La Carte du Cœur
Titre original : Playing By Heart Production : Miramax Films Intermedia Films Hyperion Pictures Date de sortie USA : Le 18 décembre 1998 Genre : Comédie romantique |
Réalisation : Willard Carroll Musique : John Barry Durée : 121 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Sur une période de huit jours, à Los Angeles, une exploration de l’amour sous toutes ses formes - familial, romantique, amical - et les sentiments qu’il procure à travers les destins de plusieurs personnages, de milieux et d’âges différents. |
La critique
Comédie romantique chorale sortie à la fin des années 1990, La Carte du Cœur est un film divertissant et émouvant sur le thème de l’amour, ses multiples visages et la façon dont chacun le souhaite ou le ressent. Produit par Miramax Films, il met en scène le parcours de nombreux hommes et femmes et leurs rapports respectifs à l’amour.
La Carte du Cœur est réalisé par Willard Carroll. Producteur et scénariste né le 12 novembre 1955 à Easton dans le Maryland, États-Unis, il est connu pour avoir travaillé sur Le Petit Grille-Pain Courageux (1987), distribué sous le label Walt Disney Studios Home Entertainment, en tant que producteur exécutif. Il sera également scénariste sur les deux suites : Le Petit Grille-Pain Courageux 3 : Objectif Mars (1998) et Le Petit Grille-Pain Courageux 2 : À La Rescousse (1999). Président de la firme Hyperion Pictures aux côtés de Tom Wilhite, ancien directeur de production pour le cinéma et la télévision de Walt Disney Productions, il réalise, en 1991, son premier long-métrage The Runstone - Le Rocher de l’Apocalypse, un film d’horreur. Viennent ensuite La Carte du Cœur (1998), Tom Midnight’s Garden (1999) et Marigold (2007).
Situé dans un Los Angeles moderne, La Carte du Cœur raconte les histoires de diverses personnes visiblement sans lien entre elles qui se cherchent, déterrent des secrets enfouis depuis longtemps et découvrent des choses sur elles-mêmes. Inévitablement, ces personnages se réunissent d’une manière ou d’une autre et le film ne semble pas révolutionner le genre. Et pourtant, La Carte du Cœur passionne et touche par les aventures sentimentales de ses héros, chacun exprimant les formes prises par l’amour et l’attachement envers un autre. Si l’idée de départ est, hélas, assez simple, l'opus dispose d’un charme indéniable, d’un casting prestigieux et d’une galerie de héros plaisants, au point qu’il serait regrettable de bouder son plaisir.
Le plus grand nom du casting est sans aucun doute Sean Connery (James Bond 007 contre Dr. No, Le Nom de la Rose, Indiana Jones et la Dernière Croisade, Rock, Haute Voltige), qui joue ici Paul, un homme robuste atteint d’une tumeur au cerveau. Il est marié à Hannah, incarnée par Gena Rowlands (Une Femme sous Influence, Gloria, She’s so Lovely), animatrice d’une émission culinaire à succès. Après quarante ans d’union, tous les deux pensent tout savoir l’un sur l’autre et sont sur le point de renouveler leurs vœux, jusqu’à la découverte, par Hannah, d'une photo d'une jeune femme appartenant à son époux, prise il y a une vingtaine d’années.
Angelina Jolie (Playing God : Au Service du Mal, Lara Croft : Tomb Raider, Mr. & Mrs. Smith, Maléfique) est, pour sa part, Joan, une étudiante pleine d’esprit, qui souhaite devenir actrice. Un soir, dans un bar, elle fait la connaissance de Keenan (Ryan Philippe, Souviens-Toi... L’Été Dernier, Sexe Intentions, la série Shooter), une jeune homme introverti, qui ressent progressivement une attirance pour elle. Gillian Anderson (Le Dernier Roi d’Écosse, les séries X-Files, Hannibal, The Fall) joue, quant à elle, Meredith, une trentenaire qui se remet difficilement d’une relation désastreuse et ne croit plus en l’amour, mais accepte toutefois un rendez-vous avec Trent (Jon Stewart, The Faculty, Evan Tout-Puissant).
Ellen Burstyn (L'Exorciste, Alice n’est plus Ici, Le Choix d’Aimer, Requiem for a Dream) campe, en ce qui la concerne, Mildred, une mère au chevet de son fils Mark, incarné par Jay Mohr (Jerry Maguire, Un Noël pour l’Éternité, la série Ghost Whisperer - Mélinda entre Deux Mondes), atteint du SIDA. Madeleine Stowe (Étroite Surveillance, Le Dernier des Mohicans, L’Armée des Douze Singes, la série Revenge) est, elle, Gracie, une femme qui entame une liaison avec Roger (Anthony Edwards, Top Gun, Zodiac, Planes, la série Urgences). Enfin, il y a Hugh, joué par Dennis Quaid ( Mort à L’Arrivée, À Nous Quatre, Rêve de Champion, Le Jour d'Après), un homme frustré qui écume les bars pour raconter ses déboires amoureux.
