Le Livre de la Jungle
La Bande Originale du Film
Éditeur : Walt Disney Records Date de sortie USA : Le 15 avril 2016 Genre : Bande originale |
Musique : John Debney Durée : 74 minutes |
Liste des morceaux
(Dr. John et The Nite Trippers)
02. Trust in Me - 2:55
(Scarlett Johansson)
03. Main Titles - Jungle Run - 2:27
04. Wolves - Law of the Jungle - 2:16
05. Water Truce - 3:40
06. The Rains Return - 1:46
07. Mowgli's Leaving - Elephant Theme - 3:28
08. Shere Khan Attacks - Stampede - 2:06
09. Kaa - Baloo to the Rescue - 5:21
10. Honeycomb Climb - 3:31
11. The Man Village - 2:59
12. Mowgli and the Pit - 3:26
13. Monkeys Kidnap Mowgli - 1:52
14. Arrival at King Louie's Temple - 4:35
15. Cold Lair Chase - 4:03
16. The Red Flower - 3:15
17. To the River - 3:05
18. Shere Khan's War Theme - 2:37
19. Shere Khan and the Fire - 4:52
20. Elephant Waterfall - 3:27
21. Mowgli Wins the Race - 0:41
22. The Jungle Book Closes - 2:16
23. I Wan'na Be Like You (2016) - 3:02
(Christopher Walken)
24. The Bare Necessities - 3:01
(Bill Murray et Kermit Ruffins)
La critique
Le Livre de la Jungle est l’adaptation live du film d’animation éponyme de 1967. Son réalisateur, John Favreau, confie la bande originale à son compositeur préféré, John Debney, avec qui il a déjà travaillé à trois reprises. Favreau souhaite ainsi une musique intemporelle, chargée de références culturelles authentiques afin de compenser le caractère supposé artificiel d’un film essentiellement créé en images numériques.
Le film s’ouvre donc sur le thème des studios Disney, suivi par la flute basse serpentine de l’ouverture du grand classique original écrit par Georges Bruns, avant de se lancer dans une course effrénée qui entraine le grand orchestre et les percussions tribales à la poursuite de Mowgli au cœur de la jungle. En quelques minutes, le ton est donné. Avec cette bande originale, John Debney souhaite à la fois rendre hommage au chef d’œuvre d’animation originel mais aussi apporter la modernité essentielle à un blockbuster contemporain. Pour cela, il réutilise certains thèmes écrits par Bruns ainsi que les mélodies des chansons de Terry Gilkyson (The Bare Necessities), et des frères Sherman (Trust Me et I Wanna Be Like You).
John Debney se décrit lui-même comme un « gosse Disney ». Son père, Louis Debney, a, il est vrai, travaillé pendant plus de 40 ans pour The Walt Disney Company, en commençant comme « clap boy » sur Blanche Neige et les Sept Nains pour finalement devenir producteur de télévision (Zorro, Walt Disney's Wonderful World of Color…). C’est donc tout naturellement que John a grandi au sein des studios, côtoyant, entre autres, les légendaires frères Sherman. C’est également chez Disney que le jeune compositeur a fait ses premières armes, travaillant pour le département musique où il a écrit un certain nombre de compositions pour les parcs.
Aujourd’hui, il est un compositeur reconnu, récompensé par un Oscar pour la bande originale de La Passion du Christ et qui a déjà collaboré avec les studios Disney à maintes reprises (Hocus Pocus - Les Trois Sorcières, Kuzco, l’Empereur Mégalo, Chicken Little, Princesse Malgré Elle, Iron Man 2…).
La partition du (Le) Livre de la Jungle est donc écrite pour cent quatre instruments et un chœur d’une cinquantaine de chanteurs. Afin de renforcer l’authenticité des thèmes, il choisit d’intégrer à l’ensemble, percussions indiennes, flutes de bambou et autres instruments exotiques.
La musique est de la sorte construite autour de trois thèmes principaux. Le premier celui de Mowgli, qui apparait dans Wolves - Law of the Jungle, est une mélodie romantique comparable aux compositions de John Barry ou de Jerry Goldsmith (Mulan) dans les années 90. Elle évoque un sentiment de tendre sérénité qui illustre parfaitement l’équilibre de la relation qu’entretient le garçonnet avec la jungle et ses habitants. Ce thème est très présent dans les premiers titres, alternant entre la douceur des flutes et l’emphase de l’orchestre. Dans Water Truce et The Rains Return, le compositeur y renforce même l’atmosphère exotique par l’élégance des flutes, la luxuriance des carillons et l’audace des percussions.
