Cars - Quatre Roues

La Bande Originale du Film

Après une année 2005 sans aucune sortie au cinéma, les studios Pixar reviennent avec ce qui s’annonce être un nouveau tour de force, en plus de devenir avec le temps un film culte.
Cars - Quatre Roues (2006) réussit le pari audacieux de raconter une histoire dans un univers peuplé uniquement de voitures et autres véhicules motorisés. Le long-métrage emprunte alors essentiellement à la culture américaine des automobiles, et se dote pour cela d’une bande originale tout à fait liée aux différents lieux et situations présentés dans le film.

Cars - Quatre Roues (2006)

Absent depuis son travail sur Monstres & Cie (2002), le compositeur Randy Newman est de nouveau sollicité par les studios Pixar pour écrire les musiques de Cars - Quatre Roues. Ce dernier souhaitait effectivement travailler sur d'autres projets après le film se déroulant à Monstropolis et marquer une pause avec les films d'animation, considérant ces derniers comme un défi plus complexe que pour un film avec des acteurs réels. Cependant, Randy Newman n’a eu jusqu’à présent que des bonnes expériences avec Pixar, et lorsque John Lasseter le contacte pour lui présenter sa nouvelle réalisation incluant des voitures dans une histoire à la dimension humaine, le musicien tombe directement sous le charme. Randy Newman y voit là la possibilité d’expérimenter en mélangeant la musique bluegrass à une musique plus classique et orchestrale.
Autre détail ayant compté dans la prise de décision du compositeur, le fait que les personnages soient globalement des voitures, permettant de lui faciliter le travail car, dans sa façon d’écrire la musique, il a alors moins de notes à écrire pour accompagner les pas des personnages.

Randy Newman a également écrit les musiques de Toy Story (1995), James et la Pêche Géante (1996), 1001 Pattes (a bug’s life) (1998), Toy Story 2 (1999), Monstres & Cie, La Princesse et la Grenouille (2009), Toy Story 3 (2010), Cars 3 (2017) et Toy Story 4 (2019). Il a par ailleurs donné sa voix au cousin Randy dans La Princesse et la Grenouille.

Randy Newman

Randy Newman débute son travail sur Cars - Quatre Roues en effectuant des recherches sur les différents styles de musique ayant marqué l’Ouest américain. Il y trouve un jazz qu’il juge « très primitif et intéressant » du côté de Bob Wills (célèbre musicien de Western Swing) et Milton Brown. Ce sont les précurseurs des orchestres de swing de l’Ouest, incluant alors une guitare électrique.
Le compositeur approfondit également son écoute de The Foggy Mountain Boys, un groupe de bluegrass américain des années 1940. Le bluegrass est le style correspondant le plus à Radiator Springs, là où se déroule le coeur de l’aventure, car la population de la ville abandonnée est totalement empreinte de la culture texane et de l’Ouest américain. C’est une musique proche du caractère campagnard des personnages qui y vivent.
Il ne délaisse pas pour autant le répertoire plus classique qui l’inspire tant, citant Aaron Copland, Richard Strauss, Witold Lutoslawki et Richard Wagner, considérant que ce dernier est le plus doué pour assimiler un instrument de musique à un personnage ou une situation.

Randy Newman opte pour une musique puissante, rapide et imposante pour les scènes se déroulant lors des courses, là où la musique se fait plus calme et acoustique à Radiator Springs. Il illustre ainsi un véritable choc des cultures.

Pour les scènes sur les pistes de stock-car, le compositeur met en valeur les cuivres et la guitare électrique. Cela est parfaitement perceptible sur le morceau Opening Race.
Afin que la musique soit entendue malgré le bruit des moteurs, Randy se concentre sur l’énergie et la puissance des timbres plutôt que sur les tessitures que procurent l’ensemble musical. La forte présence des cuivres est donc davantage due à une nécessité pratique qu’à un effet de style particulier.

L'utilisation de la guitare électrique se justifie également par le fait que les courses de stock-car aux États-Unis sont souvent retransmises sur fond de musique hard-rock. Le groupe jouant la musique rock est d'ailleurs enregistré avant l’orchestre, et est ajouté en post-production. La volonté d’ajouter la guitare électrique à l’orchestre s’inspire également du moody blues.

Globalement, le piano est peu présent car il évoque l’intérieur à Randy Newman, alors que l’action du film se déroule principalement en extérieur. Il apporte cependant une touche apaisante à la fin du morceau Goodbye.

Pour les thèmes musicaux, Randy Newman s’inspire primordialement des situations dans lesquelles les personnages se trouvent, et ne va pas énormément composer selon le caractère ou la personnalité de chacun. L’aspect automobile est donc peu présent dans la musique car Randy souhaite mettre en avant le côté humain de l’histoire, illustrant les relations et situations que les personnages provoquent. Le déroulement d’une scène détermine ainsi la couleur musicale à adopter. Lorsque Flash et Martin se retrouvent poursuivis par Frank, le banjo est de sortie, évoquant le côté agricole, et la musique se fait amusante et dynamique pour illustrer la scène (Tractor Tipping).

