Clochette et la Créature Légendaire
Titre original : Legend of the NeverBeast Production : DisneyToon Studios Date de sortie USA : Le 3 mars 2015 Genre : Animation 3D 3-D |
Réalisation : Steve Loter Musique : Joel McNeely Durée : 76 minutes |
Le synopsis
Un énorme rugissement vient troubler la tranquillité de la Vallée des fées : aurait-il un lien avec le passage d'une étrange comète verte dans le ciel ? Alors que Nyx, la fée éclaireuse en charge de la sécurité des lieux, n'est pas capable d'en identifier la cause, Noa, en bonne fée des animaux, décide de mener l'enquête... |
La critique
Clochette et la Créature Légendaire est le sixième - et annoncé comme dernier ! - long-métrage des personnages de la Vallée des Fées. Le film s'inscrit ainsi dans la veine des précédents : charmant et adorable. Alors que Clochette et la Fée Pirate tentait de se rapprocher du monde de Peter Pan, l'opus est ici presque indépendant de toute la saga. Il s'éloigne, en effet, beaucoup de la construction des autres longs-métrages en changeant de protagoniste principale et en apportant une atmosphère différente. Pour cela, c'est assurément un long-métrage à ne pas négliger !
La saga de La Fée Clochette, composée jusqu'alors des longs-métrages La Fée Clochette, Clochette et la Pierre de Lune, Clochette et L'Expédition Féerique, Clochette et le Secret des Fées et Clochette et la Fée Pirate, du moyen-métrage Clochette et le Tournoi des Fées et du court-métrage Fée Maison complétée des mini courts-métrages sous le titre de Trop Fée, est à la fin d'un cycle comme peuvent l'être eux-mêmes les DisneyToon Studios ! A l'origine, en effet, la saga devait comporter huit films quand les résultats décevants du deuxième opus - sorti directement en vidéo - Clochette et la Pierre de Lune, avaient convaincu les décideurs de Disney de ramener la série à quatre épisodes. La sortie de Clochette et L'Expédition Féérique, directement en vidéo dans la plupart des pays et au cinéma dans une poignée d'autres, rencontrant elle un vif succès, change pourtant la donne. Deux autres films viennent alors compléter les quatre déjà prévus. Les résultats de la quatrième aventure, Clochette et le Secret des Fées, sont d'ailleurs plutôt encourageants. L'expérience faite sur le troisième long-métrage - la sortie au cinéma sur les marchés internationaux - est même étendue avec pas moins de 30 pays à le voir programmé sur grand écran, principalement en Europe et en Amérique Latine. Le film rapporte, il est vrai, 51 millions de dollars donc un quart rien qu'en France et ce grâce à ses 1 483 582 entrées ; un résultat proche des (Les) Mondes de Ralph signé lui des Walt Disney Animation Studios ! Disney essaye donc de réitérer ce succès international en sortant le cinquième et le sixième opus, Clochette et la Fée Pirate et Clochette et la Créature Légendaire, au cinéma en Europe et dans quelques autres pays.
Pour autant, tout ne va pas bien pour Clochette, en particulier, et pour les DisneyToon Studios, en général. En effet, les ventes de DVD de Clochette et le Secret des Fées et surtout de Clochette et la Fée Pirate ont été assez décevantes aux Etats-Unis à cause principalement de la baisse continuelle du marché de la vidéo matérialisée. En plus, le merchandising autour de la franchise Disney Fairies n'arrive toujours pas à décoller. Cette situation sonne donc le glas de la saga qui va s'arrêter après le sixième opus, Clochette et la Créature Légendaire ; et cette fois-ci de façon a priori définitive : en octobre 2013, le septième épisode sur lequel les artistes de DisneyToon Studios étaient pourtant en train de travailler, a, il est vrai, purement et simplement été annulé par leur direction. Pire, l'échec de Planes 2, ayant réalisé moitié moins que Planes a impliqué l'annulation du troisième film mais surtout le licenciement de la quasi totalité du staff des DisneyToon Studios. Difficile de savoir quelle est l'avenir exact du studio. The Walt Disney Company n'a absolument pas communiqué à son sujet ; ni sur une éventuelle fermeture, ni sur un futur projet. Une chose est sure : le groupe n'a pas réellement besoin de quatre studios d'animation surtout que deux au cinéma (Walt Disney Animation Studios et Pixar Animation Studios) et le troisième en télévision (Disney Television Animation) accumulent les succès. Il serait donc logique de fermer DisneyToon Studios puisque sa raison d'être - le marché de la vidéo - n'est plus. Pourtant, lors d'interviews, les créateurs de Clochette et la Créature Légendaire stipulent que le studio a plein de projets en chantier. Est-ce une allégation fausse pour couper court aux rumeurs ou est-ce la preuve de la future résurrection du studio ? Seul l'avenir le dira...
