : La Colère de Khan (Goldsmith étant trop cher) et, ironie du succès, six ans plus tard, il est à son tour et pour la même raison remplacé sur le sequel Star Trek 4 : Retour sur Terre. En 1985, James Horner travaille sur deux films : Commando de Mark L.Lester et bien sûr Cocoon de Ron Howard. Howard et Horner deviennent amis et apprécient de travailler ensemble ; ils partagent alors Willow, Apollo 13, Un Homme d’Exception… En 1997, le talent d’Horner est couronné d’un Golden Globe pour la meilleure musique du film avec Titanic (la bande originaire est co-écrite avec Will Jennings) et deux fois récompensé d’un Oscar pour la meilleure chanson originale et la meilleure partition originale. James Horner décède dans le crash d’un avion en 2015, Ron Howard mentionnant alors ”son émotion et sa sensibilité”. Dans Cocoon, la musique est chargée de couleurs mélancoliques afin d’évoquer le passé, la jeunesse perdue, la vieillesse, la maladie, les relations grands-parents et petits-enfants ou encore l'amour jusqu'à la mort. Bref, un lot de messages transmis dès le départ par l’auteur. C'est un poème d'amour et de mort qui permet à la sensibilité du compositeur et de son équipe de s'exprimer totalement.
Avec l’arrivée des rochers dans la piscine, les plans de la séquence deviennent plus significatifs. Parfois tournés sous l’eau ou bien à une hauteur démesurée de la piscine, ils donnent un sentiment de surveillance et d’étrange. Dans un sens, cette villa n’est plus abandonnée et plus personne ne devrait s'y aventurer. Bonner, curieux et maladroit, est sans le vouloir le premier à éclairer le spectateur sur la nature de Walter, Kitty et de leurs deux amis. Dans la cale de son navire, alors qu’il tente d'espionner Kitty, il découvre qu'elle n’est pas humaine, et pire encore que tous ses passagers sont des extra-terrestres appelés ”Antariens”. C'est Walter, le chef, qui prend les devants et retrouve Bonner sur le pont, une scène pendant laquelle le dialogue informatif est soudain très présent et manque d’un minimum de psychologie. Déclarant qu’ils n’ont que 27 jours pour ”récupérer leurs amis et partir”, amis oubliés il y a 10 000 ans après la chute de l’Atlantide, cette révélation se fait malheureusement de manière un peu trop rapide. Il ne faut d’ailleurs que quelques instants au personnage de Jack Bonner pour assimiler le tout, si ce n’est un court plongeon dans la mer, pour finalement se rallier à la cause de ses voyageurs, et même leur proposer son aide….
Une scène délicieuse dans Cocoon, celle du dancing ! La lumière, l’ambiance, le lieu y forment un ensemble magique qui donne le sourire. Très vite, Ben et ses amis, assoiffés de cette jeunesse retrouvée, repartent faire une cure à la villa. Mais cette fois ils découvrent à leur tour la nature des Antariens qui, au contact de l’eau, s’illuminent d'une lumière puissante et se détachent de leurs enveloppes humaines pour se changer en une forme extra-terrestre. Effrayés, Ben, Art, Joe et Bernie se sauvent, persuadés d’être en danger. À découvert, Ben qui a repris ses esprits, prend une lourde décision qui transforme toute la dynamique du film : il décide d’aller traiter avec l’ennemi et se retrouve seul à seul avec Walter. Ben explique à ce dernier avoir ”besoin de cette piscine” afin de ”sauver la vie” de son ami Joe, atteint d'un cancer. Cette rencontre est heureusement maîtrisée par le jeu d’acteur de Brimley, et la construction de son personnage un peu ”ours”. Sans grande négociation, Ben et Walter se mettent d’accord : Ben et ses amis peuvent profiter de la piscine mais sous condition de garder le silence ! Le lendemain, Bernie refuse toujours de bénéficier du pouvoir des Antariens, pas même pour sa femme Rosie dont l’Alzeihmer est à un stade plus qu’avancé. Il choisit le cycle naturel de la vie, sans surprise (et sans espoir de guérison). Comme il le dit lui même, ”les cartes sont déjà jouées”... Ben, diamétralement opposé, récupère sa voiture (symbole de liberté) pour emmener ses amis dans un club. Là-bas, une ambiance moderne et décontractée qui dénote bien plus avec les vieux amis, comparée à la scène du dancing. Malgré leur nouvelle jeunesse, plus ils rajeunissent, plus le monde qu’ils connaissent devient incapable de les comprendre, encore moins de les voir à leur juste valeur.