Cependant, certains personnages ont une personnalité tellement forte que Randy souhaite leur attribuer un thème particulier. C’est notamment le cas de Luigi et Guido, Martin, et Sally, qui a son thème dès sa première apparition, et à qui le compositeur attribue la musique McQueen & Sally.

Randy Newman a également eu un apport essentiel pour la scène où Sally raconte le passé de Radiator Springs à Flash. John Lasseter lui a expliqué en quoi consistait la scène, et à partir de ça, Randy a écrit la chanson Our Town, chantée par James Taylor. Le réalisateur a tellement apprécié la chanson à la mélodie très nostalgique qu’il a demandé à son équipe de modifier les storyboards. À l’origine, la scène devait en effet être une succession d’images montrant Radiator Springs avant et après l’apparition de l’autoroute. Mais le texte écrit par Randy Newman a influencé des modifications, notamment l’importance de montrer que les personnages ne savaient pas quelles répercussions allait avoir l’autoroute sur leur petite ville.

Beaucoup d’artistes issus de la country participent également à la bande originale de Cars - Quatre Roues. L’équipe du film choisit soigneusement les chansons ainsi que leur place dans l’intrigue afin qu’elles n’interfèrent pas avec l’action ou ne la ralentissent pas. De façon générale, John Lasseter voulait « de la bonne musique, du genre qu’on écoute en roulant ».

Parmi ces artistes de la musique country, la chanteuse Sheryl Crow, célèbre pour son tube If It Makes You Happy, écrit la chanson Real Gone pour l’ouverture du film, à la demande de John Lasseter qui voulait du « bon vieux rock de routard ».

Le groupe Rascal Flatts est quant à lui sollicité par John Lasseter, à la demande de sa femme qui en est une grande fan, pour reprendre la chanson Life is a Highway, à l’origine interprétée par Tom Cochrane dans les années 1990. La reprise aura par la suite un succès fulgurant, atteignant la 7^e place du Billboard Hot 100, et remportant le prix « Favorite Song From a Movie » à la 33^e cérémonie des People’s Choice Awards.

La bande originale de Cars - Quatre Roues, avec le choix de ses chansons et ses musiques instrumentales, est exactement ce qui pouvait correspondre le mieux à l’esprit de l’histoire du film. Les chansons, avec chacune leur style propre, sont la représentation de cette culture de la route américaine. Un des meilleurs exemples est le choix de Sh-Boom de The Chords, une chanson doo-wop de 1954. Le titre est entendu lorsque Flash redonne vie à Radiator Springs le temps d’une nuit, notamment grâce à tous les éclairages vintages. La chanson fait alors un parallèle avec la scène en question en ramenant le spectateur dans une époque antérieure pas si lointaine.
Une chanson comme Behind the Clouds de Brad Paisley reflète complètement le caractère tranquille des habitants de Radiator Springs. Et impossible de ne pas savoir sur quel continent a lieu l’action du film ; la majeure partie des chansons sélectionnées ont la couleur de l’Ouest américain.

Les musiques composées par le brillantissime Randy Newman ne sont pas en reste. Le morceau Opening Race présente différentes facettes, avec les cuivres, victorieux et grandioses, et la guitare électrique, claquante et dynamique. Les instruments à cordes, quant à eux, ne ralentissent pas le tempo et illustrent la tension présente sur le circuit de course. Le morceau fait partie intégrante du medley dédié à Pixar joué lors de la tournée Disney 100 : Le Concert Événement.

Randy Newman parvient avec justesse à retranscrire l’ambiance d’une scène, à l'exemple du morceau Bessie, très plan-plan, reflétant par ailleurs la personnalité de la machine à goudronner. Cette ambiance est par essence en totale contradiction avec le personnage de Flash McQueen, rapide et énergique, qui se retrouve prisonnier de cette situation.

Autre temps fort, le titre McQueen & Sally, accompagnant la balade des deux voitures. Très agréable et soigneusement adaptée à chaque situation de la scène en question, la musique s’écoute indépendamment du film avec un plaisir non négligeable, et demeure l’un des thèmes les plus mémorables du long-métrage.

Le trio final Pre-Race Pageantry, The Piston Cup, et The Big Race, fait ressortir les cuivres pour l’ambiance de la course finale, tout en alternant avec les moments plus calmes rappelant la mélancolie du protagoniste pour la ville qui l’a accueilli. Là encore, un thème entêtant revient à plusieurs reprises et correspond tout à fait à l’ambiance de la scène.

Parallèlement à sa qualité, la bande originale de Cars - Quatre Roues est un grand succès. Elle devient la première bande originale d’un Pixar à posséder la certification Gold aux États-Unis, et se voit nommée pour le prix de la « Meilleure Bande Originale » lors de la 49^e cérémonie des Grammy Awards. La chanson Our Town est également nommée à la 79^e cérémonie des Oscars dans la catégorie « Meilleure Chanson Originale ».

Véritable invitation à un road-trip dans l’Ouest américain, la musique de Cars - Quatre Roues est l’accompagnement parfait du film en restant dans la tonalité de l’intrigue et des lieux dans lesquels elle se déroule.