Une distribution donc fort sympathique pour un film qui l’est tout autant. Si La Carte du Cœur n’offre, en effet, rien de neuf ou d’original, il reste une agréable expérience. Un opus divertissant et léger qui doit beaucoup au charme de ses acteurs, mais n’a pas peur, à plusieurs reprises, d’évoquer des thèmes graves et moins sujets à l'humour, comme la maladie et le manque de confiance en soi ou envers les autres. Ceci dit, le film ne perd pas son optimisme et demeure dans cette veine de comédie romantique sur toutes les facettes de l’amour : la rencontre, les premiers émois, le mariage, l’adultère, la famille, l’amour maternel ou encore la découverte et l’acceptation de soi-même.
Chaque aspect est ainsi illustré par des personnages tout aussi attachants les uns des autres. Malgré leur temps limité à l’écran, et ce en raison d’un casting très (trop ?) large, ils réussissent à attirer la sympathie. Tous prennent des décisions, avancent de leur côté et le spectateur finit par compatir à leur désarroi et souhaite que leurs problèmes trouvent solution. Bien qu’ils soient impliqués dans diverses intrigues, tous bénéficient d’un traitement égalitaire et aucun n’est mieux abordé qu’un autre. La Carte du Cœur n’est pas pour autant un film à sketches, tous les héros ayant un lien commun que le récit dévoile au fil des minutes. Également à l’origine du scénario, Willard Carroll, qui à l’époque n’avait qu’un film d’horreur à petit budget à son actif, effectue sur lui un travail d’écriture tout à fait honnête.
L’autre point positif de La Carte du Cœur repose dans ses dialogues. Trop souvent, dans les films romantiques, les répliques ne sortent pas des sentiers battus et accumulent les clichés. Les situations deviennent alors involontairement grotesques et les héros ridicules. Heureusement, le métrage est beaucoup plus profond que cela. Ses dialogues sont intelligemment écrits, rendant les personnages crédibles et réalistes. Sans en faire trop, le film leur accorde une importance capitale. Leurs parcours respectifs sont assez surprenants pour la plupart et confèrent à l'ensemble un certain cachet, le spectateur n’étant jamais sûr de ce que réserve le scénario. Enfin, si la conclusion paraît forcée à première vue, le film distille plusieurs indices au fil du récit pour que le public se fasse sa propre idée sur la suite des événements.
La Carte du Cœur traite ainsi des formes d’amour de manière très juste avec suffisamment d’humour et d’émotions pour convaincre le spectateur et l’encourager à poursuivre l’histoire. Bien qu’inégal, l'opus ne cherche jamais à être moralisateur et évite la caricature forcée dans la présentation de ses “visages” de l’amour. Angelina Jolie et Ryan Philippe, sincères et agréables, livrent ainsi d’excellentes performances et représentent la meilleure partie du métrage. L’actrice illumine par sa présence et forme une belle alchimie avec son partenaire, touchant en amoureux maladroit, si bien qu’ils mériteraient presque un film à eux seuls. Au fil de leur aventure sentimentale, le spectateur n’a qu’une seule hâte : voir leur prochaine scène ensemble le plus rapidement possible.
Les thèmes de l’amour maternel et de la maladie, à travers le destin de Mildred et Mark, sont dépeints avec pudeur et retenue, mais toujours avec émotion. Peu à peu, plusieurs vérités sont dévoilées entre mère et fils et leurs séquences sont très bien gérées par leurs interprètes, donnant lieu à des scènes déchirantes sans excès de larmes. Bouleversant, ce segment aurait tout de même gagné à être plus développé. La partie autour de Meredith est intelligemment écrite et souvent drôle. Attachante en célibataire déçue par un précédent mariage, Gilian Anderson livre une prestation amusante et parfois décalée, aidée par son partenaire Jon Stewart, habitué du genre comique sur scène ou à la télévision. Accumulant les situations cocasses, cette intrigue prône l’espoir, la confiance et le respect de soi avant de s’engager dans une relation. Le constat est moins bon concernant les doyens de ce groupe d’individus, Hannah et Paul ; le film ayant du mal à impliquer le spectateur dans leur destin. Néanmoins, leur section est brillamment écrite, livrant quelques notes d’humour et suscitant l’intérêt quand elle fait figure de lien entre les différents segments. Rowland apporte une grande part d’humanité à son rôle et le charme légendaire de Sean Connery contribue pour sa part à l’efficacité du duo. Enfin, dans le cinquième scénario, Hugh, interprété par Dennis Quaid, passe d’un bar à un autre et invente des histoires fictives qu’il raconte à ses conquêtes sur sa femme et ses enfants. Bien que légers, quelques moments sympathiques se présentent, notamment une scène où il se fait passer pour un homosexuel et déclare ses sentiments à un transsexuel.