Un plan en diagonal posé au sol marque cette ”cassure” et renforce visuellement ce décalage. Don Ameche en profite également pour mettre en pratique les pas de break dance qu’il a tenus à réaliser lui-même pour cette scène ! D’autres scènes comiques et vivantes s’enchaînent en parallèle : Bess et Art jouent ensemble, Joe fait du tricycle dans les rayons d’un supermarché, Mary, Ben et Joe jouent aux échecs avec l’un des Antariens (sous forme extra-terrestre là encore)... Chacun reprend goût à la vie mais, malgré l’entrain enfantin que leur procure l’eau des cocons, tous ne font pas des choix qu’ils assument. Joe finit par tromper sa femme qui le lui reproche très clairement affirmant que ”ce n’est ni la piscine, ni la première fois”. En fin de compte, leurs habitudes ne sont dictées que par leur propre conscience. Mais tout Sunny Shores entend parler de cette piscine miraculeuse, et finit par s’y précipiter. La confiance de Walter est alors sérieusement mise à l’épreuve lorsqu'il voit tous les résidents de Sunny Shores remuer rochers et chlore dans sa piscine… Désemparé, Walter les chasse, et Ben, Mary, Joe et Art, désarmés, choisissent de rester aux côtés de leurs nouveaux amis. Lorsque Walter ouvre l’un des cocons, une créature atrophiée et mourante, totalement dénuée de l’aura lumineuse de ses congénères, agonise en silence.
Ces Antariens deviennent des martyrs de la cupidité humaine, qui, elle, n’a ni forme ni âge. Puis c'est au tour de Bernie de vivre une épreuve des plus douloureuses : Rosie est morte dans son sommeil. En pyjama, il la porte jusqu’à la piscine de Walter où il tente désespérément de la ramener, sans succès. La symbolique de l’eau est éloquente et la lumière si douce, tout comme les gestes de Bernie envers sa défunte femme. Walter, témoin de la scène, verse alors sa première larme humaine. Se sentant responsables du désarroi de leurs nouveaux amis, Ben et ses compagnons proposent de l’aide à Walter afin de se racheter. Ce dernier (curieusement compréhensif) accepte et va même jusqu’à leur proposer à son tour une offre des plus extraordinaire : une trentaine d’humains peuvent prendre place à bord du vaisseau qui doit bientôt les rapatrier dans l’espace mais chez eux ”pour toujours n’existe pas” dit Walter. Ben, lui, a clairement pris sa décision : il choisit de partir avec sa femme et l’annonce à David au cours d'une scène au bord d'un lac, un beau moment qui figure comme l'affiche du film dont l’image est une réminiscence de la vie après la mort, qui rappelle celle que Tolkien dépeint à la fin du (Le) Seigneur des Anneaux. Ben explique à son petit-fils que ”là où il va, il n’aura plus de problèmes” mais David répond avec bon sens ”Que c’est une blague”. Devant ce Styx, rien ne semble pouvoir perturber l'affection que l'un éprouve envers l’autre, pendant que tous, ou pratiquement, sont sur le départ. Dans la voiture, Mary pleure en réalisant qu’ils quittent leur famille ”pour toujours”, formule donc inconnue chez les Antariens. Prendre la voiture, c’est prendre une ou plusieurs routes et c’est exactement ce que Ben et Mary Luckett sont en train de faire : ils choisissent leur propre destinée.
