Marvel Comics 1000
La couverture
Éditeur :
Panini Comics
Date de publication France :
Le 02 mai 2020
Collection :
Marvel Events
Auteur(s) :
Multiples
Nombre de pages :
168

Le sommaire

• Marvel Comics #1000 (2019)
• Marvel Comics #1001 (2019)

La critique

rédigée par
Publiée le 06 mars 2020

Marvel Comics 1000 est un comics publié par Panini Comics dans la collection 100% Marvel. Il contient Marvel Comics 1000 et Marvel Comics 1001, publiés en 2019 dans la version originale américaine.

80 ans de comics. Voilà ce qu’il faudrait résumer en guise d’introduction pour appréhender convenablement ce comics. Car plus qu’un numéro anniversaire, Marvel Comics 1000 est avant tout une déclaration d’amour des plus grands artistes à la Maison des Idées et à son passé.
Martin Goodman fonde en effet Timely Publication en 1939 afin de répondre au succès de Superman publié chez Detective Comics Inc. Les années passent alors avec des hauts et des bas pour la maison d’édition. Tandis que la Seconde Guerre mondiale prend fin, il est en fait difficile pour le genre de se renouveler et quand il y arrive (se tournant tantôt vers la romance, tantôt vers l’horreur), les comics subissent une crise sans précédent avec la publication de Seduction of Innocent par Fredric Wertham, un livre qui tente de démontrer les effets pervers qu’ont ce type de publications sur la jeunesse américaine. Cette levée de boucliers mène ensuite à la création de la Comic Code Authority, une instance régulant et censurant le genre. Mais les années 60 vont marquer le total renouveau des comics avec l'avènement de l’ère moderne Marvel et les multiples créations menées par Stan Lee, Jack Kirby ou encore Steve Ditko. Un nouvel univers qui voit apparaître Les Quatre Fantastiques, Spider-Man, Les Avengers, les X-Men et bien d’autres encore, mais sans oublier les anciennes gloires de l’éditeur avec notamment le retour de Captain America, la Torche Humaine originelle et même Namor, des personnages apparus dans les premières années de publication et des héros dont les lecteurs suivent d’ailleurs toujours les aventures chaque mois depuis.

2019 marque donc les 80 ans de Timely Publication, changeant de nom pour devenir Marvel Comics en 1961, et il était évidemment hors de question pour C. B. Cebulski, le rédacteur en chef de l’éditeur, de ne pas fêter dignement le passage d’une nouvelle décennie au compteur.
DC Comics a, en effet, eu son Action Comics #1000 et son Detective Comics #1000 récemment, des numéros historiques de par leur signification, attestant de la longévité des comics. La Maison des Idées va donc publier elle aussi son numéro logoté « 1000 », un chiffre toutefois gonflé artificiellement et très nébuleux. Comme un premier faux pas dans cette célébration !
Quand le teasing précédant sa publication a débuté, seules des équipes créatives ont été annoncées, et certaines parmi les plus prestigieuses ayant oeuvré sur les personnages Marvel. Jeph Loeb et Tim Sale (Spider-Man : Bleu), Alex Ross (Marvels), Priest et Stelfreeze (Black Panther), Rob Liefeld (Deadpool), Hickman et Weaver (Infinity), Heinberg et Cheung (Young Avengers) sont de la partie auxquels viennent encore se greffer des artistes historiques et iconiques dont Straczinsky, Gaiman, Roy Thomas, etc. Toutefois, aucune information sur le contenu du livre en lui-même ni sur la manière dont autant d’artistes allaient pouvoir collaborer sur un seul numéro n'est alors communiquée. Mais Marvel va vendre la mèche rapidement. Marvel Comics #1000 sera donc un numéro anthologique de 80 pages (une page par année de publication) supervisé par Al Ewing. Chaque page se voit confiée à une équipe créative différente rendant hommage à l’histoire de la société avec, en toile de fond, la révélation d’un artefact puissant présent depuis toujours dans l’univers Marvel. Un pari fort et audacieux : construire un cadavre exquis à travers 80 pages et avec plus de 100 artistes différents ! 

