L'article
Marvel est aujourd'hui une société connue et reconnue, aussi bien pour la publication de ses nombreux comics que leurs adaptations cinématographiques ou télévisuelles. Pourtant, avant d'être respectée et rentable, elle a connu bien des péripéties. Elle n'est d'ailleurs pas née sous le nom de Marvel mais a pour origine Timely Comics !
Le Logo de Timely Comics
Tout débute ainsi, vers la fin des années 30, grâce à l'action de Martin Goodman. Il est alors un simple éditeur de « pulps » qui ne rencontre pas grand succès. Voulant innover en matière de publications, il décide bien vite de s'associer à d'autres personnes qu'il juge suffisamment talentueuses pour le mener sur le chemin de la réussite. Il rencontre ainsi les membres de la société Funnies Incorporated, composée d'auteurs (dont John Compton), d'artistes (tels Carl Burgos et Bill Everett), mais aussi de financiers, vendeurs, et autres éditeurs. L'association de toutes ces personnes poursuit le rêve doux-dingue de créer un genre nouveau de magazines. Superman ayant ouvert la voie peu de temps avant sous l'impulsion de Jerry Siegel et Joe Shuster, Funnies Incorporated se tourne presque naturellement vers le genre super-héroïque.
Action Comics # 1, où la première apparition de Superman
Martin Goodman demande ainsi à sa nouvelle équipe créative d'imaginer des supers-héros totalement inédits. La Torche Humaine (par Carl Burgos), Ange (par Paul Gustavson) et Namor (par Bill Everet) sont les premiers à naitre de cette exigence. Les personnages de ses « pulps » sont aussi publiés dans des aventures distinctes. Vient ensuite l'étape de la publication : elle est opérée dans un premier mensuel, sous le nom de « Marvel Comics » (une autre référence aux « pulps » de Martin Goodman). Funnies Incorporated édite de la sorte son tout premier comics avec La Torche (Human Torch) et Namor (Sub-Mariner). Les deux super-héros enchainent ensuite les aventures. Ce sont, à l'époque, deux personnages quelque peu différents de leur définition contemporaine : si Namor est déjà le Prince des Mers, la Torche, elle, n'est pas humaine mais est, en réalité, un robot amélioré, doté d'une conscience, sans rapport aucun avec les Quatre Fantastiques.
Marvel Comics #1
Les ventes de ce premier numéro de « Marvel Comics » se révèlent satisfaisantes au point de convaincre Martin Goodman d'avoir trouvé le bon filon ! Il embauche tout de go d'autres artistes et scénaristes (Joe Simon, Jack Kirby…) et lance d'autres séries, en parallèle de « Marvel Comics » renommé dès son deuxième numéro en « Marvel Mystery Comics ». Parmi les nouveaux titres créés, « Daring Mystery Comics » et « Mystic Comics » rencontrent directement des difficultés. Leurs ventes sont handicapées par l'utilisation systématique de nouveaux personnages tous les mois, laissant au placard les précédentes créations et tuant de fait tout reflexe de fidélisation ! Cette pratique étonnante plombe les deux mensuels qui ne renouvellent pas le succès des « Marvel Mystery Comics ».
La déception est telle qu'elle finit par faire douter Martin Goodman de publier des comics. Après l'arrêt soudain d'une autre de ses publications, « Red Raven Comics » (qui ne connaitra qu'un seul numéro !), toute la production est sur la sellette. Pourtant, dans le marasme ambiant, deux personnes, Bill Everett et Carl Burgos, ont une idée de génie. Ils testent, en effet, une pratique qui allait tout bonnement révolutionner la nature même du comics : le cross-over !
Le seul numéro de Red Raven Comics
Ils ne font pas moins que se rencontrer les deux personnages clés, La Torche et Namor, dans une même histoire, au sein d'un même univers. L'aventure met en scène les deux super-héros dans un affrontement spectaculaire opposant bien-sûr leurs deux éléments respectifs (l'eau et le feu) se terminant, évidemment, par un match nul. Si cette idée est courante aujourd'hui ; à l'époque elle est totalement inédite et permet à « Marvel Mystery Comics » de réaliser des records de ventes !
Sucés aidant et équipe
structurée, Martin Goodman décide de
reprendre son indépendance. Il organise ainsi sa séparation d'avec Funnies
Incorporated, après avoir pris soin d'obtenir les droits des personnages et
de garder à ses côtés (augmentations salariales aidantes) les artistes et
auteurs de la société ; Timely Publications nait là !
Désormais totalement libre de
ses actes et décisions, Martin Goodman choisit de faire accéder un de ses
personnages à son propre magazine. Human Torch inaugure alors la solution et se
voit désormais auréolé d'une collection éponyme « Human Torch
Comics ».
Les
ventes de Timely Publications en
1940 ne décollent pourtant toujours pas vraiment. Si elles restent correctes,
elles sont nettement inférieures à celles d'autres éditeurs, comme Quality
Comics où DC Comics. Martin
Goodman prend conscience de cette faiblesse relative qu'il attribue au manque
de héros de son label. Pour y remédier, il demande à Joe Simon (qui prend une
place de plus en plus importante à ses côtés, étant également éditeur) de créer un nouveau personnage devant être
emblématique et charismatique. Ce
dernier accepte et s'associe même pour l'occasion à Jack Kirby.
En cette période de guerre, tout
deux ressentent le besoin du public de s'identifier à un héros patriotique.
Captain America nait donc de cette impression ! Enthousiaste, Martin
Goodman valide l'idée et offre même au personnage son magazine
dédié, « Captain America Comics », sans éprouver le
besoin de tester son accueil par le public dans d'autres revues. Le pari s'avère
payant. Le succès est immédiat et colossal : Martin Goodman peut enfin se targuer d'avoir trouvé
un véritable filon d'or !
Souhaitant amplifier ses
résultats, il accorde aussi à Namor son propre magazine qui accueille également
dans ses pages un autre super héros, Ange (Angel en VO).
Le deuxième numéro de Captain America arrive quant à lui vite dans les bacs. Le personnage n'est pas encore totalement figé dans ses particularités. Il détient ainsi désormais un bouclier différent. D'abord triangulaire, il devient rond, de peur d'avoir un procès pour plagiat (un héros d'un éditeur concurrent a, en effet, un triangle, symbole identique, sur la poitrine). Cette péripétie fait malicieusement l'objet d'un clin d'œil dans le film Captain America – First Avengers ! ). Et Jack Kirby, dessinateur du personnage n'est pas mécontent de ce changement. Le bouclier rond est, il est vrai, bien plus simple à dessiner...
Fort de ces succès, Martin Goddman engage alors plus de monde et demande notamment à son neveu Stanley Lieber de rejoindre l'équipe. Ce jeune homme prend plus tard le nom de plume de Stan Lee...
A suivre...
A noter :
Les comics des années 40 ne sont pas, il faut le reconnaitre, de grande qualité. Seuls leurs côtés historiques leur donnent de la valeur ; les dessins et scénarios étant tout de même assez simplistes malgré quelques exceptions. Toutefois, pour découvrir les personnages, l'excellent ouvrage d'Ed Brubaker et de Steve Epting, qui se nomme Le Projet Marvels : La Naissance des Super-Héros est aujourd'hui le meilleur outil disponible. Ce livre, paru chez Panini Comics dans la collection 100% Marvel en 2010, a pour avantage de réunir les héros de cette époque (principalement La Torche, Namor, Ange, et Captain America), en respectant leurs origines et leurs relations, tout en proposant un scénario captivant et des dessins magnifiques.