Pour ce sixième opus, les DisneyToon Studios font appel à Steve Loter. Ce réalisateur est extérieur à la fois au studio et à la saga de Clochette, même s'il convient de préciser qu'il a déjà travaillé par ailleurs pour d'autres entités de Disney. Il est, en effet, principalement connu pour son travail à la télévision notamment chez Disney Television Animation où il a réalisé 35 épisodes de Kim Possible ainsi que les deux téléfilms dérivées, Kim Possible : La Clé du Temps et Kim Possible : Mission Cupidon ; 13 épisodes d'American Dragon : Jake Long ; 4 épisodes de Brandy & M. Moustache ; 2 épisodes de Clerks ; 19 épisodes de la série Les Aventures de Buzz l'Eclair ; et également sur la série La Légende de Tarzan et son film dérivé sorti directement en vidéo La Légende de Tarzan et Jane.
Le choix du réalisateur s'avère donc étonnant car Steve Loter a d'abord et principalement travaillé sur des séries d'action et non sur un univers féérique comme celui de Clochette. Son arrivée apporte ainsi du sang neuf dans la saga, l'artiste s'autorisant de s'éloigner de ce qui a été fait auparavant. Manifestement, pour le pire et le meilleur ! Car, si son parti pris apporte clairement un vent de fraicheur à la série en proposant un point de vue inédit non seulement via les personnages utilisés mais également via le ton du long-métrage, il porte en lui un inconvénient majeur pour les fans de la saga. Clochette et la Créature Légendaire s'éloigne, en effet, trop de la ligne directrice de l'ensemble construit avec les quatre premiers films basés sur une saison et le cinquième se rapprochant de Peter Pan. Pire encore, ce sixième film étant censé être le dernier, il zappe la vraie conclusion liant la saga Clochette au classique de 1953 pourtant amorcée dans le précédent. A la place, le spectateur a droit un film presqu'indépendant par rapport au reste, n'essayant même pas de reprendre les personnages déjà vus dans les précédents opus en dehors des six fées principales (Clochette, Noa, Rosélia, Ondine, Iridessa et Vidia) et de la Reine Clarion.
Steve Loter a visiblement opté pour mettre toute son expérience personnelle dans Clochette et la Créature Légendaire. Il s'est ainsi beaucoup inspiré de sa fille qui adore les animaux et a tendance à faire confiance à toutes les bêtes. Elle affirme, en effet, que plus ils sont gros, plus ils ont de l'amour à revendre ! Ainsi, son papa de réalisateur a choisi de se focaliser sur le personnage de Noa, la fée des animaux qui semblait toute indiquée pour porter l'histoire. Clochette reste donc en retrait même si son rôle de soutien est très utile au récit. Mais Steve Loter n'a pas seulement mis la vision de sa fille pour les animaux, il mène également une réflexion sur l'éducation et la façon de voir les choses entre deux parents : le strict et le cool ; celui qui ne voit que le mal en écoutant principalement sa raison et l'autre qui ne voit que le bien en privilégiant toujours son cœur. Tout se veut donc une question de mesure dans cette leçon de vie que connaissent ici Noa et Nyx. Le tout est enfin passé à la moulinette de l'expérience du réalisateur dans les séries d'action. Jamais avant Clochette et la Créature Légendaire, un danger si grand pour les fées ne s'était autant ressenti : le final est d'ailleurs impressionnant par l'intensité des effets spéciaux mis en scène.
