How I Met Your Mother

Saison 1

Quand il s'agit de causer sitcoms américaines mettant en scène un groupe d'amis, deux teams ont tendance à se former. D'un côté, celles et ceux qui ne jurent que par F.R.I.E.N.D.S., souvent considérée comme le modèle du genre, et dont le succès ne se dément pas, près de trente ans après sa première diffusion en 1994. Et puis de l'autre, il y a les afficionados de How I Met Your Mother. Une série qui fait débat, considérée par certains comme une pâle copie ratée de F.R.I.E.N.D.S., par d'autres comme la digne héritière de sa grande sœur, voire comme une version upgradée et plus réussie que son aînée. Si les deux camps semblent irréconciliables, certains arrivent toutefois à prendre chacune de ces séries indépendamment l'une de l'autre et à souligner les nombreuses qualités de chacune.

Mais pour bien commencer, il faut d'abord revenir aux origines. C'est quoi How I Met Your Mother ? Une sitcom donc, qui place les spectateurs dans la peau des enfants du personnage principal : Ted Mosby. En l'an 2030, ce dernier entreprend de raconter à sa progéniture comment il a fait la connaissance de leur mère, d'où le titre de la série qui n'aura pas échappé aux bilingues (littéralement, "Comment j'ai rencontré votre mère ?"). Chaque épisode est ainsi une sorte de flash-back géant, dans lequel Ted raconte avec moult détails les péripéties de sa jeunesse aux côtés de son groupe d'amis composé de Marshall Eriksen, Lily Aldrin, Barney Stinson et Robin Scherbatsky. La série s'étale sur neuf saisons, comprenant chacune entre vingt et vingt-quatre épisodes d'une durée de vingt-deux minutes environ. Et pour cette première saison, les souvenirs de Ted Mosby ramènent le public en 2005, année de la première diffusion de la série.

Une année pas si anodine qu'il n'y paraît puisqu'un an plus tôt, une sitcom culte du studio concurrent Warner faisait ses adieux au petit écran après dix saisons de bons et loyaux services : F.R.I.E.ND.S.. Autrement dit, le champ est désormais libre pour qu'une nouvelle série similaire puisse s'épanouir chez 20th Century Fox Television, quitte à draguer les spectateurs de sa prédécesseure. C'est dans ce contexte que les scénaristes Carter Bays et Craig Thomas ont l'idée de créer leur série, inspirée de leurs propres souvenirs de jeunesse et de leurs années d'insouciance à New York. Le premier transpose ainsi sa vie à l'écran via le personnage de Ted, alors que le second inspire le personnage de Marshall. Quant à l'épouse de Craig Thomas, elle est bien malgré elle à l'origine du personnage de Lily, en couple avec Marshall dans la série. Les créateurs insufflent également certains de leurs traits de caractère ou de leurs centres d'intérêts aux différents héros de la sitcom, comme les talents de magicien de Barney par exemple. Enfin, le fameux MacLaren's Pub, dans lequel les cinq personnages ont l'habitude de se retrouver autour d'une chope de bière, est un melting-pot de différents bars fréquentés par les réalisateurs pendant leur jeunesse.

Ces cinq personnages, justement, parviennent à se rendre attachants (certains plus que d'autres) dès les premiers épisodes de cette première saison. Une première saison dont le personnage principal est incontestablement son narrateur, Ted Mosby. Ce jeune architecte de 27 ans vit en colocation dans un bel appartement new-yorkais avec son meilleur ami, Marshall Ericksen, rencontré à l'université. Frustré par ses échecs amoureux alors que son meilleur ami s'apprête lui à demander en mariage sa petite amie, il est persuadé d'avoir rencontré le grand amour en la personne de Robin Scherbatsky, qu'il tente maladroitement de séduire au cours de cette saison. Si la maladresse et la gentillesse de Ted le rendent attachant dans ces premiers épisodes, il est toutefois l'un des personnages qui divise le plus les fans au fil de la série, certains finissant par le trouver insupportable, à force de se lamenter très fréquemment. Il n'en demeure pas moins un ressort comique de poids, tant par certaines de ses répliques que par ses tentatives désespérées de trouver la femme de sa vie et les stratégies qu'il emploie pour cela. Il est incarné par Josh Radnor, acteur américain alors quasi-inconnu du grand public, n'ayant signé que de petites apparitions dans des séries comme New York, Police Judiciaire, Urgences ou encore Six Feet Under. How I Met Your Mother marque ainsi sa première distribution sur un personnage principal de série. Par la suite, sa carrière restera relativement discrète, faisant surtout des apparitions dans d'autres séries. Il convient toutefois de mentionner son rôle dans la série Hunters, au côté d'Al Pacino, en 2020 pour Amazon Prime Video.