Chacun dit au revoir à sa manière : Art, lui, vide son compte cash à la banque et distribue sa fortune aux bienheureux passants ! Joe et Alma se retrouvent enfin, seul à seul, assis d’un bout à l’autre d’un canapé : une photo d’Alma jeune est de façon très pertinente posée derrière elle, et une photo de Joe, lui aussi beaucoup plus jeune, se trouve aussi derrière lui. Au fond, une fenêtre, un symbole multiple du passé, de la liberté, de la fuite, de l’avenir… Joe présente ses excuses auprès d’Alma et convient qu’il lui faudra ”une éternité” pour qu’elle lui pardonne ses écarts. David, qui a été mis au courant, observe une éclipse, signe évocateur de changement mais aussi du dénouement de l'histoire. Lui, qui s'est finalement enfui, se retrouve sur le bateau de Jack Bonner, quand son grand-père, très ému, lui murmure qu’il ne peut pas venir avec eux. S’ensuit une course-poursuite entre le bateau de Bonner - qui fait preuve ici d’un peu d’héroïsme - et les forces de l’ordre, alertées, qui tentent aussi bien de rattraper les pensionnaires en fuite que le jeune David ! Ce dernier, personnage terriblement mature, sait qu’il doit les quitter et ainsi faire diversion. Preuve finale de son intelligence, David saute dans l’eau avant de crier à ses grand parents qu’il n’a pas peur une fois qu’il se retrouve seul dans l'obscurité de l'océan. Est-ce là le symbole d’une jeunesse noyée dans les profondeurs de la vie ? Le bateau de Bonner se voit subitement entouré d’un épais brouillard, traversé par une lumière blanche inconnue : un immense vaisseau apparaît au dessus d’eux et projette une lumière qui déferle sur la mer. Les extra-terrestres sont décidément des êtres de lumière pour Howard et Saperstein. Les Antariens volent au-dessus des lois des hommes, surexposés. L’océan est de plus en plus bas tandis que le navire est doucement englouti par le vaisseau extra-terrestre, et Bonner, pourtant amoureux de Kitty et malchanceux sur Terre, choisit finalement de sauter dans la mer ! Il se retrouve un peu comme David, seul et dans la pénombre terrestre.
Le film touche à sa fin : la disparition des résidents du centre Sunny Shores est résumée au cours d'une cérémonie funèbre en plein air, et décrite comme une ”tragédie”. Seuls Bonner, David et le spectateur connaissent la vérité. Le jeune garçon lève alors les yeux au ciel et laisse échapper un sourire complice, l'opus s’achève sur le vaisseau Antarien qui explore l’univers.
Film de genre, Howard fait preuve avec lui d’un grand respect envers les aînés et d’une bonne dose de modernisme : tous les moyens sont bons pour rendre Cocoon réaliste. Il fait appel à Don Peterman, directeur de la photographie et membre de l'ASC (l'American Society of Cinematographers) depuis 1984. Peterman travaille la lumière comme un peintre : l’art cinématique est revisité et va plus loin que les jeux d'ombres et de lumière, car l'exagération photographique est désormais un vrai style reconnu. Le low-key et le high-key, signature technique de Frederic Elmes, plus connu pour avoir travaillé avec David Lynch, est un procédé particulièrement utilisé dans Cocoon. Plus simplement, il s'agit de pousser les teintes claires ou les teintes sombres, en particulier sur les expressions des personnages ou pour amener l'oeil du spectateur sur un élément précis. En d'autres termes, l'esthétique commerciale ne fait plus qu'un avec la narration et les mouvements de caméra deviennent un jeu d'enfant avec l'arrivée du steady-cam.
Avec un budget de 17,5 millions de dollars, Cocoon remporte plus de 85,3 millions de dollars de recette cumulée. Méconnu dans le reste du monde, le film est un franc succès aux États-Unis mais ni l’histoire ni la presse ne soutiendra Cocoon : Le Retour sorti en 1988 et réalisé par Daniel Pétrie, une suite bien fade dont le côté sentimental a disparu malgré la présence du casting initial.
Cocoon est un hymne aux rides : même si les costumes sont loin de casser trois pattes à un Alien, Howard signe là un beau travail de direction et offre un bouquet d'effets visuels novateurs pour l’époque. Le déséquilibre du casting et des personnages, ainsi qu’une poignée de fausses notes narratives sont cependant parfois déroutants même si la philosophie ambiante et le talent des acteurs principaux font rayonner le récit du début à la fin !
Cocoon offre une réflexion intemporelle et une audace magique. Un film culte donc, et ”pour toujours”.