Le thème des éléphants est, ensuite, fortement lié à celui de Mowgli. Il apparait à la toute fin de Mowgli’s Leaving - Elephants Theme et revient discrètement ponctuer la partition tout au long du film. Pour sa première apparition, John Debney expose un thème grave et solennel qui traduit toute la majesté des puissants pachydermes, considérés dans la mythologie du film comme les gardiens de la jungle. Le thème est magistralement repris dans Elephant Waterfall où, mêlé à celui de Mowgli, les cordes et les chœurs angéliques rivalisent avec les gongs et les cymbales pour atteindre la catharsis finale.
Le thème de Shere Khan sert, quant à lui, de base aux musiques d’action. S’y retrouve le style effréné de Jungle Run auquel s’ajoute la fureur des cuivres. Si l’influence de Jerry Goldsmith n’est jamais loin, Debney emprunte les idées rythmiques de James Newton Howard (Dinosaure, Atlantis, l'Empire Perdu) et de James Horner dans l’opposition des cuivres et des percussions joués à contretemps. Le thème, introduit dans Shere Khan Attacks, trouve alors son apothéose dans Shere Khan’s War Theme : Debney écrit là une séquence d’une grande force, accentuée par la férocité des trombones. Il poursuit la même logique dans Shere Khan and the Fire en y intégrant toutefois le thème de Mowgli en contrepoint de celui de Shere Khan, développant de belle manière la charge émotionnelle du conflit présent à l’écran.
Pour Le Livre de la Jungle, John Debney écrit l’une de ses plus belles bandes originales, misant sur la force évocatrice des instruments pour susciter l’émotion. Il entraine ainsi l’auditeur dans une aventure musicale où alternent habilement les musiques d’actions et les morceaux plus légers comme Honeycomb Climb, évocation du jeu et de l’aventure, et le charme sentimental de The Man Village. Cependant, sa plus grande réussite réside dans l’utilisation des thèmes originels du film d’animation qu’il revisite et inclut à sa partition.
Dans Kaa, Debney cite ainsi celui de Trust in Me dont l’interprétation grave et sinistre renforce le sentiment d’angoisse évoqué par les cordes et les sons de gorge des chœurs. Il est repris une deuxième fois dans The Red Flower, avec plus d’intensité afin de susciter l’urgence. La seconde moitié de Mowgli and the Pit crée elle la surprise lorsque se découvrent les premières notes d’une belle et émouvante interprétation de The Bare Necessities pour cordes et chœur. Le thème est ensuite repris dans Mowgli Wins the Race : le ton est cette fois-ci épique et chargé d’une énergie « feel good » qui ne peut qu’éclairer le visage de celui qui l’écoute. La citation la plus réussie reste enfin celle du thème de I Wanna Be Like You utilisé ici pour présenter le Roi Louis. Citation obscure par les cuivres menaçants lorsque Mowgli avance lentement à travers le temple dans Arrival At King Louie’s Temple, l’air devient chaotique, appuyé de façon massive par le chœur et les cuivres lancinants quand le petit homme tente de s’échapper, poursuivi par l’orang-outan.
L’album est complété par quatre nouvelles versions des trois chansons originales du film de 1967. The Bare Necessities a ainsi droit à deux réinterprétations. La première, livrée par Dr John & The Nite Trippers ouvre l’album. Elle adopte le style jazz typique de la Nouvelle Orléans sans pour autant convaincre.
Les autres reprises sont, elles, performées par les acteurs du film : Scarlett Johansson qui double Kaa offre une version séduisante de Trust In Me, Christopher Walken, qui joue King Louie, reprend I wanna Be Like You, dont les paroles ont été réécrites par Richard Sherman, et enfin, Bill Murray clôt l’album avec la deuxième version de The Bare Necesseties qui gagne ici en authenticité et en énergie.
Entre chansons et musique symphonique, la bande originale du Livre de la Jungle est un album complet. John Debney prouve une fois de plus son habileté à passer d’un genre à l’autre, alternant séquences d’actions et grands thèmes romantiques. Le remploi des thèmes du film originel et le soin apporté aux références ethniques donnent à l’ensemble un petit côté « hors du temps » qui lui permet de se démarquer des productions contemporaines tout en y trouvant sa place. Du bel ouvrage.