Son meilleur ami, Marshall Ericksen, est quant à lui interprété par le comédien Jason Segel. Révélé en 1999 par la série Freaks and Geeks, et après quelques apparitions dans des programmes tels qu'Alias ou Les Experts, il se fait véritablement un nom grâce à How I Met Your Mother. Il accède ainsi à des rôles plus importants au cinéma, dans En Cloque, Mode d'Emploi (2007), Sans Sarah, Rien Ne Va ! (2008), Bad Teacher (2011) ou encore Les Muppets, le Retour (2011). Il insuffle une grande tendresse et une certaine forme de candeur au personnage de Marshall, sorte de grand enfant profondément gentil et sincère. Sans doute l'un des personnages de la série qui a le plus la tête sur les épaules, et qui bénéfice du plus grand capital-sympathie.

Sa compagne Lily Aldrin est campée par Alyson Hannigan, le nom le plus populaire au casting d'How I Met Your Mother lorsque la série débarque sur les écrans. Et pour cause, ses rôles dans la saga American Pie (débutée en 1999) et dans les séries Buffy Contre les Vampires et Angel, jusqu'en 2003, lui ont permis de se faire connaître du grand public. Au fil des années, l'actrice poursuit d'ailleurs une belle collaboration avec Disney, apparaissant physiquement dans Kim Possible (2019) ou Flora & Ulysse (2022), et vocalement dans un épisode de la série culte Les Simpson (Saison 22, épisode 11) ou dans les séries Disney Junior Princesse Sofia et Fancy Nancy Clancy. Une fois encore, son personnage se révèle particulièrement appréciable, grâce à un grain de folie bienvenu et qui apporte une note de fraîcheur à la série, bien qu'elle tende au fil des saisons à se montrer quelque peu agaçante par moments.

Mais le personnage qui remporte tous les suffrages et ne tarde pas à éclipser ses partenaires, tant par son charisme que par sa personnalité, est assurément Barney Stinson. Interprété avec brio par Neil Patrick Harris (Docteur Doogie, Starship Troopers, Les Muppets, le Retour...), il parvient sans difficulté à voler la vedette à Ted Mosby, devenant incontestablement le personnage le plus marquant de la série. Dragueur invétéré et plus que lourd, totalement politiquement incorrect, il est bien souvent à l'origine des situations ou répliques les plus drôles. Tel Kuzco dans Kuzco, l'Empereur Mégalo, le public l'aime pour ses défauts, qu'il lui pardonne bien volontiers. Revers de la médaille, il est toutefois le personnage dont l'évolution au fil de la série a le plus dérouté les fans.

Dernier visage de ce groupe d'amis, Robin Scherbatsky, qui intègre la bande lors du premier épisode la Saison 1. Originaire du Canada, elle débarque à New York dans l'espoir d'y faire une belle carrière en journalisme. Mais pour cela, elle doit d'abord faire ses preuves sur des reportages peu emballants pour la chaîne d'informations qui l'emploie. C'est en rencontrant Ted par hasard dans un bar qu'elle finit par sympathiser avec les autres personnages et rejoindre le groupe. Elle fait surtout tourner la tête de Ted, qui s'auto-persuade dès lors qu'elle est la femme de sa vie. C'est l'actrice canadienne Cobie Smulders qui l'incarne, bien avant de devenir la fameuse Maria Hill dans les films du Marvel Cinematic Universe.

Alors oui, nier une certaine filiation entre How I Met Your Mother et F.R.I.E.N.D.S. relèverait incontestablement de la mauvaise foi. Les points communs entre les deux sitcoms sont en effet plutôt nombreux. Toutes deux se déroulent à New York. Toutes deux mettent en scène un groupe d'amis âgés entre la vingtaine et la trentaine d'années. Un groupe d'amis qui, dans les deux cas, fréquente assidûment un bar non loin de chez eux : le Central Perk dans F.R.I.E.N.D.S., le pub MacLaren's dans How I Met Your Mother. Même les personnages partagent quelques similitudes. Comment ne pas retrouver un peu de Ross Geller chez Ted Mosby, persuadé qu'il trouvera le grand amour en la personne de Robin mais malheureusement peu adroit avec la gent féminine. Et Robin d'ailleurs, partage avec Rachel Green son intégration dans le groupe d'amis au cours du premier épisode. Lily, quant à elle, peut parfois faire penser à la légendaire Phoebe Buffay, en apparaissant comme l'originale du groupe, légèrement surexcitée par moments. Quant à Barney Stinson, en plus de partager avec Chandler Bing un certain flou artistique autour de son métier exact, il emprunte à Joey Tribbiani son côté coureur de jupons, toujours prompt à dégainer ses atouts charme pour séduire une demoiselle à laquelle il ne s'attachera guère plus d'une nuit.

