Le Crime ne Paie Pas
Titre original : Donald's Crime Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 29 juin 1945 Série : Genre : Animation 2D |
Réalisation : Jack King Durée : 8 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Donald vole l'argent de ses neveux pour pouvoir sortir avec Daisy... |
La critique
Le Crime ne Paie Pas est un pur bonheur : il propose les personnages de Donald, Daisy et Riri, Fifi et Loulou dans une parodie des films noirs des années 40 justement nommé pour l'Oscar du Meilleur Court-Métrage d'Animation.
Daisy est apparue le 9 janvier 1937 dans le dessin animé Don Donald. Pour sa première apparition, elle se dénomme Donna et devient l'alter égo de Minnie, version canard. Très vite, dès son deuxième cartoon, L'Entreprenant Mr Duck en 1940, elle prend son nom définitif, Daisy. Son personnage est finalement au générique de peu de courts-métrages : douze au total, autant dire bien moins que Riri, Fifi, Loulou ou que Tic & Tac. Outre sa faible présence qui la pénalise, ses traits de caractère mouvants rendent le processus d'addiction du grand public à son endroit, plus difficile. Car s'il y a bien un personnage schizophrène chez Disney, c'est bien Daisy ! Même sa voix change d'un cartoon à l'autre. Et il ne s'agit pas là de sa seule intonation mais carrément de sa diction. Elle peut ainsi, d'une part, disposer d'une voix de canard à la Donald, incompréhensible et bien plus colérique que son cher et tendre et, d'autre part, prendre une déclamation suave et sexy lui donnant des faux airs de vamp manipulatrice... La seule chose qui finalement ne varie pas dans les cartoons où Daisy apparaît est sa grande difficulté à convoler avec Donald : tous les obstacles possibles et imaginables se mettent, en effet, constamment, en travers de sa route. Si le grand écran ne l'a pas très bien servie, Daisy se rattrape plutôt bien en bande dessinée où sa présence est, il est vrai, plus importante. Il convient cependant de reconnaître que son personnage, contrairement à d'autres, y demeure somme toute très linéaire et évolue peu. En fait, dans l'esprit du public, comme dans celle des artistes Disney, Daisy n'est qu'un rôle secondaire dont l'histoire d'amour avec Donald est anecdotique, se situant ainsi à des années lumières de l'intensité de celle de Mickey et Minnie.
Le Crime ne Paie Pas représente donc sa deuxième apparition majeure dans un cartoon sous le nom de Daisy. Le gros changement par rapport à L'Entreprenant Mr Duck est de la voir disposer d'une voix féminine normale assumée par Gloria Blondell là où elle était doublée par Clarence Nash et ses intonations donaldesque dans sa première réelle apparition.
Riri, Fifi et Loulou (Huey, Dewey et Louie en anglais) apparaissent, quant à eux, pour la première fois dans la galaxie Disney dans l'une des bandes dessinées hebdomadaires de Donald, le 17 octobre 1937. Adaptée au cinéma le 15 avril 1938, sous le titre Les Neveux de Donald, elle voit Della Duck confier ses rejetons pour quelques jours à son frère Donald. Dès lors, ils ne le quitteront plus ! Leur carrière cinématographique est d'ailleurs étonnante tant elle est prolifique. Ils y réservent de mauvais tours pendables à leur oncle au cours de plus d'une vingtaine de cartoons. Au contraire du grand écran où elles demeurent linéaires, leurs personnalités évoluent profondément en bande dessinée. D'abord facétieux puis farceurs, ils s'assagissent, en effet, en intégrant les Castors Juniors. Ils vivent alors de nombreuses aventures dans les journaux dans un premier temps avec Donald, puis avec leur autre oncle de renommée mondiale, Picsou. Leur popularité offre, en outre, un tel potentiel qu'en plus du cinéma et de la BD, ils investissent également la petite lucarne pour de grands rôles (La Bande à Picsou, Couacs en Vrac) ou de plus petits (Mickey Mania, Disney's Tous en Boite).
Dans Le Crime ne Paie Pas, Donald a donc rendez-vous avec Daisy alors qu'il est complètement fauché et n'a pas un centime devant lui. Il remarque bien vite, sur le rebord d'une table, la tirelire de ses neveux et une voix de gangster, telle une mauvaise conscience, lui suggère de dérober l'argent des petits pour solutionner ses problèmes. Il hésite un temps avec de terribles remords mais au final laisse son mauvais côté prendre le dessus. Il envoie ainsi les canetons au lit pour accomplir son méfait en toute tranquillité. Il sera ici apprécié le gag où les trois bambins vont se coucher et chacun d'eux ferme les yeux un par un, le tout sous un petit tintillement de clochette à chaque fermeture de paupières. Naturellement, Donald a du mal à venir à boût de la tirelire, surtout pressé par la conscience lui spécifiant qu'il n'a pas toute la nuit pour l'ouvrir. Le canard finit par y parvenir en se la faisant tomber maladroitement sur la tête. Mais ses neveux ne sont pas endormis et l'appellent de nouveau. Il ne sait plus où se mettre car il est persuadé qu'ils savent toute la vérité alors qu'ils ne réclament en réalité qu'un dernier bisou de bonne nuit.
Après cela, Donald va à sa fameuse soirée où il passe un temps merveilleux avec sa douce. Les artistes Disney arrivent ainsi à créer une ambiance vraiment festive entre la musique entraînante, la chorégraphie entre les deux canards particulièrement réussie mais également certains décors et scènes retranscrivant à merveille les nuits jazzy dans les night clubs. Donald raccompagne finalement Daisy à son domicile et se voit remercié d'un long baiser comme preuve qu'il a assuré durant la soirée. Mais sur le chemin de retour, la culpabilité le reprend. Alors qu'il s'imagine victorieux à la façon d'un riche millionnaire, sa conscience le montre plutôt accoutré comme un gangster portant un imperméable et un chapeau noir pour passer inaperçu quand il emprunte les rues sombres des quartiers mal famés. Là encore, les animateurs font un travail exemplaire pour proposer une ambiance digne des films policier des années 40. Décors, exagérations de certaines perspectives et gags bien sentis avec un avis de recherche de Donald qui se multiplie à l'infini et dont le chiffre de la récompense ne fait qu'augmenter sans oublier un fond de rue qui se transforme en prison : tout est ici imaginatif et superbement mis en image ! Au final, le remord est trop grand et Donald veut racheter sa faute. Il trouve alors un poste de plongeur et va travailler toute la nuit pour rembourser sa dette. Il remet chacune des pièces dans la tirelire et même une en plus. Il se ravise néannmoins et essaye de la récupérer... Et c'est à ce moment-là que ses neveux choisissent de rentrer dans la pièce et découvrent ce que leur oncle s'apprêtait à faire. Ainsi, bien qu'il ait réparé son erreur, Donald se sera fait tout de même prendre subissant au passage la justesse de l'adage qui veut le crime ne paie jamais !
Le Crime ne Paie Pas est une petite pépite d'ambiance et de parodie. Un petit chef d'oeuvre où, pour une fois, ce n'est pas le manque de sang-froid de Donald qui fait rire le spectateur mais son sentiment de culpabilité.