Malheureusement, ce comics (difficile de le qualifier de récit à proprement parler au vu de sa construction) ne va jamais réellement trouver sa place, ni son utilité.
Al Ewing est alors l’un des rares artistes à avoir travaillé sur plusieurs segments du livre afin de dévoiler l’histoire du Masque d’Éternité, un artefact présent dès le premier numéro publié par Marvel en 1939 et étudié par un mystérieux groupe scientifique, les mêmes qui viennent par ailleurs examiner la Torche Humaine créée par Phinéas Norton dans ce même Marvel Comics #1. Les autres équipes artistiques, elles, n’en parlent pas et se concentrent sur la volonté de rendre hommage. Oscillant entre le très bon et le passable (J. Scott Campbell ne semble capable de dessiner que Mary Jane, et dans les mêmes positions, se rendant donc hommage à lui-même !), le numéro fait appel à des artistes rares sachant parfaitement jouer avec l’ensemble des émotions, le tout avec un côté très méta.
Mais Marvel tombe dans son propre piège et semble réticent à faire pleinement face à son héritage. Longtemps réputée comme la major la plus progressiste des Big Two (nom évoquant Marvel et DC Comics, les deux leaders du marché), la Maison des Idées n’a en effet jamais hésité à être un phare pour l’équité sociale : Peter Parker va dans une école mixte (comprendre : fréquentée par des étudiants Noirs), Marvel se passe de l’approbation du Comics Code pour parler des méfaits de la drogue sur les jeunes ou encore présente le mariage gay en plein Central Park avec celui de Northstar et de Kyle Jinadu, à une période où l'institution n’était pas encore légale dans l’État de New York. Pourtant quand Mark Waid, scénariste vedette depuis de nombreuses années, propose un texte fort à la fois très politique et pessimiste, remettant en cause le Rêve Américain, que cela soit dans ses fondements mêmes mais aussi dans sa politique actuelle (en établissant clairement une remise en question de celle menée par Donald Trump), Marvel va user de censure pour édulcorer le texte écrit par l’artiste :

« Le système n'est pas juste. Nous avons traité certains des nôtres d'une façon abominable. Pire encore, nous avons perpétué le mythe qui veut que n'importe quel Américain est capable d'accomplir ce qu'il veut, de devenir ce qu'il veut, avec un peu de travail et beaucoup de volonté. Mais ce n'est pas toujours vrai. Ce pays n'est plus celui des opportunités aujourd'hui. Cet idéal de l'Amérique n'a pas toujours été partagé équitablement. Alors que sans lui, nous ne sommes plus rien.
Les rouages de l'Amérique sont très imparfaits, mais ils sont notre seul moyen de remédier aux inégalités, à une échelle qui voudrait encore dire quelque chose. Oui, ça représente beaucoup de travail, oui, ce sera fatiguant. Mais l'histoire nous a prouvé que nous pouvons, brique par brique, corriger le système quand suffisamment de gens sont en colère. Quand suffisamment de gens descendent dans les rues et forcent le pouvoir à les écouter. Quand suffisamment d'entre nous descendent dans la rue et réclament que l'injustice prenne fin. »

Dans sa version finale publiée dans Marvel Comics 1000, le texte de Mark Waid garde un sous-texte toujours très politique, mais perd toutefois de sa puissance et de sa force de remise en question. Oubliant le Rêve Américain, il appuie sur le pouvoir et les responsabilités de Captain America face aux valeurs que représente son costume, dans une tirade digne de la célèbre maxime de Ben Parker. Finissant même sur une note optimiste, Captain America sait que ce qu’il symbolise : « s’engager à lutter pour faire triompher la justice, pour la tolérance et l’égalité, et pour les droits de tous dans cette nation », est toujours d'actualité et son flambeau sera repris bien après sa disparition. 

La deuxième partie du comics se voit consacrée à Marvel Comics #1001, publié dans la lignée du numéro précédent et sur le même principe. Malheureusement (ou heureusement…), le numéro est beaucoup plus court. Le sentiment de lire un ensemble fourre-tout y est vraiment prédominant, le système d’année ayant disparu et le tout ne suivant quasiment aucune ligne directrice : seul Al Ewing revient pour la première et la dernière page. Même les artistes y sont moins prestigieux, avec l’impression que ce numéro n’existe que pour incorporer dans l’anniversaire les rares absents du #1000.
Chacun des deux numéros possède d'ailleurs un rappel de chaque artiste présent sur le numéro, qu’il soit scénariste, dessinateur, encreur ou coloriste. Enfin, la dernière page livre un hommage aux disparus avec en tête Stan Lee, Jack Kirby et Steve Ditko, les pères fondateurs de l’univers Marvel moderne.

L’essai n’est pas transformé pour Marvel qui loupe quasiment l’apogée de son anniversaire. Ce qui devait être un numéro à la hauteur de l’événement se trouve bien décevant sur le fond comme sur la forme. Malgré des pages très fortes, que cela soit dans le texte ou le dessin (voire les deux en même temps), l’ensemble manque en effet cruellement de synergie et l’histoire du Masque d’Éternité reste trop floue, même s'il ne fait nul doute qu’elle sera reprise dans le futur. 
Au final, Marvel Comics #1000 va devenir un classique de bibliothèque des lecteurs Marvel. Pas le livre qu’il relit de façon régulière par plaisir, mais plutôt un comics dont la seule présence est obligatoire pour certains afin de valider leur statut de fan. Point positif : la pléthore d’artistes présents rend la chasse aux dédicaces plus complexe et plus fun !

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