La vraie héroïne de Clochette et la Créature Légendaire est donc Noa. L'histoire permet d'en apprendre plus sur cette fée qui était restée assez en retrait dans
les précédents opus. En fait, parmi les amies de Clochette, seule Vidia dans
Clochette et L'Expédition Féerique et Rosélia dans
Clochette et le Tournoi des
Fées ont eu leur moment de gloire. Noa rentre dès lors dans le cercle très fermé
de celles qui voient approfondie leur définition. Sa nature apparait donc
bienveillante et son cœur déborde d'amour et d'attention pour les animaux. C'est
d'ailleurs cette curiosité et cette soif de venir en aide qui vont lui faire
rencontrer Grognon, cet animal hors norme à l'apparence monstrueuse. Avec
patience et amour, elle va se lier d'amitié avec l'étrange bête dont les
desseins restent très mystérieux. Alors qu'en version originale Noa
change pour la troisième fois de doubleuse en étant assumée ici par Ginnifer
Goodwin, Anna Ramade reprend elle le rôle en français pour la
septième fois, et toujours en faisant des merveilles.
Grognon est une gigantesque créature herbivore aux yeux verts et luisants.
Objet d'une légende millénaire, il apparait comme un mélange de plusieurs
animaux. Ses yeux sont expressifs comme peuvent l'être ceux d'un chien tandis
que sa queue se meut à la façon d'un opossum en lui permettant de s'accrocher aux arbres
pour s'y pendre. Son caractère s'approche de celui d'un chat, ses oreilles sont semblables à
celles d'une vache, et il aligne une dentition à faire pâlir d'envie un
requin. Il a la langue d'une grenouille et une bosse sur le dos pour ranger une paire d'ailes immenses
qui se déploient à la manière d'une chauve-souris. Enfin, ses pattes
sont un mixte entre celles d'un hippopotame et d'un triceratops et sa démarche
ressemble à celle d'un zèbre !
Le dernier personnage inédit
dans l'opus est Nyx, la chef des fées éclaireuses. Elle est
très à cheval sur la sécurité de la Vallée des Fées et accomplit son devoir
sans jamais faillir. Mais sa conscience professionnelle et sa recherche de la sécurité
à tout prix donnent dans l'excès et lui font oublier toute notion d'écoute et de compassion. Les relations
qu'elle entretient avec les autres sont donc forcément conflictuels. En français,
Alizée double le personnage en restituant toute sa mauvaise humeur
et l'antipathie qu'elle dégage. La chanteuse a, en revanche, bien du mal à retranscrire la repentance
du personnage à la fin du long-métrage...
S'il y a bien un atout incontestable à la saga Clochette, c'est clairement sa partition
musicale. Encore une fois, la musique est due au talentueux Joel McNeely qui
livre une nouvelle superbe partition. Il faut d'ailleurs saluer le magnifique
travail de ce compositeur, injustement ici boudé par ses pairs, en raison de la
nature des six films et du moyen-métrage sur lesquels il a travaillé
et qui ont la tare d'être des œuvres
prévues à l'origine pour la vidéo et donc considérées comme forcément mineures. Sa musique est
pourtant vraiment fabuleuse et
chacune des bandes originales de la saga Clochette méritent d'être écoutées à part,
tant elles sont magnifiques, toutes harmonieusement ponctuées d'accents
celtiques. Pour Clochette et la Créature Légendaire, Joel McNeely
crée une
ambiance nouvelle donnant un caractère primitif et tribal à toutes les mélodies
qui concernent Grognon et son environnement.
Le film comprend également trois chansons originales. Je Vole (Float
en anglais), composée par Bleu, est dédiée à Noa en début de film. Le second
titre, intitulé Quelle Joie (Strange Sight en anglais) et signé
par l'auteur-compositeur-interprète Rob Cantor, accompagne lui
la scène dans laquelle Noa découvre Grognon dans les bois non loin de la Vallée
des Fées. Enfin, la troisième chanson, 1 000 Years,
interprétée par KT Tunstall en duo avec Bleu, sert de générique de fin.
Tout en se démarquant sensiblement de l'atmosphère des films précédents, dans son ton et son récit, Clochette et la Créature Légendaire n'en reste pas moins autant charmant et mignon que ses confrères. Considéré comme un épisode de la série, il ne souffre pas vraiment de critiques et s'apprécie notamment par le vent de nouveauté qu'il fait souffler sur la Vallée des Fées. En revanche, envisagé comme ce qu'il est censé être - à savoir, le dernier de la collection - il est franchement contestable dans son incapacité à fournir une conclusion cohérente à la saga Clochette qui, mine de rien, mérite beaucoup mieux que cette non-fin !