Parmi tous ces personnages, l’unique déception vient de Gracie, qui rencontre sans cesse un homme dans un hôtel. Bien que mariés, tous les deux s’engagent dans une relation purement sexuelle. Mal exécutée et sans grand intérêt, cette histoire aurait très bien pu être abandonnée. Heureusement, elle n’apparaît que sporadiquement et n’affecte pas vraiment l'opus dans son ensemble. Madeleine Stowe a beau être une merveilleuse actrice, son duo avec Anthony Edwards sonne, en effet, creux et il est bien triste de la voir gâcher son talent dans une intrigue aussi pauvre. Son personnage est tout de même sauvé du naufrage lors de l’épilogue, riche en révélations et surprises
Si La Carte du Cœur est susceptible de toucher chaque spectateur grâce à une multitude d’intrigues, il souffre tout de même des défauts inhérents au film chorale. Certaines histoires sont, il est vrai, plus intéressantes que d’autres, tandis que des personnages sont moins attachants que leurs camarades. Le film est ainsi parfois à la peine, le public se sentant forcément plus ou moins impliqué par ce qu’il raconte en fonction de ce qui lui présenté. Mais cette frustration reste limitée et, malgré des imperfections et une structure parfois inégale, La Carte du Cœur n’a finalement n’a pas à rougir de son bilan global.
La musique, quant à elle, est assurée par John Barry, compositeur britannique rendu célèbre pour avoir réécrit le thème de James Bond contre Dr. No, qui sera repris dans les films suivants. Il travaillera ainsi sur d’autres volets de la franchise : Bons Baisers de Russie, Goldfinger, Opération Tonnerre, Dangereusement Vôtre ou encore Tuer n’est pas Jouer. Il est également connu pour ses travaux sur Out of Africa - Souvenirs d'Afrique, Danse avec les Loups et la série Amicalement Vôtre. Pour Disney, John Barry participe aux bandes originales du (Le) Trou Noir, Howard...Une Nouvelle Race de Héros et Les Amants du Nouveau Monde. Enjouée, agréable et sobre, la partition de La Carte du Cœur accompagne formidablement les scènes romantiques, comiques et moments graves, sans verser dans l’excès, contribuant pleinement au plaisir procuré par le film.
La Carte du Cœur sort au cinéma aux États-Unis le 18 décembre 1998, mais pâtit vite de sa distribution limitée - une stratégie utilisée par les producteurs non convaincus du potentiel d'un film - si bien qu'il fait un bide en salles. En Europe, il n’arrive en salles qu’à l'été 1999, soit neuf mois après sa sortie dans son pays d’origine. Tourné pour quatorze millions de dollars, il n’en rapporte finalement que quatre et passe donc totalement inaperçu. Avec de grands noms à son casting, son bilan commercial est donc très décevant.
Il est malgré tout projeté au 49ème Festival du Film International de Berlin, qui se tient en février 1999, et reçoit des critiques généralement positives. Les festivaliers lui reprochent ainsi son aspect bavard mais apprécient le jeu de ses acteurs, la distribution impeccable et la manière dont il dépeint les relations amoureuses. La performance d’Angelina Jolie est même saluée : l’actrice obtiendra d'ailleurs ensuite le Breakthrough Performance Award, équivalent du Prix du Meilleur Espoir, de la part du National Board of Review, conseil national d’examen du cinéma aux États-Unis.
Méconnu, injustement oublié de tous, La Carte du Cœur est un film à redécouvrir, tant il s’avère révélateur sur la façon dont l’être humain aspire naturellement à aimer et à être aimé. Si les plus cyniques rechigneront devant l’aspect trop convivial de son scénario, il brille à plusieurs reprises et peut compter sur des comédiens talentueux, des dialogues bien écrits et une belle maturité dans le traitement de ses personnages. Sans être incontournable, La Carte du Cœur reste parfait pour une soirée romantique.