Pour autant, il serait injuste et totalement faux de reprocher à How I Met Your Mother d'être une redite de son aînée. Tout d'abord car cette série s'ancre résolument dans la modernité (du moins pour l'époque). Là où F.R.I.E.N.D.S. a davantage vieilli du fait de son ancrage dans les années 1990, sans ordinateurs, réseaux sociaux ou téléphones portables, How I Met Your Mother intègre fort logiquement ces innovations dans son récit, comme dans l'épisode L'Élue, dans lequel Ted s'inscrit dans une agence de rencontre dotée d'un logiciel ultra-sophistiqué censé lui permettre de trouver son âme sœur. En outre, la série franchit un cran dans l'absurde et l'improbable entre les techniques de drague capillotractées de Barney, ses stratégies incongrues pour tenter d'entrer dans un bal d'étudiants dans l'épisode C'Est mon Dernier Bal, ou encore la soirée du Nouvel An en limousine en compagnie d'un sosie de Moby dans l'épisode Bonne Année. How I Met Your Mother s'inscrit enfin bien plus volontiers dans l'émotion que sa prédécesseure, certains épisodes de la série ne cherchant ainsi pas particulièrement à faire rire.

Mais s'il y a un point sur lequel How I Met Your Mother fait très fort et surpasse son aînée, c'est incontestablement sur sa narration. Car malgré tout l'amour qui puisse être porté à F.R.I.E.N.D.S., force est de constater qu'il s'agit d'une sitcom tout à fait classique et peu poussée scénaristiquement parlant. Elle porte à l'écran le quotidien d'un groupe d'amis, raconté de façon chronologique (à quelques flash-back près), sur des intrigues s'étalant généralement sur la durée d'un épisode, deux tout au plus. Rien à voir avec How I Met Your Mother qui constitue en fait à elle seule une sorte de flash-back géant. Dès le premier épisode, le ton est donné : le spectateur se retrouve aux côtés des enfants de Ted, et écoute avec eux le (long) récit de leur père. Et cette méthode de narration est loin d'être un détail insignifiant puisqu'elle offre à la série l'opportunité de se lancer très loin dans l'absurde. Pourquoi ? Tout simplement parce que, de la même manière que la mémoire de chacun s'étiole au fil du temps et commet quelques oublis, Ted Mosby s'emmêle parfois les pinceaux dans ses histoires. Aussi peut-il intégrer des éléments dans une intrigue, avant de se rendre compte qu'ils n'ont en fait rien à voir cette histoire, promettant d'y revenir le moment venu, quelques épisodes plus loin, comme avec l'anecdote de la chèvre dans l'appartement. Cette mécanique est également bien pratique pour les scénaristes. Comment justifier, en effet, que Lily et Marshall parviennent à s'échapper d'une soirée ennuyante sans se faire remarquer dans l'épisode La Soirée Dégustation ? Il suffit de dire qu'ils ont sauté de plusieurs étages, et de faire préciser à Ted qu'il a des doutes sur ce passage, bien que ses amis le lui aient présenté comme tel. Et hop, le tour est joué ! Une facilité ou de la paresse scénaristique pour certains, une trouvaille géniale pour d'autres. Quoi qu'il en soit, la série détonne et innove, se permettant d'emmener son public là où il ne l'attend pas.

Cette première saison lance en fanfare les aventures de ces cinq amis, et propose les épisodes parmi les plus drôles de la série entière. De là à dire qu'il s'agit de la meilleure saison de How I Met Your Mother, il n'y a qu'un pas (que chacun sera libre de franchir ou non) ! Elle offre quantité impressionnante de séquences mémorables. Comment ne pas penser à l'épisode Je te Présente Ted, dans lequel ce dernier organise soirée sur soirée tous les jours dans l'espoir que Robin soit enfin présente ? Ou bien les péripéties de Barney et Ted, interpellés par des agents de sécurité de l'aéroport où ils s'étaient rendus pour draguer. La boîte de nuit où le sous-titrage est de rigueur pour que le public comprenne les personnages, la fête d'Halloween à la recherche de la « citrouille salope », l'inquiétant faux Moby ou encore ce mystérieux ananas trônant près du lit de Ted après une soirée trop arrosée dans l'épisode L'Affaire de l'Ananas sont autant de moments culte pouvant se voir et se revoir avec autant de plaisir qu'un bon vieil épisode de F.R.I.E.N.D.S.. 

La première diffusion de l'épisode pilote aux États-Unis, le 19 septembre 2005, rassemble 10,94 millions de téléspectateurs. Un succès qui ne se dément pas d'épisode en épisode. Avec un tel démarrage, rien d'étonnant qu'une deuxième saison soit lancée. D'autant que la première se termine, comme toute bonne série télé, sur un cliffhanger efficace, laissant le public en haleine pendant quelques mois. La série comptera au total neuf saisons : trop selon certains qui lui reprochent d'avoir parfois mis de côté son intrigue principale (la rencontre de Ted avec la mère de ses enfants), et l'évolution du personnage de Barney. Mais ça, c'est une autre histoire...

Cette première saison de How I Met Your Mother doit vraiment être regardée pour ce qu'elle est, et non comme un "F.R.I.E.N.D.S. 2.0". Un lancement très feel-good et déjanté, livrant des épisodes pouvant être considérés comme de véritables pépites ! À voir et à revoir, entre potes c'est encore mieux !